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Correspondance entre la catégorie du parent et celle du bébé…. 107

Dans le document BRISER LE CYCLE DE LA VIOLENCE (Page 107-112)

B) THEORIES EXPLICATIVES

B.1 LA THEORIE DE L’ATTACHEMENT

B.1.6.1 Correspondance entre la catégorie du parent et celle du bébé…. 107

Plusieurs études ont montré un lien entre le type d’attachement de la mère et son comportement avec son enfant (pour une synthèse de la littérature, voir Crandell, Fitzgerald &

Whipple, 1997). Ainsi, des mères sécures ont des attitudes chaleureuses et répondantes avec leurs enfants ainsi qu’un style d’aide qui favorise l’apprentissage et la découverte. Les mères insécures sont confuses et/ou inconstantes, vacillant entre des périodes de chaleur et de gentillesse et des périodes de colère et de frustration, ou de contrôle ; elles n’expriment pas d’affection physique envers leur enfant et ne répondent pas positivement à ses demandes de confort et de réassurance.

Mais plus intéressantes encore pour notre propos sont les multiples études comparant le type d’attachement du bébé –évalué dans la Situation étrange- et le type d’attachement du parent (généralement la mère) –évalué par l’AAI-. La question centrale est évidemment de savoir si la qualité d’attachement du parent se transmet à son bébé. Or, la réponse est clairement oui, puisqu’il y a une remarquable correspondance, allant de 66% à 82 % selon les études, entre ces deux modes de réponse (Benoit & Parker, 1994). Voici un tableau, élaboré par Main, montrant cette correspondance.

Interview d’attachement adulte Réponses du bébé

Des descriptions normatives ou positives des parents (“ une mère formidable, tout à fait normale ”) ne sont pas corroborées ou sont contredites par des souvenirs spécifiques. Les expériences négatives sont considérées comme n’ayant eu aucun effet. Les entretiens retranscrits sont courts, avec une fréquente insistance sur l’incapacité à se rappeler de son enfance. patata ”). Les entretiens sont longs et certaines réponses hors de propos.

Résistant-ambivalent (C)

Préoccupé par le parent tout au long de la procédure, peut sembler vouloir frappantes perturbations dans le cours du raisonnement : par exemple, peut parler d’une outre correspondre aux classifications A, B ou C.

Tableau 8 : Correspondance entre les attitudes de la mère et le comportement du bébé (Main, 1998).

Notons cependant que beaucoup d’études ont regroupé dans un même ensemble les trois catégories d’attachement insécures, et se sont donc limitées à des correspondances entre populations sécures (d’enfants et de parents) d’une part, et entre populations insécures d’autre part.

Dans une revue de la littérature publiée en 1992, van Ijzendoorn constate de fortes concordances entre le type d’attachement des parents et celui de leur bébé. Voici quelques chiffres :

- l’étude de Main & Goldwyn montre une correspondance de 75 %. entre le type d’attachement de la mère et celui de son bébé. Pour les pères, la correspondance est de 69 %.

- l’étude d’Ainsworth & Eichberg met en évidence une correspondance de 80 %.

- les études de Grossmann et al. montrent des concordances de 85 % (étude de Bielefeld) et 78 % (étude de Regensburg).

Dans une méta-analyse ultérieure, portant sur 18 études regroupant 854 dyades parent-bébé, van Ijzendoorn (1995) constate que la taille de l’effet est de 1.06, ce qui montre que la relation entre l’attachement de l’adulte et celui de l’enfant est particulièrement forte7. van Ijzendoorn souligne que la relation entre ces deux catégories d’attachement est d’autant plus impressionnante que la Situation étrange et l’AAI constituent des méthodes radicalement différentes.

