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Chapitre 2 : Approche théorique et objectifs de la recherche

2.3 Genre, autonomie et vulnérabilité au VIH/sida

Nombreuses sont les études menées dans le monde qui ont mis en lumière les façons dont la répartition inégale du pouvoir entre les hommes et les femmes restreint l'autonomie sexuelle des femmes tout en accentuant la liberté sexuelle des hommes, ce qui accroît leur vulnérabilité au V1H et multiplie les risques qu'ils le contractent (Heise et Elias, 1995; Weiss et Rao Gupta, 1998; Amaro et Raj, 2000; Dowsett, 2003; Leroy, 2004; Barker et Ricardo, 2005; Ilkkaracan et Jolly, 2007). Les attributs associés aux identités masculines et féminines seraient donc en cause dans la formation des états de santé : « Cultural constructs of manhood/manliness and womanhood and the supporting attitudes, beliefs, and behaviors that express gender identifies, as well as the structural forces that align économie, educational, and other opportunities with gender, hâve a direct bearing on health outeomes

[...] vulnerability, which can apply to individuals as well as groups, refers to enhanced susceptibility to HIV infection or its conséquences because of socioeconomic, cultural, political, or biological reasons. The concept of vulnerability recognises the restricted autonomy and behavioural choices that exist for many people, and the différent levels of risk for HIV infection that the same behaviours might carry in différent epidemiological and social contexts (67).

Bien qu'elles puissent mener aussi bien les femmes que les hommes à contracter une infection au VIH, les dynamiques de pouvoir, édifiées de façon parallèle à la formation de l'identité sexuelle, interviennent à des niveaux différents compte tenu des structures sociales et normatives qu'elles interpellent. Nous passerons en revue ces multiples composantes agissant sur la vulnérabilité au VIH/sida, en insistant sur celles entourant la vie des femmes, population visée par le présent projet, pour ensuite survoler celles qui se rapportent aux hommes. Nous aurons en effet l'opportunité d'aborder ces composantes masculines au cours des groupes de discussion prévus dans le plan méthodologique. Notons que nous n'aborderons point, non sans intérêt, mais plutôt par souci de pousser plus avant cette question dans le cadre d'un autre travail, les inégalités de genre dans l'accès aux services et aux traitements dans le cas d'une séropositivité diagnostiquée, ni celles liées au poids de la stigmatisation et de la discrimination associées au VIH/sida qui pèse particulièrement lourd sur les épaules des femmes à tout moment susceptibles d'être rejetées par leur entourage. Ne seront guère non plus considérés les aspects de la vulnérabilité accrue des femmes en raison de particularités biologiques, notamment « la fragilité des parois et de la surface de l'organe sexuel féminin qui offrent de multiples voies d'entrée au virus [...], particulièrement chez les jeunes filles dont le col de l'utérus immature et la faible production de mucus vaginal ne procure qu'une mince barrière contre les infections » (David, 1997:8).

Les facteurs de type socioculturel qui accentuent la vulnérabilité des femmes au VIH/sida ont été illustrés de façon on ne peut plus claire lors du I30m0 Colloque international sur le

SIDA tenu en juillet 2000 à Durban en Afrique du Sud, alors que Geeta Rao Gupta prononçait une allocution qui allait rapidement devenir une référence en matière de lutte

> De nombreuses sociétés entourent le sexe d'une culture du silence. Selon cette culture, les « bonnes » femmes doivent tout ignorer du sexe et demeurer passives durant les rapports. Ceci rend difficile l'accès des femmes à l'information concernant la réduction des risques et, même lorsqu'elles sont informées, il leur est difficile de prendre ouvertement position en faveur de rapports sexuels protégés;

> Le standard traditionnel de virginité auquel sont soumises les filles célibataires, standard qui prévaut dans plusieurs sociétés, augmente en fait leur risque d'infection car il restreint leur capacité à demander de l'information sur le sexe en leur faisant craindre qu'elles seront perçues comme étant sexuellement actives. La virginité rend en outre les jeunes filles davantage vulnérables au viol et aux rapports sexuels forcés car dans de nombreux pays, on retrouve la croyance erronée selon laquelle un rapport sexuel avec une vierge pourrait guérir un homme atteint d'une infection. Par ailleurs, l'innocence et la passivité associées à la virginité alimentent l'imaginaire erotique. De surcroît, dans les cultures où la virginité est hautement prisée, certaines jeunes femmes adoptent des pratiques sexuelles alternatives, tels les rapports anaux, afin de préserver leur virginité et ce, en dépit du fait que ces comportements les exposent à des risques accrus de contracter le VIH (Weiss, Whelan et al., 2000);

