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Art. 86

Cette disposition donne en premier lieu une définition des notions : les « frais judi-ciaires » englobent les « frais de tribunal » et les « dépens » (al. 1).

Les frais de tribunal comprennent l’émolument de décision et les frais occasionnés par l’administration de la preuve (al. 2). Les frais des tribunaux et des autorités de conciliation sont fixés de manière forfaitaire et couvrent toutes les prestations judi-ciaires. Outre l’émolument de décision et les frais d’administration de la preuve, il n’est donc prélevé aucun autre émolument, que ce soit pour les travaux de greffe, les notifications, les prolongations de délai, etc. Les frais de chancellerie et autres coûts particulièrement élevés peuvent être pris en compte dans le calcul des forfaits. Cette méthode est nettement plus simple que la méthode préconisant une fixation détaillée des émoluments telle qu’elle est encore appliquée.

Les dépens comprennent pour l’essentiel les frais de représentation ainsi que les frais occasionnés directement par l’ouverture du procès (al. 3). Il faut y ajouter le cas échéant les dédommagements pour les efforts consentis par la partie elle-même99. Ils doivent néanmoins être affectés à la préservation directe de ses intérêts. S’ajoute à cela le remboursement des débours (par ex. frais de déplacement, prestations de télécommunication, frais d’expédition, copies). Ces frais ne sont indemnisés que s’ils sont raisonnables. Les honoraires d’avocat et certaines dépenses sont fixés selon un tarif, en tout cas dans la mesure où la partie adverse ou, dans le cas de l’assistance judiciaire gratuite, l’Etat, en assument les frais.

Les frais judiciaires sont fixés par des tarifs (al. 4). Selon le principe de légalité, il suffit que les principes de fixation des émoluments soient réglés dans la loi et que les détails le soient dans des ordonnances ou dans des tarifs100. Ces tarifs doivent être conformes aux principes constitutionnels101. Le tarif des frais de tribunal doit tenir compte du principe de la couverture des frais et du principe de l’équivalence. Selon le principe de la couverture des frais, les rentrées totales d’un émolument ne doivent pas dépasser les frais totaux de l’acte judiciaire en question, ou à la rigueur ne le peuvent que très peu102. Le principe d’équivalence pour sa part requiert que l’émolument ne soit pas manifestement disproportionné par rapport à la valeur objec-tive de la prestation et se situe dans des limites raisonnables. Il ne faut pas non plus que les frais s’avèrent prohibitifs. Par exemple un tarif reposant uniquement sur la valeur litigieuse peut s’avérer trop rigide selon la jurisprudence et se traduire par un émolument disproportionné103. Il est également possible de fixer dans les tarifs des forfaits pour l’administration de certaines preuves comme les indemnités de compa-rution des témoins. Enfin, toujours à propos des tarifs, il est également nécessaire de

99 Sterchi, p. 15; Bühler/Edelmann/Killer, § 100, n. 5 et § 121, n. 9 ss.

100 ATF 121 I 235, cons. 3e.

101 Würzburger, p. 299 ss.

102 ATF 126 I 188 cons. 3a aa, 125 I 196 cons. 4h, 124 I 244 cons. 4a, 122 I 289, 121 I 236 cons. 3 s., 120 Ia 175 cons. 3, 106 Ia 252 cons. 3a.

103 ATF 126 I 188 cons. 3 a bb, 125 I 196 cons. 4h, 124 I 244 cons. 4a, 122 I 289, 121 I 238 cons. 3g, 120 Ia 175 cons. 4, 106 Ia 253 cons. 3a.

déterminer si leur application entre l’avocat et le client est contraignante ou si des arrangements peuvent être trouvés sur le montant des honoraires.

Les tarifs des frais judiciaires, des frais d’avocats et des avances de frais doivent-ils être fixés par les cantons ou le Conseil fédéral ? Il s’agit là d’une question politique.

La commission propose en premier lieu une réglementation cantonale, mais soumet une variante à la discussion : celle de la réglementation par la Confédération. Fixés par les cantons, les tarifs des frais judiciaires permettent de tenir compte des diffé-rences de structures des coûts selon les tribunaux ainsi que des diffédiffé-rences de com-position des tribunaux (selon la réglementation de compétence à raison de la matière, par ex. juge unique, trois ou cinq membres). Fixer les honoraires des avocats au niveau du canton permet aussi de tenir compte des différents niveaux de coûts selon les cantons.

