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Un refus de la disqualification sociale

4. Le non-recours du point de vue des personnes concernées

4.3. Un rapport genré à l'offre

4.3.1. Un refus de la disqualification sociale

Selon Serge Paugam, le concept de disqualification sociale renvoie à une double expérience sociale. Il caractérise en effet à la fois « le processus de refoulement hors du marché de l’emploi de franges de plus en plus nombreuses de la population » et « les expériences vécues de la relation d’assistance qui en accompagnent les différentes phases » (Paugam, 2005, p.58). Or, un des intérêts du travail de Paugam est précisément de mettre en évidence la manière dont les personnes en voie de disqualification résistent à la dégradation de leur statut: «Il s’agit de reconnaître la possibilité d’une négociation de la disqualification sociale ou, en d’autres termes, l’existence d’une marge d’autonomie à l’intérieur de laquelle les acteurs sociaux peuvent jouer.» (Paugam 1991, p.49).

Alors que tout espoir de trouver ou retrouver un emploi n’est pas perdu et que l’intégration sociale est perçue à travers le prisme de l’intégration professionnelle, une demande de prestation financière pourra être vécue comme un marqueur d’infériorité insupportable. Dans les entretiens que nous avons analysés, le non-recours est d’abord décrit comme une manière d’éviter la honte associée à la dépendance. Par ailleurs, le discrédit associé à

la demande d’aide se reporte sur les perception des bénéficiaires de prestations, particulièrement les personnes à l’Hospice général. Dans ce contexte, le non-recours se comprend comme une stratégie visant à refuser ou négocier l’infériorité de statut associée au fait de demander une aide financière.

4.3.1.1 La dépendance honteuse

Dans leur généalogie du concept de ‘dépendance’, Linda Gordon et Nancy Fraser insistent sur la manière dont la dépendance a été construite, dans le contexte américain, comme le revers de l’autosuffisance garantie par le travail (Fraser & Gordon, 1994). Cette construction est aussi celle sur laquelle reposent les État sociaux basés sur des systèmes assurantiels, comme c’est le cas en Suisse, dans lesquels le droit aux prestations est principalement fonction des cotisations perçues sur les salaires. Dans un tel système, « le travailleur tend à devenir le sujet social universel. On attend de chacun qu’il ‘travaille’ et ‘se suffise à lui-même’. Sur les épaules de chaque adulte qui n’est pas perçu comme un travailleur pèse un fardeau d’autojustification plus lourd » (Fraser &

Gordon, 1994, p.324), traduit par Sennett (2011, p.72).

Ce fardeau d’autojustification pèse effectivement très lourd sur les épaules des personnes que nous avons interviewées. Le non-recours aux aides financières publiques est présenté par la plupart de nos répondant.e.s comme une manière d’éviter la honte associée au fait de demander une aide et de dépendre financièrement de l’État. Au regard de l’équation formulée par Gordon et Fraser, le fait de « se suffire à soi-même » semble peser plus lourd que celui de ne « pas travailler ». Ainsi, même les personnes relevant de la nouvelle catégorie des « travailleurs pauvres » (Crettaz, 2018) expriment leur réticence à bénéficier de prestations financières - y compris les prestations complémentaires familles, qui leur sont spécifiquement destinées.

4.3.1.1.1 De la honte à demander à la fierté de refuser

Au début des années 2000, Rossini et Favre-Beaudraz (2004) affirmaient que les personnes qui se refusent à mobiliser une aide publique en Suisse romande expriment la honte et le refus de la dépendance à l’État, les aides associatives étant selon eux mieux acceptées. Nos entretiens confirment cette analyse, en pointant toutefois l’importance que prend, dans ce contexte, l’acte même de demander. Par ailleurs, notre étude montre que les associations ne sont pas immunisées contre le fait que leur prestation puisse susciter ce même sentiment de honte.

