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Un terme d´ej`a souvent utilis´e dans les chapitres pr´ec´edents et qui d´ecrit un concept central pour les difficult´es au niveau des comp´etences sociales, est le rejet social. Comme vu dans les recherches mentionn´ees plus haut, les enfants qui ont des difficult´es `a interagir et `a communiquer efficacement avec leurs pairs ne sont souvent pas aim´es par ces derniers. En cons´equence, le statut social de l’enfant est parfois pris comme indicateur des comp´etences sociales, comme ´evoqu´e dans la quatri`eme conceptualisation des comp´etences sociales (cf. chapitre 1.1).

Dans le d´eveloppement du statut social de l’enfant, Coie (1990) distingue entre une phase d’´emergence du rejet par les pairs et une phase de maintien de ce statut social. Dans laphase d’´emergence, souvent d´ej`a `a l’ˆage pr´escolaire, diff´erentes carac-t´eristiques de l’enfant et de ses pairs am`enent `a une impopularit´e de l’enfant dans le groupe, par exemple dans un centre de vie enfantine. Les caract´eristiques de l’en-fant sont avant tout des comportements agressifs et perturbants mais aussi un repli excessif sur lui-mˆeme. De plus, l’apparence physique peu attirante peut avoir une influence n´egative sur la popularit´e de l’enfant. Les comportements des camarades jouent un rˆole important dans l’´emergence et le maintien du rejet social. Selon des recherches, les camarades ont des attentes diff´erentes et interpr`etent les comporte-ments diff´eremment selon le statut social de l’enfant. Les enfants rejet´es font l’objet aussi de plus d’intentions et de r´eactions hostiles que les enfants populaires (Coie, 1990). Dans laphase du maintien, la dynamique de vie dans le groupe change remar-quablement pour l’enfant rejet´e. Les pairs traitent l’enfant diff´eremment et l’enfant change son comportement, ses sentiments, ses attentes et ses pens´ees envers les pairs ainsi qu’envers lui-mˆeme. Le fait d’ˆetre rejet´e socialement par les camarades devient une partie de son identit´e sociale et a des cons´equences sur les comportements qu’on attend de lui. Souvent, les enfants deviennent les cibles des comportements aversifs des pairs et leur estime de soi diminue (Coie, 1990).

Les comportements de l’enfant jouent un rˆole important dans la phase d’´ emer-gence du rejet social par les pairs. Des recherches (par exemple de Dodge, 1983, cit´e par Ladd et al., 2006) ont d´emontr´e que des gar¸cons impopulaires ont eu des comportements inappropri´es, d´erangeants et des verbalisations hostiles. Ils ´etaient impliqu´es dans plus d’interactions hostiles et agressives avec les camarades. Aussi les comp´etences dans des domaines d´eveloppementaux li´es aux comp´etences sociales, comme par exemple les comp´etences communicatives, ont une influence sur le statut social de l’enfant. Une ´etude de Hazen et Black (1989), dans laquelle les chercheurs ont ´etudi´e les capacit´es de discours et le statut social de 48 enfants dans des lieux d’accueil pr´escolaires aux Etats-Unis, a d´emontr´e que le statut social des enfants, mesur´e avec les nominations d’ˆetre plus ou moins appr´eci´e des pairs, ´etait en fort

lien avec les capacit´es de discours. Les enfants rejet´es par les pairs ´etaient moins capables d’initier et de maintenir des discours coh´erents en dirigeant clairement les initiations. De plus, ils donnaient moins de r´eponses appropri´ees aux initiations des pairs et/ou refusaient des initiations de ceux-ci sans donner d’explications ni d’id´ees alternatives. Ils ´etaient ´egalement moins capables d’adapter leur style et leurs stra-t´egies de communication aux contextes d’interactions diff´erents.

Le d´eveloppement du rejet social montre que les comp´etences sociales (dont le statut social est l’un des indicateurs) et les difficult´es comportementales sont forte-ment li´ees. Souvent, les enfants qui ont des probl`emes comportementaux externalis´es, donc au niveau de l’attention, de l’activit´e, de la r´egulation des sentiments, des com-portements et qui agissent souvent de mani`ere agressive et perturbante, d´emontrent aussi des difficult´es dans des interactions avec leurs camarades. Ils sont souvent im-pliqu´es dans des interactions n´egatives en r´epondant ou en initiant des ´echanges avec des comportements agressifs (physiquement et verbalement) et peu efficaces.

