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Le poids de la religion sur l’instruction

D e l’ombre aux lumières : l’édificati on de la

2.4. Le poids de la religion sur l’instruction

Si nous choisissons d’évoquer ici Jean-Baptiste de La Salle et la Conduite des écoles

chrétiennes, c’est parce que l’auteur et son œuvre éducative – bien que fort éloignée des démarches collégiales élitistes destinées aux classes aisées – explorent et analysent des

concepts pédagogiques dignes d’intérêt, qui ont marqué le siècle des Lumières et ont pu influer sur l’évolution des relations éducatives. Fondateur de l'institut des frères des écoles

chrétiennes, l’ecclésiastique français consacre sa vie entière à éduquer des enfants pauvres.

Issu de la noblesse, il est le fils aîné d'une famille de juristes rémois du XVIIe siècle. Ordonné prêtre le 9 avril 1678 et reçu docteur en théologie en 1680, il choisit Reims pour édifier des écoles paroissiales ouvertes aux enfants miséreux. Malgré l'interdiction de l'Église, le frère finalise son projet et recrute de jeunes maîtres auxquels il propose, certes, une forme de vie consacrée à Dieu, mais qui autorise de conserver un état laïque. La Conduite des écoles

chrétiennes s'adresse donc principalement à ces jeunes enseignants et leur dévoile différents

concepts éducatifs que La Salle envisage de leur faire mettre en œuvre.

Le neuvième chapitre de l’ouvrage consacré au «catéchisme, […] son excellence et

[…] la nécessité de l’étudier »231 témoigne ainsi de l’importance accordée par le maître

lassallien à la formation religieuse des élèves : « C’est dans cette partie essentiellement de l’instruction qu’un frère zélé doit spécialement se montrer digne du saint emploi qu’il

exerce »232. De cette conception particulière dérive l’idée que Jean-Baptiste de La Salle se fait de la fonction de l’enseignant, « saint emploi » qui se fonde sur la connaissance de la discipline nommée « catéchisme ».

Cette transmission s’effectue par l’intermédiaire d’ « un maître qui connaît parfaitement la fin de sa vocation aux écoles chrétiennes [et] ne se ménagera jamais aux dépens de ses devoirs »233. Celui-ci, est-il encore précisé, « se regardera spécialement chargé de former la jeunesse dans la science de la religion ; ce ne serait pas entrer dans les vues de Dieu sur lui, de se contenter d'une sèche répétition du catéchisme qui favoriserait l'indolence peut-être le dégoût que l'on pourrait avoir pour l'étude de la religion »234. Enseigner le catéchisme sur le mode lassallien revient à favoriser une certaine participation réflexive des élèves en même temps que leur vie spirituelle. Lors des leçons qui développent deux priorités

– l'analyse « des saintes maximes » et celle « de la morale de Jésus-Christ » – les « saints

231 La Salle, Jean-Baptiste (de). Conduite des écoles chrétiennes (1706). Lyon : édition Rusand, 1819, p. 122.

232Ibidem.

233Ibidem.

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personnages »235, comme les nomme le professeur, portent la parole divine auprès des jeunes indigents. Les préceptes religieux constituent alors de pieux adages à mettre en application pour connaître et mener une existence digne de Dieu. De même, « Jésus-Christ » incarne un

modèle à suivre, parce qu’il expose une éthique, une déontologie, une sagesse religieuse à appliquer. Dans la Conduite des écoles chrétiennes, La Salle souligne également les avantages de l'enseignement religieux pour le maître catéchiste et ses apprenants :

Beaucoup de parents et plusieurs pasteurs se reposent sur les soins du maître pour l'instruction chrétienne de ses écoliers. Quel sujet de joie plus pur, que de former les enfants à la piété et aux bonnes mœurs, aux devoirs de la religion et de la société, de les éloigner de l'oisiveté, mère de tous les vices236

. « L'instruction chrétienne » vise ainsi à favoriser l'acquisition des « bonnes mœurs » en même temps que « des devoirs de la religion et de la société ». « Evangéliser les pauvres »237 ce n’est pas les aider à acquérir un état professionnel et social mais c’est, d’une

certaine manière, faire en sorte qu’ils acceptent l’ordre existant, celui de Dieu et celui des hommes. Si l’intention de La Salle est incontestablement généreuse, elle témoigne aussi de la conception que l’on se fait de ceux que l’on appelle « les pauvres ».

