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Le rôle des rapports sociaux de sexe dans la vulnérabilité au VIH/sida de jeunes Maliennes s'adonnant à des activités sexuelles contre rétribution

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Academic year: 2021

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KAREN GIGUÈRE

LE RÔLE DES RAPPORTS SOCIAUX DE SEXE

DANS LA VULNÉRABILITÉ AU VIH/SIDA DE

JEUNES MALIENNES S'ADONNANT À DES

ACTIVITÉS SEXUELLES CONTRE RÉTRIBUTION

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en santé communautaire

pour l'obtention du grade de maître es sciences (M.Se.)

DÉPARTEMENT DE MÉDECINE SOCIALE ET PRÉVENTIVE FACULTÉ DE MÉDECINE

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

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Résumé

Cette étude visait à améliorer la compréhension de l'expérience de jeunes Maliennes qui s'adonnent à des activités de prostitution, en documentant le contexte culturel dans lequel elles évoluent et les rapports sociaux de sexe qui sous-tendent leurs pratiques et qui les rendent particulièrement à risque de contracter le VIH/sida. Les entretiens individuels, de même que les groupes de discussion qui nous ont au total permis de rencontrer 33 jeunes, filles et garçons, dont l'âge variait entre 12 et 19 ans, ont exploré les thèmes des trajectoires, du contexte et des relations sociales, de l'expérience et des représentations liées au travail sexuel et à la sexualité, de l'autonomie, des ressources d'aide et des connaissances en matière d'IST et de VIH. Les analyses ont révélé une inégalité marquée entre les sexes, en ce qui a trait notamment à la division sexuelle du travail, aux rapports de pouvoir et aux normes sociales en vigueur, inégalité qui expose les jeunes filles à un risque accru d'infection par le virus.

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Abstract

This study aimed at improving the compréhension of expériences of Malian girls involved in commercial sex, by documenting the cultural context in which they evolve and the gender relations which underlie their practices and put them particularly at risk of being infected with HIV/AIDS. Through individual interviews and focus groups we met 33 youths, girls and boys, aged 12 to 19 and explored their trajectories, social context and relations, expériences and représentations related to sex work and sexuality, autonomy, help resources and their knowledge about STIs and HIV. Analysis showed gender imbalances, especially in terms of sexual division of labour, power relations and social norms which increase girls' vulnerability to infection.

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Avant-Propos

Mes remerciements se doivent en premier lieu d'être dirigés à l'endroit de ma directrice de mémoire, Maria De Koninck, qui m'a accordée sa confiance tout au long de ma maîtrise et qui m'a offert la possibilité d'explorer ce passionnant thème des rapports sociaux de sexe en contexte africain. Sa grande disponibilité, ses conseils judicieux de même que sa rigueur dans l'orientation de mon travail ont été pour moi des facteurs de réussite dans mes études de second cycle. Le privilège d'avoir pu côtoyer madame De Koninck de façon quotidienne avec ma participation à différents projets se réalisant sous son égide m'a par ailleurs solidement préparée à un avenir professionnel dans le domaine de la recherche en santé publique. Je tiens également à souligner la contribution à ce projet de mon co-directeur, monsieur Richard Marcoux, professeur au Département de sociologie à l'Université Laval, qui, dès les débuts de mon parcours universitaire, a fait naître en moi l'intérêt pour la recherche sociologique en Afrique et dont la longue expérience au Mali a permis à son enseignement d'insuffler à ses étudiants son amour et sa passion pour ce pays.

L'atmosphère familiale dans laquelle je me suis retrouvée au Mali, fortement due à l'accueil chaleureux du personnel du Centre d'appui à la recherche et à la formation (CAREF), particulièrement de messieurs Mamadou Kani Konaté dont le grand attachement envers le Québec nous a permis de rapidement développer une belle complicité et de Mouhamadou Guèye, dont les suggestions d'ordre méthodologique ont toujours été justes, a rendu mon séjour des plus agréables et facilité la phase de travail sur le terrain. Je ne saurais à ce sujet passer sous silence le travail d'une femme exceptionnelle, Dre Fatoumata Djénépo, qui en plus d'avoir assuré la traduction en langue locale de nos outils de collecte de données, a brillamment mené l'ensemble des entretiens et des groupes de discussion formés de filles. Abdoulaye Sidibé qui, en plus de la belle amitié que nous avons cultivée, a su animer avec adresse les discussions avec les garçons, ce dont je le remercie chaleureusement. J'exprime également ma gratitude envers messieurs Etienne Dembélé, à qui j'ai accordé mon entière confiance pour la transcription et la traduction de l'ensemble du matériel recueilli, et Issa Daffé sur qui j'ai toujours pu compter dans l'organisation

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Mali, spécialement à mesdames Aissatou Tinka Bah et Halimatou Diallo Traoré, qui ont permis le contact avec les structures communautaires mobilisées dans le cadre de ce projet et qui ont minutieusement examiné le contenu relatif aux outils de cueillette de données. Nos sincères remerciements également à ces associations qui nous ont ouvert grandes leurs portes pour rencontrer les jeunes et à ces derniers, en particulier les filles, qui nous ont fait confiance et qui ont partagé avec nous une partie de leur histoire de vie.

Mes remerciements ne sauraient s'achever sans souligner le soutien sans borne de ma famille, en particulier de mes parents, Linette et Roger, qui ont toujours trouvé les mots pour m'encourager non seulement dans la poursuite de mes études, mais aussi dans toutes les sphères de ma vie. Je leur en saurai toujours gré. Mes plus tendres pensées se tournent par ailleurs vers mon amoureux, Mounir, dont le support mutuel vers l'atteinte de nos objectifs universitaires, jumelé à la simplicité de notre relation et au bonheur qu'elle suscite, ont été au cœur de cette démarche réalisée au cours des dernières années. J'offre enfin mon affection à toutes celles et ceux que j'ai fréquentés de près ou de loin durant mes études, formant ce que nous avons communément appelé le Pavillon de l'Est. La richesse humaine et culturelle que j ' y ai trouvée m'a profondément transformée et les valeurs que j ' y ai rencontrées sauront toujours guider mes pas. Mes souvenirs les meilleurs vont à celles

qui se reconnaîtront dans ces mots et à qui je dois des moments inoubliables. L'inusuelle authenticité, la générosité inégalable et l'humour sans pareil qui leur sont propres font d'elles des femmes extraordinaires.

J'aimerais en dernier lieu souligner la participation financière du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada, de l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) et du Projet SIDA 3 - volet Genre et Développement dans la réalisation de ce projet.

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« The most vulnérable part ofthe human factor in this raging, all-consuming pandémie of HIV and AIDS in Africa is the vulnerability

ofwomen and girls. Seventy-five percent of the infected 1524 yearolds in Africa -almost five million - are young women and girls. This is the legacy of gender inequality.

This is what gender inequality hath wrought ».

Stephen Lewis, XV International AIDS Conférence, Bangkok, 2004

« The AIDS épidémie cannot he understood, nor can effective responses he developed, without taking into account the fundamental ways that gender influences the spread ofthe

disease, its impact, and the success of prévention efforts ».

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Table des matières

RÉSUMÉ ii ABSTRACT iii AVANT-PROPOS iv LISTE DES TABLEAUX x

LISTE DES FIGURES xi INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1 : CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE À L'ÉTUDE 4

1.1 Le travail sexuel comme enjeu de santé publique 4

1.1.1 Thématiques de recherche et d'interventions sur le travail sexuel comme enjeu

de santé publique 8

1.1.1.1 Circonstances qui contribuent à l'entrée dans le commerce du sexe 9 1.1.1.2 Facteurs qui augmentent la vulnérabilité des travailleuses du sexe à

l'infection au VIH 12 1.1.1.3 Soins et appui aux travailleuses du sexe vivant avec le VIH/sida 16

1.2 Afrique subsaharienne : une région lourdement touchée par le VIH/sida 17

1.2.1 Jeunes Africaines : une population à risque au VIH 23

1.2.1.1 Le travail sexuel comme réponse à la précarité et comme risque à

la santé 26 1.3 Portrait du Mali 27 1.3.1 Position géographique 27 1.3.2 Situation économique 27 1.3.3 Répartition démographique 28 1.3.4 Profil sanitaire 29

1.4 Bamako, une capitale en mouvement 30

1.4.1 Vne population diversifiée issue dejlux migratoires 32 1.4.2 Les quartiers de Bamako : une hétérogénéité marquée 32

1.4.3 Des dynamiques urbaines déséquilibrées 34

1.5 Portrait du VIH/sida au Mali 36

CHAPITRE 2 : APPROCHE THÉORIQUE ET OBJECTIFS DE LA

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2.4.1 Configuration sociale des relations hommes-femmes 56

