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Barthélemy Faujas de Saint-Fond, parcours d’un homme de science mondain au tournant des Lumières (1741-1819)

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02070558

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02070558

Submitted on 18 Mar 2019

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Barthélemy Faujas de Saint-Fond, parcours d’un homme de science mondain au tournant des Lumières

(1741-1819)

Guillaume Comparato

To cite this version:

Guillaume Comparato. Barthélemy Faujas de Saint-Fond, parcours d’un homme de science mondain au tournant des Lumières (1741-1819). Histoire. Université Grenoble Alpes, 2018. Français. �NNT : 2018GREAH021�. �tel-02070558�

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THÈSE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE LA COMMUNAUTE UNIVERSITE GRENOBLE ALPES

Spécialité : Histoire

Arrêté ministériel : 25 mai 2016

Présentée par

Guillaume COMPARATO

Thèse dirigée par Gilles BERTRAND, Professeur, Université Grenoble-Alpes

préparée au sein du Laboratoire LUHCIE dans l'École Doctorale SHPT

Barthélemy Faujas de Saint- Fond, parcours d’un homme de sciences mondain au tournant des Lumières (1741-1819)

Thèse soutenue publiquement le 7 décembre 2018, devant le jury composé de :

Monsieur Gilles BERTRAND

Professeur, Université Grenoble-Alpes, Directeur de thèse

Monsieur Jean-Luc CHAPPEY

Professeur, Université Panthéon-Sorbonne, Président.

Monsieur Pascal DURIS

Professeur, Université de Bordeaux, Rapporteur.

Madame Isabelle LABOULAIS

Professeur, Université de Strasbourg, Rapporteur.

Monsieur Ezio VACCARI

Professeur, Università degli Studi dell’Industria (Varese, Italie), Membre.

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Guillaume Comparato

Barthélemy Faujas de Saint-Fond, parcours d’un homme de science mondain au

tournant des Lumières (1741-1819)

Thèse de doctorat en histoire sous la direction de Gilles BERTRAND

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BRÉVIATIONS

A.D. Archives Départementales A.N. Archives Nationales B.C. Bibliothèque Centrale B.M. Bibliothèque Municipale

B.N.F. Bibliothèque Nationale de France

I.G.N. Institut national de l'information géographique et forestière I.S.P.R.A. Istituto Superiore per la Protezione e la Ricerca Ambientale M.N.H.N. Muséum National d’Histoire Naturelle

N.A. National Archives (États-Unis) O.S.M. Open Street Map

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EMERCIEMENTS

près ces dix années de recherche en compagnie de Faujas, qui n’était au début qu’un personnage parmi d’autres, j’aimerais tout d’abord remercier monsieur Gilles Bertrand qui a eu la patience d’encadrer et de diriger mes travaux, de la maîtrise jusqu’au doctorat. Il a su me guider, me reprendre, me corriger et aussi m’apprendre à m’arrêter quand je partais trop loin.

J’adresse mes remerciements à monsieur Pierre-Jacques Chiappero, maître de conférence en minéralogie au Muséum national d’histoire naturelle pour avoir eu la gentillesse de me communiquer les photographies du beau manuscrit de voyage en Angleterre que je croyais perdu. Je tiens également à remercier madame Lydie Touret, ancienne conservatrice du cabinet de minéralogie de l’École de Mines de Paris, pour m’avoir transmis la correspondance entre Faujas et Martinus Van Marum, sans laquelle je n’aurais jamais pu reconstituer avec précision le voyage que Faujas entreprit dans les territoires occupés de Belgique, d’Allemagne et de Hollande.

J’ai une pensée tout particulière pour mes correcteurs et surtout le premier d’entre eux, Julien Caranton, qui a eu la (très) grande patience de relire le premier jet de plus la moitié de ce manuscrit (ainsi que d’autres textes) et qui, par nos nombreuses conversations, m’a considérablement aidé pendant ces quatre dernières années. Un très grand merci à Camille Barjou et à Thomas Lerosier pour leurs relectures attentives et leurs commentaires avisés !

Je ne peux évidemment pas oublier tous mes collègues & amis de « l’espace doctorant » qui depuis un peu plus de trois ans supportent ma compagnie, agréable certes, mais tout de même. Mes pensées vous accompagnent pour la suite : monsieur Grégoire Besson mon binôme de thèse, Andreas, Chloé, Emma, Yann, Pascale, Benjamin, Perrine, Renaud, Laura, Maddalena, Marta, Raphaël, Haris, Ismaël, Nicolas, Salomé, Mourad et Olivier.

J’aimerais également remercier mes collègues du personnel de l’UFR ARSH : Agnès Souchon, Juliette Davin, Isabella Tarricone et Anne Lanfranchi, avec qui j’ai eu le plaisir de travailler et d’échanger en toute amitié. À Lourdemarie Luète et Sophie Ribotta, secrétaires de l’ED SHPT pour leur disponibilité et tous leurs conseils, notamment pendant cette période de fin de thèse mouvementée. Merci également à Valérie Chambon et Isabelle Combes du

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service PEB de la BU Droit-Lettres pour avoir toujours fait en sorte de me trouver les livres dont j’avais besoin et de ne pas m’avoir « tiré les oreilles » pour mes retards à répétition.

Un très grand merci à Catherine Brun, gestionnaire du Laboratoire LUHCIE, qui a toujours été disponible et à l’écoute, à tous les moments de ma thèse, et avec qui j’ai eu beaucoup plaisir à travailler. C’est également grâce à Catherine que j’ai aujourd’hui la chance de rebondir professionnellement et de démarrer une nouvelle vie. Pour tout cela, je lui serai toujours reconnaissant.

Mes pensées vont aussi à ma famille, mes parents Marie-Hélène et Charles, ma sœur Véronique, Éric et mes neveux Nicolas et Éva, qui ont réussi courageusement à supporter la bien étrange situation du doctorant financé puis non financé, enseignant, mais bizarrement rémunéré, au chômage, mais travaillant à l’université, etc., etc. Qu’ils se rassurent, maintenant j’ai (presque) un vrai travail. Je ne peux pas non plus oublier ma belle-famille, Nanette, Jack, Jo, Annabelle, Quentin, Lydie, Abi, Kéwin, Criquet, Stéphanie, GG, Robin et tous les autres pour tout leur soutien.

Pour finir, toutes mes pensées, mes remerciements et tout le reste vont à Candice.

C’est elle qui m’a le plus soutenu, jour après jour, pendant les moments les plus difficiles.

Elle a supporté mes changements de situations et d’humeur, mes doutes, ainsi que mon absence mentale souvent très pesante. Elle a également supporté cette vie étrange, partagée avec ce vieux géologue (mort) qui a envahi notre vie pendant de si longues années. C’est grâce à sa présence, à son soutien indéfectible et à sa patience que ce travail a pu aboutir. Sans elle, je ne serais certainement jamais arrivé au bout de ce marathon qu’est la thèse. Ce travail, c’est aussi un peu le sien.

