• Aucun résultat trouvé

Les recherches de Rutter, Quinton et de leurs collaborateurs… 67

Dans le document BRISER LE CYCLE DE LA VIOLENCE (Page 67-70)

A.4 TRANSMISSION VERSUS CESSATION INTERGENERATIONNELLE DE LA

A.4.5.1 Les recherches de Rutter, Quinton et de leurs collaborateurs… 67

Ces auteurs ont mené une série de recherches très riches, soit rétrospectives, soit prospectives.

Présentons tout d’abord l’étude rétrospective (Rutter, Quinton & Liddle, 1983, p. 68-74). Elle

concerne 48 familles qui avaient des enfants placés en institution durant huit mois. Le groupe de comparaison était composé de 47 familles, de milieu également défavorisé, avec un enfant du même groupe d’âge, mais où aucun enfant de la famille n’avait jamais été pris en charge par un service d’aide à l’enfance.

25 % des mères suivies avaient elles-mêmes fait l’objet d’une prise en charge par des services d’aide à l’enfance, contre seulement 7 % du groupe contrôle. 44 % avaient été séparées de l’un ou des deux parents pour au moins un mois comme conséquence de conflits familiaux contre 14 % du groupe contrôle ; 50 % (contre 14 %) avaient souffert de discipline sévère (souvent frappées avec des instruments ou enfermées dans un placard ou une cave ; 45 % (contre 14 %) avait été exposées à de graves conflits entre leurs parents. Moins de la moitié des mères ayant un enfant placé vivaient dans une cohabitation stable, comparées à 90 % du groupe contrôle. De plus, sur la moitié vivant avec un partenaire, un tiers avait des relations très conflictuelles, contre 10 % de l’échantillon contrôle.

En restreignant l’échantillon aux familles pour lesquelles ils avaient des informations sur les expériences de prise en charge, de conflit familial et de séparations, de parentalité inadéquate et de déviance parentale pour les deux groupes de parents actuels (soit 27 personnes du groupe institution et 39 du groupe de comparaison), les chercheurs ont observé des résultats encore plus notables. Par exemple, 89 % des familles institution avaient vécu des antécédents familiaux de rupture de parentalité. Ici, la continuité intergénérationnelle rétrospective était presque totale.

Mais un autre élément intéressant est apparu : dans une proportion étonnamment élevée (41

%), un ou les deux parents des familles du groupe de comparaison avaient eu une enfance malheureuse. Ce qui suggère que la continuité prospective était moins importante que la continuité rétrospective. Voyons donc ce qu’il en est avec l’autre recherche menée par cette équipe.

A.4.5.1.2 Etude prospective (1983, 1984, 1989)

Dans leur étude prospective (Rutter, Quinton & Liddle, 1983, p. 74-92 ; Rutter & Quinton, 1984 ; Rutter, 1989, p. 325-330), ces auteurs ont tenté de comprendre l’enchaînement d’événements qui ont permis à de jeunes femmes ayant vécu en institution d’avoir un comportement parental adéquat. Leur étude consiste en un suivi jusque dans le jeune âge adulte de 94 jeunes filles qui, en 1964, lorsqu’elles étaient âgées de 7 à 12 ans, vivaient dans

un foyer pour enfants parce que leurs parents ne pouvaient assumer leur éducation. Sur les 94, 5 étaient décédées au moment du suivi ; sur les 89 restantes, 81 ont été interviewées.

Le groupe contrôle était un échantillon quasi-aléatoire constitué de 51 femmes du même âge et de la même zone géographique, n’ayant jamais été suivis par les services d’aide à l’enfance.

Les jeunes femmes élevées en institution avaient généralement des résultats moins bons que celles du groupe de comparaison. Ainsi, 30 % d’entre elles avaient des difficultés psychosociales (trouble de la personnalité, criminalité, divorce et séparation) contre aucune des autres. Une sur cinq était sans partenaire masculin et seulement les 3/5 vivaient avec le père de tous leurs enfants (contre 100 % des membres du groupe contrôle). 18 % d’entre elles avaient un enfant placé contre aucune du groupe de comparaison.

L’effet le plus fort sur la qualité de parentage était dû aux caractéristiques du conjoint des femmes. Les femmes avaient beaucoup plus de probabilités d’avoir un bon fonctionnement psychosocial si elles vivaient une relation harmonieuse avec un compagnon ne présentant pas de problèmes psychosociaux significatifs (trouble psychiatrique, criminalité, alcoolisme ou toxicomanie). En effet, la qualité du comportement parental chez les femmes élevées en institution et ayant un conjoint soutenant était aussi élevée que celle du groupe de comparaison ; par contre, cette bonne parentalité était absente quand un tel soutien manquait.

Le résultat adulte des femmes élevées en institution était bien plus fortement fonction de leur situation maritale actuelle que du fait qu’elles avaient grandi dans une institution. Il semble donc que les expériences actuelles jouent un rôle bien plus important que les expériences passées. Cependant, la croissance en institution a fortement augmenté la probabilité que les filles fassent un mariage malheureux avec un homme déviant provenant d’un milieu identifiquement désavantagé.

Les résultats ont montré divers facteurs médiateurs et améliorants, mais le plus puissant était, de loin, constitué par les caractéristiques de l’époux des femmes et par leur situation maritale actuelle au moment du suivi.

Q u a l i t é d u c o m p o r t e m e n t p a r e n t a l

Bonne Moyenne Faible

Conjoint non soutenant

0 % 38 % 62 %

Conjoint soutenant 52 % 19 % 29 %

Tableau 5 : Lien entre les caractéristiques du conjoint et la qualité du comportement parental de la mère.

Ceci n’était pas le résultat d’un « appariement », c’est-à-dire du choix d’un partenaire non déviant par des jeunes filles non déviantes elles-mêmes. En effet, la présence d’une déviance comportementale chez les femmes dans l’enfance (évaluée par leurs parents et leurs enseignants) ne prédisait pas les caractéristiques des partenaires des femmes.

Les auteurs ont donc souhaité approfondir l’enquête en s’efforçant de savoir par quel mécanisme certaines femmes avaient fait un mariage harmonieux avec un homme non-déviant, alors que d’autres ne l’avaient pas fait. La variable explicative la plus importante était le fait que la femme ait ou non exercé une « planification » (planning) dans le choix de son conjoint, c’est-à-dire qu’elle ne se soit pas mariée pour une raison négative (fuite d’une situation familiale intolérable ou grossesse illégitime) et qu’elle connaissait son époux depuis au moins six mois. 76 % des « planificatrices » ont choisi des hommes non-déviants contre 35

% des non-planificatrices.

Parmi les planificatrices, une parentalité inadéquate est survenue chez 0 % de celles bénéficiant d’un soutien marital, mais chez 53 % de celles sans soutien, tandis que chez les non-planificatrices, les résultats étaient respectivement 25 % et 83 %. Ainsi, la planification augmentait la probabilité d’un bon mariage, mais si une non-planificatrice faisait un bon mariage, l’effet protecteur du soutien marital s’appliquait toujours ; inversement, si malgré la planification, une femme manquait de soutien marital, elle avait des risques de manifester une parentalité inadéquate.

Cette étude met en évidence un effet d’interaction intéressant (voir section A.4.6.2.3.3). En effet, la présence du soutien marital était moins important pour une bonne parentalité chez les membres du groupe de comparaison. Ce qui revient à dire que les mécanismes protecteurs sont plus nécessaires chez les groupes à haut risque.

Dans le document BRISER LE CYCLE DE LA VIOLENCE (Page 67-70)