2.4.2 Structures à la base des relations de genre 57

2.5 Le modèle de Wingood et DiClemente : un regard de la santé publique sur les relations

de genre comme facteur de vulnérabilité des femmes au VIH/sida 60

2.6 Objectifs et question de recherche 65

CHAPITRE 3 : PLAN MÉTHODOLOGIQUE 66

3.1 Mise en contexte et préparation de la collecte de données 66

3.2 Approche méthodologique retenue 67

3.2.1 Critères de scientificité de l'approche retenue 68

3.2.1.1 Validité interne ou crédibilité 69 3.2.1.2 Validité externe ou transférabilité 70

3.2.1.3 Fidélité ou constance 70 3.2.1.4 Objectivité ou fiabilité 71

3.3 Collecte de données 72

3.3.1 Population à l'étude 72 3.3.2 Outils de collecte de données 72

3.3.3 Échantillonnage 75 3.3.4 Présentation de l'échantillon 76

3.3.5 Déroulement de la collecte de données 78

3.4 Traitement et analyse des données 81

3.5 Considérations éthiques 82

CHAPITRE 4 : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS 84

4.1 Caractéristiques biographiques individuelles 84

4.1.1 Trajectoires et relations familiales 84

4.1.2 Trajectoires scolaires 89 4.1.3 Trajectoires et expériences résidentielles 92

4.1.4 Trajectoires de santé de la reproduction 95

4.1.5 Trajectoires de travail 99

4.2 Contexte de pratique des activités de prostitution 101

4.2.1 Expériences liées au travail sexuel 101 4.2.2 Contexte et normes sociales 104

4.2.2.1 Représentations du rôle social de la femme et de l'homme 104

4.2.2.2 Socialisation des filles et des garçons 105 4.2.2.3 Sexualité des filles et des garçons 106 4.2.2.4 Représentations du mariage et de la fidélité 110

4.2.2.5 Polygamie 114 4.3 Représentations liées au travail sexuel 115

4.3.1 Représentations du travail sexuel 116 4.3.2 Représentations des travailleuses du sexe 121

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4.4.2 Réseaux sociaux 127

4.5 Expérience liée à la sexualité 129

4.5.1 Expériences sexuelles 130 4.5.2 Utilisation du condom 131

4.6 Risques connus à la santé sexuelle et ressources d'aide 135

4.6.1 Connaissances, croyances et expériences en matière de Vf H/sida et autres

IST 135 4.6.2 Ressources d'aide et d'orientation 136

4.7 Autonomie et maîtrise sur sa vie 137

CHAPITRE 5 : DISCUSSION 140 5.1 La division sexuelle du travail ou de la précarité des conditions de vie comme entrave

à la protection contre le VIH/sida 140

5.1.1 Scolarisation 140 5.1.2 Vie dans la rue 143 5.1.3 Expériences de travail 147 5.1.4 Rôles traditionnels 148

5.2 La division sexuelle du pouvoir ou de l'absence de maîtrise sur son corps pour se

protéger du VIH/sida 150

5.2.1 Rapports inégaux 150

5.2.2 Violence 151 5.2.3 Recours au préservatif 155

5.2.4 Polygamie 157

5.3 La structure de cathexis ou de la rigidité des mœurs sociales comme obstacle à la

protection contre le VIH/sida 158

5.3.1 Relations amoureuses 158

5.3.2 Grossesses 160 5.3.3 Normes sexuelles 162 5.3.4 Détresse psychologique 163 5.3.5 Connaissance des IST 164

CONCLUSION 165 BIBLIOGRAPHIE 168

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Estimation du nombre de personnes (adultes et d'enfants) vivant avec le VIH dans le monde, en Afrique subsaharienne et au Mali, en 2003 et en 2005 38 Tableau 2 : Estimation du nombre d'individus âgés de 15 ans et plus vivant avec le VIH

dans le monde, en Afrique subsaharienne et au Mali, en 2003 et en 2005 38 Tableau 3 : Estimation du nombre de femmes de 15 ans et plus vivant avec le VIH dans le

monde, en Afrique subsaharienne et au Mali, en 2003 et en 2005 39 Tableau 4 : Estimation du nombre d'orphelins du sida vivants (0-17 ans) dans le monde, en

Afrique subsaharienne et au Mali, en 2003 et en 2005 42 Tableau 5 : Répartition des répondantes selon l'âge, le nombre de grossesses, les issues de

grossesses, l'état de grossesse actuel et l'état d'avancement de la grossesse

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Liste des figures

Figure 1 : Circonstances qui contribuent à l'entrée dans le commerce du sexe 10 Figure 2 : Facteurs qui augmentent la vulnérabilité des travailleuses du sexe à l'infection

au VIH 13 Figure 3 : Thématiques principales de recherche et d'interventions sur la prostitution

comme enjeu de santé publique 17 Figure 4 : Répartition mondiale de l'infection au VIH 18

Figure 5 : Estimation du nombre de personnes vivant avec le VIH et de la prévalence de l'infection (%) parmi la population des 15-49 ans en Afrique subsaharienne,

1985-2005 19 Figure 6 : Prévalence du VIH (%) parmi la population adulte de l'Afrique, 2005 20

Figure 7 : Prévalence du VIH parmi les jeunes (âgés de 15 à 24 ans) dans certains pays

d'Afrique subsaharienne, 2005 24 Figure 8 : Pourcentage déjeunes âgés de 15 à 24 ans disant avoir utilisé un préservatif au

cours d'un rapport sexuel avec un partenaire non régulier,

Afrique subsaharienne, 2001-2005 25 Figure 9 : Estimation des taux de prévalence (%) du VIH chez les 15-49 ans dans le monde,

en Afrique subsaharienne et au Mali, en 2003 et en 2005 37 Figure 10 : Comparaison des taux de prévalence estimée du VIH (%) entre les hommes et

les femmes âgés de 15 à 24 ans en Afrique subsaharienne et au Mali en 2005 .40 Figure 11 : Comparaison des taux de prévalence estimée du VIH (%) parmi les femmes

enceintes de 15 à 24 ans de la capitale burkinabé et de l'ensemble du Mali, par

groupe d'âges, entre 2002 et 2005 41 Figure 12 : Estimation des taux de prévalence du VIH (%) au sein des travailleuses du sexe

de Bamako et de quelques autres capitales du monde pour les années 2000 et

2005 43 Figure 13 : Le rôle du pouvoir dans les décisions relatives à la sexualité 49

Figure 14 : Représentation des structures d'un ordre social basé sur le genre 57 Figure 15 : Différences entre les domaines d'études formant le modèle

de Wingood et DiClemente 62 Figure 16 : Structures, exposition et facteurs de risque au VIH 63

Figure 18 : Représentation graphique de l'échantillon final de la recherche 76 Figure 19 : Répartition des répondantes selon la fréquentation scolaire (n=25) 90 Figure 20 : Répartition des répondantes déscolarisées selon la dernière année de scolarité

complétée (n=T3) 91 Figure 21 : Lieu de résidence actuelle déclaré par les répondantes (n=25) 94

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Introduction

Dans la foulée des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), les préoccupations pour la santé des jeunes filles vivant en milieu urbain, notamment dues à l'importante exposition au VIH/sida à laquelle elles doivent faire face (OMD 6) et aux systèmes d'inégalités sociales basées sur le sexe au sein desquelles elles évoluent dans plusieurs contextes (OMD 3), occupent une place de plus en plus importante dans les réflexions entourant l'épidémie en Afrique subsaharienne (UN Millennium Project, 2005a; UN Millennium Project, 2005b; Bruce et Chong, 2006:7-10; UN Millennium Project, 2006; Plan International, 2007). Regroupant à elle seule près de 64% de l'ensemble des personnes vivant avec le VIH dont deux millions sont des enfants âgés de moins de 15 ans (ONUSIDA/OMS, 2006a), l'Afrique subsaharienne présente de surcroît un portrait de la maladie essentiellement féminin. En effet, dans la région, les femmes représentent 59 % des adultes vivant avec le VIH (ONUSIDA/OMS, 2006a), alors que les filles âgées entre 15 et 24 ans sont entre deux et six fois plus susceptibles d'être séropositives que leurs homologues masculins et que les deux tiers des nouveaux cas d'infection chez les jeunes de

15 à 19 ans sont le lot des filles (Plan International, 2007). L'Afrique de l'Ouest, bien qu'elle soit la sous-région la moins affectée par la maladie, avec, dans plusieurs pays, une prévalence inférieure à 2%, doit faire face elle aussi à une féminisation de la maladie particulièrement marquée chez sa jeune population. Au Mali par exemple, pays qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de ce travail, les filles âgées entre 15 et 24 ans sont trois fois plus touchées par l'infection au VIH que ne le sont les jeunes Maliens appartenant au même groupe d'âge, les taux de prévalence s'établissant respectivement à 1,2% et 0,4% (ONUSIDA/OMS, 2006a).