Bien que sa perspective éducative et le public auquel il s’adresse soient différents, Charles Rollin aborde également la question de l’instruction religieuse dans son ‘Huitième livre’ consacré spécifiquement au « Gouvernement intérieur des classes et du collège »238. En composant treize articles qui définissent les principes du bon fonctionnement des collèges et de leurs classes, le recteur propose une forme de règlement intérieur général contenant les droits et devoirs des collégiens : «Article VII. Parler raison aux enfants ; les piquer d'honneur.

Faire usage des louanges, des récompenses, des caresses. […] Article VIII. Accoutumer les

enfants à être vrais »239. Le treizième et dernier article de cette forme de charte traite des sujets suivants : « Piété ; religion, zèle pour le salut des enfants »240. Pareils intitulés montrent la préoccupation éducative pour le développement de la dévotion religieuse des collégiens. Cette question, comme chez les jansénistes, prend souvent appui sur la réflexion augustinienne :

235Ibid., p. 123.

236Ibid., p. 302.

237Ibidem.

238 Rollin, Charles. De La Ma i e d e seig e et d tudie les Belles-Lettres par rappo t au œu et à l esp it.

(Volume 4). Paris : éditions Mame, 1810, p. 288.

239Ibid., p. 336 et 340.

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Saint-Augustin dit que quelques charmes qu’eût pour lui un livre de Cicéron qui avait pour titre

Hortensius, dont la lecture avait préparé la voie à sa conversion, en lui inspirant un vif désir de la

sagesse, il sentait pourtant qu’il y manquait quelque chose, parce qu'il n'y trouvait point le nom de Jésus-Christ, et que tous ceux qui ne portaient point ce nom divin, quelque bien pensé, quelque bien écrit et quelque vrai qu’il pût être, n'enlevait point entièrement son cœur. Il me semble aussi que mes lecteurs ont dû n'être pas tout à fait contents, et trouver quelque chose à dire dans ce que j'ai rapporté du devoir des maîtres, en n’y rencontrant nulles traces de christianisme dans des préceptes qui regardent l'éducation des enfants chrétiens. […] En effet, le christianisme est l'âme et le complément de tous les devoirs dont j'ai parlé jusqu'ici. C'est le christianisme qui les anime, qui les élève, qui les ennoblit, qui les perfectionne, et qui leur donne un mérite dont Dieu seul est le principe et le motif, et dont Dieu seul peut être la digne récompense241.

La référence à saint Augustin a valeur d'autorité et facilite l'argumentation de Rollin qui réserve l'instruction religieuse à l'étape d'achèvement de sa pensée pédagogique. « La sagesse » vers laquelle emporte l'étude des Belles-Lettres antiques tend ainsi à se rapprocher des principes et valeurs du christianisme qui constituent « la fin et le but de l’éducation » :

Et pour quelle fin les leur [les maîtres] a-t-il confiés ? Est-ce précisément pour en faire des poètes, des orateurs, des philosophes, des savants ? Qui oserait le dire, ou même le penser ? Il les leur a confiés, pour conserver en eux le précieux et l'inestimable dépôt de l'innocence qu'il a imprimée dans leur âme par le baptême, pour en faire de véritables chrétiens. Voilà donc ce qui est la fin et le but de l'éducation des enfants : tout le reste ne tient lieu que de moyens242.