À tous ceux que j’oublie aujourd’hui, je penserai certainement à vous demain…

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OMMAIRE

ABRÉVIATIONS ... 3

REMERCIEMENTS ... 4

SOMMAIRE ... 7

INTRODUCTION ... 9

PREMIÈRE PARTIE LES EXPÉRIENCES LOCALES DU JEUNE NATURALISTE ... 41

PREMIER CHAPITRE PREMIERS PAS,PREMIÈRES IDÉES ... 43

CHAPITRE DEUX À LA DÉCOUVERTE DES VOLCANS DU MASSIF CENTRAL ... 75

CHAPITRE TROIS ENTRE SCIENCE ET AUTOPROMOTION, LES PREMIERS OUVRAGES DU NATURALISTE ... 109

DEUXIÈME PARTIE L’ENTRÉE DANS LE GRAND MONDE ... 167

CHAPITRE QUATRE PARIS, CŒUR DES RÉSEAUX DE FAUJAS ... 169

CHAPITRE CINQ À LASSAUT DE LA CAPITALE DES SCIENCES ... 217

CHAPITRE SIX LE VOYAGE EN GRANDE-BRETAGNE :SOCIABILITÉ SAVANTE ET « ESPIONNAGE INNOCENT » ... 257

TROISIÈME PARTIE DE LA PROFESSIONNALISATION À LA MARCHE VERS LE MUSÉUM ... 299

CHAPITRE SEPT RÊVES EXAUCÉS, ESPÉRANCES BRISÉES ... 301

CHAPITRE HUIT FAUJAS ET LA CRÉATION DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE... 335

CHAPITRE NEUF SUR LE FRONT NORD : UNE MISSION ENTRE SPOLIATIONS ET DIPLOMATIE SAVANTE ... 365

QUATRIÈME PARTIE LES DERNIERS COMBATS DU PROFESSEUR-ADMINISTRATEUR ... 405

CHAPITREDIX FAUJAS FACE AUX MUTATIONS DE LA SCIENCE ET DES INSTITUTIONS SAVANTE ... 407

CHAPITRE ONZE LES VOYAGES EN ITALIE ENTRE MISSIONS IMPÉRIALES ET OBJECTIFS SAVANTS ... 445

CHAPITRE DOUZE LES DERNIÈRES LUEURS DUN SAVANT EN PERTE DE VITESSE ... 489

CONCLUSION ... 535

SOURCES ... 548

SOURCES MANUSCRITES ... 549

SOURCES IMPRIMÉES ... 568

SOURCES IMPRIMÉES DANS DES RECUEILS ... 581

SOURCES WEB ... 586

BIBLIOGRAPHIE ... 591

INDEX ET TABLES ... 613

INDEX DES NOM PROPRES ... 614

TABLE DES ILLUSTRATIONS ... 618

TABLE DES MATIÈRES ... 621

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I NTRODUCTION

endant sa captivité dans une prison de Messine entre 1799 et 1801, le célèbre géologue Déodat de Dolomieu, armé d’un morceau de bois, taillé puis calciné, écrit sa vie et ses états d’âme entre les lignes d’un petit in-octavo intitulé : Recherches sur les volcans éteints du Vivarais et du Velay. Dissimulé dans sa poche, ce traité ne lui a pas été pris par les gardes. Dolomieu fait passer le temps en lisant et relisant cet ouvrage qui le relie à la France. Ce livre, paru dix ans plus tôt, est l’œuvre d’un de ses proches amis et confrères : Barthélemy Faujas de Saint-Fond. Dolomieu, qui a tout loisir de s’adonner à une véritable introspection, en profite pour se souvenir de ses « principaux amis » :

« Faujas — Ses manières et ses formes ont toujours été extrêmement aimables. Si son esprit, sa facilité et son temps eussent été constamment employés à la culture des sciences, il aurait pu figurer parmi les plus célèbres du siècle. Mais toutes les dissipations du monde s’allient mal avec des occupations très sérieuses. D’ailleurs, le plaisir d’obliger et l’espèce de considération attachée à une banalité de services à rendre, lui ont fait trop rechercher la faveur et le crédit des gens en place. C’est lui qui m’a introduit à l’étude des volcans, et il m’a pardonné d’avoir été plus loin que lui1. »

Dolomieu, dont on connaît le caractère aventurier, dresse ici le tableau d’un autre type de savant : le savant mondain. Faujas de Saint-Fond, est un acteur représentatif d’une période au cours de laquelle les hommes de sciences doivent lutter pour acquérir une position au sein des champs savant, mondain et institutionnel. Cette lutte s’exerce autant au niveau de l’acquisition et de la constitution de savoirs savants que de la construction de réseaux mondains solides afin de pallier leurs conditions roturières.

Les Lumières et le tournant du XIXe siècle constituent une période essentielle dans la reconfiguration des sciences et des savoirs. Comme le rappelle Stéphane van Damme dans l’introduction de l’ouvrage Histoire des sciences et des savoirs, le XVIIIe siècle est un moment

1 Notes de captivité, écrites à Messine de 1799 à 1801 par Déodat Dolomieu (1750-1801), les notes sont prises dans les marges et les blancs d’un exemplaire de la Minéralogie des volcans de Faujas de Saint-Fond.

Bibliothèque centrale du M.N.H.N. ms/2120. Alfred LACROIX, Déodat Dolomieu, Membre de l’Institut National (1750-1801). Sa correspondance - sa vie aventureuse - sa captivité - ses œuvres, Académie des Sciences, Paris, Perrin, 1921, vol.II/I, p. 48 et 49.

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de transition1. Les sciences commencent alors à s’extirper de la démarche philosophique et deviennent de plus en plus expérimentales. La controverse entre Boyle et Hobbes sur la question du vide représente un exemple frappant de la lutte qui s’opère entre ces deux conceptions des savoirs dès la fin du XVIIe siècle. En France, c’est l’opposition entre les cartésiens et les newtoniens qui, jusqu’au milieu du XVIIIe, anime les débats, et les combats, à l’Académie des sciences. Cependant, force est de constater que l’expérience devient le moteur de la preuve scientifique. De son côté, la couronne de France finance les expéditions et les grands travaux du Jardin des plantes ainsi que le nouvel Observatoire de Paris. Maupertuis et La Condamine parcourent le monde pour le mesurer, William Herschel observe inlassablement les étoiles depuis son jardin, Joseph Banks accompagne le capitaine Cook pour inventorier la nature et Pieter van Musschenbroek se tue à petit feu en appliquant, sur lui- même, des bouteilles de Leyde chargées d’électricité. La mesure du monde et la mesure du temps deviennent, au siècle des Lumières, un enjeu de savoir primordial. Les savants veulent comprendre le monde dans lequel ils vivent, ils veulent le mesurer, le classer et l’apprivoiser.