Un autre sous-groupe de la population ouest-africaine préoccupe depuis plusieurs années les acteurs de la santé publique, soit les femmes qui s'adonnent à des activités de prostitution. Avec des taux de prévalence supérieurs à 30% dans plusieurs pays (ONUSIDA/OMS, 2006a), les travailleuses du sexe sont davantage exposées à la maladie,

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passer de 21% à 31,6% entre les années 2000 et 2005 (ONUSIDA/OMS, 2006a), ce qui a soulevé de vives inquiétudes au sein d'institutions œuvrant dans le domaine du développement international, notamment de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) qui a poursuivi, entre 2001 et 2006, le Projet d'appui à la lutte contre

le sida en Afrique de l'Ouest - Sida 3, en concentrant ses efforts sur les populations

vulnérables évoluant autour du commerce du sexe. En prolongement des activités du volet

Genre et Développement, qui a entre autres documenté les trajectoires de jeunes filles

impliquées dans des activités de prostitution (CCISD, 2005), le présent projet avait pour visée d'une part d'approfondir les informations précédemment recueillies dans la ville de Bamako, et d'autre part, de générer un corpus de données de type expérientiel et socioculturel. L'intérêt de se pencher précisément sur cette population relève des difficiles conditions de vie dans lesquelles se trouvent ces jeunes filles et qui sont souvent engendrées par une arrivée en ville précoce et précipitée et grandement motivée par la quête de gains financiers ou matériels. En plus de les isoler et de les priver de la protection de leur entourage, la vie en ville les expose à des risques auxquels elles n'étaient pas préparées à répondre et à des pratiques qui menacent à bien des égards leur intégrité physique et psychologique (Konaté, Meyers et al., 2003).

À la lumière de ces informations, il apparaissait que seule une meilleure compréhension de l'expérience des jeunes filles, du contexte culturel dans lequel elles évoluent et des rapports de genre dans lesquels s'inscrivent leurs pratiques sexuelles permettrait de dégager des pistes d'interventions préventives auprès de cette population. Pour se faire, nous avons mis en place une stratégie de recherche qualitative qui nous a permis de rencontrer des jeunes, dont la plupart étaient des filles engagées dans des activités de prostitution et des garçons spécialement sollicités pour nous donner leur point de vue sur le contexte social régissant les rapports entre les hommes et les femmes dans leur pays qui représente en quelque sorte la trame de fond des activités sexuelles exercées par les jeunes filles.

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égard au VIH/sida. Le second chapitre expose les choix théoriques retenus dans le cadre de ce projet de même que la question à laquelle il a tenté de répondre et les objectifs qu'il s'était initialement proposé de rencontrer. Le chapitre trois décrit de son côté le plan méthodologique déployé au cours de ce travail pour ensuite passer, au chapitre quatre, à la présentation des données recueillies sur le terrain. Une discussion, soumettant les résultats aux éléments théoriques précédemment introduits, compose enfin le dernier chapitre. Une conclusion, proposant des recommandations en termes d'interventions, clôt enfin ce travail.

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Chapitre 1 : Contexte et problématique à l'étude

Ce chapitre a pour but d'introduire la problématique à l'étude en présentant tout d'abord le travail sexuel comme un enjeu de santé publique couvrant plusieurs champs de recherche et d'interventions. Les tendances générales de l'épidémie du VIH/sida en Afrique subsaharienne seront par la suite exposées puis un portrait sociodémographique du Mali, de Bamako, sa capitale et de la situation du pays sera dressé eu égard à la maladie.

1.1 Le travail sexuel comme enjeu de santé publique

À l'instar des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, des consommateurs de drogues injectables et des détenus, les travailleuses du sexe constituent un des principaux groupes ciblés par les interventions de santé publique à travers le monde, d'un côté parce qu'elles ont des comportements qui les confrontent à un risque accru d'infection au VIH et de l'autre parce qu'elles comptent parmi les groupes de population les plus marginalisés et les plus discriminés de la société (ONUS1DA/OMS, 2006a). Affichant de façon globale des taux de prévalence de l'infection plus élevés que ceux de la population générale, ce groupe dit à risque, ou vulnérable', présente en effet un portrait sanitaire des plus préoccupants. Dans les principales zones urbaines d'Afrique subsaharienne par exemple, différentes études réalisées au cours des huit dernières années ont révélé des niveaux d'infection au VIH parmi les travailleuses du sexe atteignant 73% en Ethiopie, 68% en Zambie, 50% au Ghana et en Afrique du Sud, 40% au Bénin, 31% en Côte d'Ivoire, 27% à Djibouti et au Kenya et 23% au Mali2 (ONUSIDA, 2003a).

Le risque au VIH peut être défini comme la probabilité qu'une personne soit infectée par le virus du fait de ses agissements propres, que ce soit en toute conscience ou non, ou du fait des agissements d'une autre personne. Par exemple, l'injection de drogues au moyen d'aiguilles contaminées ou les relations sexuelles non protégées avec des partenaires multiples sont des comportements qui augmentent le risque d'infection par le

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Selon PONUSIDA, le travail sexuel semble être favorisé lorsque coexistent demande de services sexuels et contexte propice. Le contexte dans lequel il intervient habituellement se caractérise par « une concentration de la population sexuellement active, un anonymat suffisant, une proportion d'hommes élevée par rapport à celle des femmes et, plus important encore, des disparités socioéconomiques qui rendent le commerce du sexe financièrement abordable pour le client et en font un gagne-pain attractif pour les travailleuses du sexe3 » (2003b:4). Ces circonstances peuvent se retrouver non seulement

dans les centres urbains, mais également dans les régions minières et industrielles, les ports, les communautés situées le long des principaux axes de transit et de transport, les villes marchandes frontalières, etc. Il existe des différences considérables d'un endroit à l'autre dans la façon dont le commerce du sexe est organisé et dans son degré de visibilité. Les études révèlent également que ce qui motive la transaction sexuelle peut varier très largement dans et entre les communautés (ONUSIDA, 2003b).

De façon générale, deux catégories de travail sexuel peuvent être distinguées : l'une est organisée et a des allures officielles, l'autre s'exerce en dehors de toute règle ou organisation établie. La première se pratique en général dans des établissements désignés, où la direction et les souteneurs font office d'autorités et d'intermédiaires entre les travailleuses du sexe et les clients. On trouve souvent ce type de commerce du sexe en Asie où des établissements tels que les maisons de passe, les boîtes de nuit et les salons de massage sont des lieux propices pour les activités sexuelles à but commercial. La seconde est pratiquée par des personnes faisant le trottoir et des escortes travaillant pour leur propre compte, qui trouvent leurs clients de manière indépendante. Cette seconde catégorie de prostitution est également représentée par des individus qui vendent des services sexuels pour répondre à des besoins matériels immédiats, tels que les frais de scolarité de leurs enfants ou une crise financière familiale. Cette dernière option prédomine dans la plupart des milieux africains, où le commerce du sexe est moins susceptible de constituer une occupation à temps plein (ONUSIDA, 2003b).

(17)

Les travailleuses du sexe ont, quel que soit leur milieu d'appartenance, certaines caractéristiques en commun. Beaucoup d'entre elles se sont en effet adonnées à cette activité alors qu'elles n'étaient encore que des enfants ou de jeunes adolescentes. Dans l'ensemble, ce sont déjeunes femmes qui ont quitté les campagnes ou les petites villes pour les grandes zones urbaines, soit parce qu'elles avaient été engagées par des maisons de passe ou des souteneurs, soit parce qu'elles étaient à la recherche d'un emploi. Elles ne possèdent en général pas les capacités qui leur permettraient de relever les défis de la vie citadine ou de tisser de nouveaux liens sociaux. La majorité d'entre elles est censée contribuer aux revenus familiaux ; ce sont souvent en réalité les seuls et uniques soutiens de la famille. À cette migration plus ou moins volontaire vers les centres urbains pour des raisons économiques s'ajoute le phénomène de la traite et de l'exploitation sexuelle de femmes et de jeunes filles à des fins commerciales dans des régions comme l'Asie et l'Europe de l'Est (ONUSIDA, 2003b).

