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Le registre médiatique scriptovisuel

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 124-128)

IDENTIFIER LES MARQUEURS POSSIBLES DU STATUT D’OBJET DE PATRIMOINE DANS L’EXPOSITION

2. Le registre médiatique scriptovisuel

De son côté, le rôle du texte dans la production du sens de l’exposition est volontiers reconnu. On lui accorde même une place fondamentale, comme en témoignent les propos de Poli pour qui le texte constitue « la première (et la plus répandue) aide à l’interprétation des autres registres » (Poli, 2002 : 69). Néanmoins, pour l’instant, nous ne cherchons pas à décrire les interactions entre les éléments écrits et les autres registres. Il ne s’agit pas non plus de produire une analyse purement linguistique du texte dans l’exposition, mais plutôt d’étudier la place de l’écrit, et plus largement des éléments scriptovisuels, dans la construction du sens sur le plateau des collections à l’aide du relevé photographique et, dans certains cas, à partir de la retranscription des textes.

Précisons dès maintenant que les éléments iconographiques comme les symboles, les cartes géographiques, les photographies et les plans sont considérés ici, avec le texte, comme appartenant au registre médiatique « scriptovisuel », qu’ils soient associés ou non au matériel langagier. Daniel Jacobi emploie ce néologisme à propos du panneau pour « différencier la nature du message qu’il propose et qui n’est pas seulement linguistique et textuelle mais aussi iconique et graphique » (Jacobi, 1989 : 131). Nous nous inscrivons ainsi dans la conception des textes également défendue par Poli (Ibid. : 50), pour qui le texte comprend les éléments langagiers mais aussi iconographiques, pour constituer ce qu’elle nomme, à la suite de Jacobi, les documents « scriptovisuels ». Cette posture tient également au fait que les énoncés langagiers sur le plateau des collections sont très majoritairement associés à un élément symbolique, comme la flèche, ou à un élément iconographique, principalement la carte.

2.1 Abandon du découpage fonctionnel du registre médiatique scriptovisuel

Afin de procéder à cette étude, nous avons d’abord cherché à fragmenter le corpus constitué des manifestations du registre scriptovisuel dans l’exposition. Nous nous sommes alors penché sur la proposition de Poli qui consiste à distinguer deux grands types d’écrit dans l’exposition, d’une part les « messages signalétiques », d’autre part les « textes informatifs » (Poli, 2002 : 50). L’auteur explique que les premiers sont ceux qui « induisent un repérage spatiovisuel », tandis que les seconds « participent à l’élaboration du discours d’exposition » (Ibid. : 50).

Cet effort de catégorisation est fondé principalement sur les deux fonctions générales que l’écrit, ou plus largement le registre scriptovisuel, est susceptible de remplir dans l’exposition, mais Poli décline plus précisément les rôles qui peuvent être attribués à chaque catégorie. Elle attribue ainsi trois rôles aux messages signalétiques : « interdire », « situer » et « faire voir », et neuf aux écrits informatifs : « nommer », « présenter », « expliquer », « dater », « justifier des choix », « étonner », « choquer », « exposer des idées », et enfin « ponctuer le propos » (2002 : 50). Par ailleurs, à chaque intention de l’émetteur Poli rattache l’effet attendu chez le récepteur.

S’il est certain que, dans l’exposition, certaines des manifestations de l’écrit induisent plus particulièrement un repérage spatiovisuel, tandis que d’autres participent d’abord à l’élaboration du discours d’exposition, on peut aussi trouver ces deux fonctions simultanément, mais surtout, la déclinaison de ces deux fonctions générales de l’écrit en un panel de « rôles » identifiés à travers des « intentions de l’émetteur » auxquelles correspondent des « effets » attendus chez le récepteur (2002 : 50) font que ce découpage ne sera pas retenu ici.

En effet, nous cherchons à décrire le fonctionnement de l’écrit, sur le plateau des collections, en tant que registre médiatique. Dans ce sens, l’analyse n’a pas pour objectif de fournir des outils pour interpréter les effets de l’écrit sur le public. En revanche, nous nous attachons à étudier l’écrit en tant que construction de sens, dans l’objectif d’interroger plus tard la place de l’écrit dans le dispositif d’exposition, en interaction, cette fois, avec les autres registres médiatiques.

2.2 Adoption du découpage formel du registre médiatique scriptovisuel

Une fois abandonnée l’approche fonctionnelle des catégories de l’écrit d’exposition, il convient de définir une autre approche qui fasse sens ici. L’observation du plateau des collections montre que les écrits y sont nombreux. On en identifie d’aspects différents, mais ces différences, en termes formels, ne sont pas infinies. Si l’on se penche sur la mise en forme des documents scriptovisuels, on peut distinguer parmi eux des structurations récurrentes fondées sur la régularité d’un format, d’une charte graphique (Poli, 2002 : 71). Béguin-Verbrugge nous invite à considérer que

« c’est par ses bords matériels qu’intuitivement, on définit le texte comme une unité : par les paragraphes, par la page, par les marges. Unités et sous-unités sont déterminées par la typographie, l’empreinte du texte » (Béguin-Verbrugge, 2006 : 24).

