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Réduire la charge financière qui pèse sur les générations futures

Dans le document QUELLE FRANCE DANS DIX ANS? (Page 118-122)

En dépit des progrès importants réalisés depuis 2010 avec deux réformes des retraites et un effort de réduction du déficit budgétaire structurel de plus de 3 points de PIB, la dette publique dépassera 95 % du PIB à la fin 2014. Même si d’autres pays ont franchi ce niveau sans nécessairement subir de dommages immédiats, il faut être conscient que celui-ci nous expose à des tensions sur le refinancement de l’État en cas de remontée de l’aversion pour le risque sur les marchés financiers, ou du fait de phénomènes de contagion au sein de la zone euro ; qu’en cas de choc récessif international, il nous contraindrait très probablement à conduire une politique budgétaire procyclique, dommageable pour l’emploi, pour la croissance et pour l’innovation ; qu’en cas d’accident touchant aux risques naturels, à la santé publique ou à la sécurité, il compromettrait l’étalement dans le temps du financement des dépenses exceptionnelles correspondantes ; et que dans l’hypothèse d’une simple

normalisation des taux à long terme, il induirait l’apparition d’un déséquilibre marqué entre prélèvements et dépenses primaires, dont la soutenabilité politique ferait question. Bref, il représente une menace pour notre prospérité et notre souveraineté.

Nos finances publiques se caractérisent en outre par une dépense publique très élevée (57,1 % du PIB en 2013, dont 54,8 % pour les dépenses primaires, hors charges d’intérêts).

Un tel étiage se traduit inévitablement à terme plus ou moins éloigné par un niveau de prélèvements potentiellement dommageable pour la croissance, d’autant que notre fiscalité se caractérise encore trop souvent par des assiettes étroites et des taux élevés.

Le désendettement sera une œuvre de longue haleine et demandera des efforts soutenus.

Dans un contexte de faible croissance et d’inflation basse – d’autant plus basse que nous devons regagner en compétitivité – la dette passée pèse en effet d’un poids très lourd qui ne diminue que graduellement.

À l’horizon de dix ans, maîtrise de la dépense et économies structurelles conditionnent ainsi tant le désendettement public que la création de marges de manœuvre pour une réforme de la fiscalité et une baisse des prélèvements, elles-mêmes ingrédients nécessaires de la croissance.

Or depuis trente ans la France n’a guère fait preuve de responsabilité dans la gestion de ses finances publiques. Elle a pu se le permettre parce que son endettement public était initialement faible, parce que l’environnement de taux d’intérêt a été dans l’ensemble très favorable, et parce qu’elle bénéficiait d’une excellente signature, garante de conditions d’emprunt privilégiées sur les marchés internationaux. Elle a désormais largement épuisé ces marges de manœuvre et doit se préparer à un contexte qui sera inévitablement plus exigeant.

Il ne s’agit cependant pas de basculer dans l’austérité et une gestion comptable oublieuse du rôle essentiel des finances publiques. Il importe de préserver nos priorités de dépense des aléas financiers, d’assurer la continuité de l’action publique, et de permettre à la politique budgétaire de jouer son rôle de stabilisation conjoncturelle. Pour cela, il faut inscrire les choix budgétaires dans un cadre de soutenabilité et de responsabilité bien conçu. Outre les réformes institutionnelles dont il a été question, cela suggère les objectifs suivants :

Renforcer les capacités d’évaluation indépendante des perspectives de finances publiques

Depuis une vingtaine d’années, la Commission européenne a pris, en accord avec les traités européens, un rôle accru dans la surveillance de la politique budgétaire et dans l’évaluation des risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques. Que cette fonction de vigilance doive être exercée ne peut guère être disputé : la crise grecque a montré à quel point l’irresponsabilité budgétaire, fût-ce dans un petit pays, pouvait être financièrement ravageuse à l’échelle de l’ensemble de la zone euro. Mais qu’elle doive être principalement exercée de manière centralisée ne va pas de soi : les premières victimes d’une crise de défiance à l’égard d’un emprunteur souverain sont

les résidents du pays en question. La responsabilité budgétaire est un devoir à l’égard de la Nation avant d’être un devoir envers les partenaires européens.

En demandant à chaque pays signataire de se fixer une règle de pilotage de ses finances publiques et de faire valider les prévisions du gouvernement par un comité indépendant, le traité budgétaire européen (TSCG) a amorcé une décentralisation de la discipline budgétaire. La France s’est engagée dans cette voie avec prudence en confiant au Haut Conseil des finances publiques un mandat plus étroit que ne l’ont fait un certain nombre de ses partenaires. Aller plus avant en élargissant les missions de cette instance permettrait de mieux ancrer la responsabilité budgétaire dans la décision nationale et de contribuer au mouvement de décentralisation des procédures de surveillance qui a commencé à s’esquisser en Europe.