Il est par ailleurs difficile, voire impossible de déterminer le nombre de personnes qui se livrent à des activités sexuelles contre rétribution. Bien que certains pays soient en mesure de fournir des chiffres par le biais des registres d'application de la loi ou des services de santé, ces chiffres sont en général considérés comme non représentatifs des populations impliquées clandestinement et massivement dans le commerce du sexe. Des initiatives ont récemment été prises pour concevoir des méthodes de recherche qui permettraient d'obtenir des estimations plus précises, mais le plus souvent elles ne font état que de certains groupes bien définis de travailleuses du sexe (ONUSIDA, 2003b).

Le statut juridique du travail sexuel dans une région donnée influe de façon significative sur l'efficacité des programmes de lutte contre le sida destinés aux travailleuses du sexe. Là où le commerce du sexe est illégal, les cadres législatifs sont bien souvent orientés vers la pénalisation de celles qui pratiquent ce type d'activité, les rendant ainsi « [...] moins susceptibles de chercher à bénéficier des services de santé et [les menant] plus probablement [à exercer] leur activité clandestinement » (ONUSIDA, 2003b:5). Quelques

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y ont recours d'importants outils de protection juridique4. Dans de tels contextes, les lois

contre les abus et l'exploitation ont de meilleures chances d'être mises en application, ce qui réduit l'incidence des actes de violence commis à l'égard des travailleuses du sexe, en particulier ceux qui sont perpétrés par des responsables de l'application de la loi qui sont corrompus. Le commerce du sexe légal se limite souvent à des régions géographiques bien précises, en étant régulé par un système d'enregistrement et de contrôles sanitaires. Adapté au commerce du sexe officiel ou en établissement, ce système présente toutefois des faiblesses, et ce à deux niveaux. D'un côté, il ne permet pas d'atteindre les travailleuses du sexe exerçant de façon clandestine et de l'autre, cette pratique risque d'accroître la stigmatisation sociale dont elles sont victimes.

Rares sont en outre les études qui ont documenté la situation des hommes qui font appel à des services sexuels de type commercial. Certes confrontés à une sous-notification importante de la part des hommes en général, les quelques projets à s'y être intéressés ont permis de dresser un portrait plus clair de ces clients. Une recherche menée à ce sujet par Bédard (2005) révèle que des attitudes culturelles et des mécanismes tenaces de socialisation permettent aux hommes de justifier le recours aux services sexuels payants par diverses raisons : un manque de rapports satisfaisants, une abstinence circonstancielle, un désir sexuel incontrôlable ou tout simplement un droit naturel d'avoir plusieurs partenaires sexuelles.

Enfin, les infections sexuellement transmissibles (IST), qui jouent un rôle de cofacteurs de l'infection au VIH, se présentent à des taux particulièrement élevés chez les travailleuses du sexe, ce qui peut porter à croire à une propagation rapide de l'épidémie (ONUSIDA, 2003b). La stratégie du projet Sida 3, financé par l'Agence canadienne de développement international (ACD1) et actif entre 2001 et 2006 dans neuf pays d'Afrique de l'Ouest reposait notamment sur ces constats, orientant ainsi une partie de ses activités vers la

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réduction des taux de prévalence des IST dans les milieux prostitutionnels5. D'autres

facteurs corrélés avec les épidémies de VIH sont relevés dans la littérature : nombre quotidien de clients, fréquence du recours des hommes au commerce du sexe, taux d'utilisation régulière du préservatif, antécédents d'IST et chiffres actuels, violence et consommation de drogues injectables. Il semble en outre d'usage, chez les travailleuses du sexe, d'adopter de façon nettement moins marquée des pratiques sexuelles sécuritaires avec leurs partenaires réguliers non payants qu'avec les clients qui paient. L'utilisation du préservatif serait ainsi plus rare lors de relations sexuelles avec un partenaire considéré comme stable, communément appelé « boyfriend » (Bajos, 1997; Adomako, 1998; Vuarin,

1998; Konaté, Djénépo et al., 2005).

1.1.1 Thématiques de recherche et d'interventions sur le travail sexuel comme enjeu de santé publique

Les décennies suivant l'apparition des premiers cas déclarés de sida ont permis une compréhension progressive de la nature et de l'étendue du travail sexuel, « [...] en partie grâce aux campagnes d'information et d'éducation axées sur le VIH/sida » (ONUSIDA, 2003b:4). Se multipliant à une vitesse fulgurante, les projets de recherche et les programmes d'intervention ayant comme visée la réduction des risques liés au travail sexuel ont mobilisé une part importante des ressources provenant des champs biomédical et social des pays industrialisés et en développement (Pickering, Todd et al., 1992; Ferry, 1998; DeMatteo, Major et al., 1999; Kandela, 2000; Lichtenstein, 2000; Morison, Weiss et al., 2001; Luke et Kurz, 2002; Williams, Bowen et al., 2006; Vall-Mayans, Villa et al., 2007).

Le projet Sida 3 représente la troisième phase d'une vaste opération de la coopération canadienne pour l'appui à la lutte contre le sida en Afrique démarrée il y a plus de 15 ans. Les interventions de Sida 3 se déroulent en continuité avec celles de la phase précédente (Sida 2) et avec les mêmes partenaires dans le cadre d'un consortium entre le Centre de coopération internationale en santé et développement (CCISD) qui agit en tant qu'interlocuteur unique, le Centre de recherche clinique du centre hospitalier universitaire de Sherbrooke

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Trois principaux domaines d'investigation apparaissent parmi ce foisonnement de productions scientifiques et programmatiques ayant pour but de lier les réalités du travail sexuel à celles de l'infection au VIH : les circonstances qui contribuent à l'entrée dans le commerce du sexe, les facteurs qui augmentent la vulnérabilité des travailleuses du sexe à l'infection et les soins et appui à fournir à celles vivant avec la maladie. Les thématiques propres à chacun de ces domaines d'investigation sont relevées dans les figures qui suivent et tour à tour brièvement explicitées.

1.1.1.1 Circonstances qui contribuent à l'entrée dans le commerce du sexe

Les circonstances de la vie qui forcent les femmes, quel que soit leur âge, à s'adonner au travail sexuel sont multiples et de natures diverses. La pauvreté et les perspectives de revenus limitées jouent dans un premier temps un rôle majeur dans l'initiation au travail sexuel, qu'elle soit vécue de façon volontaire ou exercée sous la contrainte. La vaste majorité de ces femmes n'ont guère d'autres possibilités de revenus, souvent parce que leur niveau d'instruction et de compétences ne leur ouvre pas les portes du marché de l'emploi. Les personnes qui ont des emplois mal rémunérés ou d'autres sources d'avoirs, mais insuffisants, peuvent décider de compléter leurs revenus en pratiquant, de façon ponctuelle, des activités sexuelles contre rétribution. Comme elles ne se considèrent pas comme des travailleuses du sexe, il est particulièrement difficile de les rejoindre par les interventions de santé publique qui leur sont destinées (ONUSIDA, 2003b).

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Figure 1 : Circonstances qui contribuent à l'entrée dans le commerce du sexe

z

Circonstances qui contribuent à l'entrée dans le commerce du sexe

• Pauvreté et perspectives de revenus limitées

• Inégalités sexospécifiques • Exploitation sexuelle - traite des

femmes

• Croyances et pratiques culturelles

Source : Adaptation graphique (ONUSIDA, 2003b:7) Les inégalités liées au genre contribuent également à pousser les femmes vers le commerce du sexe. Alors que les droits et l'indépendance financière des femmes sont souvent limités, c'est pourtant à elles qu'incombe la plupart du temps la responsabilité de faire vivre la famille. En plus d'un accès limité à l'emploi, dans bien des sociétés, les femmes n'ont guère d'autres perspectives de soutien financier hors mariage que le travail sexuel. Le commerce du sexe peut offrir aux femmes mariées ou en âge de se marier un meilleur contrôle de leur sexualité que la société où elles vivent ne leur en accorde, et l'utiliser pour leur propre profit peut leur apparaître comme une alternative viable au mariage. De surcroît, nombreux sont les contextes socioculturels qui font bénéficier aux besoins sexuels des hommes un statut prioritaire par rapport à ceux des femmes. Les normes sociales qui mettent en exergue la notion de prédominance des hommes en matière de sexualité sont propices à un environnement où la violence à l'égard des femmes constitue une menace potentielle ou réelle (ONUSIDA, 2003b). Maintes études portant sur la réalité des travailleuses du sexe révèlent que beaucoup d'entre elles sont victimes de sévices sexuels et corporels (Jenkins, 1999; Church, Henderson et al., 2001; Watts et Zimmerman, 2002; Dunkle, Jewkes et al., 2004; Elmore-Meegan, Conroy et al., 2004).

