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Recalibrer la politique du logement

Dans le document QUELLE FRANCE DANS DIX ANS? (Page 159-164)

Le logement est à la fois un problème macroéconomique et un problème social, dans les deux cas de première grandeur. L’investissement en faveur du logement a mobilisé 128 milliards d’euros en 2011, soit plus du tiers de l’épargne nationale, mais les pénuries subsistent et, avec une progression de 125 % depuis 2000, la France est l’un des pays de la zone euro où les prix ont le plus augmenté. Les aides publiques mobilisent 45 milliards d’euros, soit plus de 2 points de PIB, pour un résultat économiquement inefficace et socialement inéquitable. Pour une part, ce soutien public rend solvable la demande résidentielle et, compte tenu des contraintes sur l’offre, contribue à la hausse du prix. Pour une autre part, il est consacré à contourner les obstacles structurels au développement de la construction, en la soutenant artificiellement. Insuffisamment ciblée, la politique de l’habitat social ne parvient à assurer ni la mixité sociale urbaine ni l’accès au logement des plus défavorisés.

(1) RSA : revenu de solidarité active ; PPE : prime pour l’emploi ; ASS : allocation de solidarité spécifique.

Pris dans ce faisceau de problèmes, les gouvernements sont à court terme contraints de multiplier à grands frais les palliatifs. Mais, sur dix ans, il est possible de mettre en œuvre une réponse structurelle1. Cette-ci consisterait à :

Desserrer les contraintes sur l’offre dans les zones urbaines tendues

La première priorité est de desserrer les contraintes sur l’offre foncière qui brident la construction et contribuent à l’augmentation des prix. Ces contraintes sont moins physiques que réglementaires, sociologiques et politiques. Elles peuvent être réduites tout en limitant l’artificialisation du territoire comme proposé au chapitre 9, en attribuant aux intercommunalités urbaines (et demain aux nouvelles communes) la responsabilité des permis de construire, en limitant les recours abusifs et en réduisant l’écart de fiscalité entre le foncier constructible bâti et non bâti.

Réduire le coût de la construction

La hausse des coûts de la construction a été depuis dix ans sensiblement plus rapide en France que chez nos voisins, singulièrement en Allemagne. Elle ne s’explique pas par la dynamique salariale mais par l’incidence de normes plus nombreuses et plus strictes, une productivité insuffisante et le caractère peu concurrentiel de certains marchés. Simplifier les réglementations, stimuler la diffusion des nouvelles technologies chez les professionnels du bâtiment et favoriser un fonctionnement plus concurrentiel du marché contribuerait à améliorer la situation.

Fluidifier le marché du logement ancien par une fiscalité plus incitative

La substitution d’une imposition de la valeur vénale nette des biens immobiliers à celle des droits de mutation, et la neutralité entre les statuts de propriétaire occupant et de propriétaire bailleur, permettraient de fluidifier le marché de l’ancien et donc d’assurer une meilleure adéquation entre offre et demande. Dans un contexte de vieillissement, ces mesures éviteraient que les propriétaires de logements devenus trop grands continuent à les occuper pour des raisons fiscales.

Mieux cibler la politique du logement social

Comme cela a été indiqué au chapitre 5, la politique du logement social mobilise des moyens importants mais est mal ciblée sur les publics qui devraient être prioritaires.

Pour améliorer son ciblage, il convient de geler les plafonds de revenu et de prélever sur les occupants ayant dépassé le plafond de ressources une contribution croissante avec le temps, dont le produit serait affecté à la rénovation et au développement du parc HLM.

(1) Ces propositions s’inspirent en partie des travaux du CAE sur le logement. Voir notamment Trannoy A.

et Wasmer E. (2013), « Comment modérer les prix de l’immobilier ? », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 2, février.

Ces orientations permettraient sur la durée d’améliorer l’habitat des Français et d’en diminuer le coût, tout en réduisant le volume du soutien public au logement et en affinant son ciblage.

La France dans dix ans

LES INDICATEURS D’UN MODÈLE SOCIAL LISIBLE ET INCLUSIF

Doubler le taux de transition annuel des contrats courts vers un emploi stable. La France se caractérise par un faible taux de transition, chaque année, de l’emploi court vers l’emploi permanent. Cela se traduit par l’enchaînement de contrats courts (intérim, CDD) avant d’accéder à un CDI.

Entre 2011 et 2012, environ 19 % des personnes en contrats courts sont passées en CDI ou sont devenues non salariées. Doubler ce taux de transition à l’horizon de dix ans, à 38 %, nous ferait dépasser la moyenne européenne en la matière (24,6 % en 2011).