Avec l’arrivée de Buffon au Jardin des plantes en 1739, les sciences de la nature, alors appelées histoire naturelle, commencent elles aussi à se séparer. Rapidement, le naturaliste commence à s’entourer de nombreux collaborateurs, comme Bexon ou Daubenton, pour l’aider à ériger le monument littéraire qu’est l’Histoire naturelle. Dans cette marche, les sciences de la terre, prémisses de la géologie, sont elles aussi en pleine évolution. L’âge du monde, calculé à un peu plus de 6000 ans par les théologiens, est un élément central dans le développement des géosciences. En 1748, Benoît de Maillet, dans le Telliamed, ne croit plus à la version chrétienne de la formation des montagnes par le seul Déluge. Buffon remet rapidement en question les dogmes érigés par le Genèse en proposant d’abord en 1749 sa

« théorie de la terre » puis en 1778, dans ses Époques de la nature, une réévaluation bien à la hausse de l’âge terrestre. De plus, avec le développement des études sur le volcanisme, les savants voient de leurs propres yeux que la nature est en perpétuelle évolution.

C’est dans ce contexte que grandit Barthélemy Faujas de Saint-Fond, fils de bourgeois de Montélimar, formé aux lettres et au droit, et vice-sénéchal de sa ville natale. Ce personnage peut être perçu comme un savant moyen qui n’a pas révolutionné sa discipline, la géologie, mais qui est assez bien inséré dans la hiérarchie des savants français du XVIIIe et du début du

XIXe siècle. Le dictionnaire de Michaud dresse un portrait de lui qui complète assez bien celui de Dolomieu :

1 Stéphane VAN DAMME, Paris, capitale philosophique: de la Fronde à la Révolution, Paris, Jacob, coll. « Histoire », 2005, 311 p.

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« Si l’on ne peut classer Faujas parmi ces grands hommes qui ont renouvelé la face des sciences et créé un mouvement, il serait injuste de lui refuser un honorable souvenir. Son nom est inséparable de l’histoire de la géologie et de la paléontologie1. »

Cette citation illustre le regard porté a posteriori sur ce personnage. C’est un acteur important dans l’évolution de l’histoire des sciences de la terre aussi bien sur le plan intellectuel qu’institutionnel. Faujas est un homme qui a participé : il a participé à l’étude du volcanisme, à l’élaboration de taxinomies minéralogiques, à l’émergence de la paléontologie, à la définition de la géologie et il a participé à l’institutionnalisation des sciences de la vie et de la terre à travers la constitution du Muséum national d’histoire naturelle dont il devient le premier professeur de Géologie.

Ce concept de savant moyen n’est pas ici une façon de déprécier le personnage de Faujas ou de faire preuve d’une fausse modestie visant à se protéger de l’hagiographie. Ce statut a ceci d’intéressant que Faujas doit se démener tout au long de sa vie pour réussir à se hisser le plus haut possible dans la hiérarchie. De fait, il voit souvent le monde des savants d’un point de vue éclairé, mais sans dominer, sans contrôler le champ dans lequel il évolue.

Ce statut particulier lui offre alors un poste d’observation assez central dans le monde des sciences de son époque.

De fait, c’est en marchant à ses côtés, sur les chemins de montagne et dans les rues de Paris, de Londres ou d’Amsterdam que nous accompagnerons Barthélemy Faujas de Saint- Fond. Ainsi, par le truchement de sa plume, il nous ouvre une porte sur le fonctionnement du champ savant entre Lumières et Romantisme. Ce personnage nous servira d’ancrage dans l’optique de parcourir la France et l'Europe des Lumières et de comprendre comment les savoirs scientifiques se sont construits, se sont renouvelés et ont été encadrés par le pouvoir politique au cours de cette période très mouvementée qu’est le tournant des Lumières.

La biographie de savant entre histoire et histoire des sciences

En 2006, l’historienne Mary Terrall dans la revue Isis relate son expérience de biographe2 et les circonstances qui ont concouru à la convertir. Au moment d’entreprendre une étude sur Maupertuis, l’auteure a une vision assez péjorative du travail biographique :

I had imagined biographers as unfortunate souls chained indefinitely to their subjects, turning up school notebooks and laundry tickets and other such minutiae, drowning in a sea of details of no interest to anyone but the obsessed researcher1.

1 Louis-Gabriel MICHAUD (dir.), Biographie universelle ancienne et moderne, Tome LXIV, supplément, Paris, Michaud, 1838, p. 13 à 19.

2 Mary TERRALL, « Biography as Cultural History of Science », Isis, 2006, vol. 97, no 2, « The History of Science Society », p. 306 à 313.

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Cependant, au cours de ses recherches, la voie biographique s’impose à elle, car elle constate que l’équation entre science et individus ne peut se résoudre qu’en abordant de front l’histoire de vie. En relisant notamment Thomas Hankins, Mary Terrall se constitue une identité méthodologique correspondant à son travail sur Maupertuis. L’idée de construire la biographie historienne d’un savant permet, selon l’auteure, d’appréhender des potentialités contextuelles beaucoup plus larges qu’il n’y paraissait au début de sa recherche :

Through this character, and his works, I set out to uncover all that was involved in doing science in the Enlightenment and, even more, to investigate how people thought about their own identities as “men of science” or “men of letters” or “philosophers” or “physicists” or

“geometers”. I hoped to finesse the old internal/external problem by looking closely at the place of this one man in his many contexts2.

Ici, nous touchons à un point essentiel de l’étude de vie. À travers un personnage, c’est bien un contexte qui se dévoile. C’est la figure du savant au XVIIIe siècle qui est étudiée en même temps que Maupertuis en tant que personne physique.

Toutefois, depuis les années 1970, la biographie est contrainte à des contorsions méthodologiques pour tenter d’esquiver les innombrables attaques dont elle a été la cible. À la faveur des débats autour de la biographie comme « illusion », « problème » ou « pari » méthodologique3, l’histoire de vie est aujourd’hui mieux considérée par les historiens. La plupart des recherches relevant de l’analyse biographique que nous avons consultées pour préparer ce travail reviennent sur L’illusion biographique de Pierre Bourdieu. Dans cet article, le sociologue déplore l’abondance de biographies des grands personnages historiques et l’aspect téléologique de ces ouvrages. Il pense que l’étude des acteurs ne doit pas passer par un récit à la gloire des personnages étudiés, mais repose plutôt sur l’analyse du déplacement de trajectoires individuelles dans un champ. Ce qui l’intéresse ce sont non pas les individus comme cas particuliers, mais le champ, les positions et les rapports de domination au sein de ceux-ci, ainsi que les échanges entre champs. C’est pourquoi il parle « d’agent » et préfère la statistique au récit de vie.

