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Orienter les comportements vers un développement sobre

Dans le document QUELLE FRANCE DANS DIX ANS? (Page 125-129)

Le découplage entre croissance économique et atteintes environnementales passe par la réduction de la surconsommation et du gaspillage dans divers domaines comme l’énergie, les transports, l’alimentation, l’eau, les médicaments ou l’habitat. De nombreux comportements ont déjà sensiblement évolué du côté de l’offre comme de la demande, et de nouvelles pratiques apparaissent en faveur d’un usage économe des ressources naturelles.

Des entreprises s’engagent dans des démarches de « responsabilité sociétale » (voir chapitre 11), de nouveaux marchés se développent, certains avec une croissance plus élevée que la moyenne (les produits éco-labellisés, par exemple), de nouveaux modèles économiques émergent autour de l’économie de la fonctionnalité, en particulier dans le transport. Cependant ces initiatives restent embryonnaires.

Une des tendances les plus symptomatiques de ces dernières années est la consommation des espaces naturels notamment dans le cadre d’une périurbanisation accélérée. Ainsi, depuis le début des années 1990, la surface totale artificialisée par habitant a augmenté de plus de 100 m2 (passant de 650 m2 par habitant à 780 m2).

Cette artificialisation rapide est lourde de conséquences : elle conduit à la destruction le plus souvent irréversible des milieux naturels, elle est l’une des causes majeures de l’érosion de la biodiversité, elle accroît la pollution des eaux par ruissellement et alimente le risque d’inondations, elle contribue à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre lorsqu’elle prend la forme d’un étalement urbain.

Il est donc impératif de contenir l’artificialisation du territoire. À tout le moins, il conviendrait que, d’ici 2025, elle n’augmente pas plus vite que la croissance démographique. Cela correspondrait environ à une diminution de moitié de son rythme actuel. L’exemple allemand montre qu’une telle évolution est possible. Dans le cadre de sa stratégie nationale de développement durable mise en place en 1992, l’Allemagne s’est fixé pour objectif une division par quatre d’ici à 2020 de la surface artificialisée quotidiennement. En 2011, elle avait déjà atteint la moitié de son objectif, preuve qu’une décélération nette est possible.

Quel que soit le domaine d’action (urbanisme, alimentation, transport, etc.), d’importants progrès sont possibles.

Il faut donc :

Encourager la transition vers des comportements plus sobres et le développement d’une économie d’usage

Il convient ici d’aller au-delà des poches de comportements vertueux et de les diffuser à l’ensemble des entreprises et de la population. Les deux leviers majeurs de cette transition sont le développement d’une offre diversifiée et accessible de produits et services verts, et la montée en compétence de l’ensemble des individus, en commençant par les plus jeunes. Pour atteindre ses objectifs, une telle politique devra être déclinée dans plusieurs secteurs clés tels que l’alimentation, le logement, le transport et le tourisme, s’inscrire sur le long terme et anticiper un certain nombre de freins au changement. On peut citer notamment l’« effet rebond », qui se traduit par des progrès temporaires, mais non soutenables et donc suivis par un retour aux pratiques antérieures1. Le fossé entre les intentions et les actes constitue une autre difficulté de taille. Il peut s’expliquer par la force des habitudes, par les prix élevés des biens et services « verts », et par un usage de ceux-ci souvent contraignant pour le consommateur comme pour l’entreprise (en raison de locaux ou d’infrastructures publiques non adaptés). La transition vers des comportements plus sobres ne concerne donc pas uniquement le consommateur mais l’ensemble des acteurs de filières et des décideurs politiques. Plus important encore, encourager cette transition doit se faire pas à pas, en s’assurant que les moyens nécessaires au changement des comportements sont opérationnels à un prix accessible avant la mise en place de mesures incitatives. Par exemple, on ne peut espérer des résultats significatifs si l’on rend obligatoire le tri sélectif sans avoir adapté au préalable les services publics de collecte et de traitement des déchets. Cette nouvelle économie de la sobriété devra donc être construite de manière pragmatique, secteur par secteur, et miser avant tout sur l’incitation, la facilitation des expérimentations et la dissémination des exemples.

