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Le contexte dans lequel l’enfant en ˆage pr´escolaire apprend et manifeste des com-p´etences sociales avec ses pairs est lors d’interactions sociales en dyade ou en groupe, souvent dans des programmes pour la petite enfance. Ramsey (1987) d´efinit ces in-teractions entre pairs comme : « A verbal and/or physical exchange between two or more children, in which the participants demonstrated awareness of the other(s)’

presence » (p. 318). Krasnor (1983) va plus loin en indiquant non seulement la conscience de l’autre comme crit`ere d’interaction, mais aussi la direction intention-nelle de l’´echange vers un pair. Selon Brown et collaborateurs (1996), les interactions sociales sont des ´echanges r´eciproques de comportements sociaux entre pairs. Comme pour Krasnor, ces comportements sociaux doivent aussi ˆetre dirig´es vers un pair.

1.3.1 Les tˆaches sociales

Ces d´efinitions sont tr`es g´en´erales, mais les interactions sociales entre pairs sont toujours r´ealis´ees dans l’optique de r´esolution d’un probl`eme ou d’une tˆache sociale concr`ete (Krasnor, 1983 ; Guralnick, 1992). Comme pr´esent´e dans la troisi`eme ap-proche de conceptualisation (cf. chapitre 1.1), cette tˆache sociale donne le cadre dans lequel les ´echanges r´eciproques des comportements sociaux des enfants trouvent lieu et dans lequel l’efficacit´e et l’ad´equation de ces comportements peuvent ˆetre d´efinis (Guralnick, 1992). Une tˆache sociale que les enfants en ˆage pr´escolaire doivent sou-vent r´esoudre estd’entrer dans un groupe de jeu des pairs (Guralnick, 1992, 2003 ; Ladd, Herald, & Andrews, 2006 ; Putallaz & Wasserman, 1990). Lorsqu’un enfant poursuit ce but, il doit trouver et exercer des strat´egies pour pouvoir s’impliquer dans un jeu avec des camarades qui sont d´ej`a en train de jouer. De nombreuses recherches ont examin´e les diff´erentes strat´egies et en ont trouv´e certaines plus ef-ficaces que d’autres. Par exemple, Putallaz et Wasserman (1990) ont constat´e que la strat´egie de tourner autour et d’observer le groupe, permettant d’apprendre le cadre de r´ef´erence (le th`eme du jeu, les rˆoles qu’ils jouent ou le but de l’activit´e) et ensuite d’appliquer cette connaissance pour d´emontrer des comportements en rela-tion avec l’activit´e du groupe, am`ene souvent `a l’acceptation de l’enfant dans le jeu.

Guralnick (1992, 2003) d´ecrit une s´equence sp´ecifique de strat´egies pour r´esoudre cette tˆache difficile : l’enfant observe et comprend le cadre de r´ef´erence du jeu des pairs. Selon cette compr´ehension, l’enfant fait des commentaires pertinents pour le jeu (et non sur lui-mˆeme ou avec le but de rediriger le jeu) pour prendre contact avec les pairs. Ensuite, l’enfant choisit des strat´egies non-directives, mais des com-portements « harmonieux », qui sont plutˆot de type non-verbaux et similaires aux activit´es des camarades. Quand l’enfant est remarqu´e par le groupe, il continue avec des commentaires ou des demandes plus directes.

Cadre th´eorique

Malgr´e ces strat´egies prometteuses, environ 50% d’initiations d’entr´ee d’un en-fant dans un groupe sont refus´ees (Laddet al., 2006 ; Guralnick, 1992). Le premier essai am`ene rarement directement `a une acceptation par les pairs dans leur jeu.

Afin de pouvoir avancer dans cette tˆache difficile, les enfants doivent apprendre `a persister, `a essayer des strat´egies alternatives et `a n´egocier. Les comp´etences de r´esolution de conflits interviennent dans les essais suivants (Guralnick, 1992). La persistance dans la r´esolution d’un probl`eme social et la flexibilit´e dans l’utilisation de strat´egies apr`es des insucc`es sont alors des aspects importants pour l’efficacit´e et la continuation de l’interaction avec les pairs (Krasnor, 1983).