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des femmes et des enfants à des fins commerciales existe à grande échelle dans le monde, certaines régions étant plus touchées que d'autres6. À l'ère du sida, les jeunes filles sont

particulièrement vulnérables à la traite ou à l'entrée de force dans le commerce du sexe, leur jeunesse et leur virginité pouvant être considérées, notamment en Afrique du Sud, comme un traitement contre l'infection au VIH (Bowley et Pitchera, 2002; Leclerc-Madlala, 2002; Richter, 2003; Pramjeeth, 2004). La grande mobilité de la vie contemporaine peut également faire tomber les femmes et les jeunes dans le piège de l'exploitation sexuelle. Les femmes qui émigrent pour des raisons économiques (soit vers un autre pays, soit vers la ville) sont spécialement exposées à l'exploitation sexuelle ou à la traite, en raison de leur naïveté par rapport à cette nouvelle ville ou à ce nouveau pays, de l'obstacle éventuel de la langue, et de la précarité de leur situation financière. Les femmes et les jeunes en situation de réfugiés ou d'urgence sont aussi particulièrement fragiles face à l'exploitation sexuelle, dans la mesure où échanger un acte sexuel contre de l'argent, des services ou des biens peut souvent être une question de survie (ONUSIDA, 2003b).

Certaines croyances et pratiques culturelles traditionnelles participent également à la vulnérabilité accrue des femmes face au travail sexuel, ces mêmes croyances expliquant le fréquent recours des hommes aux services des travailleuses du sexe. Par exemple, certaines traditions incitent depuis des générations les jeunes hommes à avoir leur première expérience sexuelle avec une femme expérimentée, en général une travailleuses du sexe. D'autres croient qu'il peut être physiquement nuisible pour un homme de tarder à apaiser ses tensions sexuelles, ce qui accroît la propension des voyageurs, des migrants et des hommes non mariés à faire appel aux services de prostituées. Ces normes peuvent engendrer une forte pression sociale sur les hommes, particulièrement les plus jeunes qui peuvent se sentir poussés par les copains à prouver leur virilité. Dans certaines cultures, il peut être acceptable, voire attendu, que les filles non mariées apportent des revenus supplémentaires à la famille, et le commerce du sexe est parfois leur seule option. La croyance traditionnelle selon laquelle les rapports sexuels avec une jeune fille vierge guérissent la syphilis refait surface: ils guériraient ou préviendraient ainsi les IST et le

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VIH/sida. Cette croyance peut avoir participé à l'augmentation du nombre de filles mariées à un âge précoce avec des hommes plus âgés, déjà infectés, de même qu'à l'accroissement de la demande de travailleuses du sexe très jeunes (ONUSIDA, 2003b).

1.1.1.2 Facteurs qui augmentent la vulnérabilité des travailleuses du sexe à l'infection au VIH

Nombreux sont par ailleurs les facteurs qui augmentent la vulnérabilité des travailleuses du sexe à l'infection au VIH. La stigmatisation et la marginalisation dont elles sont victimes les tiennent à l'écart de ce qui est socialement acceptable dans une société donnée, les éloignant du même coup des services juridiques, sanitaires et sociaux qui pourraient potentiellement les protéger du VIH. Ce phénomène ne touche toutefois pas nécessairement les clients ou les tiers impliqués dans le commerce du sexe, par exemple les partenaires sexuels non payants ou encore les policiers, dont l'image ne risque pas d'être entachée par le recours aux services d'une travailleuse du sexe. Ce double standard tire son origine de normes sociales qui ne reconnaissent souvent qu'un ensemble limité de rôles « acceptables » pour les femmes, à savoir les rôles de fille, d'épouse, de mère, de femme d'intérieur. Le rôle de travailleuse du sexe n'entrant dans aucune de ces catégories, il ne peut pas dans ce cas être considéré comme respectable (ONUSIDA, 2003b). Fortement valorisée dans les traditions de plusieurs sociétés africaines, cette notion de respectabilité à maintenir pour préserver l'ordre social peut exercer une forte pression sur les femmes qui s'adonnent au travail sexuel et les exposer à un risque accru au VIH. À cet effet, une étude réalisée par Campbell (1998) auprès de travailleuses du sexe sud-africaines met en lumière une série de stratégies mobilisées pour préserver, malgré un métier stigmatisé, une part de respectabilité sociale, stratégies qui affaiblissent, avec le temps, l'estime et la confiance en soi qui à leur tour atténuent les habiletés de négociation du port du préservatif7.

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Figure 2 : Facteurs qui augmentent la vulnérabilité des travailleuses du sexe à l'infection au VIH

Facteurs qui augmentent la vulnérabilité des travailleuses du

sexe à l'Infection au VIH

Stigmatisation et marginalisation

Absence de lois et de politiques protectrices Manque d'accès aux services sanitaires, sociaux et juridiques

Information, savoir-foire et un pouvoir de négociation limités et un accès entravé aux moyens de prévention

Facteurs rattachés au mode de vie Accroissement de la mobilité

Source : Adaptation graphique (ONUS1DA, 2003b:8-9) L'absence de lois et de politiques protectrices qui permettraient de protéger les travailleuses du sexe participe également à leur vulnérabilité accrue au VIH. Elles ne peuvent que très rarement par exemple espérer voir aboutir en leur faveur les plaintes déposées contre quelqu'un qui les aurait violées. Ces circonstances liées au statut juridique des travailleuses du sexe participent elles aussi à la propagation rapide de la maladie à l'intérieur de ces milieux. Dans certains pays, notamment aux États-Unis et dans certains États du Moyen-Orient, le commerce du sexe est interdit et est décrété à la fois illégal et passible de sanctions. Face à ces lois et politiques oppressives, la clandestinité du commerce du sexe ne peut que s'accentuer, rendant les activités de prévention et de prise en charge du VIH/sida et des autres IST pratiquement impossibles à mettre en œuvre. Les réglementations répressives et restrictives peuvent contrevenir au droit des travailleuses du sexe aux examens médicaux volontaires et confidentiels, les éloigner des services de santé disponibles ainsi que des activités d'information et d'éducation relatives à une sexualité à moindre risque (ONUSIDA, 2003b).

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pour traiter des questions d'ordre social ou juridique. Même lorsque ces services sont à leur disposition, diverses conditions peuvent les dissuader d'y avoir recours : des horaires et des lieux peu pratiques, des attitudes malveillantes ou réprobatrices de la part du personnel et des autres clients, des facturations d'honoraires plus élevées dans leur cas et une médiocre qualité de service en général (ONUSIDA, 2003b).

Une information, un savoir-faire et un pouvoir de négociation limités ainsi qu'un accès entravé aux moyens de prévention peuvent mener les travailleuses du sexe et les clients à adopter des comportements qui multiplient les risques d'infection au VIH. Les actes sexuels non protégés à caractère commercial ont généralement lieu parce que l'un des acteurs, ou les deux, ne se soucie pas de protéger sa santé sexuelle, ne sait pas comment le faire ou ne dispose pas des moyens nécessaires pour y arriver (par exemple les préservatifs ou la connaissance des pratiques sexuelles sans risque). Les travailleuses du sexe n'ont souvent pas suffisamment de pouvoir personnel pour négocier des pratiques sexuelles sans risque et peuvent travailler sous la menace ou subir des représailles pour avoir cherché à les exercer. Le risque d'infection au VIH est aussi majoré lorsque les personnes qui sont à la tête de l'industrie du sexe découragent activement les pratiques sexuelles sans risque ou ne font rien pour les encourager et lorsque les conditions de travail limitent les possibilités de négociation de la sexualité sans risque (ONUSIDA, 2003b).

Des facteurs rattachés au mode de vie peuvent également accroître le risque d'infection au VIH des travailleuses du sexe. Le milieu du commerce du sexe suppose fréquemment la consommation d'alcool et, dans certaines régions, de drogues. Il est démontré que cet usage désinhibe et qu'il est associé à une incidence accrue des IST, probablement due à l'utilisation incorrecte ou au non recours au préservatif. L'alcool augmente également le temps qu'il faut à un homme pour atteindre l'orgasme, ce qui peut accroître le phénomène d'abrasion anale ou vaginale lié aux rapports sexuels non protégés ou insuffisamment lubrifiés et favoriser ainsi la transmission du VIH (ONUSIDA, 2003b). Des actes de violence, notamment de violence sexuelle portés à l'égard des travailleuses et perpétrés par

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négocier des pratiques sexuelles à moindre risque ou en insistant sur l'usage du préservatif, les travailleuses du sexe peuvent se trouver confrontées à des réactions violentes. Un rapport sexuel violent peut entraîner des lésions des muqueuses délicates, accroissant ainsi le risque de transmission du VIH. La transmission sexuelle du VIH entre un partenaire non toxicomane et un consommateur de drogues injectables est un mode d'infection aussi réelle. Dans certaines régions, des hommes et des femmes s'adonnent au commerce du sexe pour gagner de l'argent afin d'acheter des drogues, ou offrent un acte sexuel en échange de drogues (Astemborski, Vlahov et al., 1994; Spittal, Bruneau et al., 2003; Potterat, Brewer et al., 2004; Tran, Detels et al., 2005).