Mais par quels processus les parents transmettent-ils leurs représentations mentales d’attachement à leurs enfants ? Dans la théorie de l’attachement, la sensibilité parentale (et surtout maternelle) aux signaux du bébé a été longtemps considérée comme le véhicule probable de cette transmission. Or, la méta-analyse de van Ijzendoorn montre que la plus grande partie de l’influence opère par des mécanismes autres que la sensibilité parentale. Cet auteur parle donc de vide de transmission (transmission gap) pour exprimer ce fait que la sensibilité maternelle ne rend compte que d’une partie de ce qui est transmis à l’enfant au travers des représentations maternelles. Deux explications (non exclusives l’une de l’autre) lui paraissent pouvoir expliquer ce vide : la transmission génétique de caractéristiques

7 Cohen (1988), statisticien spécialiste des tailles d’effet, a suggéré qu’une taille d’effet de 0.20 est petite, de 0.50 est modérée, et de 0.80 est importante.

tempéramentales et le rôle joué par certains éléments de la relation parent-bébé non pris en compte par l’AAI, tels que les expressions faciales d’émotions. Notons au passage que le terme de tempérament fait l’objet de multiples débats, portant sur sa réalité, son origine, sa stabilité, ainsi que ses liens avec l’attachement (Balleyguier, 1998).

B.1.6.2 Plus grande continuité de l’attachement sécure que de l’attachement insécure

Particulièrement intéressante est l’étude de Benoit et Parker (1994) relatif à la transmission intergénérationnelle de l’attachement sur 3 générations (77 grands-mères, 77 mères et 77 bébés). En utilisant 3 catégories d’attachement, ils constatent un lien important entre les types d’attachement des grands-mères et ceux des mères (75 %), et entre les types d’attachement des mères et ceux des bébés (81 %). En utilisant quatre catégories, les taux sont toujours notables (respectivement 46 % et 68 %), sensiblement supérieurs à ce que l’on attendrait du hasard seul.

Les auteurs soulignent que ces résultats confirment fortement l’affirmation de Bowlby selon laquelle les modèles opérants internes d’attachement ont tendance à se perpétuer au fil des générations. Quand les trois catégories d’attachement adulte et bébé étaient examinés sur trois générations, 65 % des 77 triades grand-mère-mère-bébé avaient des classifications d’attachement correspondantes dans toutes les trois générations.

Mais ce que ne relèvent pas les auteurs et que leurs chiffres démontrent pourtant aussi clairement, c’est que cette apparente transmission du type d’attachement voile de très importantes différences selon les catégories. Des calculs montrent que c’est surtout l’attachement sécure qui se transmet de génération en génération, les autres catégories ont tendance à se dissiper au fil des générations :

Grands-mères autonomes : 88 % (45/51) de leurs filles sont autonomes, 86 % (44/51) de leurs petits-enfants ont un attachement sécure.

Grands-mères détachées : 39 % (5/13) de leurs filles sont détachées, 15 % (2/13) de leurs petits-enfants ont un attachement évitant.

Grands-mères préoccupées : 62 % (8/13) de leurs filles sont préoccupées, 46 % (6/13) de leurs petits-enfants ont un attachement résistant.

Il est particulièrement intéressant de connaître la fréquence du glissement vers l’attachement sécure au fil des générations. Pour cela, relevons, à partir des diverses catégories grand-maternelles, le taux de mères autonomes et d’enfants ayant un attachement sécure.

Grands-mères autonomes : 88 % (45/51) de leurs filles sont autonomes, 86 % (44/51) de leurs petits-enfants ont un attachement sécure.

Grands-mères détachées: 54 % (7/13) de leurs filles sont autonomes, 69 % (9/13) de leurs petits-enfants ont un attachement sécure.

Grands-mères préoccupées : 23 % (3/13) de leurs filles sont autonomes, 46 % (6/13) de leurs petits-enfants ont un attachement sécure.

L’ensemble de ces résultats montre que seul l’attachement autonome-sécure se maintient fortement au fil des générations, tandis que les formes insécures d’attachement ont tendance à se déliter.

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