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Remarque préliminaire

Le recours limité au droit est le troisième recours principal de l’avant-projet. Il se différencie toutefois nettement de l’appel et de l’appel simplifié à plusieurs égards : -- motifs différents,

-- pas d’effet suspensif,

-- irrecevabilité des conclusions, allégations de faits et preuves nouvelles, -- procédure purement écrite (l'instance compétente statue sur pièces), -- fonction essentiellement cassatoire.

Il présente donc des similitudes avec le pourvoi en nullité ou l’action en nullité prévus actuellement dans divers codes de procédure cantonaux (par ex. BE, ZH,SG).

Art. 310

Le recours limité au droit est en principe subsidiaire par rapport à l’appel et à l’appel simplifié (al. 1 let. a). Il n’est donc possible que lorsque la décision de première instance ne peut être attaquée ni par l’appel ni par l’appel simplifié.

Exemple :

-- jugement au fond (rejet de l’action) ou jugement procédural (non-entrée en matière), alors que la valeur litigieuse est inférieure à 10 000 francs (art. 290, al.

2).

Selon le système des recours de l’avant-projet, l'instance de recours peut en principe revoir, du point de vue de la juste application du droit, toute décision de fond ou de procédure rendue en première instance. L’avant-projet respecte en ce sens les principes constitutionnels (cf. art. 191 Cst. ainsi que le commentaire relatif à l’art. 290).

Il y a néanmoins des cas où le recours limité au droit est un recours principal :

-- en premier lieu contre les décisions d’instruction (let. b) : il s’agit des ordon-nances du tribunal servant à l’organisation et à la poursuite de la procédure (par ex. l’admission de l’intervention selon l’art. 66, la simplification du procès selon l’art. 115, la déclaration d’urgence selon l’art. 118, la prolongation des délais selon l’art. 137, les ordonnances de preuve selon l’art. 218 s.).

Ces décisions d’instruction ne sont toutefois pas toujours attaquables par un recours limité de droit, mais uniquement lorsque le recourant pourrait subir un préjudice irréparable (de même l’art. 88, al. 1, let. a LTF250). Le préjudice ne doit pas être nécessairement de nature juridique, mais peut être de nature purement factuelle. Cette restriction contribue à la concentration de la procédure.

Certaines ordonnances d’instruction importantes sont soumises à une régle-mentation spéciale : elles sont attaquables par l’appel simplifié en vertu d’une prescription légale expresse. Tel est le cas de la décision de suspension de la

250 FF 2001 4304.

procédure (art. 116) ou du renvoi de la demande pour cause de connexité (art.

117). Un préjudice particulier ne doit pas être établi.

-- Par ailleurs, le recours limité au droit est un recours principal dans tous les cas où la loi y renvoie expressément. C’est le cas du recours contre les décisions du tribunal de commerce (art. 5) ou du recours sparé contre les décisions de première instance sur les frais (art. 102).

-- Enfin, le recours limité au droit est un recours principal dans les cas de recours pour déni de justice (cf. ci-dessous art. 311).

Art. 311

Pour ce qui est du premier des trois motifs de recours - la violation du droit (let. a) -, le recours limité au droit est identique à l’appel et à l’appel simplifié (voir le com-mentaire relatif à l’art. 291). Pour ce qui du contrôle du droit, le recours limité au droit représente donc un recours complet, contrairement aux pourvois en nullité que con-naissent actuellement certains cantons.

Par contre, les possibilités de grief sont plus étroites quant à la constatation des faits (let. b) : de même que dans les pourvois en nullité cantonaux, seul l’arbitraire peut être invoqué à propos de la constatation des faits (c’est-à-dire une violation de l’art. 9 Cst.)

Enfin, l’avant-projet mentionne le retard injustifié comme troisième motif (let. c)251. Le déni de justice entre également dans cette catégorie en tant que forme qualifiée du retard injustifié. Le déni de justice est le refus exprès ou tacite d’un tribunal d’effectuer un acte judiciaire qui lui incombe ; le retard injustifié dans l’accomplissement d’un acte judiciaire en constitue une forme atténuée. L’objet du recours peut donc aussi être un « acte inexistant ».

Il convient de souligner que le retard injustifié peut être non seulement un grief, mais en outre un cas autonome de recours limité au droit: Un recours limité au droit séparé pour déni de justice peut aussi être formé dans les procès où l‘objet du litige est susceptible d’appel ou dans les affaires soumies à la procédure sommaire (appel simplifié).