(1) Les gains de performance énergétique des bâtiments et des appareils peuvent par exemple être annulés de 5 % jusqu’à 50 % par des comportements de consommation non sobres (laisser le chauffage allumé la nuit, etc.). Voir Barreau B., Dujin A. et Védie M. (2013), « Comment limiter l’effet rebond des politiques d’efficacité énergétique dans le logement ? L’importance des incitations comportementales », La Note d’analyse, n° 320, Centre d’analyse stratégique, février.

Stabiliser d’ici 2025 la superficie artificialisée par habitant

Afin d’atteindre cet objectif, trois types de leviers pourront être mobilisés.

Premièrement, les règles d’aménagement et d’urbanisme établies à l’échelon de chaque région ; dans cet esprit, les directives territoriales d’aménagement et de développement durables pourraient être rendues prescriptives, à l’instar du schéma directeur de la région d’Île-de-France. Deuxièmement, le recours au levier fiscal en combinant mesures incitatives à la densification et mesures désincitatives à l’étalement urbain. Troisièmement, le soutien à la recherche et à l’expérimentation pour un urbanisme plus compact. Naturellement, cette politique de lutte contre l’artificialisation devra prendre en compte les besoins sociaux. À cet égard, il sera essentiel de distinguer l’évolution des sols destinés aux logements des autres sols artificialisés. Les premiers pourront continuer à progresser de manière à tenir compte de la croissance démographique et de l’évolution de nos modes de vie ; les seconds devront être en priorité contenus.

La France dans dix ans

LES INDICATEURS D’UN DÉVELOPPEMENT RESPONSABLE

Une dette publique ramenée à 75 % du PIB. Malgré les efforts engagés depuis 2010, la dette publique dépassera 95 % du PIB en 2014, alors qu’elle n’atteignait que 64 % du PIB en 2006. Cette progression n’est pas soutenable : elle induit un risque de refinancement dans les années à venir, elle menace notre souveraineté, elle nous exposerait à un risque accru pour l’emploi, la croissance et l’innovation en cas de choc récessif. La stratégie de finances publiques doit être cohérente avec une réduction du ratio de dette publique à 75 % du PIB en 2025.

48,8 % du PIB pour les dépenses publiques primaires. Les dépenses publiques primaires (hors intérêt de la dette) ont atteint 54,8 % du PIB en 2013.

C’est au moins 12 points de plus qu’en Allemagne, 7 points de plus qu’en moyenne dans la zone euro. L’objectif est de diminuer ce taux de 6 points d’ici 2025.

Des émissions nationales de gaz à effet de serre réduites de 30 %1. De 1990 à 2011, la France a réduit de 12 % ses émissions nationales de gaz à effet de serre. Malgré ces efforts, son empreinte carbone – qui tient aussi compte des émissions importées – a augmenté : + 10 % sur la période. Il faut donc accentuer les efforts de maîtrise des émissions. D’ici 2030, et au vu des objectifs de réduction qui seront fixés par le Conseil européen, les émissions nationales devront avoir diminué de 30 %.

(1) Cet objectif de diminution de 30 % à horizon 2030 (et non 2025) par rapport aux émissions de 2011 devra être ajusté de manière à être cohérent avec le prochain paquet climat-énergie de la Commission européenne.

Une progression de l’artificialisation du territoire réduite de moitié. Ces dernières années, ce sont en moyenne près de 200 hectares du territoire qui sont artificialisés par jour. Ce rythme est deux fois supérieur à la croissance de la population. L’objectif est de plafonner le rythme d’artificialisation du territoire au niveau de celui de la croissance de la population d’ici 2025. Cela implique de ramener à moins de 100 hectares la surface artificialisée chaque jour.

CHAPITRE 10

UNE SOCIÉTÉ DÉCLOISONNÉE

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