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Reconnaissance et élévation

discours pédagogique pour exprimer une foi inédite en l’éducabilité de l’enfant

1.2. Reconnaissance et élévation

Loin de ces états dégradés inspirés de la réalité et parfois représentés par la fiction, le propos rollien neutralise la soumission magistrale par une plus-value discursive des fonctions

professorales, comme si le choix de l’établissement par les parents et la sélection du maître

par le principal constituaient une reconnaissance des mérites du gouverneur et de sa valeur.

L’objet de la réflexion de Charles Rollin est donc cet enseignant ‘excellent’, idéal peut-être, enseignant modèle certainement.

Tandis que, d’une part sont dénoncées « les vues courtes et étroites »473 de Rollin dans sa conception idéalisée du collège, d’autre part est soulignée sa modernité pédagogique qui « s’appuie sur la mise en place d’équipes enseignantes autour [du principal] par une même conception de l’éducation »474. De fait, le chef d’établissement joue un rôle important dans l’entretien de liens éducatifs pondérés et efficaces. Si, le principal est l’âme de la communauté éducative, c’est parce que grâce à sa « grande habileté »475, il a réussi « à gagner l’esprit des régents, à s’en faire estimer et aimer, à s’attirer leur confiance »476. Le ‘vivre-ensemble’ et la

qualité d’existence scolaire associée se rattachent donc directement à ce qui pourrait se nommer une équipe éducative. Celle-ci est dirigée par le principal qui occupe des fonctions

d’organisation et d’éducation, mais la bonne marche de l’équipe éducative s’appuie sur les

liens professionnels créés par le directeur avec ses collaborateurs. Les différents membres de la collectivité éducative sont unis par des attaches respectueuses ce qui entraîne des conséquences sur le lien pédagogique.

Estime et confiance représentent deux des ingrédients indispensables à

l’affermissementde l’équipe collégiale, car un établissement dans lequel le régent est méprisé et indigne de confiance court à sa perte. L’idée d’équipe favorise l’avancée commune, régulière et ascendante de l’ensemble du collège, parce que tous les partenaires adultes de

473 Compayré, Gabriel. Op. cit., p. 434

474 Lombard, Jean. Op. cit., p. 27.

475 Rollin, Charles. Op. cit., volume 4, p. 367.

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cette association solidaire œuvrent en suivant une même direction et des objectifs partagés477. Selon le recteur, la stratégie communicative – fonctions impressive et expressive du langage – s’applique au sein de la communauté éducative entre régents et principal : l’emploi du verbe ‘aimer’ signale combien il est nécessaire au supérieur hiérarchique de se faire apprécier par les maîtres et même de nouer une relation affective avec eux.

Peu de professeurs avant Rollin se sont préoccupés de l’éducation collective dispensée dans les collèges. Beaucoup478 se sont intéressés à l’éducation privée et surtout à celle des lignées aristocratiques, voire princières. Pourtant, un contemporain du pédagogue, l’abbé de

Saint-Pierre, relève l’erreur du système collégial : « D’où vient que nous sommes si en garde contre un solécisme au sortir du collège, et que nous commettons tant de grandes et de petites injustices, presque sans nous en rendre compte, et sans songer à les réparer ni à nous en corriger ? Il est facile de voir, que cela vient de notre mauvaise éducation »479.

Dénonçant l’inaptitude de l’éducation collégiale à rendre les élèves autonomes, réfléchis et consciencieux dès leur entrée dans le monde, l’auteur accuse l’impropriété de la formation consentie par ce système. S’il pointe les défaillances des formations morale, sociale et intellectuelle480, c’est pour prévenir des enseignements déficients de la vertu, la sagesse, la bienfaisance, la vérité, la prudence ou la justice. Son projet de perfectionner l’éducation

consiste à reprendre ces notions en amenant l’élève à une appropriation par habitude481 . En fait, Saint-Pierre se charge des contenus de formation sans les ramener aux données concrètes

et organisationnelles de la structure collégiale qu’il englobe dans la procédure d’une pratique répétitive et habituelle.

