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Art. 145

L'objet de la preuve est constitué – cumulativement – par les faits pertinents et con-testés (al. 1). Les faits pertinents sont des faits dont la véracité est déterminante pour la décision sur le litige ou pour la réalisation d’une condition de recevabilité151. Il découle de la maxime des débats, qui caractérise le procès ordinaire, que l’administration des preuves ne doit porter que sur des faits contestés.

En principe, tous les faits qui ne sont pas formellement admis en procédure sont contestés (al. 2). L’admission peut être explicite ou tacite (par acte concluant). Il n’y a néanmoins pas d’admission par acte concluant lorsque la partie adverse ne s’exprime tout simplement pas sur un fait affirmé. Une telle admission doit découler de l’ensemble des circonstances.

Il suit de l’article 8 CC qu'un fait est considéré comme contesté lorsqu’il n’est pas formellement admis devant le tribunal. Selon cet article, la partie à qui incombe le fardeau de la preuve d'un fait doit alléguer et prouver le fait en question. Cette règle vaut en tout cas dans le domaine d’application de la maxime de disposition et de la maxime des débats qui dominent le procès ordinaire. Dans le régime de la maxime inquisitoire en revanche, l’admission formelle ne remplace pas nécessairement la preuve.

Si des doutes subsistent quant à la véracité d’un fait allégué par une partie, mais non contesté par la partie adverse en raison du défaut de celle-ci, le tribunal peut - en

151 Frank/Sträuli/Messmer, § 133, 3; Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, remarque préc. l’art. 212.

dérogation à la maxime des débats - ordonner tout de même l’administration des preuves (al. 3). Celle-ci s’impose lorsque le tribunal craint de devoir fonder sa déci-sion sur un état de fait inexact. L’administration des preuves empêche dans ce cas qu’une partie exploite le défaut de l’autre contrairement à la bonne foi.

L’usage et les usages locaux occupent une place intermédiaire entre faits et règles de droit152. Une partie qui ise prévaut d'un usage ou des usages locaux doit prouver leur existence et leur contenu. Dans cette mesure, l’usage et les usages locaux peuvent être un objet de preuve (al. 4).

Selon le principe posé par l’article 16 LDIP, le contenu du droit étranger est établi d’office par le tribunal. Cet article prévoit néanmoins une exception à son alinéa 1:

dans les litiges de nature patrimoniale, la preuve du droit étranger peut être mise à la charge aux parties. Cette preuve doit avoir lieu selon les règles et dans les formes de la procédure probatoire.

Art. 146

Les faits connus de tous ou dont l’existence ne peut raisonnablement être mise en doute, ainsi que les circonstances perceptibles de façon toute générale et fiable, sont supposés connus dans le procès et n’ont, de ce fait, pas besoin d’être prouvés. Il en va de même des faits et des actes que le tribunal connaît de par son activité offi-cielle.

En outre, n’ont pas besoin d’être prouvés les faits reposant sur l’expérience générale de la vie ou sur des règles d’expérience en matière d’art, de science, de commerce, etc., à condition que leur portée ne se limite pas au seul cas d’espèce et qu'ils rem-plissent dans une large mesure la fonction de normes153.

Art. 147

Le droit à la preuve découle essentiellement du droit d’être entendu (art. 48). Il englobe le droit de présenter des moyens de preuve pertinents dans la mesure où ils sont adéquats et répondent , du point de vue du contenu, de la forme et des délais, aux exigences posées par la PCS (al. 1)154. Un droit à l’administration de preuves n'existe toutefois que si elles présentent un lien avec l'objet de la preuve.

L’alinéa 2 traite de l’appréciation anticipée des preuves : le tribunal peut refuser des moyens de preuve demandés s’il les considère d’emblée comme inadaptés ou si sa conviction est déjà faite à partir des moyens de preuve déjà disponibles et qu’il con-sidère que d’autres investigations ne sauraient plus rien changer au résultat détermi-nant de l’administration des preuves155.

Généralement, les moyens de preuve obtenus en violation de normes juridiques ne sauraient être pris en considération (al. 3) ; il serait en effet contradictoire que la justice puisse se fonder sur des actes contraires au droit. Mais vouloir exclure

152 BK-Peter Liver, art. 5 CC, n. 67; Deschenaux, SPR II, p. 45 ss.

153 ATF 123 III 243, 120 II 99, 117 II 258; Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, art. 217/218, n.1 et 2;

Frank/Sträuli/Messmer, § 133, n. 12.

