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L’importance de l’attachement adulte

Dans le document BRISER LE CYCLE DE LA VIOLENCE (Page 125-129)

B) THEORIES EXPLICATIVES

B.1 LA THEORIE DE L’ATTACHEMENT

B.1.8.3 L’importance de l’attachement adulte

Au cours des quinze dernières années s’est développé le concept d’attachement adulte10 (n°

spécial de Psychological inquiry, 1994 ; Bartholomew & Horowitz, 1991 ; Hazan & Shaver , 1987 ; Miljkovitch, 2001, chapitre 7 ; Waters, Posada, Crowell & Lay, 1994).

Waters et ses collaborateurs (1994) proposent que la huitième et dernière phase du développement de l’attachement est l’attachement avec un partenaire, où chacun des membres doit pouvoir utiliser l’autre comme base sécure, mais aussi être une base sécure, ce qui signifie apprendre à aimer, à guider, rassurer, réconforter et soutenir l’autre. Si tel est le cas, le jeune adulte est alors prêt à recommencer le cycle d’attachement avec son propre enfant.

10 Il ne faut pas confondre la notion d’attachement adulte chez ces auteurs et celle mise en évidence dans l’Entretien d’Attachement Adulte de Main, présenté supra. L’outil de Main concerne les représentations par l’adulte de ses relations d’attachement avec ses parents quand il était petit ; les travaux sur l’attachement adulte concernent les relations entretenues par des adultes entre eux.

Il y a beaucoup d’analogies entre l’attachement enfantin et l’attachement amoureux, notamment les réactions au stress et à la séparation (Miljkovitch, 2001) mais également deux importantes différences : l’attachement adulte est habituellement réciproque et implique presque toujours l’attirance sexuelle.

B.1.8.3.1 La recherche de Hazan et Shaver (1987)

Dans ce qui constitue l’article princeps sur l’attachement adulte, Hazan et Shaver (1987) présentent des résultats reposant sur l’analyse de 620 réponses à un questionnaire paru dans la presse locale. 56 % des participants ont été classés sécures, 25 % évitants et 19 % anxieux-ambivalents. En accord avec l’hypothèse des auteurs, les amoureux sécures décrivaient leur plus importante expérience d’amour comme particulièrement heureuse, amicale et marquée par la confiance. Ils soulignaient avoir été capables d’accepter et de soutenir leur partenaire en dépit de ses fautes. De plus, leur relation durait généralement plus longtemps : en moyenne 10,02 ans, comparé aux 4,86 ans pour les participants anxieux-ambivalents et 5,97 ans pour les sujets évitants ; or la moyenne d’âge de chacun des trois groupes était identique : 36 ans.

Seuls 6 % des membres du groupe sécures avaient divorcé, comparés aux 10 % du groupe anxieux-ambivalent et 12 % du groupe évitant.

Les amoureux évitants étaient caractérisés par la peur de l’intimité, des hauts et bas émotionnels et de la jalousie. Les participants anxieux-ambivalents considéraient que l’amour implique l’obsession, le désir de réciprocité et d’union, des hauts et bas émotionnels, et une attraction sexuelle et une jalousie extrêmes.

B.1.8.3.2 La recherche de Bartholomew et Horowitz (1991)

• Bartholomew et Horowitz (1991) proposent une conceptualisation de l’attachement adulte qui ne concerne pas seulement l’amour romantique, mais plus généralement les relations proches avec les personnes qui nous entourent. Elle est basée sur deux types de modèles opérant internes : un modèle interne du soi et un modèle interne des autres ; chacun d’eux peut lui-même être divisé en deux, comme positif ou négatif, ce qui aboutit à quatre styles différents d’attachement.

MODELE DE SOI

Positif Négatif

MODELE

Positif

Attachement sécure

A l’aise avec l’intimité et l’autonomie

Attachement préoccupé

Préoccupé avec les relations

DES AUTRES

Négatif

Attachement détaché

Détaché vis-à-vis de l’intimité ; contre-dépendant

Attachement craintif

Craintif de l’intimité ; socialement évitant

Tableau 11 : 4 types d’attachement adulte (d’après Bartholomew et Horowitz, 1991).