À l’opposé, Rollin s’empare de la forme institutionnelle et lui applique sa conception éducative selon de nouvelles modalités d’assemblage et de circonstances. Ainsi, les liens entre direction et enseignants impriment un caractère inédit à la communauté éducative dont les membres sont proches et porteurs de semblables valeurs. Le ‘vivre-ensemble’ du collège est

477 Rappelons le propos du Père Pasquier Quesnel, oratorien et théologien janséniste : « Ce est pas e pie es,

mais en hommes que se bâtit le collège ». In Revue des deux Mondes. Tome XV. Paris : édition Fournier, 1838, p. 853.

478 Baudoin, Chanoine de Laval. De l Édu atio d u jeu e “eig eu . Paris : Veuve Estienne, 1728. Duguet, Jacques-Joseph. I stitutio d u P i e ou T ait des ualit s des ve tus et desdevoi s d u “ouve ai . Londres : Nourse, 1739. Nicole, Pierre. De l Édu atio d u P i e. Paris : Savreux, 1760. Vareilles, Jean-Marie de Labroue.

Lett es su l du atio des P i es. Paris : 1757.

479 Saint-Pierre, Charles Irénée Castel (de). Projet de pe fe tio e l du atio . Paris : Briasson, 1728, p. 14.

480Ibid., p. 15 à 17.

481 Par exemple, pour bien connaître la vérité, le collégien doit acquérir quatre habitudes : « 1. Habitudes à

dis e e les alit s des i agi atio s […] . Ha itudes à dis e e dans les propositions la certitude qui vient

de l ide e […] . Ha itude à la justesse du aiso e e t […] . Ha itude à dis e e les diff e ts deg s de

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influencé par l’attitude posée et bienveillante de la direction à l’égard des maîtres, aussi le

principal use-t-il de « manières douces, prévenantes, éloignées de tout air de hauteur et

d’empire »482. Le chef d’établissement cultive donc l’humilité483 – valeur personnelle chère à Charles Rollin – grâce à laquelle il parvient à se mettre aisément à la portée de ses administrés. Toute attitude suffisante et imbue de la part du supérieur hiérarchique est

combattue, parce qu’elle met en péril le bon fonctionnement général du collège. Or, ce sont ‘la bienveillance et la modestie’ – composantes de l’ethos484 – qui servent l’efficacité de

l’équipe éducative.

Se montrant humble et abordable, le principal suscite la sympathie et le respect des enseignants, plus enclins à coopérer dans le projet éducatif proposé. Pour se défaire de ‘tout air de hauteur et d’empire’ qui pourrait être interprété comme du mépris sont recommandées douceur et prévenance. Loin d’être confondue avec la faiblesse ou l’incompétence, la douceur

– alchimie subtile entre l’ethos485et l’être – devient un baume apaisant les esprits, évitant les conflits et engageant à des liens sereins et posés entre éducateurs. Par cette attitude conciliante et diplomate, le principal aide le maître à entrer dans son rôle professoral, parce qu’il lui renvoie l’image d’un professionnel compétent et digne de confiance. La douceur constitue

également le reflet extérieur d’une nature apte à se maîtriser et à se détourner des pièges de la colère ou de la violence486. Quand il expose son aptitude personnelle à être maître de

lui-même, le chef d’établissement encourage son personnel à cultiver un pareil contrôle de soi,

482 Rollin, Charles. Op. cit., volume 4, p. 367.

483La f e e à l hu ilit asso i e au od le du atif ollie pose uestio . E effet, ulti e l hu ilit est ett e à dista e l autosatisfa tio et, a e elle, le d si et le goût de l tude. L hu ilit o siste à se a aisse

par le sentiment de sa p op e fai lesse et do à efuse la hauteu u a o de l appli atio i telle tuelle. Malg es o t adi tio s, do t le dis ou s e se fait pas ho, ‘olli e se sout pas à d laisse l hu ilit ta t

dans ses propos pédagogiques que dans le registre générique formel adopté.

484 « Ethos. Ca a t e ue l o ateu doit pa aît e a oi , se o t a t se s , si e et s pathi ue. Égale e t, a a t e de tel auditoi e, au uel l o ateu doit s adapte ». In Reboul, Olivier. Introduction à la Rhétorique. Paris : PUF, , p. . “elo ‘ola d Ba thes, lethos correspond aux « t aits de a a t e ue l o ateu doit o t e à l auditoi e peu i po te sa si it pou fai e o e i p essio ». In « L A ie e ‘h to i ue ».

