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d'études Types d'intervention Champ

Chapitre 4 : Présentation des résultats

5.2 La division sexuelle du pouvoir ou de l'absence de maîtrise sur son corps pour se protéger du VIH/sida

5.2.3 Recours au préservatif

La connaissance répandue du préservatif masculin, la reconnaissance de son efficacité dans la protection contre les IST et les grossesses non désirées, de même que la relative facilité à se le procurer dû à sa grande disponibilité et à son faible coût, sont loin de garantir, chez les filles contactées, son utilisation systématique lors de relations sexuelles, spécialement celles engagées avec le « petit copain » du moment. Il s'avère en effet pour elles problématique, voire impensable, d'exiger le port du préservatif de celui pour qui elles éprouvent des sentiments amoureux, qu'ils soient véritables ou qu'ils incarnent à eux seuls tout l'espoir qui les habitent de sortir un jour du milieu de la prostitution et de la misère qui l'entoure et qui les guettera toute leur vie, à moins qu'un homme ne se présente à elles pour leur demander leur main. Cette éventualité se trouve dans les faits rapidement mise à l'écart compte tenu de l'immuabilité de l'étiquette qui est attribué à ces jeunes filles, ce à quoi personne ne veut être associé. Les filles qui osent exiger le port du condom lors d'une relation sexuelle avec le petit copain risquent de leur côté d'être soumises à de violentes

l'utilisation ou non du préservatif, scénario qui se répète dans une large mesure lors des relations sexuelles de type commercial. Les clients s'attribuent en effet le droit, compte tenu qu'ils détiennent les moyens indispensables à la survie des filles, non seulement de ne pas porter le condom s'ils le décident ainsi, mais de manipuler celles qu'ils savent dans le besoin en offrant soit un montant plus élevé, parfois de l'ordre de 250 francs59 de plus que

le prix normalement exigé pour une relation protégée, soit des promesses de cadeaux en échange d'un rapport non protégé. Ces pratiques confrontent évidemment les jeunes filles à un risque au VIH des plus élevés, d'autant plus qu'elles ne connaissent absolument rien du parcours de ces hommes de passage. Les seuls moments où les filles semblent gagner du pouvoir dans la négociation du port du préservatif sont ceux qui les ramènent à de mauvaises expériences antérieures qui leur causent encore aujourd'hui des soucis comme celle d'avoir un enfant à charge ou celle d'avoir expérimenté une infection sexuelle particulièrement douloureuse. Les risques liés au travail sexuel ne sont donc malheureusement mesurés que lorsqu'ils surviennent, au moment où ils passent de l'abstraction à la réalité. N'est-il donc pas surprenant, dans cette vie tournée vers la survie, qu'il soit ardu pour ces jeunes de percevoir les risques liés au sida, dont les symptômes peuvent apparaître jusqu'à 15 ans après l'infection au virus? Une autre habitude relative aux préservatifs et relevée à travers les propos des jeunes filles semble inquiétante par rapport au potentiel de contamination qu'elle constitue. La conservation des condoms dans des lieux inappropriés tels que l'expose cette jeune : « [...] maintenant je ne fais jamais de rapports non protégés, présentement j'ai mon portefeuille bourré de condoms » (E-13) nous semble inquiétante du fait qu'il est généralement conseillé de garder les préservatifs à des températures inférieures à 30 degrés Celsius. En plus de sa manipulation qui semble défaillante chez ces jeunes filles, que reste-t-il de l'efficacité de cette barrière physique quand la moyenne annuelle de la température de la ville varie entre 21 et 35 degrés Celsius (Organisation météorologique mondiale (OMM), 2007)?

5.2.4 Polygamie

Certaines des représentations entretenues par les jeunes rencontrés au sujet du système conjugal polygame, principalement celles entourant la liberté et le pouvoir de décision qu'il procure aux hommes, participent de plus à l'accroissement du risque au VIH non seulement des filles qui s'adonnent à des activités sexuelles, mais à l'ensemble des femmes du pays. Justement exprimée par ces propos recueillis auprès d'un des garçons rencontrés, « La polygamie c'est bien, « NI DO MAGNÈ, DO BA GNE » : si une ne fait pas l'affaire l'autre le fera» (GDG 17-19C), la polygamie se présente comme l'expression suprême de l'autorité des hommes sur les femmes. Leur offrant selon Le Palec, « [...] une solution institutionnelle pour satisfaire leurs désirs sexuels qui les poussent naturellement vers plusieurs femmes» (1998:355), cette forme d'organisation sociale, qui de surcroît représente pour les instances morales et religieuses une protection contre le dévergondage sexuel, s'avère en réalité être une pratique qui met sérieusement en péril la santé sexuelle des femmes. Face à cette institution qui autorise tout homme marié à avoir des maîtresses qu'il pourra un jour épouser si bon lui semble, les femmes se retrouvent toujours dans le doute d'une probable contamination contre laquelle elles ne peuvent se protéger, l'exigence du port du préservatif par leur mari étant impensable. L'arrivée d'une ou de plusieurs coépouses dans le ménage ajoute au risque d'infection déjà existant, le parcours des nouvelles venues étant bien souvent totalement inconnu des autres femmes. De plus, le recours à des activités sexuelles payantes n'étant pas pour autant écarté de la vie de ces hommes mariés, il en résulte une augmentation considérable du nombre de partenaires sexuels, ce qui multiplie nécessairement les risques de transmettre et de contracter le VIH. Réduites au silence et à l'interdiction de s'indigner face aux comportements de leur mari en raison de la menace constante de répudiation qui plane au-dessus d'elles et qui les mènerait directement à la rue, les femmes se voient dans l'impossibilité de protéger leurs corps contre une éventuelle infection mortelle. Le contexte économique étant très précaire au Mali, les problèmes financiers qui découlent de la multiplication des bouches à nourrir dans un ménage de type polygame peuvent enfin pousser les femmes à se tourner vers la

Le concept de division sexuelle du pouvoir se révèle ainsi comme un outil indispensable à la compréhension du risque accru au VIH/sida déjeunes Bamakoises qui s'adonnent à des activités sexuelles contre rétribution. Les rapports de force inégaux qui s'établissent entre les clients et les filles qui dépendent pour leur survie des moyens que ces hommes mettent à leur disposition conjugués à la violence sexuelle dont elles sont fréquemment victimes et à l'impossibilité pour elles de protéger leur santé en imposant le recours au préservatif créent chez les jeunes rencontrées une situation des plus difficiles dont il semble impossible de se soustraire. Le contexte social qui entraîne de surcroît un double standard dans les comportements sexuels à adopter chez les hommes et les femmes, ce que nous avons pu constater à travers les représentations liées à la polygamie et aux travailleuses du sexe, participe également à accroître le risque au VIH des jeunes participantes au projet.

5.3 La structure de cathexis ou de la rigidité des mœurs sociales