• Aucun résultat trouvé

Remarque préliminaire

L’expérience montre que le domaine d’application des mesures provisionnelles est aussi large que diversifié. Une réglementation légale concise et flexible s’impose donc pour que le tribunal, plus proche de la cause que le législateur, dispose d’une marge de manœuvre la plus large possible. Dans cette perspective, la commission d’experts s’abstient d’établir une liste exhaustive des mesures provisionnelles.

Art. 275

L’urgence est la condition fondamentale pour ordonner des mesures provisionnelles.

Le demandeur doit rendre vraisemblable que, sans l'aide immédiate du juge, il est menacé d’un préjudice difficilement réparable (al. 1). Le préjudice redouté doit être objectivement probable, sans que l’on ne puisse totalement exclure une erreur d’appréciation226. C'est dans la probabilité objective de la menace d'un préjudice que réside la justification d'une mesure provisionnelle.

Par préjudice difficilement réparable, il faut entendre non seulement un dommage patrimonial imminent (par ex. risque d’insolvabilité du défendeur en cas de perte du procès227), mais aussi un dommage immatériel lorsqu’il apparaît difficilement

226 ATF 103 II 287, 99 II 344.

227 ATF 94 I 11, cons. 8.

rable. Les dommages difficiles à prouver en font aussi partie, comme par exemple en cas d’imitation d’un procédé ou d’un produit commercialement protégé228.

La mesure à ordonner doit être nécessaire, ce qui signifie qu'elle doit apparaître comme étant appropriée d'un point de vue temporel et objectif. Elle doit également être proportionnée (cf. à ce propos l’art. 276).

Conformément à leur nature, les mesures provisionnelles sont ordonnées en procédure sommaire (al. 2).

En vertu de la maxime des débats, une mesure provisionnelle doit, pour que le juge puisse l'ordonner, être précédée d’une requête de la partie intéressée. Sous le régime de la maxime inquisitoire en revanche, le tribunal peut aussi ordonner d’office une mesure provisionnelle (al. 3).

Art. 276

Il convient de relever en premier lieu que les mesures de sûreté pour des créances litigieuses portant sur une somme d'argent resteront, comme jusqu'ici, soumises aux normes de la LP (séquestre, prise d’inventaire pour sauvegarder des droits de réten-tion, etc.). La réglementation de l’avant-projet concerne toutes les autres prétentions (par ex. prestations en nature ou de services, déclarations de volonté, etc.).

De façon générale, le tribunal doit à chaque fois ordonner les mesures adéquates. Il peut s’agir de mesures de réglementation, de sûreté ou obligeant à fournir une pre-station229. Mais la mesure ordonnée doit être toujours proportionnée; en d’autres termes, elle ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la protection pro-visoire de la prétention rendue vraisemblable230.

L’avant-projet précise le contenu des mesures possibles :

-- Il peut s’agir d’une interdiction judiciaire (let. a). Exemples : interdiction d'aliéner l’objet du litige, interdiction de l’utilisation illicite d’une société inscrite au registre du commerce (ATF 63 II 399) ou interdiction d’exercer une activité concurrente.

-- Le tribunal peut ordonner l’élimination immédiate de l’état illicite (let. b), par exemple par la saisie d’objets servant à des actes illicites, surtout dans le domaine de la protection de la propriété intellectuelle231.

-- Le tribunal peut intimer l’ordre à une autorité tenant un registre de prendre cer-taines mesures (let. c), par ex. d'annoter au registre foncier une restriction du droit d'aliéner.

-- La lettre d donne enfin au tribunal la possibilité de prendre aussi d’autres mesures appropriées. La liste établie par l’avant-projet n’est donc pas exhaustive.

228 Frank/Sträuli/Messmer, § 110, n. 17; Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, art. 326, n. 8b.

229 Voir à propos de ces notions Spühler/Vogel, Zivilprozessrecht, chap. 12, n. 192 ss.

230 ATF 94 I 8.

231 ATF 56 II 318.

Art. 277

Dans le but d’une protection rapide, le tribunal doit pouvoir ordonner des mesures provisionnelles dès avant l’introduction de la véritable procédure au fond. Si la requête de mesure provisionnelle aboutit, le demandeur peut - l’expérience l’a montré – ne plus avoir intérêt à introduire la procédure principale puisqu’il a obtenu ce qu’il voulait. En revanche, l'obligation d'agir au principal - c’est-à-dire la clarifi-cation définitive de la situation juridique - est indissociable de l’institution de la mesure provisionnelle. Il est dès lors indispensable que le demandeur défende sa position dans la procédure ordinaire. Un délai doit donc lui être imparti pour le dépôt de la demande au principal, au cas où le procès au fond ne serait pas encore pen-dant au moment où la mesure provisionnelle est rendue (al. 1). La fixation de ce délai doit être liée à la menace de la caducité de la mesure provisionnelle parce que, sinon, il y aurait lieu de craindre que le demandeur ayant obtenu gain de cause ne renonce à intenter le procès au fond.

L’avant-projet établit une exception à l'obligation d'agir au principal (al. 2). Elle doit être mise en relation avec l’article 335 : le tribunal peut renoncer à impartir un délai si une mesure de confiscation a été ordonnée. Il s’agit pour l’essentiel de la saisie de biens "piratés" en violation des prescriptions du droit de la propriété intellectuelle et de la concurrence déloyale. Du fait que, dans de tels cas, la partie adverse du requé-rant est souvent inconnue ou que l'on peut s'attendre à ce qu’elle ne se présentera pas au procès, il est justifié, pour éviter des procédures dépourvues de sens, de dis-penser la partie requérante de déposer sa demande. Cette exception se limite toutefois aux seuls domaines du droit de la propriété intellectuelle et du droit de la concurrence, tous les autres domaines étant soumis au principe qui veut que les mesures provisionnelles soient suivies d'une procédure au fond.