Une autre tˆache sociale qui pose un d´efi au niveau des comp´etences sociales de l’enfant et qui ´emerge tr`es souvent dans les interactions entre enfants, est la r´ esolu-tion des conflits (Guralnick, 2003). Cette tˆache est souvent impliqu´ee dans d’autres tˆaches (comme mentionn´ee dans la tˆache pr´ec´edente) et demande une combinaison de diff´erentes strat´egies sociales comme poser des questions, se justifier, refuser en donnant des propositions alternatives, faire des compromis et insister (Guralnick, 2003). La maˆıtrise de cette tˆache est aussi li´ee `a des comp´etences affectives et socio-cognitives, comme la r´egulation des ´emotions et la capacit´e d’intersubjectivit´e, pr´ e-sent´ees dans le chapitre pr´ec´edent (Oerter, 2002).

Une situation sp´ecifique qui am`ene souvent `a des conflits est les ´episodes de possession, lors desquels le but de l’enfant est d’acqu´erir ou de d´efendre un objet ou un espace. Ramsey (1987) a ´etudi´e la relation entre les ´episodes de possession et les comportements sociaux. A l’aide d’observations naturalistes d’interactions de 10 filles et 10 gar¸cons ˆag´es de 3 `a 4,5 ans lors de jeux libres, Ramsey a d´emontr´e que plus de la moiti´e des interactions observ´ees incluaient des ´episodes de possession.

Ces ´episodes ´etaient plus corr´el´es `a des comportements agressifs et moins `a des actes pro-sociaux ou affiliatives que les autres interactions. 68% de ces ´episodes de possession ont r´esult´e en une dispute de gagner/perdre, dans laquelle un des enfants a acquis ou maintenu la seule possession de l’objet et plus de la moiti´e des

´episodes de possession ´etaient suivis par une interruption de l’interaction3. Cette recherche soutient l’optique que les ´episodes de possession ne sont pas favorables pour des prolongations de contact et des interactions harmonieuses. Malgr´e cela, ils sont fr´equents et peuvent donner des indices sur les capacit´es de l’enfant `a r´esoudre des conflits. Si un enfant est souvent engag´e dans des conflits de possession, cela peut indiquer des patterns sociaux plutˆot agonistiques que positifs (Ramsey, 1987).

3. Une ´episode de possession pouvait r´esulter en une dispute et de plus aboutir `a une interruption de l’interaction.

1.3.2 Le jeu social avec les pairs

De nombreuses tˆaches sociales que l’enfant apprend `a r´esoudre `a l’ˆage pr´escolaire, comme r´esoudre des conflits pendant un jeu, maintenir un jeu durant une longue p´eriode et entrer dans un jeu de groupe, prennent place dans le contexte de jeu avec les pairs. Comme mentionn´e au chapitre 1.2.1, l’enfant apprend dans ce contexte `a initier, `a diriger et `a coordonner un jeu social et symbolique. La nature du jeu dans lequel l’enfant est impliqu´e, varie et se transforme successivement avec l’ˆage, en lien avec le d´eveloppement cognitif et social :

Episodes of social interaction become elaborate and progress from the simple act-react interchanges of the early toddler period to an entire play activity in the preschool period consisting of entry into a playgroup, initiation of play, reaching agreement to construct and maintain play by expanding and extending it through negotiation, and termination of play (Beckman & Lieber, 1992, p. 81).

Bas´e sur la cat´egorisation du jeu social de Parten (1932), Bailey et collabora-teurs (1993) ont cr´ee un syst`eme cat´egoriel qui d´ecrit six diff´erents types de jeu ou d’activit´es :

1. Unoccupied : l’enfant regarde, cherche quelque chose `a faire, mais sans int´erˆet prononc´e pour un objet ou les gens l’entourant.

2. Solitary : l’enfant joue seul, sans int´erˆet pour les personnes l’entourant.

3. Onlooking : l’enfant observe les personnes autour de lui avec un int´erˆet pro-nonc´e.

4. Parall`ele : l’enfant joue `a cˆot´e d’un ou de plusieurs enfants, a conscience d’eux et utilise des mat´eriaux et th`emes similaires.