En 1990, Jean-Claude Passeron, qui partageait auparavant le modèle théorique de Bourdieu, identifie trois manières d’envisager l’individu en sciences sociales4. Tout d’abord, il y a « l’agent » qui est pris dans un champ dont il est un des nombreux éléments. L’analyse

1 Ibid., p. 307.

2 Ibid.

3 Pierre BOURDIEU, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, 1986, vol. 62, no 1, pp. 69‑72 ; Sabrina LORIGA, « La biographie comme problème », in Jacques REVEL (dir.), Jeux d’échelles: la micro-analyse à l’expérience, Paris, Seuil, 1996, p. 210 à 231 ; François DOSSE, Le pari biographique: écrire une vie, Paris, La Découverte, 2005.

4 Jean-Claude PASSERON, « Biographies, flux, itinéraires, trajectoires », Revue française de sociologie, 1990, p. 3 à 22.

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des trajectoires des agents permet de construire un discours sur le champ et non pas sur les agents. Ensuite, il y a « l’acteur » placé au-devant de la scène, qui joue le rôle de personnage principal. L’étude est centrée sur ce protagoniste. Enfin, il y a « l’actant », une notion intermédiaire où un personnage peut être mis en avant, mais où le champ et le contexte dans lesquels il évolue sont tout aussi importants. En 2005, le même auteur, en collaboration avec Jacques Revel, continue d’étudier ces notions en dirigeant Penser par cas1, où les contributeurs explorent l’importance des acteurs comme objets d’analyse. Ainsi Pierre Livet invite-t-il à penser le cas grâce à une catégorisation des raisonnements. Il distingue quatre types d’études de cas : le raisonnement allant du général vers le particulier (ou inversement), l’étude d’un prototype, le raisonnement par révision, normalité ou exception, et le raisonnement par double révision2. Le genre biographique peut être assimilé à plusieurs de ces catégories. Parfois l’objet étudié est comparé au cadre général, intégré au contexte. Parfois c’est l’acteur qui devient central et peut s’avérer être un modèle transposable. L’historien peut donc varier les échelles : quel est le contexte (social, politique, intellectuel, géographique, etc.) dans lequel s’inscrit le cas étudié ? en quoi un cas en est-il représentatif ou non ?

En histoire des sciences, la biographie détient un statut plus privilégié. Cependant, elle souffre de nombreux travers dont celui qui pousse certains auteurs à rechercher l’excellence de leur discipline dans un passé glorieux. En 1979, dans la revue History of Science, Thomas L. Hankins publie un manifeste pour la défense de la biographie de savant3. Son idée de la discipline est très actuelle et très en avance sur le débat français : « the historical biographer tries to see through the personality to obtain a better understanding of contemporary events and ideas4. » Toutefois, Hankins reconnaît que « the old bad history of sience » a toujours recours aux biographies hagiographiques écrites comme autant de vies de saints patrons de telles ou telles disciplines. C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui. Finalement, ce type d’hagiographie disciplinaire tombe dans les travers que Bourdieu déplorait en 1986. La tentation de la biographie « sa vie, son œuvre » est, selon Hankins, une faute méthodologique impardonnable parce qu'elle sépare des éléments complémentaires et parfois intimement liés :

The failure to do this adequately is the greatest weakness of the nineteenth century biography.

By describing life and character in one set of volumes, and scientific works in another set, the

1 Jean Claude PASSERON et Jacques REVEL (dirs.), Penser par cas, Paris, École des hautes études en sciences sociales, coll. « Enquête », n˚ 4, 2005.

2 Pierre LIVET, « Les diverses formes de raisonnement par cas », in Jean Claude PASSERON et Jacques REVEL (dirs.), Penser par cas, op.cit., p. 229 à 254.

3 Thomas L. HANKINS, « In defence of biography : the use of biographie in the history of science », History of Science, 1979, no 17, p. 1 à 17.

4 Ibid., p. 2.

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author of the life-andletters removes any chance of understanding how the science came about.

His reluctance to delve deeply into technical details of his subject is understandable1.

La plus récente biographie de Lacépède est assez représentative de ce problème, car elle nous livre un Lacépède savant, un Lacépède musicien, un Lacépède politique, etc2. Un récit de vie, s’il n’est pas bien pensé, amène à créer des catégories trop arbitraires qui peuvent nuire à la compréhension globale d’un individu dans son époque. Certes, il n’est pas question ici de remettre en cause le bien-fondé de biographies thématiques de savants, à l’instar du Buffon de Jacques Roger qui reste aujourd’hui un modèle du genre3. Mais la biographie linéaire ou chronologique peut s’avérer parfois trop descriptive et apparaître comme un récit d’événements plutôt que comme un objet d’analyse.

L’étude des savants doit sortir de la simple étude disciplinaire et créer, comme le dit Simon Schaffer, un « tissu sans coutures4 ». Les sciences ne sont pas séparées de leur contexte de création, qu’il soit politique ou social. Le savant n’étant pas un ermite coupé du monde, le contexte sociopolitique exercent une influence sur la production du contenu scientifique. La biographie de savant doit tisser les liens entre le savant et son contexte sans créer une séparation entre les deux. Pour Thomas Hankins le genre biographique se rapproche donc de l’étude de cas telle que l’entendent les auteurs de Penser par cas. Il préconise de bien lier tous les aspects de la vie d’un savant dans, dit-il, « a single and coherent picture ». Comme Schaffer, Hankins n’entend pas dissocier contexte et contenu. Le savant représente un champ disciplinaire à un moment précis, dans un contexte précis, dans un réseau précis. L’étude ne doit donc en aucun cas séparer le personnel et le professionnel en ce sens que l’un peut influencer l’autre à tout moment. De la même façon, pour Laurent Rollet, la biographie de savant, si elle est menée avec justesse, doit permettre de comprendre les « pratiques scientifiques » à différentes périodes, mais également de rendre compte de cheminements individuels pour ce qu’ils sont : des vies d’intellectuels dans un contexte donné. En effet, ces savants ont eu une formation, une vie, des relations sociales, économiques, administratives et amoureuses, qui peuvent influencer leurs décisions à un moment de leur parcours intellectuel.

Le parcours savant ne peut être dissocié du parcours personnel ou politique. Si un scientifique ne publie plus pendant une période, quelle en est la raison ? Peut-être s’est-il lancé en politique comme Lacépède, peut-être a-t-il eu un chagrin d’amour, peut-être manque-t-il d’argent ? Ainsi, l’ouvrage de Passeron et Revel ouvre-t-il la voie à de nouvelles recherches

1 Ibid., p. 8.

2 Bernard QUILLIET, Lacépède: savant, musicien, philanthrope et franc-maçon, Paris, Tallandier, coll. « Biographie », 2013.

