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conne des difficult´es `a ce niveau sont essentiels pour planifier une intervention bien cibl´ee sur les sp´ecificit´es individuelles du probl`eme (Brown et al., 2002). Les infor-mations sur le d´eveloppement et les diff´erents aspects des comp´etences sociales de l’enfant, par exemple dans quelles situations et pourquoi il exp´erimente des difficul-t´es, doivent guider le programme d’intervention. Celui-ci peut ensuite ˆetre mis en place par les ´educateurs7 dans le contexte des programmes pr´escolaires (Guralnick, 2003). Pour mesurer et analyser les comp´etences sociales de l’enfant, diff´erentes m´ e-thodes peuvent ˆetre utilis´ees. Une m´ethode souvent utilis´ee par des chercheurs est l’observation directe des interactions entre l’enfant cible et ses camarades dans des si-tuations naturelles (par exemple dans un jeu libre en cr`eche) ou dans des situations quasi-exp´erimentales (par exemple des jeux de rˆoles ou des situations standardi-s´ees) (Gresham, 1986). Une autre m´ethode est de laisser l’entourage de l’enfant, par exemple les camarades ou les ´educateurs, juger des comp´etences ou de la popularit´e de l’enfant (Gresham, 1986). Une troisi`eme proc´edure combine plusieurs m´ethodes et des sources d’informations multiples (Brown et al., 2002). Ces trois modes de mesure des comp´etences sociales sont trait´es plus en d´etails, agr´ement´es d’exemples, dans ce chapitre.

3.1 L’observation directe et grilles d’observation

3.1.1 Diff´erents mesures d’observation des comportements et des inter-actions sociales

Afin de d´epister la nature des difficult´es des enfants au niveau des comp´etences sociales et de s´electionner des buts d’interventions individualis´ees, la m´ethode d’ob-server en d´etails les interactions de l’enfant avec ses camarades est l’une des plus

« face-valides» (La Greca & Stark, 1986). Afin de syst´ematiser la proc´edure d’ob-servation et d’organiser les informations retenues, les chercheurs utilisent des grilles d’observation, qui consistent en des syst`emes cat´egoriels qui op´erationnalisent les comportements ou aspects importants des comp´etences sociales (Brownet al., 2002 ; Boehm & Weinberg, 1997). Ces syst`emes cat´egoriels et les proc´edures d’observation varient fortement selon les diff´erentes d´efinitions et conceptualisations des comp´ e-tences sociales d´ecrites au premier chapitre.

Selon la premi`ere conceptualisation, les chercheurs mesurent les comp´etences so-ciales en observant diff´erents comportements de l’enfant cible, qui sont d´efinis dans un syst`eme cat´egoriel. Ces cat´egories d’interaction peuvent ˆetre plutˆot globales, en

7. Sous le terme«´educateur»les«´educatrices»sont inclues dans ce travail.

mesurant par exemple la fr´equence d’interactions, d’initiation et de r´eponses. N´ ean-moins, ils ne donnent pas d’information sur la qualit´e et la nature des comportements ou sur les r´eponses des pairs (Brownet al., 1996). En cons´equence, ces informations ne sont pas tr`es utiles pour analyser les difficult´es de l’enfant et pour planifier des interactions individualis´ees. Il faut alors aussi prendre en compte laqualit´e des com-portements (La Greca & Stark, 1986). De larges cat´egories positives et n´egatives de comportements sociaux sont pr´esent´ees au premier chapitre. Un exemple de syst`eme de cat´egorisation mesurant les divers comportements consid´er´es comme pertinents, sont les « Individual Peer Interaction Behavior Codes » de la recherche d’Olson (1992), pr´esent´ee en d´etail au chapitre 2.2. Pour coder les comportements d’un en-fant cible dans une situation de jeu avec quatre camarades, l’auteur a d´evelopp´e un syst`eme cat´egoriel de 20 cat´egories qui englobent les comportements sociaux n´egatifs et positifs avec les sept cat´egories sup´erieures suivantes : conversation sociale, jeu coop´eratif, comportements verbaux en cas de conflit, comportements assertifs, com-portements d’affection et d’aide, agression verbale et agression/coercition physique.