5. Associative : l’enfant est en contact avec les pairs, parle, rigole, partage ou a un contact physique.

6. Coordinated : l’enfant est impliqu´e dans un jeu associatif, qui inclut l’interac-tion r´eciproque entre les enfants. Dans ce jeu, la dyade ou le groupe a un but et un th`eme commun. Il inclut aussi des jeux symboliques et des jeux de rˆole.

A l’aide d’une ´etude longitudinale, Howes et Matheson (1992) pr´esentent le d´ e-veloppement du jeu social avec des s´equences et cat´egories encore plus fines. Jusqu’`a l’ˆage de 2 ans, les enfants jouent essentiellement `a des jeux solitaires ou parall`eles, mais sans prˆeter attention aux pairs autour (jeu parall`ele sans contact visuel). A partir de l’ˆage de 2 ans, les enfants jouent souvent `a des jeux parall`eles, en prenant en compte les pairs, en jouant des jeux similaires et en ´echangeant des regards (jeu parall`ele avec contact visuel). Dans la troisi`eme ann´ee de vie, les enfants ´echangent

Cadre th´eorique

de plus en plus de contacts verbaux ou des objets (jeu social simple) et ils com-mencent `a jouer `a des jeux sociaux, dans lesquels ils exercent des comportements compl´ementaires, comme se cacher et chercher, courir et se pourchasser (jeu social compl´ementaire et r´eciproque). Dans la quatri`eme ann´ee de vie, les enfants acqui`erent la capacit´e de jouer ensemble `a des jeux de rˆoles fictifs (jeu social symbolique et co-op´erative). Finalement, `a partir de l’ˆage de 4 ans, les enfants commencent `a jouer `a des jeux de rˆole en discutant, coordonnant et n´egociant explicitement leur jeu (jeu social symbolique complexe) (Howes & Matheson, 1992, cit´e par Oerter, 2002).

Contrairement `a cette logique de d´eveloppement s´equentiel avec l’ˆage, Bakeman et Brownlee (1980) postulent que le jeu parall`ele n’est pas seulement un stade que les enfants passent dans leur d´eveloppement, ´etant des joueurs solitaires puis des joueurs sociaux. En observant 41 enfants ˆag´es de 32 `a 42 mois dans des jeux libres, les chercheurs ont remarqu´e que les enfants commen¸caient souvent une s´equence de jeu social en jouant parall`element. Ce jeu parall`ele se d´eveloppe ensuite, toujours selon la mˆeme s´equence, en un jeu social. On peut dire que le jeu parall`ele constitue une ´etape importante qui pr´ec`ede l’entr´ee ou l’initiation d’un jeu social en groupe.

L’int´egration du jeu symbolique dans le jeu social est, selon Howes et Matheson, une capacit´e importante pour le d´eveloppement des comp´etences sociales (Mize &

Ladd, 1990). Le d´eveloppement dujeu symbolique d´ebute d´ej`a tr`es tˆot et est forte-ment influenc´e par le d´eveloppement cognitif de l’enfant (Fein, 1977). Entre l’ˆage de 1 et 3 ans, l’enfant d´eveloppe la capacit´e de transformer les objets dans son imagi-nation, de substituer des sens diff´erents aux objets et de les utiliser dans le jeu en cons´equence. Il apprend aussi, dans le jeu `a ˆetre une autre personne, `a utiliser des objets imaginaires et finalement `a jouer des sc`enes r´eelles (Fein, 1977). Pour cela, il doit ˆetre capable de d´econtextualiser les objets et ses comportements et de les r´eutiliser de mani`ere d´elib´er´ee dans un contexte imaginaires. Au d´ebut, ces activit´es symboliques prennent place dans le jeu solitaire. D`es l’ˆage de deux ans et demi, l’en-fant commence `a utiliser son imagination et des gestes symboliques dans l’interaction avec ses camarades. Jusqu’`a l’ˆage de 5 ans, il d´eveloppe le jeu sociodramatique, qui inclut des rˆoles r´eciproques, des improvisations imaginatives du mat´eriel, des th`emes coh´erents et des sc`enes interd´ependantes (Fein, 1977). Le jeu sociodramatique per-met aux enfants d’am´eliorer leurs capacit´es `a prendre le rˆole et la perspective des pairs et de comprendre les besoins et les pr´ef´erences d’autrui (Fein, 1977).

1.4 L’influence du contexte physique et social sur les interactions