3 Jacques ROGER, Buffon : un philosophe au Jardin du Roi, Paris, Fayard, 1989.

4 Simon Schaffer cité par Stéphane VAN DAMME, « Laborieuse Nature », La Vie des idées, 27 mai 2014.

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sur les savants1. Laurent Rollet ne compte pas pour autant revenir aux « éloges historiques » de l’Académie. La biographie en histoire des sciences est, pour ce chercheur, un moyen concret de faire l’histoire d’une discipline par le biais de ceux qui ont contribué à la faire vivre. De plus, selon lui, l’histoire des savants ne doit plus être segmentée :

Pourtant, alors que depuis le tournant sociologique de l’histoire des sciences les pratiques des scientifiques ne peuvent plus être envisagées sans penser leurs ancrages sociaux, un questionnement spécifique de l’entreprise biographique en histoire des sciences n’a que très récemment émergé et les biographes de scientifiques continuent souvent de séparer (si ce n’est des arguments de commodité) le scientifique du citoyen, de l’administrateur, du professeur, du personnage privé2

Laurent Rollet invite donc les biographes de savants autant à bien reconstruire le champ qu’à ajouter « des facettes à la reconstruction du personnage scientifique » grâce à la diversification des sources, notamment archivistiques.

Le principal défi du biographe de savants est par là de sortir de la simple analyse des traités de sciences et de comprendre leur élaboration, aussi bien intellectuelle que matérielle.

Le livre, objet de science par excellence, apparaît alors comme un agencement de facteurs multiples. L’expérience, le voyage, les moyens financiers ou le libraire sont des facteurs qui font que les sciences ne sont pas que des vues de l’esprit, mais des objets bien réels, constitués par des individus tout aussi réels et sujets aux affres de la vie. D’Alembert aurait-il été d’Alembert si ses parents biologiques l’avaient élevé ? Cette question, somme toute très téléologique, soulève pourtant le problème de la configuration des parcours individuels dans le processus d’écriture des sciences.

De leur côté, les historiennes Sabrina Loriga3 et Isabelle Laboulais ont fait évoluer la méthode biographique en lui retirant sa réputation ancienne et en transformant la biographie en un véritable objet historiographique. Dans l’introduction de l’ouvrage Lectures et pratiques de l’espace, l’itinéraire de Coquebert de Montbret, savant et grand commis d’État (1755- 1831), Isabelle Laboulais revient longuement sur la méthode biographique et sur la façon dont les historiens abordent, non sans réticence pour certains, l’aspect scientifique d’une biographie historique4. Ce qu’il y a d’essentiel dans ce texte, pour la compréhension des choix opérés ici, est le fait que Coquebert de Montbret, comme Faujas de Saint-Fond, est un savant.

Dans les deux cas, les « trajectoires » étudiées ont pour but de mettre en lumière plusieurs éléments complémentaires. Le premier élément est d’ordre social. Le savant ne construit pas

1 Laurent ROLLET et Philippe NABONNAND (dirs.), Les uns et les autres: biographies et prosopographies en histoire des sciences, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2012.

2 Ibid., p. 17 et 18.

3 Sabrina LORIGA, « La biographie comme problème », op. cit.

4 Isabelle LABOULAIS, Lectures et pratiques de l’espace: l’itinéraire de Coquebert de Montbret, savant et grand commis d’Etat; (1755 - 1831), Paris, Champion, coll. « Les dix-huitièmes siècles », 1999.

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seul le fait scientifique. Il échange et débat, par le biais de plusieurs canaux (lettres, revues, voyages) avec d’autres savants. Ses discussions et controverses participent grandement à la constitution du fait scientifique1. Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, la problématique des liens politiques est particulièrement déterminante. Ces liens peuvent être des leviers sociaux importants pour permettre à un individu d’accéder à une position dominante dans le champ savant. Le deuxième élément relève de l’identité scientifique. La biographie aide l’historien à constater l’évolution d’une pensée à travers le temps. Elle peut être transversale à l’émergence ou à l’évolution d’une discipline. Ainsi, l’individu offre un éclairage sur l’histoire de la science étudiée. Le cas de Faujas n’est pas sans rappeler celui de Coquebert de Montbret. Il évolue dans un domaine émergent puisque la géologie n’est pas encore une science tout à fait construite et demeure une composante philosophique de l’histoire naturelle de la terre. Le troisième élément soulevé par Isabelle Laboulais est quelque peu différent et relève de l’intime. L’auteure évoque, au sujet du genre biographique, la notion « d’empathie2 ». Cette question est très intéressante, car ce sentiment est une composante de la biographie qui tend à mettre en lumière l’évolution psychologique de l’enquête sur une vie.

L’une des problématiques méthodologiques de la biographie tient aux liens presque personnels qui se tissent entre l’enquêteur et l’enquêté. Alors que la biographie purement scientifique ou disciplinaire prend le personnage comme prétexte pour étudier un courant de pensée, le récit de vie a ceci de particulier que l’historien et le sujet deviennent presque contemporains. La biographie thématique permet parfois d’esquiver ce problème d’attachement sentimental, car ce sont les grandes thématiques d’une vie, d’une carrière ou d’une pensée qui y sont théorisées. Cependant, l’approche chronologique, qui permet de comprendre l’évolution, les transformations et les charnières, est bien plus cruelle. C’est en effet une fatalité, à la fin tout le monde meurt… son personnage, ses amis, ses collègues. Au moment d’écrire ses dernières lignes, c’est comme si l’on enterrait un ami, un collègue, un parent dont on a partagé la vie, des années durant. L’historien se retrouve seul, incapable de conclure, ce qui signifierait abandonner une personne bien vivante. Pourtant, la nécessité de se rapprocher le plus possible de son sujet permet, comme le rappelle Isabelle Laboulais, d’éviter les anachronismes. L’objectif est d’acquérir un « regard contemporain » sur l’objet étudié. François Dosse, dans le Pari Biographique, revient lui aussi sur cette question de

1 Bruno LATOUR et Steve WOOLGAR, La vie de laboratoire: la production des faits scientifiques, Paris, La Découverte, coll. « La Découverte/Poche Sciences humaines et sociales », n˚ 18, 2013 (1ère éd. 1979).

2 Isabelle LABOULAIS, Lectures et pratiques de l’espace, op. cit., p. 71.

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l'empathie et du lien très fort entre le biographe et le biographié1. Bien qu’il base plutôt son propos sur des vivants, l’auteur pointe le rapprochement, voire l’adhésion, avec les idées et la philosophie du sujet en citant la déclaration d’amour d’André Parinaud à Gaston Bachelard.

François Dosse convient tout de même que l’adhésion est plus difficile quand il s’agit d’étudier la vie de fascistes2. Pourtant, ces sentiments d’attirance et de répulsion sont, sous la plume de François Dosse comme d’Isabelle Laboulais, un trait caractéristique des biographes.

