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Remarque préliminaire

Le droit à l’assistance judiciaire gratuite découle de l’article 29, alinéa 3 Cst. en tant que droit fondamental de procédure. Il est concrétisé pour la procédure civile aux articles 105 ss de l’avant-projet. L’interprétation de ces dispositions devra se faire compte tenu de l’abondante jurisprudence du Tribunal fédéral sur l'interprétation conforme à la Constitution.

Le droit à l'assistance judiciaire gratuite est applicable à toutes les procédures dans lesquelles une partie est impliquée ou dont elle a besoin pour défendre ses droits.116 Il est reconnu indifféremment aux Suisses et aux étrangers, qu'ils soient domiciliés en Suisse ou à l’étranger117. L’assistance judiciaire gratuite (et l’assistance gratuite d’un défenseur) peut donc aussi être accordée en procédure de conciliation lorsque le litige le justifie118. Elle l'est également dans les procédures sommaires en matière de poursuite et en principe dans les procédures de faillite suite à une déclaration d’insolvabilité119, ainsi qu’en procédure de mainlevée120.

116 TF 121 I 62, 119 Ia 265, cons. 3a.

117 ATF 120 Ia 217 ss.

118 ATF 119 Ia 264 ss. concernant la procédure de conciliation en matière de bail.

119 ATF 119 III 29 cons. 2a et 113 ss., 118 III 27.

120 ATF 121 I 60 ss.

Art. 105

Pour qu’une personne puisse bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite, elle ne doit pas disposer des moyens requis pour subvenir aux frais du procès sans porter con-sidérablement atteinte à l’entretien nécessaire à elle-même et sa famille (al. 1).

L’entretien nécessaire est usuellement défini sur la base du minimum vital au sens du droit des poursuites. Il ne faut néanmoins pas se fonder uniquement sur cet élément121. Le minimum vital en procédure civile est généralement de 10 à 30 % supérieur au minimum vital au sens du droit des poursuites122. Afin d’apprécier la situation financière, il convient de comparer le revenu déterminant avec le minimum vital appliqué en procédure civile. L’assistance judiciaire gratuite n’est pas accordée si le solde est positif et si les frais judiciaires peuvent être payés dans un délai rai-sonnable (en général un à deux ans). En cas d’impossibilité ou si le solde est négatif, l’assistance judiciaire gratuite sera entièrement ou partiellement accordée. L'assi-stance judiciaire gratuite peut être refusée si le requérant dispose d'une fortune dont il peut disposer librement et qu'il ne doit pas utiliser pour satisfaire des besoins actuels ou prévisibles ou pour se constituer une réserve appropriée aux circon-stances.123 Il existe une bibliographie et une jurisprudence abondantes sur les que-stions de la fortune et du revenu déterminants ainsi que sur celle du minimum nécessaire124. La jurisprudence présente néanmoins certaines différences selon les cantons125. La loi suisse de procédure civile permettra de développer une pratique uniforme au niveau des cantons.

Une autre condition à l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite est que la cause ne paraisse pas dépourvue de toute chance de succès. Selon la pratique constante, c’est le cas lorsque les perspectives d’obtenir gain de cause sont considérablement plus restreintes que les risques de perdre et ne peuvent donc plus être qualifiés de sérieuses. Par contre, on considère que la cause n’est pas dépourvue de chance de succès lorsque les perspectives d’obtenir gain de cause et les risques de perdre sont à peu près égaux ou s’ils ne présentent qu’une différence minime126.

L’alinéa 2 règle les exceptions. Comme beaucoup de codes de procédure canton-aux, il exclut le droit à une assistance judiciaire gratuite pour les personnes morales (let. a). Bien que le Tribunal fédéral ait laissé cette question ouverte127, l’avant-projet renonce à déroger à la législation et à la pratique cantonales en vigueur. Le besoin d'assistance des personnes morales serait extrêmement rare car, si elles sont insolvables, elles doivent être dissoutes128. Néanmoins, les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite ont droit à l’assistance judiciaire gratuite lorsque à la

121 ATF 124 I 2 cons. 2a.

122 Alfred Bühler, Prozessarmut, p. 181 ss.; Bühler/Edelmann/Killer, § 125 n. 7;

Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, art. 77 n. 4a.