154 ATF 122 III 223 avec d’autres renvois.

155 ATF 125 I 430, 124 V 94, 124 I 211, 122 III 219, 122 II 469, 121 I 112 et 308.

lument les moyens de preuve obtenus de manière illicite serait également probléma-tique, surtout lorsque le moyen de preuve en question est le seul qui existe et qu’il a une importance déterminante pour l'issue du procès. Pour cette raison, il convient de renoncer à poser une interdiction absolue et de s’en remettre à la pratique pour trou-ver à chaque fois une solution appropriée au cas d'espèce. Le tribunal devra, dans le cas d’espèce, procéder à une pondération entre l’intérêt à la recherche de la vérité et le principe selon lequel un acte contraire au droit ne saurait être utilisé pour justifier l'application du droit. Lors de cette pondération, le tribunal devra toutefois se laisser guider par le principe qui veut qu'aucun moyen de preuve obtenu illicitement ne puisse être utilisé et il ne pourra y déroger qu'en cas de nécessité.

Art. 148

Il convient de souligner, dans l’optique d’une délimitation négative, qu’il ne s’agit pas ici de la règle du fardeau de la preuve en droit matériel telle qu’elle est définie à l’article 8 CC, mais uniquement de la répartition du fardeau de la preuve en relation avec l’exercice de droits de procédure. Cette question de la répartition du fardeau de la preuve se pose par exemple lorsqu'une partie estime qu'une offre de preuves ou un recours a été déposé tardivement et que cela est contesté par la partie adverse.

La présente disposition règle la répartition du fardeau de la preuve dans ce genre de cas.

Art. 149

L’expérience a montré que l’administration des preuves est trop diversifiée pour qu'elle puisse avoir lieu toujours selon le même procédé. L’avant-projet prévoit donc un système mixte d’administration directe et indirecte des preuves. Même si le prin-cipe de l’immédiateté constitue la « clé de voûte » de l’appréciation des preuves156, il ne s’applique pas automatiquement à tous les cas. Des motifs objectifs peuvent requérir une administration indirecte des preuves, en général par délégation du tribu-nal (al. 1): ainsi en cas d’investigations longues et dispendieuses sur place. Il serait par exemple disproportionné qu'un tribunal collégial dûment saisi d'une affaire procède à une inspection aux Caraïbes, tandis qu'il apparaît adéquat qu'une délé-gation du tribunal procède à l’audition d’enfants dans le cadre des procédures touchant au droit de la famille. Les parties ont toutefois la possibilité de demander l’administration directe des preuves par le tribunal saisi (al. 2).

Le droit des parties de participer à la procédure probatoire ainsi que celui de prendre position sur les preuves invoquées découlent également du droit d’être entendu (al.

3)157. Il en va de même du droit des parties de se prononcer également sur le résultat de l’administration des preuves, droit qui – pour des raisons de systématique – est prévu à l’article 223.

Art. 150

Le tribunal doit certes forger sa conviction sur la base du résultat de l’administration des preuves, mais il doit aussi prendre en considération le comportement des

156 Kummer, p. 83 (qui parle de "Lebensnerv der Beweiswürdigung").

157 ATF 124 I 241, 121 V 150, 119 Ia 261, 118 Ia 17.

ties. C'est ainsi que le tribunal devra notamment tenir compte du fait qu'une partie a entravé l'administration des preuves en refusant de déposer ou en retenant des moyens de preuve (cf., à ce propos, art. 155, al. 3).

Art. 151

Une constatation rapide de l'état de fait peut s’avérer nécessaire lorsque l’administration ultérieure des preuves serait rendue plus difficile ou même impos-sible. La partie concernée doit rendre cette nécessité vraisemblable (al. 1). Il y aura par exemple mise en danger des preuves lorsqu'un moyen de preuve risque d'être perdu en raison de la maladie grave d’un témoin, du danger d’effondrement d’un bâtiment, etc. La conservation de la preuve doit être ordonnée selon la procédure applicable aux mesures provisionnelles (al. 2; art. 275 ss).

La conservation des preuves sert aussi à la notification judiciaire de déclarations de volonté de droit privé lorsque le lieu de résidence du destinataire est inconnu (al.

3)158. En règle générale, cette notification peut avoir lieu directement par voie de publication (art. 133) ; cela évite au tribunal d’entreprendre auparavant des tentatives de notification vouées à l’échec. La publication tient lieu de communication de la déclaration en question (par ex. la résiliation d'un contrat).