- L’attachement sécure indique un sentiment de valeur personnelle et une attente que les autres personnes sont généralement acceptantes et répondantes.

- L’attachement préoccupé indique un sentiment de manque de valeur combiné avec une évaluation positive des autres. Ceci doit conduire la personne à rechercher l’acceptation de soi en gagnant l’acceptation par d’autres personnes valorisées.

- L’attachement détaché indique un sentiment de valeur personnelle combiné avec une disposition négative envers les autres. Ces personnnes se protègent contre la déception en évitant les relations proches et en maintenant un sentiment d’indépendance et d’invulnérabilité.

- L’attachement craintif indique un sentiment de manque de valeur combiné avec une attente que les autres seront négativement disposés à son égard (manquant de confiance et rejetants). En évitant une implication proche avec les autres personnes, ce style permet aux gens de se protéger contre le rejet qu’ils anticipent d’autrui.

Les auteurs proposent un questionnaire en 4 items, représentant chacun l’une des cellules ci-dessus. Une analyse multidimensionnelle a confirmé la structure sous-jacente supposée. Ainsi,

le modèle de soi et le modèle des autres constituent des dimensions distinctes pouvant varier indépendamment l’une de l’autre.

Les deux groupes avec un modèle négatif de soi (les préoccupés et les craintifs) montraient des réponses similaires aux mesures d’insécurité personnelle, mais ils différaient sur des mesures relatives à la capacité à devenir intime avec les autres personnes et à se reposer sur elles.

De même, les deux groupes définis comme évitant des relations proches (le craintif et le détaché) avaient une difficulté commune à être proches des autres et à se reposer sur eux, mais différaient significativement sur des mesures reflétant un sentiment de valeur personnelle. Seul le style craintif était régulièrement associé à l’insécurité sociale et au manque d’affirmation de soi.

Nous avons vu précédemment (section A.4.6.2.3.3) l’importance que la relation conjugale peut avoir dans la résilience des participants anciennement maltraités, au point que ceci constitue fréquemment un véritable tournant dans leur existence.

• B.1.9 Conclusion : du déterminisme à la liberté

La théorie de l’attachement avait initialement adopté des postulats fortement déterministes concernant l’impact des relations affectives précoces sur le développement ultérieur de l’individu. Mais la mise au point d’outils méthodologiques spécifiques (en particulier la Situation étrange et l’Entretien d’Attachement Adulte) a montré la plasticité des types d’attachement. Ainsi, la discontinuité intra-individuelle du type d’attachement, depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte, est un phénomène fréquent, de même que la discontinuité intergénérationnelle. Il est aujourd’hui clair que cette discontinuité intergénérationnelle des catégories d’attachement constitue un facteur médiateur essentiel permettant d’expliquer la cessation intergénérationnelle de la maltraitance, bien plus que sa transmission. L’individu n’est donc pas enchaîné par la forme des liens d’attachement de son enfance, mais peut remodeler progressivement le type de relations affectives qu’il entretient avec son entourage.

C’est ainsi, par le biais de multiples études empiriques, que la théorie de l’attachement est passée du déterminisme à la liberté.

L’attachement adulte, domaine de recherches en plein développement, nous fournira certainement de riches informations dans les années à venir. Peut-être une partie essentielle de la cessation intergénérationnelle de la maltraitance réside dans cette capacité à entretenir des liens avec un(e) partenaire (aimant(e). Il serait également intéressant de savoir si, pour l’ex-enfant maltraité, le fait d’avoir rencontré sur sa route des personnes lui ayant en quelque sorte servi de parents de substitution, peut faciliter le passage d’un type d’attachement insécure à un attachement sécure, et par voie de conséquence à une relation affectueuse avec ses enfants.

Comme nous allons maintenant le voir, la démarche empirique, offrant des hypothèses réfutables, adoptée par la théorie de l’attachement n’est malheureusement pas aussi présente chez les deux grandes autres théories se déclarant explicatives de la transmission intergénérationnelle de la maltraitance : la psychanalyse et la théorie de l’apprentissage social.

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