L'accroissement de la mobilité a enfin joué, au cours des dernières décennies, un rôle capital dans la propagation du VIH à travers le monde. Les travailleuses du sexe et les clients peuvent être des migrants qui se déplacent afin de chercher du travail ou clans le cadre de leurs fonctions. C'est le cas notamment des routiers, des voyageurs de commerce, des soldats en déplacement ou des touristes. Cette mobilité accroît le risque d'infection au VIH chez les travailleuses du sexe en rendant davantage difficile la mise en œuvre d'une action préventive efficace et durable (ONUS1DA, 2003b). Les raisons qui poussent les travailleuses du sexe à voyager sont diverses et varient selon les régions du monde. Ainsi, elles sont de plus en plus nombreuses à migrer des milieux ruraux vers la ville, notamment en Afrique de l'Ouest (Petit, 1997; Le Jeune, Piché et al., 2000; Le Jeune, 2003; Traoré, 2003; Lesclingand, 2004; Walther, 2004), mais peuvent aussi se déplacer suivant la tenue de manifestations ou autres grands rassemblements essentiellement masculins ou encore lorsque les mineurs, les ouvriers planteurs ou le personnel militaire reçoivent leur paie (ONUSIDA, 2003b). Les travailleuses du sexe migrantes, notamment celles qui sont victimes de la traite, peuvent subir des restrictions ou être amenées à contracter des dettes en raison d'obstacles culturels et linguistiques et du manque d'information concernant leurs droits sociaux et juridiques. Le fait de ne pas avoir de papiers peut encore accroître leur risque si la crainte d'une expulsion les amène à éviter les autorités, notamment celles exerçant au sein des services de santé. Une situation illégale aggrave l'isolement déjà vécu

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1.1.1.3 Soins et appui aux travailleuses du sexe vivant avec le VlH/sida

Les enjeux liés à la prise en charge des travailleuses du sexe vivant avec le VIH/sida constituent un troisième axe de recherche et d'interventions en santé publique conjugué à ceux entourant les circonstances d'entrée dans le commerce du sexe et les facteurs de vulnérabilité au VIH de celles qui s'adonnent à ce type d'activités (voir figure 3). Les travailleuses du sexe qui contractent l'infection au VIH risquent en effet la double stigmatisation : en raison de leur profession et de leur état de santé, ce qui en fait des victimes privilégiées de la violation des droits de la personne, laquelle va souvent de pair avec le VIH/sida (Patterson et London, 2002; Farmer, 2003; Gruskin, 2004; UNAIDS, UNFPA et al., 2004). La discrimination vécue dans l'accès aux services de santé, même lorsqu'elles ne sont pas séropositives, les amènent souvent à ne pas s'adresser aux programmes de soins en relation avec le VIH, de peur d'y rencontrer une exclusion semblable. Les programmes ne se concentrent par ailleurs que très rarement sur la façon d'offrir une prise en charge spécifique aux travailleuses du sexe ou d'atténuer l'impact psychosocial et socioéconomique provoqué par la maladie. L'absence ou l'insuffisance de ressources financières et humaines, lesquelles sont de surcroît débordées par les tâches générales liées à l'offre de soins de santé et de soutien matériel aux personnes vivant avec le VIH/sida peut en partie expliquer cette négligence constatée dans plusieurs pays par rapport à l'élaboration de programmes de prévention destinés à une population particulière (ONUSIDA, 2003b).

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Figure 3 : Thématiques principales de recherche et d'interventions sur la prostitution comme enjeu de santé publique

Facteurs qui augmentent la vulnérabilité des travailleuses du sexe à l'infection

auVIH

/

Facteurs qui augmentent la vulnérabilité des travailleuses du sexe à l'infection

auVIH

• Stigmatisation et marginalisation • Absence de lois et de politiques

protectrices

• Manque d'accès aux services sanitaires, sociaux et juridiques • Information, savoir-faire et un

pouvoir de négociation limités et un accès entravé aux moyens de prévention

• Facteurs rattachés au mode de vie • Accroissement de la mobilité

Circonstances qui contribuent à l'entrée dans le commerce du sexe

• Stigmatisation et marginalisation • Absence de lois et de politiques

protectrices

• Manque d'accès aux services sanitaires, sociaux et juridiques • Information, savoir-faire et un

pouvoir de négociation limités et un accès entravé aux moyens de prévention

• Facteurs rattachés au mode de vie • Accroissement de la mobilité • Pauvreté et perspectives de revenus

limitées

• Inégalités sexospécifïques • Exploitation sexuelle - traite des

femmes

• Croyances et pratiques

culturelles ^jà

• Stigmatisation et marginalisation • Absence de lois et de politiques

protectrices

• Manque d'accès aux services sanitaires, sociaux et juridiques • Information, savoir-faire et un

pouvoir de négociation limités et un accès entravé aux moyens de prévention

• Facteurs rattachés au mode de vie • Accroissement de la mobilité

^_^____V

Soins et appui aux travailleuses du sexe vivant avec le VIH/sida Soins et appui aux travailleuses du sexe vivant avec le VIH/sida Thématiques principales de recherche et d'interventions sur la prostitution comme enjeu de santé publique

• Prise en charge des travailleuses du sexe vivant avec le VIH/sida

J

Source : Adaptation graphique (ONUSIDA, 2003b:7-10)

1.2 Afrique subsaharienne : une région lourdement touchée par

le VIH/sida

Bien que le taux d'incidence du VIH se soit stabilisé depuis la fin des années 1990 à l'échelle mondiale, il demeure que le virus touche un nombre important de personnes à travers le monde. En effet, les estimations établissaient à 38,6 millions le nombre d'individus vivant avec le VIH en 2005, à 4,1 millions les nouveaux cas d'infection et à 2,8

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sa partie australe dont les taux d'infection varient entre 15 et 34%, représente la région où la charge de l'épidémie est la plus élevée (Figure 4).

Figure 4 : Répartition mondiale de l'infection au VIH

TAUX do provalenc* (%) parmi I* population adulte

■ 15,0 %-J4.0 % D l . : : % - 5,(: % □ 0,1 %-<0,5 % ■ 5,0%-*: 15,0% D O . 5 % - ^ 1 . 0 % □ «0,1 %

Source : ONUSIDA/OMS, 2006a Sévèrement touchée dès la première décennie suivant l'annonce des premiers cas de sida déclarés, l'Afrique subsaharienne a semblé retenir son souffle, à l'aube du 21cmc, alors

qu'elle affichait une stabilisation globale des taux de prévalence chez la population âgée entre 15 et 49 ans, taux se situant autour de 6%. Toutefois, en raison de la croissance plus ou moins importante de la population qu'ont connue plusieurs pays composant le continent, le nombre réel de personnes infectées n'a pas de son côté cessé de progresser, atteignant en 2005 le nombre faramineux de 24,5 millions d'individus (Figure 5).

(30)

Figure 5 : Estimation du nombre de personnes vivant avec le VIH et de la prévalence de l'infection (%) parmi la population des 15-49 ans en Afrique

subsaharienne, 1985-2005

" ■ ■ Nombre de personnes vivant avec le VIH - • > ■ Prévalence du VIH en % chez l'adulte (15-49 ans)

Cette barre indique la fourchette autour de la valeur estimée.

Source : ONUSIDA/OMS, 2006a Comptant un peu plus du dixième de la population mondiale, l'Afrique subsaharienne regroupe près de 64% de l'ensemble des personnes vivant avec le VIH dont deux millions sont des enfants âgés de moins de 15 ans. Ainsi, sur dix enfants âgés de moins de 15 ans qui vivent avec le VIH, neuf vivent en Afrique subsaharienne.

Par ailleurs, à l'échelon mondial, trois quarts de l'ensemble des femmes âgées de 15 ans et plus vivant avec le VIH se trouvent en Afrique subsaharienne. Dans la majeure partie de la région, les femmes sont plus affectées que les hommes par le sida, ce qui semble refléter une inégalité socioéconomique entre les hommes et les femmes dans plusieurs sociétés africaines. Ainsi, les femmes représentent 59 % des adultes vivant avec le VIH en Afrique subsaharienne.

