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La confiance de la communauté dans l’institution muséale

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 98-101)

PREMIÈRE PARTIE

4. La confiance de la communauté dans l’institution muséale

Les deux niveaux de garantie présentés par Davallon comme nécessaires pour que l’exposition soit une exposition, et donc soit reconnue comme telle collectivement, trouvent un écho dans la règle constitutive « X est compté comme Y dans C » énoncée par Searle pour expliquer l’existence des faits institutionnels (Searle, 1998 (1995) : 65). Nous avons déjà souligné l’importance du contexte dans cette règle constitutive – différente des « règles

sa capacité à contenir d’autres contextes ou à être pris dans d’autres contextes, nous avons ici l’occasion d’en faire la démonstration.

Si l’on considère le second niveau désigné par Davallon, le plus large, nous constatons qu’il rend compte du processus de reconnaissance du musée comme fait institutionnel auquel on assigne ce statut dans un certain contexte, en l’occurrence dans un espace social. La règle constitutive de Searle permet de détailler les conditions de cette assignation et de montrer que lorsqu’on assigne une fonction de signification Y – qui fait elle-même référence à des faits institutionnels tels que les statuts de l’ICOM ou ceux de la Réunion des musées nationaux que Davallon désigne comme des « garanties » – à un établissement X dans le contexte socioculturel et institutionnel français, on assigne à cet établissement le statut de musée. Il est encore possible de décliner et d’affiner ce statut en fonction d’autres critères, comme la tutelle du musée, nationale ou régionale par exemple, mais aussi en fonction des agents décideurs, et notamment de leur formation et de leur discipline de rattachement, et ainsi de considérer différents contextes. Pour Searle, l’aspect collectif de cette assignation est fondamental, puisque « l’élément clé dans le mouvement qui va de l’imposition collective de fonction à la création de faits institutionnels est l’imposition d’un statut collectivement reconnu auquel est attachée une fonction » (1998 (1995) : 61-62).

Si l’on s’attache, maintenant, à la reconnaissance du niveau de l’exposition comme fait institutionnel dans l’espace social et muséal, la règle constitutive de Searle permet de dire que la fonction de signification Y qui donne, toujours en relation avec le contexte, son statut à une exposition doit, si l’on en croit Davallon, respecter l’intention constitutive de l’exposition culturelle et les règles constitutives telles qu’il les décrit pour être considérée comme une exposition. Là où Searle permet de rendre visible le processus et les éléments impliqués dans l’assignation du statut d’exposition, Davallon décrit, de son côté, les éléments nécessaires pour que l’exposition fonctionne comme une exposition, et qui permettent d’assigner collectivement ce statut à tout dispositif de présentation d’objets qui respecte les règles constitutives, ces « règles qui font que le visiteur reconnaît un dispositif de présentation d’objets comme étant une exposition » (Davallon, 1999 : 31).

Si l’on poursuit le rapprochement entre les propos de Davallon et la proposition de Searle, on peut dire que les conditions dans lesquelles le statut de musée est assigné assurent à l’exposition intégrée à une institution muséale l’assignation collective du statut d’exposition, à condition, toutefois, qu’aucune information ne vienne à l’encontre du présupposé selon lequel les règles constitutives sont bien respectées par l’exposition. Finalement, ce que permet

de préciser Davallon, par rapport à la mécanique de l’assignation du statut décrite par Searle, c’est que la particularité de l’institution muséale tient à la confiance que lui portent les membres de l’espace social. C’est aussi ce dont rend compte la thèse défendue par Joëlle Le Marec pour qui :

« Un des moteurs des relations entre les publics et les institutions n’est pas l’attente et l’usage des produits et service dans une perspective pragmatique et libérale, mais la confiance et la réactualisation de cette confiance qui passe ou ne passe pas par un usage effectif des dispositifs institutionnels. » (Le Marec, 2007 : 21.)

C’est cette confiance qui fait que, au musée, le visiteur « présuppose que les règles ont été respectées » (Davallon, op. cit.) et qui permet, en partie, au musée du quai Branly de proposer une exposition dont on présuppose qu’elle fonctionne comme une exposition, avant même d’avoir constitué un savoir légitime. En effet, les agents et le champ des connaissances légitimes n’étaient pas clairement, et en tout cas pas collectivement, déterminés au moment de l’inauguration du plateau des collections. Cela rend plus prégnant encore le crédit accordé à l’institution muséale. Celui-ci est tel que le premier geste de la Mission de préfiguration a été d’exposer au musée du Louvre, Musée parmi les musées, les objets extra-occidentaux au sein de l’institution muséale française « la plus prestigieuse » (Viatte, 2000 : 80). Malgré le débat qui a entouré l’ouverture du musée du quai Branly et malgré la réunion de collections issues de deux institutions muséales distinctes, la confiance de la communauté dans l’institution muséale apparaît ici comme un moteur du bon fonctionnement de l’exposition et de la reconnaissance collective de la légitimité du discours du musée du quai Branly, du moins en ce qui concerne le plateau des collections, et si l’on en croit le succès public du musée illustré par ses chiffres de fréquentation : plus de 3,8 millions de visiteurs de juin 2006 à fin 2008 (musée du quai Branly, Rapport d’activité 2008 : 2) auxquels s’ajoute 1,5 million de visiteurs en 2009 (musée du quai Branly, Rapport d’activité 2009 : 2) et 1, 32 million en 201052. Parce qu’ils concernent l’ensemble des activités de l’établissement, et pas uniquement la fréquentation du plateau des collections, l’interprétation de ces chiffres doit être nuancée.

Cependant, l’affluence du public participe à l’assignation collective du statut des objets. Elle invite à interroger l’existence et la forme des règles constitutives qui régissent le fonctionnement du plateau des collections.

52 D’après les chiffres diffusés par la direction de la communication du musée du quai Branly.

<www.quaibranly.fr/uploads/tx_gayafeespacepresse/MQB_CP_frequentation_2010.pdf> (Dernière consultation

La question de la confiance du public est d’autant plus importante ici que la distance culturelle avec le monde d’origine ailleurs des objets est susceptible de rendre plus difficile la compréhension des objets et l’appréciation par le public des garanties apportées par l’institution. Si, comme le public, on ne doute pas que le plateau des collections respecte les règles constitutives telles qu’elles sont énoncées par Davallon, la question de la visibilité et de la forme que prennent les garanties d’authenticité et de véracité se pose, notamment pour un musée qui dispose d’un savoir déjà constitué mais délégitimé.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 98-101)