Art. 312

Les modalités d’introduction du recours limité au droit sont les mêmes que celles de l’appel simplifié (al. 1). Le délai pour recourir est toutefois plus long : 20 jours. Pour cette raison, un délai supplémentaire ne peut être ultérieurement octroyé pour la moti-vation, ce qui constitue un renforcement des prescriptions par rapport au droit actuel252.

En cas de retard injustifié, le recours limité de droit peut être interjeté en tout temps (al.

2). Une limitation de délai serait inpraticable, car les recours pour retard injustifié sont

251 Le recours pour déni de justice et retard injustifié est par exemple déjà réglementé en détail dans le droit cantonal zurichois. Voir à ce propos Hauser/Schweri, p. 373 ss.

252 Voir entre autres les PC/BE, SG et ZH, qui prévoient un délai de 30 jours pour les pourvois en nullité (Spühler/Vock, Rechtsmittel, p. 71; Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, art. 361, al. 1;

Leuenberger/Uffer-Tobler, art. 241, al. 1).

intentés en général à raison de l’inactivité des autorités (cf. égal. art. 17, al. 3 LP et 94, al. 7 LTF).

Art. 313

L’obligation de motiver est ici réglementée comme dans le cas de l’appel et de l’appel simplifié, ce qui implique un certain allègement par rapport au droit cantonal actuel qui, en cas de pourvoi en nullité, soumet l’obligation de motiver à des condi-tions plus strictes253. Cela justifie également le raccourcissement du délai de recours.

Art. 314

La réglementation de la réponse correspond à celles de l’appel (variante 1, art. 293) et de l’appel simplifié (art. 303). Il convient donc de se reporter aux commentaires à leur propos. Le délai de réponse (qui ne peut pas être prolongé) est de 20 jours.

Art. 315

Le recours joint est exclu, comme dans le cas de l’appel simplifié (art. 305) et des pourvois en nullité réglementés dans les codes cantonaux actuels254.

Art. 316

Contrairement à l’appel (art. 294) et à l’appel simplifié (art. 304), le recours limité au droit n’a en principe pas d'effet suspensif; en ce sens, il constitue un recours extraordi-naire (al. 1).

Selon l’alinéa 2 toutefois, l’instance de recours peut suspendre l’exécution de la déci-sion attaquée255; si nécessaire, elle peut ordonner en même temps des mesures con-servatoires (par ex. fourniture de sûreté par garantie bancaire). Le droit cantonal détermine qui accorde la suspension : l’instance de recours en tant qu’autorité col-légiale, son président ou l'un de ses membres chargé de l'instruction (art. 2, al. 1).

Art. 317

La procédure de recours limité au droit se caractérise par l’exclusion des faits et moyens de preuve nouveaux, ce qui constitue une autre différence notable par rapport à l’appel et l’appel simplifié (cf. art. 297, 306). Cette règle se retrouve en principe dans les recours cantonaux comparables256.

Il s’agit d’une disposition restrictive qui tient compte de l’essence même du recours limité au droit : D’une part la constatation des faits ne peut être revue que sous l’angle de l’arbitraire, raison pour laquelle de nouvelles allégations de faits et de nouvelles offres de preuve n’ont pas leur place dans cette procédure. D'autre part, il ne s’agit pas

253 Spühler/Vock, Rechtsmittel, p. 72; Leuenberger/Uffer-Tobler, art. 239;

Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, art. 359.

254 Voir Spühler/Vock, Rechtsmittel, p. 7.

255 ZR 80 n° 67; Spühler/Vock, Rechtsmittel, 77 s.; sur le tout, cf. Wegmann, p. 281 ss.

256 Spühler/Vock, Rechtsmittel, p. 75.

de la continuation de la procédure de première instance, mais d’un simple réexamen de la décision attaquée. L’exclusion de nouveaux faits et de nouveaux moyens de preuve exclut par conséquent aussi une modification de la demande ; de nouveaux arguments juridiques sont par contre admissibles.

Art. 318

Après un échange d’écritures unique, l’instance de recours statue sur pièces (al. 1). Il n’y a pas de débats, ce qui n’exclut néanmoins pas les débats de conciliation (art.

113).