Comme Saint-Cyran attentif à protéger l'âme des plus jeunes en soulignant l'importance du baptême, Rollin insite tout particulièrement sur le but que doit avoir l'éducation, à savoir préserver l'esprit des enfants des périls qui le guettent. Cela le conduit, dans la deuxième partie de son septième livre destinée « Aux devoirs particuliers par rapport à l'éducation de la jeunesse »243, au sein du premier chapitre intitulé «Des devoirs du principal »244, à rédiger l’article V consacré aux pratiques « De la religion »245. Dans ce passage longuement développé, les instructions résument les différents supports à partir desquels sont dispensés les cours de catéchisme. Le recteur y reprend aussi l'idée fénelonienne selon laquelle les événements relatés par la Bible s'inscrivent dans une continuité historique à valeur perpétuelle, « catéchisme historique »246 – idée également empruntée à François de Salignac – favorisant le développement d’«une instruction solide […], puissant remède

241Ibid., p. 354 et 355. 242Ibid., p. 356. 243Ibid., p. 360. 244Ibid., p. 360. 245Ibid., p. 384. 246Ibid., p. 386.

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contre la superstition »247. Cette instruction religieuse passe donc par l’analyse fine et

approfondie des textes sacrés à laquelle doit être associée la pratique des sacrements248 . Bien que Rollin ne soit pas entré dans les ordres, il introduit dans son propos éducatif des concepts

et une démarche qui visent à faire de l’élève un bon chrétien non seulement dans sa pratique

mais dans sa connaissance des textes.

Loin d’être exclusivement réservée aux écoles lassalliennes ou aux collèges, l’instruction religieuse est aussi un moment important de l’éducation privée. Ainsi, dans le Cours d’étude (1775) de Condillac destiné au Prince de Parme, la religion trouve sa place au

même titre que le langage, les mathématiques, l’histoire et la philosophie, et occupe la dernière position au sein de l’ordre des objets étudiés. Pour traiter cette question développée dans le dixième volume de son ouvrage, il recommande l'utilisation du Catéchisme (1679) de l'abbé Fleury et du Petit Carême de Massillon (1718) – abrégé de l'Ancien et du Nouveau Testament – qui invite à étudier, de manière à la fois progressive et parallèle, les dogmes religieux, l'évolution historique et la morale chrétienne. De plus, le jeune prince lit et interprète de façon régulière et systématique la Bible dont l'édition retenue par le précepteur est celle de Royaumont (1670).

Pour Étienne Bonnot, éduquer un jeune homme d'exception, un Prince, c’est le former afin qu’il soit davantage instruit des faits religieux que les sujets sur lesquels il sera appelé à

régner. Protecteur de l'Église dont il sera le premier représentant, le jeune Prince et son précepteur devront tout mettre en œuvre pour assurer cette mission future. Cependant, la piété

du souverain devra être « éclairée » et pratiquée avec modération :

Vous ne sauriez être trop pieux, Monseigneur ; mais, si votre piété n'est pas éclairée, vous oublierez vos devoirs pour ne vous occuper que de petites pratiques ; parce que la prière est nécessaire, vous croirez devoir toujours prier, et ne considérant pas que la vraie dévotion consiste à remplir d'abord votre état, il ne tiendra pas à vous que vous ne viviez dans votre cour comme dans un cloître. Les hypocrites se multiplieront autour de vous ; les moines sortiront de leurs cellules. Les prêtres quitteront le service de l'autel pour venir s'édifier à la vue de vos saintes œuvres. Prince aveugle, vous ne sentirez pas combien leur conduite est en contradiction avec leur langage ; vous ne remarquerez pas seulement que les hommes qui vous louent d'être toujours au pied des autels oublient eux-mêmes que leur devoir est d'y être. Vous prendrez insensiblement leur place pour leur céder la vôtre ; vous prierez continuellement ; et vous croirez faire votre salut ; ils cesseront de prier, et vous croirez qu'ils font le leur. Étrange contradiction qui pervertit les ministres de l'église pour donner de mauvais ministres à l'État249.

247Ibid., p. 387.

248 Voir ibid., p. 393.

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Initiateur du courant sensualiste, Condillac laisse toutefois deviner dans son propos

une certaine distance à l’égard de la transcendance divine difficile à appréhender par

l’entendement humain. « Nous ne pouvons pas plus connaître la nature de Dieu que celle de

l'esprit et du corps »250, écrit-il ainsi et ajoute : « comme nous avons jugé que le mouvement a une cause, parce qu'il est un effet, nous jugeons que l'univers a également une cause, parce qu'il est un effet lui-même »251.