Mary Terrall insiste enfin sur le fait que, contrairement à certains historiens des sciences, sa biographie n’a pas pour but de juger. Il faut, dans les études de vies d’intellectuels ou de savants, supprimer le pendant justificateur, ou au contraire, contradicteur. Il convient de s’éloigner d’une histoire des sciences jugée. Celle-ci ne doit pas chercher des pionniers, des ruptures ou des révolutions, mais tenter de comprendre, à l’instar de Bruno Latour et de la sociologie des sciences pour le présent3, comment fonctionne le développement des idées dans des périodes anciennes. Cependant, il faut également garder à l'esprit, comme le rappelle Dominique Pestre, que l’historien a aussi besoin des connaissances scientifiques actuelles pour comprendre les controverses du passé. Parfois, ce n’est que par simple curiosité que l’on est amené à essayer de décrypter les objets de savoirs étudiés. Dans le cas d’un naturaliste, le fait d’aller chercher à quoi correspondent tels ou tels pierres, roches ou cristaux dans des dictionnaires anciens et récents, ou de vouloir savoir comment fonctionne une machine, un four ou une méthode d’observation, représente une action de distanciation avec le sujet.

L’histoire d’un acteur qui participe à l’évolution d’une ou de plusieurs sciences nous amène à constater, de fait, des erreurs de raisonnement, des contestations contemporaines et a posteriori. Il ne s’agit donc pas de nier les torts, les erreurs, les approximations (volontaires ou non), les vols et les emprunts, autrement dit de diviniser la figure du savant, de l’intellectuel et de l’individu, en lissant les travers de sa personnalité. L'important, en histoire des sciences, est de comprendre et d'expliquer comment, à une certaine époque, une théorie devient dominante et le cas échéant pourquoi elle est remise en question.

Thomas Hankins donne un dernier conseil qui est cette fois d’ordre stylistique. En tant qu’exercice particulier, une biographie doit être bien écrite :

1 François DOSSE, Le pari biographique, op. cit.

2. Au début de sa biographie de Lucien Rebatet, Robert Belot se sent obligé de stipuler qu’il n’adhère pas aux idées de son sujet.

3 Bruno LATOUR et Steve WOOLGAR, La vie de laboratoire, op. cit. ; Bruno LATOUR, La science en action: introduction à la sociologie des sciences, Paris, Découverte / Poche, coll. « Sciences humaines et sociales », n˚ 202, 2010 ; Christian TOPALOV, Histoires d’enquêtes : Londres, Paris, Chicago : (1880-1930), Paris, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque des sciences sociales », n˚ 5, 2015.

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A third requirement of scientific biography is that it be readable. Writing biography is unquestionably a literary art. It requires constant focus on the character, bringing in just enough of the lives of others to illustrate and enliven the life of the central subject1.

Le lecteur doit comprendre comment le savant se forme, comment ses idées se construisent.

Cela ne va pas de soi ; une théorie est une construction intellectuelle qui se forge et évolue parfois pendant toute une vie. Pour Hankins, la biographie est donc un compromis entre la discipline et sa construction historique, le contexte et le sujet étudié.

Finalement, et malgré la pluralité des approches biographiques, nous avons opté pour une approche chronologique. Pendant la construction du corpus des sources, présentées à la fin de ce volume, il nous est apparu que la vie de Faujas est constituée de plusieurs grandes étapes qui jalonnent son parcours scientifique et professionnel. Dans la lignée de l’ouvrage d’Isabelle Laboulais sur Coquebert de Montbret, nous ne voulions pas perdre de vue la façon dont Faujas réussit à gravir, un par un, les échelons du monde des savants du XVIIIe siècle et à passer du statut d’amateur provincial à celui de professeur-administrateur d’une grande institution européenne. Tout cela, en survivant aux changements politiques sans perdre tous ses privilèges, et aussi, sans perdre la tête.

Ce travail biographique sur le personnage de Barthélemy Faujas de Saint-Fond tente ainsi de faire ressortir, au fil du temps, des voyages et des rencontres, l’évolution d’une pensée en même temps que l’évolution celle d’une carrière.

Histoire des sciences ou histoire sociale des sciences ?

En France, l’histoire de la géologie est aujourd’hui un champ disciplinaire étudié par de nombreux historiens/géologues réunis autour d’un comité de scientifiques, d’historiens et de passionnés. Nous n’entendons pas par là que l’histoire des sciences en général était le pré carré de chercheurs (en sciences dures) reconvertis. Cependant dans le cas des sciences de la Terre, l’émergence d’historiens de la géologie n’ayant aucune formation de géoscience est assez rare.

Faujas à l’extrême fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle apparaît encore comme un représentant de l’encyclopédisme associant sinon diverses sciences naturelles (il n’était pas vraiment botaniste, par exemple) du moins une vision non spécialisée des savoirs, volontiers mondaine et toujours liée aux belles lettres. Or, au même moment, se dessine (avec par exemple Cuvier) une forte spécialisation des différentes branches du savoir. On peut penser

1 Thomas L. HANKINS, « In defence of biography : the use of biographie in the history of science », op. cit., p. 9.

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que c’est ce phénomène qui a, dans la longue durée, amené les géologues à revendiquer leur

« territoire » comme autonome.

Il reste que pour traiter de Faujas, il est extrêmement précieux de recourir aux approches décloisonnées qui ont été proposées plus récemment, certes sans perdre de vue l’apport des historiens-épistémologues qui ont revendiqué une spécialisation dans le domaine de la géologie.

Une réaction disciplinaire en faveur de la géologie ?

L’Histoire générale des sciences de René Taton accorde quelques pages aux sciences de la terre en retraçant, dans la partie sur le XVIIIe siècle, l’évolution des théories non diluviennes de Buffon, Dolomieu ou Soulavie1. Cependant, l’ouvrage réserve peu de place aux pratiques savantes et la géologie s’y apparente à une philosophie du globe (ce qu’elle est en partie) sans base expérimentale, ce qui est pourtant impensable aux yeux des savants du

XVIIIe siècle. Plus récemment, on remarque une quasi-disparition de la géologie dans les manuels d’histoire des sciences. La géologie est traitée généralement comme une composante de l’histoire naturelle, ce qu’elle est, mais elle n’est généralement pas considérée comme une discipline à part entière, telle que peuvent l’être la physique ou l’astronomie2.

Ainsi, le relatif repli disciplinaire des géologues/historiens de la géologie peut s’expliquer par un apparent désintérêt pour l’histoire de leurs ancêtres. En 1976, François Ellenberger avec entre autre le concours de Gabriel Gohau et de Jean Gaudan, crée le COmité FRançais d’HIstoire de la GÉOlogie (COFRHIGÉO). Cette association de géologues passionnés se donne alors deux objectifs :

Le Comité français d’Histoire de la Géologie (COFRHIGÉO) a pour but essentiel de contribuer au développement des recherches consacrées à l’histoire de la Géologie de langue française.