123 Alfred Bühler, Prozessarmut, p. 154 ss.

124 Alfred Bühler, Prozessarmut, p. 131 ss.

125 Schöbi (éd.), p. 211 ss.

126 ATF 119 Ia 253.

127 ATF 124 I 246, cons. 4d, 119 Ia 337 ss.

128 Voir néanmoins Vogel/Spühler, Zivilprozessrecht, chap. 11, n. 62 et Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, art. 77, n. 3a.

fois la société et les sociétaires ayant une responsabilité illimitée sont dans le besoin129.

L’assistance judiciaire n’est pas accordée aux masses en faillite et aux masses con-cordataires (let. b), ce qui correspond à la pratique actuelle. Elle ne l’est pas non plus dans les procédures devant les tribunaux arbitraux car ce droit - pour des motifs aisés à concevoir - est restreint aux procédures devant des tribunaux étatiques (let.

c).

Art. 106

L’assistance judiciaire gratuite n’est accordée que dans la mesure où elle est néces-saire (al. 1). Si une partie peut assumer elle-même une partie des frais judiciaires, l’assistance judiciaire gratuite ne doit être accordée que pour le montant restant. Par exemple, elle sera exemptée des frais de tribunal, mais ne bénéficiera pas de l’assistance gratuite d’un défenseur; une franchise peut également être mise à sa charge. Si seulement une partie de la demande a une chance de succès, l’assistance judiciaire gratuite peut se limiter à cette partie.

Ce principe est précisé à l’alinéa 2 : selon les besoins, la partie concernée sera dis-pensée de payer les avances, les sûretés ou les avances pour les frais d’administration des preuves (let. a). Cette mesure permettra à la partie d’introduire et de mener la procédure. L’avant-projet va néanmoins plus loin que ce droit consti-tutionnel minimum en prévoyant la possibilité de dispenser la partie concernée des frais de tribunal à la fin du procès - sous réserve d'un remboursement (art. 112) (let.

b). L’assistance judiciaire gratuite ne comprend toutefois pas - contrairement aux codes de procédure cantonaux - les éventuels dépens qu’il faut tout de même payer à la partie adverse.

L’assistance judiciaire gratuite comprend également le droit à la commission d’office d’un défenseur (let. c). Celle-ci dépend toutefois de la nécessité matérielle, c’est-à-dire de la difficulté des questions que pose le procès, des connaissances juridiques du requérant ainsi que de la question de savoir si la partie adverse est représentée par un avocat et s’il faut de ce fait assurer une égalité des chances130.

Par contre, la constitution ne prévoit fondamentalement pas de droit à l’assistance gratuite d’un défenseur avant l’ouverture de la procédure131. L’avant-projet l’autorise exceptionnellement (al. 3). Pensons par exemple à ce propos à la préparation d'une convention de divorce (art. 111 CC). Les frais supplémentaires occasionnés par le changement de défenseur gratuit ne sont pris en charge par l’Etat que si la partie concernée peut prouver que le défenseur n’a plus sa confiance et que cela semble fondé objectivement132.

129 ATF 124 I 246, cons. 4d, 116 II 651 ss.

130 ATF 122 III 392 ss, 119 Ia 265 ss.

131 ATF 121 I 321 ss.

132 ATF 114 I a 101 ss.

Art. 107

Le défenseur d’office est certes nommé par le tribunal (al. 1), mais sans que cela ne restreigne le libre choix de l’avocat (voir art. 108, al. 2). Les avocats sont en outre tenus d’accepter les mandats d’assistance judiciaire dans le canton au registre duquel ils sont inscrits (art. 12, let. g LLCA).

Le défenseur d’office est rémunéré par l’Etat (al. 2). Mais si des dépens sont adjugés en faveur de la partie bénéficiant de l’assistance judiciaire gratuite, le défenseur d’office doit d’abord recouvrer ses honoraires de la partie adverse (par ex. engager des poursuites). L’Etat n’intervient que dans la mesure où les honoraires ne peuvent être obtenus auprès de la partie adverse. L’insolvabilité de celle-ci peut néanmoins être établie d’avance (par ex. si elle est en faillite) ; dans ce cas, le défenseur d’office peut s’adresser directement à l’Etat. Avec le paiement, la prétention à l’égard de la partie adverse passe à l’Etat.

L’avant-projet dispose que le défenseur d’office doit recevoir l’entière rémunération qui lui est due selon le tarif (al. 3). Sur ce point, l’avant-projet diffère de plusieurs réglementations cantonales qui n’accordent au défenseur d’office qu’un dédomma-gement réduit - ce qui n’est autorisé que dans une mesure limitée eu égard à la jurisprudence du Tribunal fédéral133.