En premier lieu, toutes les personnes interviewées évoquent la difficulté qu’elles éprouvent à demander, un acte associé à un sentiment de ‘honte’ de la dépendance, et ce quelle que soit la prestation concernée. Ce mot - ‘honte ‘ - revient de façon récurrente :

Aussi, c’est une honte, je crois, pour beaucoup de nous qui ne voulons pas demander de l’aide. Ca fait… Ca nous baisse l’estime de nous-mêmes, non ?!? Surtout quand on a 60 ans…

Femme de 60 ans, sans emploi, originaire de Malaisie, Suisse, en situation monoparentale, vivant avec 1 enfant ; BL-E01 Vous savez des fois pour moi, c’est compliqué d’aller demander de l’aide… c’est la honte… […] Mais je ne vais pas. Je ne vais pas. Je suis arrivée à un stade, je mettrai une banderole : « Trouvez moi un travail ! », même s’ils me foutent dehors de la maison ! Je ne vais pas. Je suis décidée ! Donc non ! Pour moi, c’est hors de question.

Femme de 40 ans, originaire du Maroc, Permis C, mariée, vivant avec 2 enfants ; JC-NR01

C’est bien dans la demande que s’enracine la honte de la dépendance, comme la non-demande consacre la fierté de refuser une aide financière que l’on sait à portée de main. C’est le cas de cette femme qui affirme refuser désormais toute aide, après des années de précarité et d’expérience comme bénéficiaire. On retrouve dans ce refus de ‘demander’ les traces de l’ancienne « fierté de classe » évoquée par Hoggart : « Sous l’expression ‘je me débrouillerai tout seul’, il y a souvent une fierté outragée. On ne veut pas croire qu’un membre d’une autre classe puisse comprendre les hauts et les bas de la vie d’un ouvrier. On ne veut surtout pas ‘se faire remarquer’, ‘tendre la main’, on veut se défendre de toute dépendance. » (Hoggart, 1970, p.124).

Par ailleurs, ce non-recours aux prestations financières s’entend aussi ici comme la crainte de se voir catalogué comme « pauvre ». Pour une part, il s’agit de ne pas exposer sa situation de pauvreté. On peut en effet imaginer que c’est la pauvreté même qui est honteuse. Comme le soulignait Serge Paugam au début des années 2000, la pauvreté tend à se cacher dans un pays dans lequel le travail est considéré à la fois une vertu et une vocation (Paugam, 2005, p.157). Mais la non demande (au sens premier du terme) va au-delà du fait de vouloir cacher une situation objective. Il s’agirait alors plutôt, grâce au non-recours, de refuser d’appartenir à la catégorie même des pauvres – de refuser de devenir pauvre. Comme le résumait Georges Simmel: « Ainsi, ce qui fait que le pauvre est un pauvre, n’est pas l’état de besoin dans lequel il vit. Au sens sociologique du terme, est pauvre uniquement celui que son besoin porte à être assisté. » (Simmel, 2009, p.85). Ainsi, la plupart des personnes interviewées affirment, lorsqu’on leur pose la question, ne pas se considérer comme « pauvres », alors même que les conditions objectives de vie dont elles nous font part, tout comme le fait qu’elles bénéficient pour certaines de prestations sociales sous conditions de ressource, les situent en dessous d’un seuil mesurable – absolu ou relatif – de pauvreté.

Enfin, nous verrons l’importance que les personnes interviewées accordent à la valeur d’autonomie et, plus particulièrement, à la valeur « travail ». Dans ce contexte, la honte à demander s’enracine dans le sentiment associé de ne pas « vouloir » ou « pouvoir » travailler. S’il est honteux de demander une aide financière, la recherche d’un emploi s’inscrit, elle, dans la norme. De ce point de vue, un thème fort ressortant des entretiens – et particulièrement nous le verrons, des discours des femmes - est celui de la demande de travail. On l’entend dans l’extrait d’entretien précédent, la demande se mue en revendication (« Je mettrai une banderole : ‘Trouvez-moi un travail !’ »). Ainsi, on peut envisager de se tourner vers l’État, on peut se projeter comme demandeur légitime, mais uniquement en tant que « demandeur de travail » :

Ça vous met dans une position difficile, une position désagréable…

J’ai… je ne sais pas si… si j’arrive. Je ne pense pas que j’arriverais à toquer à la porte. S’ils me donnent un travail. Si je peux y aller, c’est que je peux demander un boulot. Mais pas de l’argent.