La répétition de l’aspect formel de ces unités, la ressemblance entre certains éléments du registre scriptovisuel, permet ainsi de constituer des catégories pour l’analyse des manifestations du registre scriptovisuel dans l’exposition.

Il reste difficile de ne pas considérer les catégories qui ont été pensées dans la littérature sur les textes muséaux pour identifier celles du plateau des collections. Au sein de ces écrits, on reconnaît souvent aux classifications le défaut de ne correspondre qu’à une exposition particulière. Desjardins et Jacobi expliquent ainsi que

« toute tentative de classification est […] condamnée à demeurer, sinon incomplète, du moins ouverte car dépendante du point de vue qui oriente ce catalogage. Ce qui importe est plutôt la cohérence d’une classification que sa pertinence » (1992 : 20).

Cependant, deux catégories de textes se dégagent généralement, selon des critères à la fois formels et fonctionnels : le panneau et le cartel, aussi appelé « étiquette »59. Si l’on s’en tient aux critères formels, le panneau en est un lorsqu’il comporte du texte, et que le texte en question est « tracé sur une surface bien délimitée, qui se détache du support » (Desjardins &

Jacobi, 1992 : 13) tandis que l’étiquette « peut être définie comme un petit texte inscrit sur un support de faibles dimensions, généralement rectangulaire » (Ibid. : 15) et d’ajouter « on

59 Dans le monde muséal on les appelle le plus souvent des « cartels » ou des « notices », mais Desjardins et Jacobi ont proposé de les nommer « étiquettes » pour souligner davantage le lien qui unit ce texte bref et l’objet

rencontre des étiquettes partout sans exception, même lorsque, pour obéir à la conception de Rivière (1989), elles prennent la forme d’une liste »60 (Ibid. : 17).

Bien sûr, considérer l’aspect formel des écrits, en dehors de leurs fonctions, c’est mettre de côté des outils de compréhension des deux catégories décrites. Si l’on prend en compte la fonction, en effet, on peut considérer alors que, comme l’explique Poli, « le panneau explicatif se suffit à lui-même et développe un discours autonome sur un thème sans se rattacher directement à un objet exposé » et que « l’étiquette se rapporte à un objet ou à un ensemble d’objets. En ce sens, le texte de l’étiquette n’est pas un texte autonome, il se rapporte toujours à un expôt et lui donne du sens » (Poli, 1992 : 92-93). Mais, on le voit, les fonctions sont principalement déterminées par la relation qu’entretient le registre scriptovisuel aux autres registres de l’exposition. Nous avons donc laissé de côté ces fonctions pour constituer des catégories fondées d’abord sur les caractéristiques formelles de l’écrit sur le plateau.

Les catégories en question ont donc été construites en fonction des ressemblances formelles entre les éléments du registre scriptovisuel, mais aussi en fonction des types d’assemblages de messages langagiers et de messages iconographiques identifiables dans le registre scriptovisuel. Dans un premier temps, notre attention s’est portée sur les assemblages les plus simples, appelés les assemblages élémentaires, seulement iconographiques, comme les flèches, ou associés à un court énoncé, puis les assemblages médiatiques complexes répétés plusieurs fois à l’identique dans l’exposition, comme c’est le cas des tables d’orientation continentales et des panneaux continentaux, ont été décrits. Enfin, les assemblages médiatiques complexes les plus nombreux, les panneaux et les bandeaux, ont été réunis dans deux dernières catégories en fonction de leur aspect mais aussi de leur caractère unique, à l’exception d’un panneau intitulé « Singularité de l’objet amérindien » répété trois fois à l’identique.

La constitution de ces catégories permet de mettre en avant la capacité des éléments du registre scriptovisuel à produire du sens à plusieurs niveaux : dans chaque composant, textuel ou iconographique, pris indépendamment, mais aussi au sein d’une catégorie et dans la relation entre les catégories de composants du registre scriptovisuel. Ainsi, l’analyse du

60 Georges Henri Rivière décrit ce « système de références croisées » dans La Muséologie selon Georges Henri Rivière : « Dans le cas des expôts présentés in vitro, les notices risquent d’encombrer l’espace de présentation et de nuire au rayonnement des objets. On pallie cet inconvénient grâce à un système de références croisées, ainsi conçu : les étiquettes utiles sont alignées au bas des vitrines verticales, ou sur un côté des vitrines-tables […]. » (1989 : 277.)

registre scriptovisuel a donné lieu à l’analyse de chaque type d’assemblage, mais aussi à celle de la relation entre les panneaux continentaux et les tables d’orientation continentales ou de la relation des bandeaux et des panneaux.

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