Pour pouvoir comparer les comp´etences sociales d’un enfant cible avec la norme il a construit un tableau indiquant la moyenne et les ´ecart-types dans le groupe de pairs pour chaque comportement mesur´e.

Selon la deuxi`eme approche de conceptualisation (pr´esent´e au chapitre 1.1), qui souligne l’aspect fonctionnel des comportements sociaux de l’enfant, les cat´egories des instruments d’observation incluent non seulement lescomportements observables de l’enfant, mais ´egalement les buts de l’initiation de l’enfant et le succ`es de l’at-teindre. Les buts et le succ`es que l’enfant poursuit avec ses comportements doivent ˆetre d´eduits par l’observateur `a l’aide du contexte social observable (Brown et al., 1996). L’instrument de « cat´egorisation des tentatives de r´esolution de probl`emes sociaux» de Krasnor (1983) inclut trois grandes cat´egories et plusieurs codes pour chaque cat´egorie : 1. les strat´egies (exemple des codes : directives, suggestions, claims, etc.), 2. les buts (exemple des codes : object-acquisition, stop-action, attention, etc.), et 3. le r´esultat (codes : success, partial success, failure) (Krasnor, 1983).

Selon la troisi`eme conceptualisation, l’observation des interactions sociales doit inclure le contexte situationnel, les tˆaches dans lesquelles les enfants interagissent.

Dans le « Hierarchical model for understanding children’s peer-related social com-petence », Guralnick (1992) distingue deux niveaux d’´evaluation des comp´etences sociales : 1. le niveau des comp´etences sociales/communicatives et des domaines du d´eveloppement de l’enfant, et 2. les strat´egies sociales et les tˆaches sociales. Il a construit une grille d’observation « Assessment of peer relations » pour mesu-rer les comp´etences des enfants pr´escolaires `a ces deux niveaux (Guralnick, 2003).

A l’aide de cette grille on peut mesurer le premier niveau de comp´etences so-ciales/communicatives de base. Cela correspond `a la capacit´e `a s’exprimer, `a

com-Cadre th´eorique

muniquer, `a initier des activit´es conjointes, `a r´epondre de mani`ere contingente `a des initiations des pairs, etc., ainsi que des capacit´es dans d’autres domaines du d´ evelop-pement corr´el´es, par exemple au niveau de l’attention, de la cognition, du langage, de la r´egulation ´emotionnelle et de la compr´ehension partag´ee. Au deuxi`eme niveau, on mesure les strat´egies que l’enfant utilise dans des tˆaches sp´ecifiques. Cela fait r´ef´erence `a trois tˆaches en particulier : 1. l’entr´ee dans un groupe de pairs, 2. la r´esolution des conflits, et 3. le maintien du jeu. La compr´ehension cognitive de la tˆache et les strat´egies mises en œuvre par l’enfant pour r´esoudre la tˆache sont ana-lys´ees. Cet instrument permet de d´etecter les probl`emes au niveau des comp´etences sociales en relation avec les pairs afin de planifier une intervention correspondante et sp´ecifique pour un enfant ayant des probl`emes `a ce niveau (Guralnick, 2003).

Influenc´es par cette conceptualisation, des chercheurs soulignent l’influence du contexte physique et social sur les interactions entre les enfants (cf. chapitre 1.4).

Boehm et Weinberg (1997) soulignent qu’avant d’observer les comportements des en-fants, il faut toujours d´ecrire et prendre en compte les caract´eristiques du contexte.