Art. 108

La décision d’assistance judiciaire gratuite est rendue par un tribunal et non pas par une autorité administrative par exemple (al. 1). Le droit cantonal détermine si le tri-bunal statuant en la cause, son président ou un autre tritri-bunal est compétent (art. 2).

Le tribunal statue en procédure sommaire; la procédure est gratuite même si l’assistance judiciaire gratuite est refusée. Les demandes de mauvaise foi ou témé-raires sont réservées (par ex. les cas dans lesquels la partie qui demande l’assistance judiciaire gratuite dispose manifestement de moyens financiers suffi-sants).

La partie requérante ne doit pas donner la preuve rigoureuse de son manque de res-sources ; il suffit que sa demande soit vraisemblable - ce qui correspond à la pra-tique actuelle (al. 2). La maxime inquisitoire est applicable de manière restreinte dans cette procédure, la partie requérante devant participer à l’établissement de sa situation financière (justificatifs concernant la situation financière)134.

La demande d’assistance judiciaire gratuite peut être déposée en tout temps, que ce soit avant litispendance ou au cours de la procédure (al. 3). Une autorisation avec effet rétroactif n'est accordée qu'à titre exceptionnel.

Bien que la partie adverse de la cause principale ne soit pas partie dans la procédure concernant l’assistance judiciaire gratuite, elle doit malgré tout être entendue si une dispense de fournir des sûretés en garantie de paiement des dépens doit être pro-noncée (al. 4). Elle peut également être entendue dans les autres cas. En effet, la

133 ATF 122 I 3, cons. 3a, 118 I a 133 ss.

134 ATF 120 I a 181 s., cons. 3a.

partie adverse est fréquemment en mesure de participer à l’établissement de l’état de fortune et des revenus ainsi des chances de succès135.

Art. 109

L’assistance judiciaire gratuite est retirée si, au cours du procès, il s'avère que la partie dispose des moyens nécessaires. De même s’il apparaît durant la procédure (par ex. après l’administration d'une preuve) que la cause est dépourvue de chances de succès.

Le retrait vaut pour le futur. Mais si l’assistance judiciaire gratuite a été accordée initialement à tort parce que la partie concernée disposait des moyens nécessaires déjà au moment de la décision, elle peut être tenue de rembourser les frais déjà occasionnés (art. 112).

Art. 110

Le refus ou le retrait de l’assistance judiciaire gratuite sont des décisions aux conséquences importantes. Elles peuvent de ce fait être attaquées par la voie de l'appel simplifié. La partie adverse ne dispose toutefois que du recours limité au droit (art. 310 ss) si elle entend faire valoir que la partie requérante a été libérée à tort du paiement des sûretés pour les dépens.

Art. 111

Comme dans la plupart des réglementations cantonales, l’assistance judiciaire gra-tuite s’étend aux procédures de recours tant que l’instance supérieure n’en décide autrement. Il n’est donc pas nécessaire de déposer une nouvelle demande pour l’appel, l’appel simplifié ou le recours limité au droit. La situation financière ne change en général guère dans l’intervalle. Il appartient à l’instance de recours de retirer l’assistance judiciaire gratuite si le recours semble dénué de chances de succès. La révision fait exception car elle doit toujours faire l’objet d’une nouvelle demande.

Cette disposition n’étant pas applicable à la procédure devant le Tribunal fédéral, il convient de déposer aussi une nouvelle demande en procédure devant le Tribunal fédéral.

Art. 112

L’Etat ne libère pas définitivement une partie du paiement des frais judiciaires. Il peut lui demander ultérieurement le remboursement de ces frais si sa situation écono-mique le permet (al. 1). Tel est le cas si sa situation éconoécono-mique exclut l’accord de l’assistance judiciaire gratuite136. L’issue du procès peut également montrer que la partie concernée dispose de suffisamment de moyens pour payer ultérieurement137.

135 Leuenberger/Uffer-Tobler, art. 285 n. 2c; Bühler/Edelmann/Killer, § 129, n. 4.

136 Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, art. 82 n. 2b.

137 ATF 122 I 324 s., cons. 2c.

L’avant-projet ne désigne pas les autorités compétentes pour demander le rembour-sement à une partie et statuer sur la demande. Ces deux points ressortissent au droit cantonal.

La prétention de remboursement s’éteint cinq ans après la clôture de la procédure (al. 2). Il s’agit là d’un délai de péremption qui, en tant que tel, ne peut être ni sus-pendu, ni interrompu.