Femme de 40 ans, originaire du Maroc, Permis C, mariée, vivant avec 2 enfants; JC-NR01

4.3.1.1.2 De la honte à la crainte de la stigmatisation

Pour Vincent de Gaulejac et collègues (2014) la honte provient du décalage existant entre l’image que l’on a de soi-même et l’image négative renvoyée par autrui. Cette image négative des bénéficiaires d’aides sociales a fait l’objet des premiers travaux sur le Welfare Stigma, qui ont montré comment les minorités noires aux États-Unis (et notamment les mères pauvres) ne participaient que peu aux programmes sociaux leur étant destinés (Harrington, 2012) du fait d’une forte stigmatisation qui manifestait aussi une forme de « racialisation » de l’État social et de la pauvreté (Warin, 2012). Ce phénomène de stigmatisation sociale de la pauvreté tend à se renforcer aujourd’hui, alors même que les inégalités se creusent. Taylor-Gooby est revenu récemment sur ce « paradoxe », montant qu’en Grande Bretagne, dans les discours médiatiques comme dans l’opinion publique, on observe, ces dix dernières années, un déclin dans le degré de sympathie à l’égard des pauvres et une tendance croissante à qualifier les personnes sans emploi de « fainéants ». Les discours politiques quant à eux parfois reflètent et parfois anticipent l’opinion publique (Tayor-Gooby, 2013).

Dans le contexte suisse aussi, un fort stigma s’attache au fait d’être à l’assistance publique, renforcé par la prégnance d’un discours sur les « abus » (Frauenfelder & Togni, 2007). Ainsi, parmi les 356 personnes de différents cantons alémaniques interrogées par téléphone dans le cadre de leur enquête, les chercheurs de la HETS de Berne soulignent que la honte (« Schamgefühle ») mais aussi la peur de la stigmatisation sont mentionnées par plus de la moitié de cas (Neuenschwander et al., 2012). Cette crainte de la stigmatisation est souvent reliée au caractère ciblés des prestations. De manière générale, Philippe Warin rappelle que, selon les travaux comparatifs des systèmes de protection sociale, « plus les prestations sont ciblées, plus la réductions des

inégalités qui peut en résulter est faible » (Warin, 2006, p.72). Ce serait notamment le cas des prestations familiales en espèce ciblant les plus pauvres, qui ne seraient pas efficace à réduire les inégalités et la pauvreté des enfants.

Une partie de l’explication tiendrait dans un processus de stigmatisation associé à la conditionnalité des prestations. Ces dernières en effet exigent que la personne « prouve » son incapacité à subvenir seule à ses besoins ce qui rapproche la démarche de l’assistance. Mais d’autres mécanismes sont aussi en cause, liés à la culture politique de suspicion à l’égard des bénéficiaires de prestations sociales, qui prévaut notamment dans les pays anglo-saxons mais dont on retrouve traces en Suisse aussi. Dans cette perspective, la récente enquête menée dans le canton de Berne (Hümbelin, 2016) a ainsi permis d’associer l’importance des taux de non-recours dans les communes bernoises à l’importance locale du parti de droite conservatrice (UDC), ouvertement opposé à l’aide sociale.

En plus des références à la honte, qui témoignent d’une forme d’intériorisation du stigma, on trouve dans nos entretiens plusieurs références au rôle que joue la crainte du regard d’autrui dans la non- demande. Ainsi, dans le cas de l’aide sociale dispensée par l’Hospice général ou par des associations caritatives – à savoir dispensant des prestations d’assistance et non d’assurance - cette explication par la honte se double parfois d’une crainte explicite du jugement des autres:

Moi de mon point de vue, c’est parce que j’osais pas... voilà. Le sentiment de honte, quand même.... (…). Et puis peut-être que c’est... Je sais pas comment dire... ça... ce sentiment de honte en fait, pour moi c’est ça. De pas pouvoir s’assumer soi-même... Du coup on a peur du jugement des autres, donc on va pas aller s’adresser à ce genre de services .