Son second objectif est de promouvoir une réflexion méthodologique sur les moyens et les finalités de la recherche géologique en analysant aussi bien les controverses du passé que les débats récents. Il est en effet tout aussi important de comprendre les raisons profondes des erreurs et des aveuglements de nos prédécesseurs que d’écrire l’histoire des progrès et des découvertes3.

1 René TATON (dir.), « Les sciences de la terre », in René TATON (dir.), Histoire générale des sciences Tome II: La science Moderne, Paris, PUF, 1969, p. 658 à 678.

2 Michel BLAY et Robert HALLEUX (dirs.), La science classique: XVIe - XVIIIe siècle; dictionnaire critique, Paris, Flammarion, 1998. Robert HALLEUX, « Histoire Naturelle », in Michel BLAY et Robert HALLEUX (dirs.), La science classique: XVIe - XVIIIe siècle; dictionnaire critique, Paris, Flammarion, 1998, p. 712 à 733.

Simone MAZAURIC, Histoire des sciences à l’époque moderne, Paris, Colin, coll. « Collection U Histoire », 2009.

3 Encadré de la lettre du COFRHIGÉO (ici avril 2016) http://www.annales.org/archives/cofrhigeo/lettre- cofrhigeo-1.pdf

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Cet énoncé des objectifs du collectif parle ici des moyens et des finalités de la recherche, c’est-à-dire de la façon de construire les savoirs et de la manière dont ces savoirs sont débattus par la communauté scientifique. En tant que géologues (pour la plupart), les membres du COFRHIGÉO se donnent aussi pour but de comprendre les « erreurs et aveuglements » de leurs « prédécesseurs ». C’est bien une histoire jugée qui se profile alors dans l’énoncé de ces objectifs. Pourquoi nos ancêtres se sont-ils trompés ? Qui a eu tort, qui a eu raison ? Qui sont les précurseurs, les pionniers ? Cette histoire jugée semble ici plutôt bienveillante dans le sens où c’est l’évolution de la discipline qui compte le plus. Un élément est toutefois absent de ces objectifs, à savoir l’impact de la géologie sur le public. Deux auteurs ont publié des ouvrages devenus des références en histoire de la géologie. Ces livres traduisent une persistance de l’histoire des idées scientifiques et de leur évolution au fil du temps. Le premier auteur est François Ellenberger avec son Histoire de la géologie1. L’ouvrage, qui se compose de deux tomes publiés entre 1988 et 1994, a été pensé comme une grande revue de littérature chronothématique intégrant autant des repères culturels que des notices biographiques sur certains « grands précurseurs ». Très dense, il permet de se repérer dans les publications des « géologues »2 et de voir défiler l’évolution des idées. Le second auteur, Gabriel Gohau, est aussi l’un des membres fondateurs du COFRHIGÉO. Parmi ses deux ouvrages d’importance sur l’histoire de la géologie, le premier, publié en 1987 et intitulé Histoire de la Géologie3, est un manuel relatant de façon plus concise et pédagogique l’évolution des idées en sciences de la Terre de Strabon jusqu’au XXe siècle. En 1990, Gohau en publie un second qui devient le grand ouvrage de référence de cette discipline : Les sciences de la Terre aux XVIIe et XVIIIe siècles, naissance de la géologie4. Ce livre permet de comprendre l’évolution de la perception du minéral, mais également du fonctionnement, de l’âge et de la construction de la Terre depuis Vinci et ses questionnements sur les fossiles, jusqu’à Elie de Beaumont et la compréhension de la tectonique. Ayant réduit la temporalité de sa recherche, Gabriel Gohau prend le temps d’analyser les théories, les débats et les courants de pensée géologiques. Il s’intéresse plus marginalement aux pratiques de la science à travers ses réflexions sur ce qui fait preuve : le voyage, le laboratoire, etc. Cependant, cet ouvrage,

1 François ELLENBERGER, Histoire de la géologie: Des anciens à la première moitié du XVIIe siècle, Paris, Technique et Documentation - Lavoisier, coll. « Petite collection d’histoire des sciences », 1988, vol. I ; François ELLENBERGER, Histoire de la géologie: La grande éclosion et ses prémices, 1660 - 1810, Paris, Technique et Documentation - Lavoisier, coll. « Petite collection d’histoire des sciences », 1994, vol. II.

2 Nous utilisons ici « géologues » comme terme générique pour désigner les savants, amateurs et intellectuels ayant joué un rôle dans la construction de la géologie.

3 Gabriel GOHAU, Histoire de la géologie, Paris, Éd. La Découverte, coll. « Histoire des sciences », 1987.

4 Gabriel GOHAU, Les sciences de la terre aux XVIIe et XVIIIe siècles: naissance de la géologie, Paris, Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », 1990.

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essentiellement basé sur des traités de sciences imprimés, est davantage une histoire des idées que des pratiques savantes. La remarque n’enlève rien au fait que cette étude reste encore l’une des plus intéressantes dont nous disposons en ce qui concerne l’évolution des idées en géologie.

Un tel courant historiographique, pourtant très utile sur le plan des idées, ne semble toutefois pas encore correspondre à toutes les exigences d’une histoire des sciences qui tient à la compréhension de la connexion entre le fait scientifique et son impact sur la société. En quelque sorte, il ne répond pas à la méthodologie de l’histoire des sciences que Christian Topalov reprend à son compte dans l’introduction de son Histoire d’enquêtes1. Sociologue de formation, Christian Topalov s’intéresse dans ce livre à trois enquêtes de sociologie urbaine menées entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle : celle de Charles Booth à Londres, celle de Maurice Halbwachs à Paris, et celle de l’École de Chicago. Pour ne pas tomber dans le piège d’une description hagiographique des auteurs de ces enquêtes, Topalov adopte une méthode « historienne » reposant sur cinq éléments.

Il faut, selon lui, tenter de sortir de l’effet de « tunnel », c’est-à-dire d’une longue marche rectiligne et borgne des anciennes aux nouvelles idées. Le passé étant « un enjeu du présent » pour toutes les disciplines (chez lui la sociologie), un des premiers défis est d’éviter une histoire du progrès. Le deuxième élément consiste à considérer, comme a pu le faire Roger Chartier, l’ouvrage comme un objet matériel, ce qui amène à contextualiser le livre de science. Le troisième élément est le recours aux documents d’archives qui permet d’identifier les « conversations » entre les savants. C’est le contexte social des sciences. Les conversations permettent également de traquer les informations échangées entre des correspondants et de comprendre comment ces informations circulent dans la sphère privée. Le quatrième élément consiste à replacer la science dans son contexte spatial et temporel. Un savoir n’est pas, selon Topalov, universel ; il répond aussi au moment et à l’endroit où il est produit. Cinquième et dernier élément, il convient de ne pas mettre de côté les pratiques des acteurs. Afin de découvrir comment les savants travaillent, produisent et érigent leurs théories et leurs ouvrages. En d’autres termes, l’histoire des sciences et des savoirs doit être une recherche de l’élaboration des normes scientifiques créées par des acteurs, dans un temps et un espace donné, et contraint par des facteurs sociaux, intellectuels, financiers, institutionnels et politiques. Le savoir, comme l’histoire, ne va pas de soi.