L’éducation à l’au-delà apparaît également chez Madame de Genlis qui conseille de

familiariser très tôt les jeunes enfants avec l'idée de Dieu. Elle s’exprime à ce propos par l'intermédiaire d'une lettre fictive de Madame d'Almane à Madame d’Ostalis, dans laquelle le

personnage féminin principal, précepteur de ses propres enfants, prône une éducation

religieuse par l’exemple et les effets sur l’imagination :

La conscience n'est qu'un guide peu sûr sans la religion ; donnez donc à votre élève [une fillette] des sentiments religieux ; persuadez-lui bien que dans tous les moments de sa vie, Dieu la voit et l'entend ; frappez son imagination de cette importante sublimité ; donnez-lui l'exemple de la piété ; qu'elle vous surprenne souvent priant Dieu, qu'elle soit convaincue que vous trouvez dans ce devoir toutes les consolations dont vous avez besoin, et que vous le remplissez avec joie. Faites-lui admirer les ouvrages de Dieu, les cieux, la terre, la verdure, les fleurs ; que le fruit qu'elle mange, la rose qu'elle cueille, tout serve à lui rappeler la bonté et la puissance de l'être suprême qui a tout créé252.

Invité à une perception de la présence divine par le « ressenti », l’enfant mobilise ses

affects plus que ses facultés intellectuelles, il procède par imitation plus que par compréhension. L’épistolière poursuit ses explications en montrant combien les esprits en

construction sont frappés, mais aussi enthousiasmés par Dieu et son pouvoir protecteur : Apprenez-lui des prières courtes, simples et touchantes, qu'elle puisse comprendre et sentir. J'en ai composé exprès pour Adèle, et elle les dit avec un respect et une expression qui m'attendrissent toujours. Je lui parle souvent de son ange tutélaire, je le lui ai peint beau […] et voltigeant toujours autour d'elle ; cette image douce et riante émeut son cœur et séduit son imagination : elle sait que cet être charmant est aussi pur qu’il est beau, qu’il déteste le mensonge, les détours, la gourmandise, la colère, et que toute bonne action lui plaît et l’enchante ; elle craint d'affliger son bon ange ; et lorsqu'elle est bien raisonnable, elle me dit avec une satisfaction inexprimable : « Dieu me protège, et mon ange est content de moi ». Je lui ai parlé aussi de l'esprit malfaisant, perverti par l'orgueil et par l'ingratitude […]. Enseignez à Constance toutes ces différentes choses en causant avec elle ; cette espèce d'instruction doit précéder celle du catéchisme, que vous ne devez lui apprendre que lorsqu'elle aura six ou sept ans.

250 Condillac, Etienne Bonnot (de). Traité des systèmes. La Haye : Neaulme, 1749, p. 343.

251 Condillac, Etienne Bonnot (de). LaLogiqueou l A t de pe se (1780). Paris : Houel, 1798, p. 51.

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Prévenez-la bien, en lui lisant le catéchisme, que les mystères qu'il explique sont au-dessus de l'intelligence humaine ; que Dieu nous a fait pour l'aimer, et non pour le comprendre253.

Sans cesse animée par le souci de mettre l'instruction religieuse à la portée des plus jeunes, Madame de Genlis mesure bien les difficultés à s'engager dans une réflexion

approfondie sur le sujet. C’est pourquoi la familiarisation avec l'idée divine passe par les

subterfuges du merveilleux, de l'inexplicable et du mystère qui plaisent tout particulièrement aux jeunes enfants. En évoquant la présence continuelle d'un ange gardien auprès de sa fille,

Madame d’Almane rassure également son enfant et la met en garde contre certains défauts

humains comme « la gourmandise, la colère, les détours et le mensonge ». L'éducation religieuse favorise donc l'éducation comportementale et morale des enfants.