Ils proposent des cat´egories larges, les « key components of a setting », selon les-quelles on peut analyser ce contexte : les caract´eristiques physiques, les objets, les gens entourant de l’enfant et les activit´es (Boehm & Weinberg, 1997). Un syst`eme cat´egoriel incluant tous les aspects importants des diff´erentes conceptualisations et incluant mˆeme le contexte durant l’observation, est le«Snapshot assessment of peer-related social-communicative skills» de Conroy et Brown (2002). Les cinq grandes cat´egories sont : « 1. type and form of behavior, 2. context and appropriateness of behavior, 3. goal of behavior, 4. reciprocity of exchange, 5. attainment of goal » (Conroy & Brown, 2002, p. 220).

3.1.2 Diff´erents syst`emes cat´egoriels et proc´edures d’observation

Les grilles d’observation peuvent fortement varier selon le syst`eme cat´egoriel.

Deux crit`eres d’un bon syst`eme cat´egoriel sont l’exhaustivit´e et l’exclusivit´e des ca-t´egories (Boehm & Weinberg, 1997). Les cat´egories doivent couvrir tous les compor-tements pertinents selon la conceptualisation de r´ef´erence, doivent ˆetre exhaustives et doivent ˆetre d´efinies pr´ecis´ement. De plus, elles doivent ˆetre exclusives, ce qui im-plique que chaque comportement pertinent apparaissant doit ˆetre possible `a accorder uniquement `a une cat´egorie correspondante selon des crit`eres objectifs (Boehm &

Weinberg, 1997). Les syst`emes cat´egoriels des diff´erents instruments varient forte-ment. Par exemple, certains ont des cat´egories tr`es larges et globales, comme le

« Snapshot assessment of peer-related social-communicative skills » de Conroy et Brown (2002), pr´esent´e plus haut. D’autres instruments, malgr´e une conceptualisa-tion similaire, ont des cat´egories beaucoup plus restreintes des comportements, des

buts et des succ`es, comme par exemple l’instrument SOCSI (System for Observation of Children’s Social Interactions) de Brown et collaborateurs (1996). Pour les deux grandes cat´egories « strat´egies comportementales » et« buts sociaux », il y a des codes pr´ecis´ement d´efinis pour tous les comportements et buts consid´er´es comme pertinents pour les comp´etences sociales. Il y a, par exemple,« need statements »,

«rˆole assignment»et«share/trade»pour les strat´egies ou«assistance»,« other-action»et« pretend play» pour les buts sociaux (Brownet al., 1996, 30-31).

Les diff´erents instruments d’observation varient non seulement selon le contenu et le type de cat´egories, mais aussi selon la proc´edure d’observation. Certains chercheurs postulent que la m´ethode qui donne le plus d’indices sur les difficult´es individuelles d’un enfant dans des interactions sociales est l’observation directe dans le contexte naturel (Krasnor, 1983 ; Guralnick, 1992). Krasnor (1983) souligne que l’observation des interactions naturelles et spontan´ees est importante pour savoir quels buts et comportements sont r´eellement utilis´es par l’enfant et quel succ`es ils ont dans leur contexte r´eel. Ceci afin de faire un profil individuel de ses forces et de ses difficult´es.

L’observation naturaliste permet d’analyser les fonctions des comportements dans les situations concr`etes et montrent les moments de leur apparition (Gresham, 1986).

D’autres chercheurs ont observ´e les enfants dans des situations standardis´ees, afin de pouvoir comparer les diff´erents patterns de comportement dans la mˆeme situation.

La proc´edure de l’observation peut aussi varier dans la d´emarche de notation et codage des observations. De nombreuses recherches ont utilis´e un enregistrement vid´eo des observations. A l’aide des syst`emes cat´egoriels, ils ont cod´e les s´equences en-registr´ees (par exemple dans l’´etude d’Olson, 1992 ou de Hazen & Black, 1989). Cette m´ethode a l’avantage que l’observateur puisse analyser les informations apr`es l’en-registrement de mani`ere flexible (il peut couper et r´ep´eter les s´equences) et d’autres observateurs peuvent refaire l’analyse. Cela augmente la fid´elit´e inter-juge de l’ana-lyse (Boehm & Weinberg, 1997). N´eanmoins, l’´equipement d’enregistrement peut ˆetre trop intrusif et lorsqu’il y a beaucoup de bruit et mouvement, il peut ˆetre difficile de capturer toutes les situations importantes avec la cam´era. Souvent, la production de vid´eos induit aussi des coˆuts et des comp´etences techniques ´elev´es (Boehm & Weinberg, 1997).