Leur jeu est caract´eris´e par un niveau moins ´elev´e. Il est souvent moins d´evelopp´e, mais plutˆot solitaire et fonctionnel, que celui des camarades (Campbell, 1995). La forte stabilit´e des difficult´es comportementales est influenc´ee par les interactions avec l’environnement social. Dans une recherche, Fagot (1984) a ´etudi´e le lien entre la stabilit´e des probl`emes comportementaux et les r´eactions des pairs et des ´educateurs aux comportements probl´ematiques des enfants. Pour cela, le chercheur a observ´e 168 gar¸cons et 142 filles ˆag´es de 18 `a 27 mois, entrant dans des lieux d’accueil de la petite enfance aux Etats-Unis. Il a montr´e que les r´eactions de l’entourage corr`elent fortement avec le maintien des probl`emes comportementaux et sociaux. Les com-portements agressifs des gar¸cons ont re¸cu la plupart du temps une attention forte des camarades et des ´educateurs. Ils n’ont pas diminu´e durant deux ans, tandis que les comportements agressifs des filles ´etaient pour la plupart du temps ignor´es par l’entourage et ont diminu´e avec le temps.

Un autre facteur influen¸cant fortement le d´eveloppement, la stabilit´e et la tra-jectoire des probl`emes comportementaux, est la stabilit´e du statut social de l’enfant (Dumas, 2007). De nombreuses recherches ont d´emontr´e le lien entre des difficult´es comportementales (comportements perturbants, agressifs et mal adapt´es) et le rejet social par les pairs, pour des jeunes enfants dans des programmes pr´escolaires. En suivant soixante gar¸cons de familles d´efavoris´ees d`es leur entr´ee dans un programme pr´escolaire jusqu’`a la fin de l’ann´ee aux Etats-Unis, Olson (1992) a d´emontr´e que les sujets qui ´etaient socialement rejet´es et agressifs en d´ebut d’ann´ee, l’´etaient aussi `a la fin de l’ann´ee. Ils ´etaient toute l’ann´ee r´eguli`erement impliqu´es dans des interactions sociales n´egatives avec leurs camarades.

Dans la phase du maintien du statut social, d´ecrite plus haut, il y a des dy-namiques et processus dans la relation et les interactions entre l’enfant rejet´e et

Cadre th´eorique

ses pairs, qui am`enent `a une stabilit´e de ce statut n´egatif. Cela am`ene ´egalement

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a une stabilit´e des comportements probl´ematiques. La recherche d’Olson (1992) a d´emontr´e des patterns transactionnels entre le rejet par les camarades et les com-portements mal adapt´es de l’enfant rejet´e. En d´ebut d’ann´ee, les enfants cibles ont initi´e davantage d’interactions agressives et nocives. Cependant, les camarades ne r´eagissaient pas encore avec des r´eponses n´egatives. Au fil du temps, les camarades ont commenc´e `a rejeter, attaquer et victimiser l’enfant cible et les comportements agressifs r´eactifs de ce dernier ont ainsi augment´e. Ses probl`emes dans les interac-tions sociales et le rejet social par les camarades se sont donc stabilis´es pendant l’ann´ee. Olson (1992) a remarqu´e, que ce sont non seulement les enfants cibles qui contribuent au d´eveloppement et au maintien des probl`emes, mais aussi leurs pairs.

Par ailleurs, les patterns n´egatifs d’interactions qui se d´eveloppent, diminuent les opportunit´es d’apprentissage d’interactions positives et les comp´etences sociales des enfants `a risque. Les pairs jouent alors un rˆole important dans le d´eveloppement des probl`emes comportementaux et sociaux de ces derniers.

Le rejet social par les pairs a souvent des cons´equences n´efastes (Coie, 1990).

Comme d´ej`a ´evoqu´e plus haut, l’enfant rejet´e, attaquant dans un premier temps, devient de plus en plus la victime des agressions des camarades et le rejet devient un facteur de stress pour l’enfant. Il est progressivement exclu des activit´es du groupe et souvent le rejet pousse l’enfant `a s’affilier avec d’autres enfants, eux aussi rejet´es et ayant de faibles comp´etences sociales. Cela influence n´egativement l’apprentissage des comp´etences sociales (Van Lieret al., 2007). L’enfant re¸coit un rˆole plutˆot d´eviant et la stigmatisation fr´equente augmente le risque de sur´el´evation des comportements d´eviants (Coie, 1990). Le rejet social par les camarades diminue aussi le soutien par l’environnement social pour faire face `a des situations difficiles ainsi que pour d´evelopper des strat´egies de coping et d’estime de soi positive (Coie, 1990). Les jeunes enfants rejet´es ou n´eglig´es par les pairs ont un risque de l’ˆetre aussi dans l’adolescence. La faible estime de soi augmente le risque de d´evelopper des troubles psychopathologiques (Coie, 1990). De nombreuses recherches ont d´emontr´e un fort lien entre des difficult´es au niveau comportemental et social et des difficult´es au niveau de l’adaptation `a l’ˆage adulte. Ces difficult´es peuvent provoquer, par exemple, des manques au niveau des comp´etences sociales plus avanc´ees, l’abandon de l’´ecole, des probl`emes psychiques et certaines formes de criminalit´e (Odomet al., 1992 ; Coie et al., 1990).