La fixation de ces tarifs par les cantons permet donc de mieux tenir compte des diffé-rences entre les cantons et entre leurs organisations judiciaires respectives. Une réglementation cantonale a néanmoins aussi un inconvénient : un procès possédant la même valeur litigieuse générera des frais différents selon les cantons. Etant donné les possibilités de choix qui existent à propos des compétences à raison du lieu, cette solution pourrait provoquer pour ainsi dire un tourisme judiciaire. La solution fédérale proposée comme variante permettrait d’éviter cet inconvénient. Elle offrirait des taux uniformes et transparents pour toute la Suisse tels qu’ils existent déjà depuis longtemps dans le domaine de la poursuite pour dettes et de la faillite (voir l’ordonnance du 23 septembre 1996 sur les émoluments perçus en application de la LP104).

Art. 87

A l’ouverture de la procédure, le demandeur doit avancer la moitié au plus des frais de tribunal présumés (al. 1). Cette avance permet d’estimer les frais de tribunal, donc le risque de devoir payer des frais. L’avance n’est néanmoins pas si élevée qu’elle entraverait démesurément l’accès aux tribunaux. L’avant-projet suit sur ce point une ligne médiane entre les réglementations cantonales qui requièrent comme avance la totalité des frais présumés (parfois même du défendeur) et les cantons qui ne connaissent pas le devoir général d’avance et ne demandent le paiement d’une avance qu’en présence de motifs particuliers requérant une caution105.

L’avant-projet requiert une avance de la totalité des frais de tribunal présumés dans certains cas seulement (al. 2), à savoir pour la procédure de conciliation, la procédure sommaire et la procédure de recours.

Art. 88

En présence de motifs précis indiquant qu’il sera difficile de recouvrir les frais judi-ciaires, le demandeur - également une partie introduisant recours - doit fournir des sûretés garantissant le paiement de l’ensemble des frais judiciaires (frais de tribunal et dépens) (al. 1). L’avant-projet reprend ici les motifs traditionnels de

104 RS 281.35.

105 Sterchi; Spühler/Reetz, Kautionen, p. 96 ss; Vogel/Spühler, Zivilprozessrecht, chap. 11, n. 31 et 39 ss.

ment ; dans des situations à caractère international, il convient à cet égard de veiller aux réserves imposées à ce propos par les traités internationaux (art. 1, al. 2).

En général, la consorité nécessaire impose une responsabilité solidaire des frais judiciaires (art. 97, al. 3). Tant qu’un consort est solvable ou a un domicile en Suisse, il n’y a aucune raison d’imposer le versement de sûretés. Les consorts ne sont tenus de fournir des sûretés que si l’un des motifs précités existe pour chacun d’eux (al. 2).

Comme les codes cantonaux de procédure civile106, l’avant-projet exclut diverses procédures de l’obligation de fournir des sûretés (al. 3) : en raison de l’intérêt public et pour des motifs sociaux, les procédures indépendantes concernant les enfants mineurs (let. a), afin d’accélérer et de simplifier la procédure simplifiée sauf s’il s’agit de litiges sans objet spécifique selon l’article 237, lettre g (let. b), et enfin dans la procédure sommaire, qui requiert également une rapidité particulière (let. c). Par contre, s’il y a protection rapide (art. 266 s.), il est possible de demander des sûretés car ces cas peuvent également être jugés en procédure ordinaire. Il ne faut pas que le demandeur puisse contourner l'obligation de fournir des sûretés en déposant une demande de protection rapide.

Il n’y a pas de dépôt de sûretés si la procédure est de toute manière gratuite (art. 103 s.) ou bien - dans le cas contraire - si une partie doit avancer la totalité des frais de tribunal présumés (art. 87, al. 2). Les sûretés sont donc impossibles par ex. pour les procédures de conciliation.

Art. 89

Les sûretés doivent couvrir le montant total des frais probables de tribunal et les dépens (al. 1). Elles sont fixées conformément aux règles applicables aux frais judi-ciaires107.