La politique budgétaire doit rester de la responsabilité du gouvernement et du Parlement, mais l’évaluation des trajectoires futures et des risques associés doit être effectuée en toute transparence par un organisme indépendant. Le Haut Conseil des finances publiques est déjà chargé par la loi de valider les hypothèses de croissance sous-jacentes aux projections de finances publiques. Il devrait également se voir confier l’analyse des perspectives de recettes, l’appréciation de la soutenabilité des finances publiques dans un contexte aléatoire et le chiffrage de l’impact budgétaire attendu de mesures structurelles sur les dépenses. Les décisions budgétaires annuelles seraient ainsi prises en pleine conscience des incertitudes et des risques, et le Parlement comme les citoyens en seraient exactement informés.

Assurer la stabilité du pilotage de la dépense et faire jouer à la politique budgétaire son rôle de stabilisation de la conjoncture

Tant la qualité de la gestion publique que celle du pilotage macroéconomique invitent à fixer des principes clairs et stables pour la gestion des finances publiques. De ce point de vue, les cibles nominales de déficit ne sont pas appropriées, parce qu’elles conduisent à des à-coups dans la dépense ou la fiscalité, et débouchent souvent sur des politiques excessivement procycliques. Il faut donc se donner une norme stable pour la dépense primaire (hors intérêt de la dette), suffisamment rigoureuse pour être compatible sous des hypothèses prudentes avec une réduction progressive du niveau d’endettement, et laisser ensuite le solde budgétaire absorber les chocs sur la croissance et le taux d’intérêt, sans chercher à les compenser par des variations de dépense.

Contrairement aux dépenses totales, qui dépendent des taux d’intérêt de marché, les dépenses primaires résultent de choix collectifs. Les prendre pour objectif permettra de protéger la gestion publique des aléas provenant des marchés financiers ou de la conjoncture.

Sous des hypothèses économiques prudentes, réduire de 6 points le ratio de dépenses publiques primaires entre 2013 et 2025

La France se caractérise aujourd’hui par un niveau de dépense publique primaire très supérieur à celui de ses voisins sans que ceci, on l’a vu, résulte d’une qualité de service ou d’un niveau de protection significativement meilleur. Il faut donc au cours de la prochaine décennie réduire ce ratio de dépense par des efforts d’efficacité et de ciblage des politiques publiques.

Une réduction de 6 points des dépenses primaires, de 54,8 % à 48,8 % du PIB, permettrait de stabiliser la dette à 75 % du PIB d’ici 2025, tout en gardant des marges de manœuvre pour réduire les prélèvements obligatoires de près de 1,5 point de PIB.

Combiner à cette fin maîtrise de la dépense et économies structurelles

Réduire le ratio de dépenses primaires de 6 points en dix ans exigera que la croissance de la dépense publique prise dans son ensemble soit limitée à 0,5 % par an en volume. Dans un contexte de progression spontanée des dépenses de santé et de retraite, une telle évolution ne sera possible que si sont réalisées d’importantes économies structurelles résultant à la fois d’une réévaluation des politiques, d’une réorganisation des structures et d’un réexamen des missions.

Dans le cadre de ce scénario, l’ampleur des économies structurelles nettes à dégager par ces différents moyens peut être chiffrée à 3 points de PIB, au-delà des mesures assurant le respect des normes d’évolution des dépenses de l’État qui permettent d’effectuer environ la moitié du chemin. Il faudra bien entendu envisager des économies structurelles supplémentaires pour financer les priorités de l’action publique, dont les dépenses nouvelles en faveur de la petite enfance et de l’enseignement primaire proposées dans ce rapport.

Découpler croissance et équilibre du système de protection sociale

La France, on l’a dit, a connu une série de réformes successives des retraites, qui ont toutes visé à résorber des besoins de financement projetés résultant d’un désajustement entre la croissance spontanée de la dépense et celle des recettes. Une approche plus systémique, visant à lier plus directement l’évolution annuelle des dépenses sociales (retraite, famille) à la croissance, permettrait de rendre nos finances publiques plus robustes et moins vulnérables aux aléas de la conjoncture. Ce découplage entre la croissance et le déficit de la protection sociale manifesterait aux yeux de tous que les droits sociaux et en particulier les pensions versées par les systèmes par répartition ne sont pas inconditionnels, mais participent du partage des fruits de la croissance entre tous ceux qui ont contribué à la performance économique du pays. Il contribuerait à rétablir la confiance des Français à l’égard de leur système de retraites, en montrant que celui-ci est fondé sur des règles stables dans le temps au lieu de faire l’objet de multiples révisions successives.

Une réforme systémique de ce type ne peut s’envisager que dans la durée, parce qu’elle suppose un rapprochement des différents régimes de pension et leur alignement sur des principes communs, dans le but que les salariés qui connaissent des mobilités professionnelles ne soient pas pénalisés. Une telle évolution est en elle-même souhaitable, parce qu’elle permettrait une plus grande mobilité des actifs entre métiers et statuts. Mais pour être viable et juste, elle doit s’accompagner de dispositions visant la solidarité.

Dans le document QUELLE FRANCE DANS DIX ANS? (Page 118-122)