Dans d’autres recherches, les observations ´etaient cod´ees directement pendant l’observation `a l’aide de grilles d’observation (par exemple Odomet al., 2002 ; Gelb

& Jacobson, 1988 ; ou Fagot, 1984). Dans les observations directes, on peut no-ter syst´ematiquement quand et combien de fois un comportement cible apparait dans un temps d´efinit (time-sampling). On peut ´egalement noter certains ´ev` ene-ments lorsqu’ils apparaissent naturellement, donner des codes pour les comporte-ments et d´ecrire les ant´ec´edents, les cons´equences et/ou le contexte de l’´ev´enement (event-sampling) (Boehm & Weinberg, 1997). D’autres instruments pour mesurer

Cadre th´eorique

les comp´etences sociales dans diff´erents domaines de d´eveloppement, avant tout des check-lists et de rating scales, impliquent des jugements par l’observateur (Boehm

& Weinberg, 1997). Ces instruments, comme par exemple l’EIS (Evaluation, Inter-vention et Suivi) de Bricker (2006), incluent souvent des sous-´echelles qui aident `a juger les comp´etences sociales de l’enfant, mais les informations sont tr`es globales et donnent peu d’informations sur les difficult´es sp´ecifiques de l’enfant (Brown et al., 2002). Les jugements de l’observateur peuvent ˆetre faits seulement apr`es des observations r´ep´et´ees des enfants dans diff´erents moments et contextes.

3.1.3 Limites de l’observation directe

L’observation directe peut donner des informations tr`es valides sur les comp´ e-tences sociales de l’enfant. En d´ecrivant les r´eels ´echanges des enfants, le biais de subjectivit´e, qui est un risque pour d’autres m´ethodes comme des rapports par des

´educateurs ou des parents, peut ˆetre limit´e (La Greca & Stark, 1986). Malgr´e ces avantages, les observations directes comportent aussi des risques, auxquels l’obser-vateur doit ˆetre conscient afin de les minimiser. Premi`erement, les observations sont toujours influenc´ees par la personnalit´e de l’observateur, par ses exp´eriences et obser-vations faites auparavant, par son cadre de r´ef´erence (savoirs, attitudes, etc.) et par ses sentiments dans la situation (Boehm & Weinberg, 1997). Il est alors important qu’il apprenne `a observer objectivement ce qui se passe entre les enfants, sans faire d’interpr´etations subjectives. Un autre biais est li´e `a la s´electivit´e de la perception.

Les grilles d’observations peuvent aider l’observateur `a cibler son attention sur les aspects pertinents. En mˆeme temps, cette s´electivit´e peut l’empˆecher de remarquer d’autres comportements ou le courant des ´ev´enements (Boehm & Weinberg, 1997).

Troisi`emement, quand la grille ou la proc´edure d’observation sont tr`es complexes – par exemple quand les cat´egories se recoupent, quand elles demandent beaucoup de d´ecisions de l’observateur, quand elles sont tr`es complexes ou quand leur nombre est trop grand pour les m´emoriser – le risque d’erreurs dans l’observation augmente (Boehm & Weinberg, 1997). Une autre source d’erreurs est la r´eactivit´e des enfants observ´es. Quand l’observateur est inconnu par les enfants et quand les enfants savent qu’il les observe, souvent les enfants changent leur comportement. Ils se comportent par exemple de telle sorte qu’ils pensent plaire `a l’observateur. Ils peuvent aussi montrer des signes de nervosit´e ou d’anxi´et´e (Boehm & Weinberg, 1997). Il est alors important de minimiser ces diff´erents risques d’erreur par exemple `a l’aide d’instru-ments moins complexes, d’une formation de l’observateur et en faisant connaissances avec les enfants avant de les observer.