> L'existence de normes inflexibles qui encadrent la virginité, tout comme la culture du silence entourant le sexe, fait en sorte que l'accès aux traitements des IST peut être très stigmatisant pour des adolescentes et des femmes adultes, sachant de plus que ce type d'infections représente un terreau fertile à l'entrée du VIH dans l'organisme (de Bruyn, Jackson et al., 1995; Weiss, Whelan et al., 2000);

> De nombreuses cultures font de la maternité, à l'instar de la virginité, un idéal féminin. Pour cette raison, le recours à des méthodes plus sécuritaires, telles des méthodes de barrières ou encore la pratique de rapports excluant la pénétration, devient alors un sérieux dilemme pour les femmes (Heise et Elias, 1995; UNAIDS,

1999a);

mettre un terme à une relation qu'elles perçoivent comme comportant des risques (Mane, Rao Gupta et al., 1994; Heise et Elias, 1995; Weiss et Rao Gupta, 1998); > La violence envers les femmes contribue à la fois directement et indirectement à leur

vulnérabilité au VIH. Une recension des écrits portant sur le lien entre la violence, les comportements à risque et la santé de la reproduction montre que des personnes ayant subi des abus sexuels seront davantage portés à ne pas utiliser de protection lors de leurs rapports sexuels, auront tendance à avoir plusieurs partenaires et à échanger le sexe pour de l'argent ou des drogues (Heise, Ellsberg et al., 1999). D'autres recherches ont révélé que la violence physique, la menace de la violence et la peur de l'abandon se présentent comme d'importants obstacles pour des femmes qui doivent négocier l'utilisation du condom, aborder la question de la fidélité avec leur partenaire ou mettre un terme à une relation qu'elles perçoivent comme étant à risque (Mane, Rao Gupta et al., 1994; Weiss et Rao Gupta, 1998).

Les principaux facteurs liés à l'inégalité de pouvoir entre les hommes et les femmes, reconnus comme participant à la vulnérabilité des hommes au VIH/sida ont également été soulignés par Gupta lors du même événement. Ils vont comme suit :

> Les normes de masculinité prédominantes veulent que les hommes connaissent mieux le sujet du sexe que les femmes et qu'ils aient plus d'expérience dans ce domaine. Or, les hommes, et tout particulièrement les jeunes, se retrouvent ainsi exposés à des risques d'infection puisque de telles normes les empêchent d'aller chercher de l'information, voire même d'admettre leur manque de connaissances relatives au sexe ou à la façon de se protéger. Ils se voient de plus bien souvent obligés à vivre leurs premières expériences sexuelles sans protection et à un jeune âge afin de prouver leur masculinité (UNAIDS, 1999a);

> Dans plusieurs sociétés, la variété dans les partenaires sexuels est considérée essentielle à la nature même de l'homme, ce qui nécessite la multiplication des partenaires pour parvenir à un soulagement sexuel. Ce modèle « hydraulique » de la

> Les définitions de la masculinité qui insistent sur l'importance de dominer sexuellement la femme contribuent à l'homophobie et à la stigmatisation des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Le stigmate, à l'instar de la peur qui en résulte, force ces hommes à garder leur comportement sexuel secret, allant même jusqu'à nier tout risque sexuel. Ce faisant, ils augmentent autant leur propre risque

que celui de leur partenaire, homme ou femme (UNAIDS, 1999a);

> Dans plusieurs sociétés, la socialisation des hommes fait en sorte qu'ils doivent se montrer capables de ne compter que sur eux-mêmes; ils doivent également éviter de montrer leurs émotions et, lorsqu'il vivent une période de besoin ou de stress, ne pas demander d'aide (WHO, 1999). Or, cette attente d'invulnérabilité que vivent les hommes va à l'encontre de l'adoption de mesure de protection, allant jusqu'à encourager la négation du risque;

> Les manifestations des conceptions traditionnelles de la masculinité sont fortement liées à un large éventail de comportements à risques. De fait, les jeunes hommes qui adhèrent à la vision traditionnelle de la masculinité seraient davantage susceptibles de déclarer une utilisation de substances illicites, de faire preuve de violence et de délinquance et de pratiquer des activités sexuelles non protégées (Courtenay, 1998).

2.4 La Theory of Gender and Power de Connell : une analyse