Contrairement à Madame de Genlis et à d’autres contemporains, Jean-Jacques

Rousseau pense qu'il est vain d'aborder le fait religieux avec un enfant dont la maturité

d’esprit n’est pas suffisante et que toute tentative avant l'âge de quinze ans reviendrait à faire

de l’élève un idolâtre. L’éducation religieuse du jeune Émile est donc en relation étroite avec le développement de l’entendement à «l’âge de raison et des passions », soit entre quinze et vingt ans. Le quatrième livre du traité d'éducation du citoyen de Genève aborde, on le sait, cet aspect formatif par l'intermédiaire d'une sorte de rupture textuelle introduite sous forme d'une confession fictive adressée au précepteur qui la transmet à Émile telle qu'elle lui a été révélée.

Texte dans le texte, la Profession de foi du vicaire savoyard exploite les ressorts de la théâtralisation pour développer la pensée rousseauienne sur le sujet religieux. Ne pouvant rendre compte en quelques lignes de ces interrogations théologiques nombreuses et complexes, on se limitera à souligner – de façon schématique – que le citoyen de Genève organise sa réflexion en deux discours. Le premier aborde le sujet de la religion naturelle qui naît à l'épreuve du doute, des évidences du cœur et de la voix de la conscience alors que le

deuxième discours s'intéresse aux religions dites révélées et en contient une critique. Cette

confession religieuse qui se clôt sur un propos dans lequel l’énonciateur écrit qu'il n'est ni philosophe ni intolérant, a pour objectif d'apporter des éclaircissements à Émile au moment précis où sa réflexion s'oriente vers des interrogations essentielles. Avant cette pensée du vicaire savoyard, l'adolescent ne dispose d'aucun savoir religieux préexistant, au point qu'il ignore même le terme « Dieu », puisqu'il n'était pas en mesure, jusqu’alors, du fait de son

jeune âge, de concevoir l'idée divine.

La Profession de foi du vicaire savoyard constitue ainsi en quelque sorte un modèle

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pour conduire les adolescents à l’idée de Dieu au moyen de la réflexion. C'est en effet en

s'observant et en analysant sa propre personne que le jeune homme peut commencer à concevoir, par déduction, l'existence de Dieu :

J'existe, et j'ai des sens par lesquels je suis affecté. Voilà la première vérité qui me frappe et à laquelle je suis forcé d'acquiescer. Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? Voilà mon premier doute, qu'il m’est, quant à présent, impossible de résoudre. Car, étant continuellement affecté de sensations, ou immédiatement, ou par la mémoire, comment puis-je savoir si le sentiment du moi est quelque chose hors de ces mêmes sensations, et s'il peut être indépendant d’elles? Mes sensations se passent en moi, puisqu'elles me font sentir mon existence ; mais leur cause m’est étrangère, puisqu'elles m'affectent malgré que j'en aie, et qu'il ne dépend de moi ni de les produire ni de les anéantir. Je conçois donc clairement que ma sensation qui est en moi, et sa cause ou son objet qui est hors de moi, ne sont pas la même chose254.

Les sensations qui atteignent le cœur, puis sollicitent la raison, aboutissent à la perception de l'idée de Dieu caractérisée par Rousseau comme une « cause » des sensations éprouvées. Initiation à la religion naturelle, concept cher au philosophe, ce moment est une étape clé de l'instruction religieuse dispensée à Émile qui comprend qu’en puisant au fond de

son être les ressources de son raisonnement et de sa morale, il parvient à concevoir l'idée de Dieu. La Profession de foi du vicaire savoyard invite également l'élève à intérioriser les mouvements de sa dévotion car les rituels des religions révélées ne sont pas considérés comme l'expression d'une foi authentique. Émile découvre une religion de l'intime, dans laquelle s'épanouit son être personnel, hors de l'église ou du temple, et qui dicte à chacun le poids responsable de ses agissements en conformité avec ce que l'on pourrait nommer une déontologie de la bonté.

Abordée dans le contexte éducatif, la religion est toujours fortement présente au XVIIIe siècle car elle l’est dans la société même, enveloppant les esprits comme les

comportements, la morale comme l’exercice du pouvoir. La démarche et les objectifs