Communications, N° 16. Paris : Le Seuil, , p. à . Lethos peut donc se définir comme une construction identitaire nourrie par la doxa– la vraisemblance – soit la représentation que se forge un homme

de so se la le. Lethos développe à la fois des composantes discursives ou non discursives.

485Cette f e e à l a t de la h to i ue e ati e à o t o e se da s l i te p tatio du dis ou s ollie .

Le recteur défend-il l i stau atio de l a t o atoi e – que Quintilien considère telle une vertu – comme code de communication avec un langage et des attitudes associées à la relation éducative ? Ou alors, influencé par John Locke, comme il le prétend lui-même, tient-il la h to i ue pou l a t du e so ge et pla e-t-il la quête de la

it pou le lie du atif da s l e p ie e des sens ? Nous tenterons de dépasser ce paradoxe dans la partie réservée à la relation éducative selon Rollin.

486 Le principal se construit une image de soi à travers son comportement affable et son discours encourageant.

L i age est p ojet e su les aut es e es de l uipe du ati e, ais, da s le p opos ollie , elle est pas

forcément conforme à la réalité. De même, le principal a conçu une représentation idéale du maître : s il la

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car c’est là l’une des conditions d’instauration d’un lien éducatif de qualité487.

À cette douceur est adjointe la prévenance, parce qu’elle permet au principal d’afficher

des actes et des paroles témoignant de son obligeance envers les enseignants. Le responsable du collège semble donc se mettre sur un pied d’égalité avec les maîtres, montrant ainsi la quasi similitude de ses intentions éducatives avec celles des enseignants : cela valorise le maître et le place dans une disposition professionnelle propice à la mise en place d’un rapport magistral positif avec sa classe. De ce fait, le principal symbolise à son niveau un modèle à imiter : il incarne l’exemplarité pour le corps professoral. Faisant fi de l’incidence hiérarchique induite par la figure de perfection du chef d’établissement, Rollin introduit l’idée

de liberté dans la collectivité éducative qu’il appelle de ses vœux.

Il connaît bien les lettrés de son temps, puisqu’il nous est donné de le compter parmi cette communauté. Cependant, nous savons aussi qu’il est très familier du monde éducatif

dont il met en avant le goût prononcé pour la liberté488. Ramener l’amour de la liberté sur le

terrain instructif, c’est faire référence à la liberté pédagogique des maîtres. Malgré cette

évocation, le discours impose des limites à l’indépendance intellectuelle du maître, car « il

n’est point permis à un grammairien d’ignorer ce que les Anciens ont écrit sur la grammaire,

et encore moins ce que nous en ont laissé MM. De Port-Royal »489. L’enseignement de la

grammaire se fonde donc nécessairement sur des références maîtrisées occupant une place obligatoire dans un cadre préétabli. En dépit de ces incontournables modèles grammaticaux,

l’exposé rollien n’ordonne ni les sujets ni les exercices à aborder : ils relèvent du choix personnel du professeur.

Cette évocation de l’amour de la liberté490– ainsi nommé par Charles Rollin – pourrait être interprétée comme le signe avant-coureur d’une revendication sociale des Lumières ; mais, le recteur modère hâtivement son propos en l’auréolant d’éléments de caractérisation restrictifs. En fait, il « entend […] une liberté honnête et réglée par la raison »491

487Il e d oule ue ‘olli appli ue do au p i ipal e u il p o ise pou le aît e. Da s ette a ti ulatio du ati e ai si pe s e, où l e se le du oll ge appu des fa illes pou suit l œu e d du atio de la

jeunesse, Ferdinand Buisson décèle « u e elle t su de l a t p dagogi ue [ ui] a au u e e t ieilli et

ne peut vieillir ; ous a o s ie de plus auto is et de plus utile à p opose au ditatio s de os aît es à tous les deg s de l e seig e e t ». In Buisson, Ferdinand. Op. cit., p. 1784.