Réduire à moins de 20 % le recours aux prestations sociales. Le non-recours aux prestations sociales est le signe de l’échec de certaines politiques à atteindre leurs bénéficiaires potentiels et pose la question de l’effectivité des droits. Il peut être lié à la complexité des dispositifs, à leur caractère stigmatisant ou à certaines conditions attachées (recours sur succession par exemple). Le non-recours varie selon les dispositifs, il est estimé à près de 70 % pour le RSA activité, entre 53 % et 67 % pour l’aide à la complémentaire santé (ACS) et de 10 % à 24 % pour la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). D’ici dix ans, un objectif ambitieux consiste à viser un taux de non-recours sur les différentes prestations de 20 % maximum.

Réduire de 30 % le prix des logements (en euros constants). Au quatrième trimestre 2013, le prix des logements anciens en France, rapporté au revenu par ménage, était encore supérieur de 74 % à la tendance longue qu’il avait suivie sur la période 1965-2001. Ce niveau particulièrement élevé des prix a des conséquences importantes en termes de pouvoir d’achat immobilier des ménages, mais a également des répercussions sur le taux de rendement de l’investissement locatif, et donc, à terme, sur le niveau des loyers. D’ici à dix ans, le coût du logement pourrait baisser de 30 %.

CHAPITRE 13 UNE EUROPE FORCE D’ENTRAÎNEMENT

L’Europe, on l’a dit, sort affaiblie de six années de crise : économiquement bien sûr, en raison de la longueur de la récession entamée en 2008, socialement, du fait de l’ampleur du chômage de masse, et politiquement, parce que les vicissitudes de ces dernières années affectent sa légitimité. Dans l’immédiat, il lui faut impérativement trouver les ressorts du redressement et mener à bien, au sein de la zone euro, un rééquilibrage interne qui est loin d’avoir été achevé et que complique une inflation aujourd’hui trop faible, nettement inférieure à la cible de la Banque centrale européenne (BCE).

Il faut espérer que ce problème macroéconomique ne continuera pas à dominer les années à venir, mais ce n’est hélas pas certain. L’expérience montre en effet que les crises de l’endettement public et privé ne se résorbent que très lentement, surtout dans un contexte de très faible inflation. L’asymétrie du rééquilibrage interne à la zone euro, qui a vu les pays en fort déficit extérieur retourner vers l’équilibre tandis que les pays en excédent, Allemagne en tête, maintenaient ou augmentaient leurs surplus, a eu pour double conséquence un déficit de demande et l’apparition d’un excédent extérieur de la zone euro substantiel (3 % du PIB) et persistant, qui contribue à l’appréciation de la monnaie européenne.

À une échéance plus lointaine, celle de ce rapport, l’Europe fait face à trois questions.

Quelles inflexions donner pour que l’Union européenne élargie redevienne un vecteur de prospérité et d’emploi ? À force de se consacrer au sauvetage de la zone euro, les dirigeants européens ont fini par oublier que ses fondations s’étaient elles-mêmes dégradées. Aux yeux de ses citoyens, la légitimité de l’Union est d’abord économique.

Or depuis près de vingt ans, ni le marché intérieur ni les initiatives de croissance, quelle que soit leur forme, n’ont débouché sur des résultats satisfaisants.

Quelles doivent être l’architecture et la gouvernance de la zone euro ? Sortie, provisoirement au moins, des tempêtes financières, celle-ci doit impérieusement compléter l’édifice mis en place dans l’urgence pour répondre à la crise. Avec la croissance et la stabilité financière, cet achèvement conditionne l’acceptabilité sociale et politique de la poursuite de l’entreprise économique et monétaire européenne. Par-delà les piliers de la future union bancaire, il faudra engager de nouvelles initiatives.

La commotion qu’a subie la zone euro a été assez violente pour inviter à une réflexion en profondeur sur son architecture et sa gouvernance. La mise en œuvre des réformes correspondantes prendra du temps, mais leur définition doit être entreprise sans délai.

Enfin, comment renforcer l’influence externe de l’Europe ?. Avant tout préoccupée de sa survie au cours des dernières années, l’Union a trop oublié qu’une de ses raisons d’être était de s’affirmer dans le contexte de la mondialisation. Elle pèse déjà beaucoup moins qu’il y a cinq ans : depuis 2007, le PIB de la Chine s’est accru de trois quarts, tandis que celui de l’Europe a stagné. Si nous voulons peser sur la définition des règles du jeu mondiales, si nous voulons que nos préférences, qui ne sont pas toujours celles des autres continents, y aient un certain poids, le renforcement des capacités d’influence externe de l’Europe est un passage obligé.

Dans le document QUELLE FRANCE DANS DIX ANS? (Page 159-164)