1 Christian TOPALOV, Histoires d’enquêtes, op. cit., p. 11 à 47.

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La mise en place d’une tradition est un phénomène important de l’histoire d’une discipline. Ainsi, le repli disciplinaire de l’histoire de la géologie, science qui n’apparaît en tant que telle qu’à la toute fin du siècle des Lumières, est-t-il réellement dû à un oubli, ou à un déclassement de cette discipline, ou plus simplement à un décloisonnement des sciences vers une histoire globale des savoirs et des techniques en société à l’époque moderne.

Le décloisonnement disciplinaire de l’histoire des sciences

Depuis environ 25 ans, l’histoire des sciences et techniques, ou plutôt l’histoire des savoirs, connaît une production très importante. La question d’histoire moderne aux concours de l’enseignement secondaire a propulsé cet objet sur le devant de la scène. Il est vrai que depuis les travaux de René Taton1, de Maurice Daumas2 ou de Bertrand Gille3, peu de grandes synthèses généralistes traitant de l’histoire des sciences et des techniques avaient vu le jour.

Toutefois, quand on relit ces grandes synthèses d’après-guerre, deux éléments ressortent.

D’une part, la recherche d’un progrès scientifique et technologique, des anciens jusqu’à aujourd’hui, semble révéler une marche inexorable des Grecs jusqu’à Neil Armstrong.

D’autre part, ces synthèses sont calquées sur le découpage disciplinaire contemporain.

L’histoire générale des sciences de René Taton en est l’exemple le plus frappant. Son autre ouvrage célèbre et pourtant plus thématique : Enseignement et diffusion des sciences au XVIIIe

siècle, suit exactement le même schéma.

Aujourd’hui, comme l’écrivent Liliane Hilaire-Pérez, Fabien Simon et Marie Thébaud-Sorger dans l’introduction de L’Europe des sciences et techniques4, le dynamisme des études sur les savoirs, couplé avec un fort rapprochement entre sciences et techniques, a permis un renouvellement historiographique. En plus de favoriser les publications dans ce domaine, un véritable « cultural turn5 » a alors opéré un détachement l’histoire des sciences d’une histoire des disciplines qui a longtemps prévalu. Dominique Pestre l’avait déjà perçu dès les années 1990. Très influencé par les travaux des sociologues des sciences, il publiait en 1995, dans les Annales, un véritable plaidoyer pour une nouvelle histoire des sciences : « Pour une histoire sociale et culturelle des sciences. Nouvelles définitions, nouveaux objets, nouvelles pratiques », article reformalisé et augmenté en 2006 dans un petit ouvrage intitulé

1 René TATON (dir.), Histoire générale des sciences, Paris, PUF, 1957-1964.

2 Maurice DAUMAS, Histoire générale des techniques, Paris, PUF, 1962.

3 Bertrand GILLE, Histoire des techniques, Paris, Gallimard, 1978.

4 Liliane HILAIRE-PÉREZ, Fabien Dimitri SIMON et Marie THÉBAUD-SORGER, L’Europe des sciences et des techniques, XVe-XVIIIe siècle: un dialogue des savoirs, Rennes, Presses Univ. de Rennes, 2016.

5 Ibid., p. 9 à 13.

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Introduction aux sciences studies. Ces deux textes, qui ont été très importants dans la redéfinition de l’histoire des sciences, ainsi que pour la compréhension de cette histoire au cours de l’élaboration de ce travail, reprennent notamment les problématiques du développement d’une histoire des sciences ancrée dans le réel.

En Grande-Bretagne, l’histoire des sciences se renouvelle assez tôt, notamment sous l’impulsion des travaux de Simon Schaffer. Son dernier ouvrage publié en français, La fabrique des sciences modernes, reprend ses travaux menés depuis les années 1980. Centrés sur les sociétés d’Ancien Régime, ses écrits nous invitent à penser les sciences en les axant, non plus sur une frénétique marche intellectuelle, mais sur la globalité du travail scientifique.

C’est de façon culturelle et sociale que l’histoire des sciences peut véritablement comprendre les pratiques et les stratégies savantes, dans l’optique de sortir du « progrès », de la segmentation et surtout des « révolutions ». Cependant, ce tournant culturel historique n’est pas une génération spontanée. Schaffer est notamment épaulé par une génération d’historiens et de sociologues des sciences tels Bruno Latour ou Steven Shapin qui veulent observer et comprendre « la science en action1 ». Ainsi, dans sa préface, Schaffer formule finalement les questions que l’historien des sciences doit constamment se poser :

Voici donc quelques questions que l’on pourrait se poser à l’égard des sciences, telles qu’elles figurent dans cet ouvrage. S’il s’agit de mettre l’accent sur la nature et les sites d’activités scientifiques, quelle différence existe-t-il − si tant est qu’il y en ait une − entre science et technologie, entre savoir et pratique ? Si les sciences sont à ce point ancrées dans le local, comment ce qui fonctionne à tel endroit fonctionne-t-il à tel autre et, en principe, partout ? Est- ce que ce mode de raisonnement ne contribue pas à renforcer le clivage entre le travail brut − décrire la manière dont le savoir s’accumule et la tâche, tout aussi importante, qui consiste à évaluer et à examiner la façon dont le savoir se construit, et ce à quoi il sert2 ?

Le décloisonnement des disciplines amène à considérer que l’histoire de la géologie est avant tout, dans le cadre des études sur le tournant des Lumières, une histoire des naturalistes. Les historiens s’intéressent aujourd’hui aux sciences de la terre et à ceux qui la font dans le cadre de cette grande discipline, multiforme et œcuménique, qu’est l’histoire naturelle. Les enjeux des naturalistes s’étendent sur de nombreux thèmes. L’histoire des pratiques savantes, l’histoire du voyage, des techniques minières, du génie civil, des institutions, des rapports entre les intellectuels et les pouvoirs étatiques, la conquête de l’espace public, la maîtrise des réseaux, de la réputation, sont autant de composantes mobilisables lorsqu’on a pour objectif de considérer tous les aspects de la vie et de la carrière d’un savant naturaliste.

1 Steven SHAPIN et Simon SCHAFFER, Leviathan et la pompe à air: Hobbes et Boyle entre science et politique, Paris, Ed. La Découverte, 1993 ; Bruno LATOUR, La science en action, op. cit.

2 Simon SCHAFFER, La fabrique des sciences modernes, Paris, Seuil, coll. « Science ouverte », 2014, p. 9.

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