Femme de 47 ans, Suisse, en situation monoparentale, vivant avec 3 enfants; JC-NR21

Ce jugement peut être anticipé, comme c’est le cas ici, comme un jugement porté sur la situation de dépendance elle-même. Dans d’autres cas, la crainte du jugement est explicitement liée au fait d’être « vu ». Cette crainte d’être

« publiquement exposé » (public exposure) se révèle comme un puissant mécanisme de dissuasion de recourir aux prestations sociales selon les récents travaux expérimentaux (Friedrichsen, König, & Renke, 2016). Ainsi, selon Gideon Yaniv, le crainte du stigma par « exposition publique » est plus efficace à produire du non-recours que la crainte d’une sanction en cas de recours « abusif » (Yaniv, 1997). Comme le rappelle Philippe Warin, la stigmatisation peut aussi être utilisée comme un mécanisme volontaire de dissuasion (Warin 2018b).

Dans cet extrait d’entretien, cette femme évoque ses tentatives avortées d’aller chercher des produits alimentaires en utilisant les bons reçus de Caritas. La honte de demander de l’assistance se double clairement de la peur d’être reconnue, particulièrement dans une mise en scène évocatrice : celle de « la soupe populaire » :

Quand je vois les personnes qui sont là, c’est des personnes qui sont fatiguées, qui sont… si quelqu’un me croise c’est une honte pour moi. Je veux dire…

D’être en même temps que ces gens en fait ?

Oui, mélangés… classés comme ça… non mais non ! C’est vrai, sachant que les gens me connaissent, connaissent ma famille et puis moi j’ai toujours travaillé pour subvenir à mes besoins et du coup tomber comme ça, j’ai dit non, c’est juste c’est difficile. Et puis des fois quand on arrive là, la façon dont…. tu as l’impression que peut-être qu’on te dévisage, peut-être qu’on… on va penser que c’est parce que tu veux rien faire de ta vie…

Oui… c’est une peur que vous avez, une crainte que vous avez ou ça vous est déjà arrivé ?

Ca n’a… ça….oui la façon de s’aligner comme une soupe populaire, je trouve c’est le genre de soupe populaire… ! (rires)

Femme de 41 ans, sans emploi, originaire du Cameroun, Permis C, en situation monoparentale, vivant avec 3 enfants; BL-NR06

4.3.1.1.3 Les points de bascule

La honte à demander, renforcée –dans le cas de l’aide sociale ou des associations caritatives par la crainte de la stigmatisation. Selon de Gaulejac, la honte paralyse l’action. « La honte provoque sidération et blocages, le sujet ne sait plus quoi faire, ou n’ose plus agir. Elle engendre une inhibition qui détruit de l’intérieur les capacités d’action du sujet. » (de Gaulejac et al., 2014, pp 220-221). Comme l’ont monté les travaux sur le Welfare stigma, ce type de non-recours est associé à une faible estime de soi, pouvant conduire à « un repli sur soi, qui peut amener les individus à perdre de vue l’idée même de leur droit et ainsi, de leur citoyenneté sociale (Warin, 2010a).

Les récits que nous avons recueillis ne nous semblent pas relever de ce cas de figure de « perte du droit d’avoir des droits » Au contraire, à l’instar de ce que nous avons observé dans le rapport à la connaissance et dans le rapport aux administrations, le thème- explicite ou latent- dominant les discours recueilli – chez les suisses comme chez les étrangers - est celui de la volonté d’intégration. L’intégration par le désir de s’informer et comprendre, l’intégration par le raccrochage aux droits et la reconnaissance institutionnelle, l’intégration enfin par la volonté d’incarner les normes dominantes du bon citoyen helvétique. Si la peur de la honte - et de la stigmatisation – s’impose comme justification de la non-demande, le sentiment de blocage peut pourtant être dépassés. Plusieurs personnes témoignent ainsi à la fois de leur réticence à demander, du sentiment de honte et du fait qu’elles se sont finalement décidées à déposer une demande.

La recherche nord-américaine, comme le rappelle Philippe Warin (Warin, 2010a), « a montré que le collectif protège les individus de la culture ambiante du soupçon ». Dans cette perspective, l’appartenance à des réseaux d’entraides ou à des communautés pourrait permettre de résister à la stigmatisation. Nous ne sommes pas en mesure de proposer ici une analyse des facteurs qui favorisent ce recours au droit dans un contexte de honte sociale. Il est clair cependant que le point de bascule vers la demande peut être vécu de manière plus ou moins difficile. Nous avons notamment trouvé trace d’une thématisation « tragique » de cette expérience de recours aux droits- en tant que basculement de nature radicale –sortie violente d’un dilemme poussé à ses extrémités.