Art. 278

Si la mesure provisionnelle est de nature à causer un préjudice à la partie adverse, le tribunal peut obliger le requérant à fournir au préalable des sûretés (al. 1). La déci-sion est laissée à l’appréciation du tribunal, qui peut aussi ultérieurement ordonner, diminuer ou augmenter une sûreté.

Le requérant répond du préjudice causé par une mesure injustifiée (al. 2). Il s'agit là d'une responsabilité causale atténuée. Si le requérant peut prouver qu’il a demandé la mesure provisionnelle de bonne foi, le tribunal peut réduire l’obligation de réparer ou l’en dispenser totalement. « De bonne foi » signifie que la mesure provisionnelle a été sollicitée pour des raisons qui la faisaient apparaître comme objectivement justi-fiée au moment où la requête a été déposée. La prétention en dommages-intérêts contre le requérant doit être mise en œuvre dans une procédure séparée. Une éventuelle obligation de réparer le dommage causé à des tiers est régie par le droit matériel.

La fourniture de sûretés sert à couvrir les dommages (al. 3). Elle ne peut donc être libérée qu'à partir du moment où il est établi que la partie lésée n’intentera pas d’action en dommages-intérêts.

Art. 279

Les mesures provisionnelles servent à la protection provisoire. Elles doivent donc pouvoir être adaptées en cas de changement des circonstances (al. 1). Elles

deviennent caduques de par la loi avec l’entrée en force de la décision sur le fond (al. 2). Elles peuvent être relayées par des mesures d’exécution (art. 228, al. 2)

Art. 280

En cas d’urgence particulière, le tribunal peut ordonner immédiatement toute mesure provisionnelle nécessaire, c’est-à-dire sans audition préalable de la partie adverse (al. 1). L'urgence requise existera notamment dans les cas où il y «risque de collu-sion», notion jusqu’ici utilisée dans les dispositions du droit de la propriété intellec-tuelle. Pour qu'il puisse justifier une mesure superprovisionnelle, le risque de collu-sion doit toutefois être particulièrement prononcé.

En même temps qu’il ordonne la mesure superprovisionnelle, le tribunal impartit à la partie adverse un bref délai pour se prononcer (al. 2). L'avant-projet prévoit qu'il s'agit là d'un délai judiciaire, afin de prendre en compte les particularités du cas d'espèce. A l’échéance de ce délai, soit à un moment où il connaît aussi le point de vue de la partie adverse, le tribunal statue sur la mesure provisionnelle proprement dite, qui remplace alors la mesure superprovisionnelle.

La partie adverse n’a ainsi aucun moyen de recourir contre la mesure superprovi-sionnelle – en particulier aucune possibilité de faire opposition. Elle ne peut soulever des objections qu'au moment où le juge lui donne l'occasion de se prononcer. Seule la mesure provisionnelle « définitive » peut être attaquée par la voie de l’appel sim-plifié (art. 281).

Art. 281

Tant l’admission que le rejet d’une requête d’ordonnance de mesures provisionnelles peut avoir des répercussions décisives pour la partie concernée, qui doit donc avoir la possibilité d’attaquer la décision rendue. Si la décision émane d’une instance cantonale inférieure, elle peut être attaquée par voie de l’appel simplifié (al. 1). Par contre, si une instance cantonale supérieure ou une instance de recours a rendu la décision, seul est ouvert le recours au Tribunal fédéral, sauf pour les litiges relevant du droit commercial (art. 5, al. 3). Le recours n’a pas d’effet suspensif (art. 304, al. 3), conformément au besoin de protection immédiate. L’instance de recours peut néan-moins accorder l'effet suspensif.

Parce qu'une mesure provisionnelle doit intervenir sans délai, le tribunal qui l'ordonne a la possibilité soit de l'exécuter lui-même, soit de la faire exécuter immédiatement sans que la partie intéressée n'ait à présenter une requête d’exécution supplémentaire (al. 2).

Art. 282

La disposition s’aligne sur le droit actuel (cf. art. 79, al. 2 LBI), selon lequel l’autorité compétente peut refuser les mesures provisionnelles ou révoquer, en tout ou en par-tie, celles qu’elle aurait ordonnées si la partie adverse fournit au requérant une sûreté suffisante. Selon les opinions exprimées dans les milieux autorisés, cette solution doit être étendue à l’ensemble du droit de la propriété intellectuelle et du droit de la concurrence, ce que la commission d’experts approuve.

Art. 283

La réglementation spéciale des mesures provisionnelles prises à l'encontre des médias à caractère périodique correspond au droit en vigueur (art. 28c, al. 3 CC) qui, pour sa part, est le résultat de longues délibérations parlementaires et consacre une solution relevant de la politique des médias, que la commission d’experts n'a pas voulu modifier.

Art. 284

Le droit des successions connaît diverses dispositions concernant les mesures de sûreté. Ces dispositions demeureront dans le code civil, étant donné que les mesu-res de sûreté qui y sont prévues présentent un lien étroit avec la succession. Vouloir les transposer dans la PCS n’apporterait aucun avantage pratique. Elles font donc l’objet d’une réserve dans l’avant-projet.