L’alinéa 2 réglemente les possibilités de décision de l’instance de recours si le recours limité au droit est admis :

-- en général, la décision attaquée est cassée et la cause renvoyée à l’instance précédente (let. a; effet cassatoire). Si un jugement condamnatoire a déjà été exécuté, l’instance de recours peut, sur demande du défendeur, obliger le demandeur à restituer la chose ou la somme accordée257.

-- mais si la cause est en état d’être jugée (par ex. si les faits sont établis), l’instance de recours peut rendre immédiatement la décision (let. b; effet réfor-matoire). Ce cas est plutôt rare - par exemple lorsqu’une décision sur les frais est attaquée (art. 102).

L’admission d’un recours limité au droit pour retard injustifié est liée à des instructions concrètes destinées à l’instance précédente (al. 3).

Chapitre 5 Révision

Remarques préliminaires

Par tradition, la révision est un recours extraordinaire, non dévolutif, incomplet et réformatoire. Elle n’est admise que contre des décisions entrées en force, quelle que soit la procédure dont elles sont issues. Elle a pour but d’établir la vérité sur le fond en corrigeant un jugement qui ne correspond pas à la situation factuelle ou juridique.

Tous les codes de procédure cantonaux connaissent la révision. Des différences existent toutefois quant aux motifs de révision : outre les deux motifs classiques (un acte punissable a influencé la décision, de nouveaux faits et moyens de preuve sont découverts bien que la partie concernée ait fait preuve de la diligence requise), d'autres motifs sont prévus dans quelques codes cantonaux de procédure civile: les éléments constitutifs de nullité (graves vices de procédure) et la nullité d’une trans-action et d'un désistement au regard du droit civil258. La loi fédérale d’organisation judi-ciaire connaît également la révision pour des motifs de nullité (art. 136 OJ ou 107 s.

LTF).

257 Spühler/Vock, Rechtsmittel, p. 79.

258 Voir à ce propos Vogel/Spühler, Zivilprozessrecht, chap. 13, n. 96 ss; Bühler/Edelmann/Killer, § 344; Bürgi/Schläpfer/Hotz/Parolari, § 246, al. 2b; Poudret/Haldy/Tappy, art. 476, n. 3.

L’avant-projet peut en principe se limiter à la révision classique : les motifs de nullité (par ex. vices de procédure) doivent être invoqués au moyen d'un recours principal (appel, appel simplifié ou recours limité au droit).

Art. 319

Le tribunal compétent à raison du lieu et de la matière pour la révision est toujours celui qui a statué en dernière instance (première phrase) ; c’est à lui que sera adres-sée la demande de révision. Celle-ci porte toujours sur des décisions entrées en force.

L’avant-projet cite exhaustivement trois motifs de révision, les deux motifs classiques (let. a et b) et un motif supplémentaire (let. c) :

-- faits et moyens de preuve nouveaux (let. a); il doit s’agir à cet égard de pseudo-nova, à savoir de faits qui existaient déjà au moment où le jugement a été rendu.

De tels faits ne peuvent toutefois être invoqués que si l’on ne peut reprocher au demandeur en révision d’avoir fait preuve, durant la procésure de première instance, de négligence au stade de l'administration des preuves ou de l'allé-gation des faits (en d’autres termes, il ne pouvait alors invoquer de tels faits bien qu’il ait fait preuve de la diligence requise). Une conduite négligente du procès ne doit pas être récompensée par l’admission d’une révision259. Il faut donc toujours se demander à quelles investigations aurait procédé une partie raisonnable pla-cée dans les mêmes circonstances.

-- influence d’un crime ou d’un délit sur la décision (let. b) : par exemple le faux témoignage, la fausse expertise, la fausse traduction, le faux dans les titres ou la corruption260. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu condamnation pénale de l'auteur; le tribunal de révision peut aussi examiner à titre préjudiciel si les éléments constitutifs de l’infraction sont réalisés. Le crime ou le délit doit avoir été la cause de la décision erronée.

-- le troisième motif de révision est l’invalidité selon le droit civil de déclarations qualifiées des parties (let. c) : acquiescement, désistement ou transaction judi-ciaire. Peuvent notamment entrer en ligne de compte au titre de motifs d'invalidité la lésion (art. 21 CO), l’erreur (art. 23 s.CO), le dol (art. 28 CO) ou la crainte fon-dée (art. 29 s. CO).