L'Afrique australe8 demeure l'épicentre mondial de l'épidémie. Près du tiers des personnes

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moins de 15 ans et 52 % des femmes âgées de plus de 15 ans qui dans le monde vivent avec le VIH se trouvent en Afrique australe.

Figure 6 : Prévalence du VIH (%) parmi la population adulte de l'Afrique, 2005

Taux do prévalsnce (%) parmi la population .«lui!» ■ 20,0 % 34,0 % ■ 10,0%-:20,0% ■ 5,0 %-< 10,0% D 1,0%-<5,0% □ <1,0%

Source: ONUSIDA/OMS, 2006a En Afrique de l'Est9, la prévalence a régressé ou s'est maintenue au cours des dernières

années. Là aussi les femmes, spécialement dans leurs jeunes années, sont exposées à un risque d'infection plus élevé que ne le sont les hommes. Les épidémies varient selon les pays de la région, la prévalence chez les femmes enceintes oscillant entre 2 % et 7% (ONUSIDA/OMS, 2006a).

De sérieuses épidémies semblent sévir dans certains pays d'Afrique centrale10, en

particulier au Cameroun, où, en 2005, la prévalence du VIH était estimée à 5,4 % chez la population adulte. Une enquête nationale auprès des ménages (Ministère de la Santé publique du Cameroun, 2004) a montré que la prévalence du VIH parmi les femmes était nettement plus élevée que celle enregistrée parmi les hommes (6,8 % et 4,1 %

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dans la population adulte. Au Congo, on ne dénombre pas moins de 120 000 personnes vivant avec le VIH, pays où la prévalence est estimée à 5,3 % parmi les adultes (Ministère de la Santé de la République du Congo, 2004). En 2006, dans la République démocratique du Congo, approximativement un million de personnes vivaient avec le VIH (prévalence adulte de 3,2 %). La surveillance du VIH chez les femmes enceintes indiquait, en 2004, un taux de séropositivité atteignant près de 4 % parmi celles qui fréquentaient alors les services de soins prénatals (Ministère de la Santé de la République démocratique du Congo, 2004).

L'Afrique de l'Ouest", région qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de ce travail, est la moins affectée de toute l'Afrique subsaharienne avec, dans plusieurs pays, une prévalence inférieure à 2 %. Le taux de prévalence le plus élevé dans la population adulte, soit 7,1 %, est observé en Côte d'Ivoire. Un recul significatif de la prévalence du VIH parmi les femmes enceintes a été noté dans les zones urbaines du Burkina Faso ainsi qu'à Abidjan, en Côte d'Ivoire et à Lomé, au Togo (OMS, 2005). Par contre, les taux ont progressé parmi les patientes des services de soins prénatals dans les villes d'Accra au Ghana et de Dakar au Sénégal (OMS, 2005). Le Nigeria est, de son côté, le troisième pays le plus touché au monde et compte 2,9 millions de personnes vivant avec le VIH. La prévalence médiane parmi les femmes reçues dans les services de soins prénatals s'est stabilisée aux alentours de 4 %, mais des variations majeures sont observées d'une partie à l'autre de ce vaste pays, de 2,6 % dans le sud-ouest à 6,1 % dans le centre-nord (ONUSIDA/OMS, 2006a). En Côte d'Ivoire, quoique les conflits civils n'ont pas permis de collecter de nouvelles données nationales, il semble que le niveau de l'épidémie se soit relativement maintenu au cours des 10 dernières années. En Guinée, la prévalence du VIH dans la population adulte en 2005 était évaluée à 1,5%. Au cours de cette même année, des tests de dépistage pratiqués dans le cadre d'une enquête nationale ont permis d'établir que la prévalence était deux fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes (respectivement 1,9 % et 0,9 %). Au Sénégal, le processus épidémique repose

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principalement sur le commerce du sexe et le danger éventuel réside dans une rapide propagation du VIH au-delà des travailleuses du sexe et de leur clientèle vers des populations moins exposées au risque. En effet, depuis une dizaine d'années, la prévalence du VIH se maintient à un niveau élevé parmi les travailleuses du sexe sénégalaises (environ 20 % à Dakar et 30 % à Ziguinchor) (Gomes do Espirito Santo et Etheredge, 2005; OMS, 2005). En 2005, la prévalence nationale s'élevait à 0,9%, bien qu'une autre étude l'ait de son côté établie à 3 % parmi la population adulte dans le sud du pays (Centre de recherche pour le développement humain et MEASURE DHS+, 2005). Le commerce du sexe constitue également un facteur déterminant dans la propagation de l'épidémie au Ghana alors que la prévalence parmi la population adulte est estimée à 2,3%. Depuis le début de ce siècle, la prévalence du VIH au sein de ce pays n'a pas cessé de croître parmi les femmes reçues dans les services de soins prénatals pour atteindre actuellement 3,6 %. Les données de surveillance du VIH dont dispose le Togo ne permettent pas de déterminer des taux et des tendances, mais il semble que l'épidémie y soit assez semblable à celle que connaît le Ghana voisin (Ministère de la Santé du Togo, 2004; OMS, 2005). Au Burkina Faso, la prévalence du VIH parmi les jeunes femmes enceintes âgées de 15 à 24 ans fréquentant les services de soins prénatals urbains est passée de près de 4 % en 2001 à un peu moins de 2 % en 2003 (Ministère de l'Économie et du Développement du Burkina Faso, 2004; Présidence du Faso, 2005). Cela pourrait refléter le résultat des efforts de prévention qui se sont accrus au cours de la dernière décennie. Les relations sexuelles avec des partenaires non réguliers se sont raréfiées et en de telles occasions, l'usage du préservatif s'est répandu, en particulier chez les jeunes. La prévalence du VIH parmi la population adulte est de son côté estimée à 2% (ONUSIDA/OMS, 2006a). En Sierra Leone, où la prévalence est estimée à 1,6 % parmi les adultes, une récente enquête de population a montré qu'aucune différence majeure n'existait entre hommes et femmes quant à la prévalence du VIH (Ministère de la Santé et de l'Assainissement de la Sierra Leone, 2005). Les données concernant la situation sanitaire du Mali par rapport au VIH/sida seront présentées en détails dans la section 1.5 du présent chapitre.

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1.2.1 Jeunes Africaines : une population à risque au VIH

Suivant la tendance mondiale qui recense un nombre de cas beaucoup plus élevé d'infection au VIH chez les jeunes filles âgées entre 15 et 24 ans que chez leurs homologues masculins (elles seraient 7,3 millions à vivre avec le VIH/sida comparativement à 4,5 millions de garçons), la situation de l'Afrique subsaharienne par rapport à la répartition de la maladie entre les sexes semble particulièrement marquée au sein de cette tranche d'âge, alors que les filles sont entre deux et six fois plus susceptibles d'être séropositives que les garçons (Plan International, 2007). Les deux tiers des nouveaux cas d'infection dans la région chez les jeunes de 15 à 19 ans sont de surcroît le lot des filles (Plan International, 2007). La figure 7 présente la prévalence du VIH parmi les jeunes âgés entre 15 et 24 ans dans certains pays d'Afrique subsaharienne, taux qui réfèrent à l'année 2005. L'ensemble des pays, à l'exception de Madagascar, fait face à une prévalence accrue du VIH chez les filles. Le contraste est d'autant plus fort avec la jeune population masculine en Zambie, en Namibie, au Mozambique, au Malawi, au Lesotho et au Botswana. Les pays d'Afrique de l'Ouest, bien qu'ils présentent eux aussi des différences entre les taux de prévalence chez les garçons et les filles âgés entre 15 et 24, sont dans une moindre mesure touchés par cet écart entre les sexes, du moins chez cette catégorie d'âge. Il n'en demeure pas moins qu'au Mali par exemple, pays qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de ce travail, les filles âgées entre 15 et 24 ans sont trois fois plus touchées par l'infection au VIH que ne le sont les jeunes Maliens appartenant au même groupe d'âge, les taux de prévalence s'établissant respectivement à 1,2% et 0,4% (ONUSIDA/OMS, 2006a).