488Bien que cette expression apparaisse comme un peu gratuite de la part de Rollin, soulignons-la : elle rappelle au hef d ta lisse e t que pour appréhender le corps professoral il doit « se souvenir que le caractère qui

do i e, da s les ge s de lett es, est l a ou de la li e t ». Rollin, Charles. Op. cit., volume 4, p. 367.

489Ibid., p. 442.

490 « Le pa le e t a ait p is, d s la o t de Louis XIV, u e attitude auda ieuse u il de ait o fi e pe da t

tout le XVIIIe siècle. Il réclama pour lui- e l a ti ue h itage de la li e t ». Chaussianand-Nogaret, Guy. Le Citoyen des Lumières. Bruxelles : éditions Complexe, 1994, p. 80.

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formulation qui nous éloigne de la conception de la liberté qui s’est imposée à partir du XIXe siècle.

Précisément, il paraît indispensable de saisir l’environnement collectif dans lequel

évolue le maître. En premier lieu, le principal a la mission éducative de la répartition des individualités représentées par chaque collégien dans les classes : cela présuppose que le chef

d’établissement, loin d’être un simple administrateur, dispose d’une connaissance approfondie des apprenants de son institution, voici pourquoi « c’est à [lui] qu’il appartient d’examiner […] les écoliers, pour les placer dans les classes qui leur conviennent »492 . En deuxième lieu, il est nécessaire que le directeur se montre apte à une projection raisonnée des influences positives que les élèves exercent les uns sur les autres en tenant compte de leurs nature et tempérament.

La vie collective se construit donc sur le respect493 de la personnalité des élèves à partir de laquelle sont composées les différentes classes. Cela fait des adultes pédagogues – tant les régents que le principal – des êtres doués d’une acuité psychologique leur permettant

de canaliser et de régler les tentatives de débordement et d’agitation. D’ailleurs, toujours en

quête de perfection, le propos rollien ne se limite pas à placer dans telle ou telle classe, un adolescent particulier, puis de considérer ce choix comme définitif, bien au contraire, il

montre qu’il est ensuite indispensable d’opérer un suivi de la situation scolaire grâce aux enseignants qui doivent « rendre compte chaque semaine de la conduite que […] [les élèves] y

gardent »494.

En proposant une répartition souple et évolutive au gré de l’avancée des élèves– mais qui impose un travail supplémentaire aux régents – les principes rolliens respectent les

rythmes et les facteurs d’adaptabilité des apprenants, ce qui doit générer une vie scolaire tout à la fois efficace et agréable. Néanmoins, l’agrément et l’efficacité peuvent être bouleversés par une surveillance incessante du chef d’établissement comparable à une suspicion malsaine – «comme si l’on craignait […] une contamination »495 – caractéristique de la réalité496

492Ibid., p. 370.

493Le tableau ainsi brossé entre en conflit direct avec la réalité historique qui présente une « foule d l es e t e e t e ua te da s ses jeu , ses fo es et ui pousse pa fois l e u a e jus u au ag essio s […] et au uti e ies […] des lasses ui […] peu e t d passe la e tai e d l es ». Toutefois, le discours du recteur

s a stie t de la e tio d u e telle tu ule e, oi e iole e. In Snyders, Georges. La Pédagogie aux XVIIe et XVIIIe siècles. Paris : PUF, 1965, p. 35.

494 Rollin, Charles. Op. cit., volume 4, p. 370.

495Snyders, Georges. Op. cit., p. 37.

496 « Ne t ou ez pas du , Messieu s, si u g a d o e de p fets et d aut es ge s ui ous o se e t, e ous

perdent jamais de vue ; si ous e so tez ja ais sa s a oi u alet, ui e ous uitte pas d u o e t, et ui est obligé de rendre un compte exact au Père Principal de votre conduite ». In Croiset, Jean. Règlements pour Messieurs les pensionnaires. Paris : édition Bruyset, 1729, p. 64.

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traditionnelle des collèges. Si Rollin ne rompt pas définitivement avec la rigueur de la

surveillance, il réussit à la transcender en lui substituant l’observation psychologique des

collégiens. N’oublions pas que ceux-ci sont majoritairement pensionnaires dans le collège où ils sont scolarisés, ce qui fournit de nombreuses occasions pour mieux les connaître.