Alors que l’avance pour les frais de tribunal doit être acquittée par virement bancaire ou en espèces, les sûretés peuvent aussi être fournies sous forme de titres solides ou de garantie d’une banque ou d’une société d’assurance (al. 2). Elles peuvent être augmentées ultérieurement (al. 3), par ex. lorsqu’il apparaît que la procédure est plus complexe qu’il était supposé initialement. Mais elles peuvent être réduites lorsqu'il s'avère que la procédure se déroule plus simplement que prévu au départ.

Les sûretés sont remboursées (si elles dépassent l’obligation de verser une avance) lorsque le motif de cautionnement disparaît ultérieurement, par exemple lorsqu’une partie quitte un pays étranger pour s’installer en Suisse.

Art. 90

Cette disposition règle les modalités de versement des avances de frais et des sûretés (fixation des délais, al. 1). Lorsqu’il s’agit de sûretés, le demandeur est en général entendu avant (al. 2). Par contre s’il n’y a aucun doute sur la présence d’un motif requérant la sûreté, l’audition du demandeur peut aussi avoir lieu après la fixa-tion du délai. C’est par exemple le cas lorsque le demandeur est domicilié à l’étranger et que la fourniture de sûretés n’est pas exclue par un traité international, ou encore lorsque le demandeur a du retard dans le paiement des frais de tribunal.

106 Par ex. § 78 PC/ZH; art. 277 PC/SG; voir égal. : Spühler/Reetz, Kautionen, p. 99.

107 Spühler/Reetz, Kautionen, p. 100 ss.

Le paiement de l’avance ou de la sûreté est une condition de recevabilité (art. 54, al.

2, let. f). Le tribunal n’entre donc pas en matière sur la demande si la prestation n’a pas lieu même après un bref délai supplémentaire. Une mesure provisionnelle peut par contre être établie avant que les sûretés ne soient fournies - cela dans l’intérêt d’une protection rapide et effective (al. 3 et 4).

Art. 91

Outre l’avance des frais de tribunal, les parties doivent aussi avancer les frais d’administration des preuves. Cette avance sera fournie par la partie qui a demandé une preuve (ou une contre-preuve) (al. 1). Lorsque les deux parties demandent les mêmes moyens de preuve, le tribunal peut requérir des deux parties qu’elles versent chacune la totalité de l’avance pour que les frais d’administration des preuves soient aussi couverts même en cas de défaut d’une des parties (al. 2).

Si l’avance n’est pas fournie même au terme d’un délai supplémentaire, le tribunal poursuit le procès sans avoir procédé à l’administration demandée de la preuve (al.

3, voir égal. 142, al. 2). Ce n’est que dans les procédures concernant des enfants que l’administration des preuves a tout de même lieu car, dans ce cas, les parties ne peuvent disposer de l’objet du litige et le tribunal doit établir les preuves d’office (art.

252).

Art. 92

Les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés ont une importance cer-taine : si les sûretés ne sont pas fournies, le tribunal n’entre pas en matière sur la demande ou sur le recours. Si les avances destinées à l’administration des preuves ne sont pas versées, celle-ci n’a pas lieu. Ces décisions peuvent donc être attaquées par appel simplifié (art. 299 ss). Une partie tenue de verser des sûretés peut par exemple faire valoir qu’il manque un motif adéquat. La décision sur l’avance des frais d'administration des preuves peut être attaquée entre autres quant au montant.

Art. 93

Selon l’alinéa 1, le tribunal peut accorder un sursis aux créances concernant les frais de tribunal. Une remise peut être prononcée s’il s'avère que la partie concernée est durablement dépourvue de moyens. Il convient néanmoins de noter que la remise ultérieure des frais ne doit pas permettre de contourner les conditions (plus strictes) de l’assistance judiciaire gratuite : cette dernière ne dépend pas seulement de l’indigence, mais aussi du fait que la demande n'est pas dépourvue de toute chance de succès.

Les frais de tribunal étant des créances de droit public, les dispositions de droit privé sur la prescription et l’intérêt moratoire sont tout au plus applicables par analogie.

L’avant-projet établit de ce fait ses propres règles en la matière (al. 2 et 3; délai de prescription : 5 ans; intérêt moratoire : 5 %).