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Figure 7 : Prévalence du VIH parmi les jeunes (âgés de 15 à 24 ans) dans certains pays d'Afrique subsaharienne, 2005 Zambie Tchad Tanzanie, Rép.-Unle de Rwanda Ouganda Nigeria Namibie Mozambique M.ill Malawi Madagascar Lesotho Kenya Ghana Gabon Congo Cameroun Buikina Faso Botswana Bénin 0 5 10 15 20 ■ Femmes Pour™**. ■ Hommes

Sources : ONUSIDA/OMS, 2006a UNICEF, 2007 En plus des expériences sexuelles vécues à un âge précoce (plus de 25% des Maliennes âgées entre 15 et 19 ans ont par exemple eu des relations sexuelles avant l'âge de 15 ans (UNFPA et Population Council, 2006), les raisons les plus souvent évoquées pour expliquer la vulnérabilité accrue des filles face à la maladie sont liées d'une part à l'immaturité de leurs organes sexuels qui favorise l'entrée du virus et de l'autre, à l'absence de statut social et à la discrimination auxquelles elles doivent faire face dans de nombreux contextes socioculturels et au manque de pouvoir sur les différentes sphères de leur vie qui ne leur permet pas, par exemple, de protéger leur santé contre une infection au VIH. Dans certains cas, les filles n'ont pas les connaissances nécessaires à la prévention de la maladie, ce qui a été relevé chez plus des deux tiers des jeunes âgées entre 15 et 24 ans et vivant en Afrique subsaharienne (Plan International, 2007). Les mariages précoces, les abus sexuels, le manque d'éducation et de moyens économiques qui poussent spécialement les filles vers

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garçons d'être infectées par le virus (Plan International, 2007). La figure suivante montre un écart marqué entre les garçons et les filles âgés entre 15 et 24 ans, mais cette fois par rapport au recours au préservatif lors d'une relation sexuelle avec un partenaire non régulier, dans différents pays de l'Afrique subsaharienne. Nous constatons à cet effet que partout, exception faite du Lesotho, les filles sont dans une large mesure moins susceptibles d'avoir eu recours au condom que ne le sont les garçons. Au Mali par exemple, alors que 30% des jeunes hommes ont affirmé, en 2001, avoir eu recours au préservatif lors d'un rapport sexuel avec une partenaire non régulière, environ 17% des filles ont répondu la même chose.

Figure 8 : Pourcentage de jeunes âgés entre 15 et 24 ans disant avoir utilisé un préservatif au cours d'un rapport sexuel avec un partenaire non régulier,

Afrique subsaharienne, 2001-2005

Pays indiquant la data da l'enquête

Bénin 2001 Botswana 2001 Burkina Faso 2003 Cameroun 2004 Tchad 2004 Ghana 2003 Guinée 2005 Kenya 2003 Lesotho 2004 Madagascar 2003 Malawi 2004 Mali 2001 Mozambique 2003 Nigeria 2003 Rwanda 2004 Sénégal 2005 République-Unie de Tanzanie 2003 Ouganda 2004 Zambie 2003 c 3.

t

Q-20 Femmes Hommes 40 60 % 80 100

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1.2.1.1 Le travail sexuel comme réponse à la précarité et comme risque à la santé

Le volet Genre et Développement, dont était responsable le CCISD dans le cadre du projet Sida 3 introduit précédemment, a produit un document faisant la synthèse des études réalisées dans les pays impliqués et qui visaient, entre autres, à améliorer, dans une perspective d'intervention, la compréhension des dynamiques dans lesquelles se trouvent les jeunes filles âgées de moins de 20 ans qui s'adonnent à des activités de prostitution en Afrique de l'ouest (CCISD, 2005). Il en est ressorti plusieurs éléments particulièrement éclairants dont nous reprenons ici le contenu. Les raisons ayant conduit ces jeunes filles à se livrer à des activités sexuelles contre rétribution sont nombreuses et diversifiées : la sous scolarisation et l'absence de compétences professionnelles; la pauvreté, dans certains cas, extrême; le faible encadrement de la part des parents et de la famille élargie qui vivent dans une grande précarité; la nécessité, réelle ou non de répondre financièrement de leur famille; une vie sexuelle précocement débutée; une grossesse non désirée qui les a poussées hors du foyer familial; des abus vécus par des enseignants; la nécessité d'amasser un montant d'argent pour se procurer le trousseau de mariage; l'attrait exercé par le milieu urbain qui semble promettre des revenus pour la famille; la consommation de plus en plus perçue comme un idéal à poursuivre; l'insertion dans la pratique de la prostitution par l'entremise de copines déjà dans le milieu et la présence de réseaux de prostitution qui les ont amenées en ville contre leur gré.

Les conditions dans lesquelles les jeunes filles exercent le travail sexuel ne sont pas moins problématiques que les trajectoires qui les y ont conduites : la clandestinité et la faible organisation des lieux de pratique; les nombreux déplacements; le silence qui règne dans les familles au sujet de la sexualité; l'exploitation par des adultes; la nécessité de cumuler les clients pour s'assurer un revenu suffisant; la provenance diversifiée des clients; la présence de « petits amis » qui profitent parfois de la pratique de la prostitution; la facilité de gains que procure le travail sexuel et la consommation d'alcool et de drogue qui semble

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pour elles de protéger leur santé, en imposant par exemple le port du préservatif. La honte qu'elles ressentent par rapport aux activités de prostitution auxquelles elles se livrent, conjuguée au sentiment qu'elles vont à l'encontre de leurs croyances religieuses font que plusieurs d'entre elles rêvent d'un mariage qui leur permettra d'abandonner cette pratique.

1.3 Portrait du Mali

1.3.1 Position géographique

La république du Mali est un pays enclavé, sans accès à la mer, qui couvre une superficie d'environ 1 241 248 kilomètres carrés. Elle partage, au nord, près de 7 200 km de frontières avec l'Algérie, alors qu'à sa frontière est se trouve le Niger et au sud-est le Burkina Faso. Au sud, le Mali est limité par la Côte d'Ivoire et par la Guinée et à l'ouest par la Mauritanie et le Sénégal. Le relief est peu élevé et peu accidenté ; c'est un pays de plaines et de bas plateaux (Cellule de Planification et de Statistique du Ministère de la Santé (CPS/MS)/Direction Nationale de la Statistique et de l'Informatique (DNSI) et ORC Macro, 2002).

1.3.2 Situation économique

Selon les données présentées dans le Rapport Mondial sur le Développement Humain de 2005, l'indicateur du développement humain (IDH)' classait le Mali au 174ème rang sur 177 pays13, alors que l'indice de pauvreté humaine (IPH-1)14 le situait au 101 ème rang sur

12 L'indicateur du développement humain (IDH) est un indicateur composite qui mesure l'évolution d'un pays selon trois critères de base du développement humain : santé et longévité (mesurées d'après l'espérance de vie à la naissance), savoir (mesuré par le taux d'alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation combiné du primaire, du secondaire et du supérieur), et un niveau de vie décent (mesuré par le PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat en dollars US (PPA)) (Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 2005).

" Les pays qui suivent le Mali pour cet indicateur sont dans l'ordre, le Burkina Faso, la Sierra Leone et le Niger, tous situés dans la région ouest de l'Afrique (Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 2005).

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103 pays et régions en développement étudiées15. 90,6% de la population vivaient en outre

avec deux dollars US$ par jour ou moins (Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 2005).

1.3.3 Répartition démographique

Selon les données de la Division de la population du Département des affaires sociales et économiques des Nations Unies présentées dans le dernier Rapport sur l'épidémie mondiale de SIDA, le Mali comptait une population de 13 518 000 habitants, avec un taux de croissance annuelle de l'ordre de 3% (ONUSIDA/OMS, 2006a). Au moment du Troisième Recensement Général de la Population et de l'Habitat (RGPH) réalisée en 1998, la population du pays était composée de 50,5 % de femmes et de 49,5 % d'hommes, alors que la densité était estimée à 7,9 habitants au kilomètre carré sachant que les trois quarts de la superficie du pays abritaient moins de 10% de la population (Cellule de Planification et de Statistique du Ministère de la Santé (CPS/MS)/Direction Nationale de la Statistique et de l'Informatique (DNS1) et ORC Macro, 2002). Selon cette même source de données, 99% de la population avait été désignée sédentaire et vivait principalement en milieu rural (73,2% de la population). Malgré cette forte proportion de population rurale, les données indiquaient un taux d'urbanisation de 26,8%, situant, au moment de l'Enquête, la proportion de population urbaine à plus de 25% de la population du pays (Cellule de Planification et de Statistique du Ministère de la Santé (CPS/MS)/Direction Nationale de la Statistique et de l'Informatique (DNSI) et ORC Macro, 2002). Cette population urbaine était en outre, toujours en 1998, caractérisée par sa jeunesse alors que 46 % de sa population était âgée de moins de 15 ans et que les femmes en âge de procréer (15-49 ans) représentaient 23 % de la population totale. Les principaux sous-groupes démographiques vivant en milieu urbain se répartissaient comme suit :

Références

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