Le temps scolaire collectif se divise donc d’une part, en séances d’études dans les classes, et, d’autre part, en moments plus récréatifs consacrés aux repas et temps de repos, ce

qui représente la totalité de l’emploi du temps de l’élève, d’où l’importance que ces conditions d’existence collégiale soient sereines et propices à l’éducation. Cela signifie aussi

que le lien éducatif entre maître et élève se développe dans deux univers différents : le

domaine scolaire et celui de l’internat. Toutefois, Rollin instaure cohérence et continuité entre ces deux sphères car il prône l’établissement d’une même sérénité éducative.

Afin de ménager un pareil contexte scolaire, le principal, même s’il fait usage d’autorité générale au nom d’une discipline bienveillante, ne doit pas « confondre [sa

profession] avec l’emploi des mercenaires et des ouvriers dont plusieurs même rougiraient d’une telle démarche »497. Cette remarque tire le recteur non pas du côté de la tradition éducative – elle se prolonge au XVIIIe siècle –qui fait de l’élève un « soldat »498, mais bien

dans un mouvement plus novateur, respectueux de l’écolier, considéré comme une jeune

personne en construction. Pédagogue avisé, Rollin conseille la modération et procède à une franche distinction entre la voie militaire et la voie éducative en soulignant que seule compte la qualité de l’instruction : « Il faut qu’on regarde comme un avantage d’être admis dans son

collège, et c’en est un en effet d’avoir sa place dans une maison où la jeunesse est élevée avec

soin »499 .

Opposées à l’inflexibilité soldatesque, les modalités de l’éducation collective se

placent dans un contexte quasi thérapeutique prodiguant les médications nécessaires à la bonne éducation et à la réussite scolaire des collégiens : cela évite « la maladie »500 et le risque « d’infecter tout le collège »501. Loin de sombrer dans des « lieux communs traités sans force et sans éclat, réflexions superflues à force d’être évidentes »502, Rollin fait émerger de ses considérations éducatives une idée neuve, le ‘vivre-ensemble’, concept pionnier d’une vie scolaire saine, dont les missions sont de veiller à la bonne entente de tous pour le bien

497 Rollin, Charles. Op. cit., volume 4, p. 372-373.

498 Snyders, Georges. Op. cit., p. 35 à 56.

499 Rollin, Charles. Op. cit., volume 4, p. 373.

500Ibid., p. 374.

501Ibidem.

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éducatif de chacun, grâce non seulement aux interrelations du maître avec le principal, son supérieur hiérarchique, mais aux liens pédagogiques noués entre magister et élève.

Pour que tout collégien soit prêt à établir un rapport positif avec cet univers scolaire collectif, le principal fait preuve de « prudence et de discernement »503 surtout pour repérer

l’«écolier capable de nuire aux autres, soit en corrompant la pureté de leurs mœurs, soit en

leur inspirant un esprit de mécontentement et de révolte »504: en aucune façon l’équilibre collectif ne peut souffrir d’être mis en péril, car il nécessite d’être préservé comme l’armature de l’édifice éducatif ainsi mis en place.

Certes, le principal de Beauvais semble parfois freiné dans ses élans idéaux en évoquant certains bienfaits d’un « univers clos »505 fermé sur lui-même, à la manière des collèges jésuites, où il est imposé de « multiplier sans cesse les barrières qui doivent défendre

les mœurs »506. Mais, en conjuguant de la sorte les facteurs d’une réalité dont il a eu l’expérience et les principes dont il se réclame, le recteur surmonte certaines discontinuités du

Traité. Il ne reste pas bridé par une surveillance permanente, gage d’immunité morale et donc

de tradition, parce qu’il lui donne une finalité éducative nouvelle: l’étude psychologique de l’élève.

Encore marqué par l’ancienne idée d’une menace constante qui planerait sur l’élève et

sur le système éducatif, Rollin oriente néanmoins sa réflexion dans une direction différente en nouant des relations plus étroites entre le directeur et les maîtres « qui sont comme ses bras, ses oreilles, ses yeux [et] reçoivent de lui tout leur mouvement, [et] les ménage aussi de son côté comme la prunelle de ses yeux, et comme ne faisant qu’un même tout avec lui »507. Cette