Dans ces récits, les personnes expliquent s’être senties acculées dans leurs derniers retranchements et avoir résisté « jusqu’au bout » à la perte de statut - voire d’identité sociale – qu’elles associent au fait d’être à l’aide sociale.

Ainsi, cette femme, évoquant à demi-mot des pensées suicidaires nomme « le point animal », ce moment où l’absence d’alternative et la nécessité d’assurer le quotidien de son fils l’ont finalement fait préférer l’Hospice général à la mort. Les mots sont forts : « Ou tu vas, ou tu n’es plus ». Elle avait esquivé à plusieurs reprise la question de savoir « ce qui l’avait finalement décidé à demander l’aide sociale ». Changeant de tactique, l’intervieweuse a alors demandé si elle se souvenait du « moment » où elle avait pris cette décision.

Immédiatement, les images de ce moment où sa vie n’a visiblement tenu qu’à un fil sont remontées et l’entretien a dû être momentanément interrompu pour laisser l’émotion soulevée par la question se dissiper.

Là vous savez, ce sont des situations qui arrivent, que là j’ai dit, je suis au point animal. J’arrive animal. Qu’est-ce que c’est animal ? Vous considérez rien de vous, vous simplement ce que vous nécessitez, ce que vous pensez, ce que vous sentez, donnez, ciblez. Ou tu vas, ou tu n’es plus. […]. Alors là, vous entrez dans un chemin qui sera très difficile de retourner, s’il va y avoir un retour. Ou vous entrez à l’Hospice général pour une demande d’aide qui sera, qui doit être pratique. Là vous allez, il n’y a pas d’autres moment. Ce point que je dis, c’est ce point animal.

Femme de 60 ans, sans emploi, originaire du Brésil, Permis B, en situation monoparentale, vivant avec 1 enfant; BL-NR01

Un autre moment de bascule de nature radicale est indirectement décrit dans le cadre d’un entretien avec une mère de trois enfants, vivant seule, qui explique avoir préféré renoncer à son emploi que de risquer de perdre ses enfants. Dans son récit, où elle évoque son travail à l’Hôpital cantonal, ce sont bien, une fois encore, les enfants qui sont au cœur du dilemme : il s’agit de « travailler pour ses enfants » et de « cesser de travailler pour ses enfants » -en l’absence de mode de garde acceptable :

Pour ses enfants, ils se tuent au travail, ils rentrent tard la nuit. Parce qu’il y a des mamans qui refusent ce que je suis en train de vous dire, d’aller au social, ils sont prêts à tout accepter quitte à ce qu’ils abandonnent les enfants….

Pour ne pas aller au social vous dites ?

Oui pour pas aller au social, ils sont prêts à aller travailler même si il faut sacrifier les enfants, laisser chez le voisin, laisser, balader les enfants n’importe comment. Et ça un enfant, je pense, tout petit ne peut pas comprendre ce qu’il se passe.

Parce que quand il rentre et tout, il ne trouve pas sa maman. J’ai tellement pleuré ce jour on est venu me donner ma fille à l’hôpital à 22 h 30, j’ai dit que non c’est juste plus possible. Je ne peux pas. Moi ça m’a… j’ai demandé, je me suis agenouillé devant ma fille pour lui demander pardon parce que c’était… (pleurs)… c’était vraiment… excusez-moi…

Là ils vous l’on ramenées et après, vous avez pu rentrer avec elle…

Oui ils m’ont accompagné ici. Parce que je me vois pas perdre mes gosses, je me vois pas.

Femme de 41 ans, sans emploi, originaire du Cameroun, Permis C, en situation monoparentale, vivant avec 3 enfants; BL-NR06

Femme de 41 ans, sans emploi, originaire du Cameroun, Permis C, en situation monoparentale, vivant avec 3 enfants; BL-NR06