Art. 320

La demande de révision doit être présentée dans les trois mois qui suivent la décou-verte du motif de révision (délai relatif ; al. 1). « Découdécou-verte » signifie ici connaissance certaine261. Ce délai correspond dans une large mesure au droit fédéral et cantonal actuel262. Si une procédure pénale a eu lieu, le délai commence à courir à partir de la clôture de celle-ci (jugement ou non-lieu). En présence de plusieurs motifs de révision, chacun fait l’objet d’un délai propre263. Le délai de trois mois vaut également - il

259 Frank/Sträuli/Messmer, § 293, n. 7; en outre ATF 105 II 271.

260 Guldener, p. 530.

261 Frank/Sträuli/Messmer, § 295, n. 1.

262 Voir art. 141, al. 1, let. b OJ; art. 369 PC/BE, § 295, al. 1 PC/ZH, art. 248 PC/SG, § 246, al. 2 PC/TG, art. 477, al. 1 PC/VD.

263 Voir Spühler/Vock, Rechtsmittel, p. 91 et les références citées.

vient de le souligner - pour le troisième motif de révision (invalidité selon le droit civil) : le délai d’un an prévu par le droit des obligations (cf. art. 31 CO) n’est pas applicable.

Le délai de révision est un délai légal de péremption264.

L’alinéa 1 in fine pose un délai absolu pour la révision : dix ans à partir de l’entrée en force de la décision. Seule est réservée (al. 2) l’influence d’un crime ou d’un délit sur la décision (de même l’art. 141, al. 2, OJ ou l’art. 110, al. 2, LTF et partiellement aussi le droit cantonal en vigueur265).

Le fait que la demande de révision a été présenté dans le délai prescrit ne doit pas seulement être rendu vraisemblable, mais doit être prouvé par le demandeur en révi-sion ; la partie adverse est admis à en apporter la contre-preuve.

Art. 321

En qualité de recours extraordinaire, la révision n’a fondamentalement pas d’effet sus-pensif (al. 1) : elle n’empêche donc pas l’exécution266.

Exceptionnellement toutefois, l’instance de révision peut accorder un effet suspensif (al. 2), ce qui est possible déjà à partir de la réception de la demande de révision. Elle doit tenir compte à ce propos des perspectives d'aboutissement de la révision ainsi que de la gravité du préjudice qui menace si l’effet suspensif est refusé267. En cas de nécessité, des mesures conservatoires doivent être prises pour protéger la partie adverse (comme pour le recours limité au droit, cf. commentaire relatif à l’art. 316).

Art. 322 et 323

La procédure de révision est soumise aux prescriptions générales régissant la procédure de décision (art. 210 ss). Une tentative de conciliation n'a toutefois pas à être effectuée, car la révision est introduite par remise directe au tribunal (cf. art. 319, première phrase).

Si la demande de révision est acceptée, la procédure se déroule en deux temps : -- Tout d’abord, il est statué sur la demande de révision (art. 322) : examen du

motif de révision et du point de savoir si la demande de révision a été présentée dans les délais. La décision est attaquable par le recours limité au droit selon le présent code de procédure civile à condition que la révision ait lieu devant un tri-bunal de première instance. Par contre, si elle concerne une procédure devant une instance supérieure (par ex. une décision rendue en appel), seul le recours en matière civile devant le Tribunal fédéral entre en ligne de compte (art. 68 ss LTF).

-- Si la demande de révision est acceptée, le tribunal annule sa décision antérieure, frais et dédommagements inclus, et répète - si nécessaire - le procès (art.

264 Voir Spühler/Vock, Rechtsmittel, p. 91.

265 Voir par ex. § 295, al. 2 PC/ZH; art. 333 ss et 339 PC/TI.

266 Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, art. 372, n. 1.

267 Voir ZR 97, n° 2.

323)268. Celui-ci retrouve donc l’état qui était le sien avant la décision finale en particulier réapparition de la litispendance).

Le tribunal rend ensuite une nouvelle décision en la cause dans les limites des demandes des parties; il statue également sur la répartition des frais de l’ancienne et de la nouvelle procédure. Cette décision est susceptible du même recours que la décision annulée (une décision de première instance, de l’appel, de l’appel simplifié ou du recours limité au droit; une décision d’instance supé-rieure, du recours en matière civile devant le Tribunal fédéral).

Si la demande de révision est refusée, l’ancienne décision est maintenue. Le deman-deur en révision doit assumer les frais et dépens de la procédure de révision.