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Élargir le socle de notre compétitivité

Dans le document QUELLE FRANCE DANS DIX ANS? (Page 147-152)

Un pays s’insère avec succès dans l’économie globale lorsqu’il est plus rentable de produire les biens et services qui participent à l’échange international que ceux qui ne le font pas, autrement dit lorsque le prix relatif des produits échangeables, que les économistes nomment taux de change interne, est suffisamment élevé. Quand tel est le cas, les entrepreneurs prennent le risque d’investir dans l’industrie ou dans les services exposés à la concurrence internationale, et les salariés, à tous les niveaux de qualification, se tournent vers ces secteurs bien qu’ils soient perçus comme plus risqués que l’administration, les services financiers ou la distribution, pour ne citer que quelques-unes des sphères largement abritées de la concurrence externe. Mais lorsque ce n’est pas le cas et que le taux de change interne est défavorable aux producteurs de biens et services échangeables, la croissance se déséquilibre en faveur de l’immobilier ou d’autres secteurs abrités, le commerce extérieur s’étiole, et le déficit extérieur se creuse.

En France, ce taux de change interne s’est détérioré de près de 35 % en une décennie1. Le prix relatif de ce qui ne s’échange pas a progressivement augmenté au détriment de ce qui s’échange et nous avons peu à peu laissé un terrible étau étouffer les producteurs de biens et services exposés à la concurrence internationale. Soumis à l’augmentation de leurs coûts, ceux-ci ont réduit leurs marges pour continuer à vendre. Ce faisant, ils ont réduit leur capacité d’investissement, de création et d’innovation. Beaucoup d’entre eux se sont engagés dans un cercle vicieux mortel.

Pour desserrer cet étau, il faut d’abord s’attacher à réduire le prix de l’immobilier urbain, particulièrement élevé. Des initiatives ont déjà été prises en ce sens, il faut les amplifier et donc, comme cela a déjà été indiqué, libérer l’offre foncière, simplifier la réglementation de la construction et améliorer la productivité du secteur du bâtiment.

Il faut en outre :

Veiller à ce que les évolutions salariales dans les secteurs peu exposés

à la concurrence internationale demeurent en ligne avec celles de la productivité La modération salariale est nécessaire dans les secteurs de services, en particulier dans ceux qui offrent des rémunérations plus attractives que l’industrie, pour un niveau de risque perçu plus faible, et détournent ainsi des compétences. Plus largement, il importe que les évolutions salariales contribuent à la correction des prix relatifs en faveur des secteurs et des entreprises les plus engagés dans l’échange international.

Faire place à des régulations salariales accordant une plus grande place aux négociations conventionnelles décentralisées est ici central.

(1) Source : Sy M. (2014), « Réduire le déficit des échanges extérieurs de la France. Le rôle du taux de change interne », Commissariat général à la stratégie et à la prospective, à paraître.

Renforcer la concurrence dans le domaine des services, en particulier les services aux entreprises

Cela concerne au premier chef les professions dites réglementées qui bénéficient d’une rente, mais aussi d’autres secteurs où diverses dispositions d’organisation des marchés agissent souvent comme des freins à l’entrée de nouveaux concurrents.

L’OCDE a ainsi montré en 2008 que la France se situait au 24e rang sur 34 pays au regard de l’importance de la régulation du marché des produits.

À dix ans cependant, il serait erroné de supposer immobile la frontière entre ce qui s’échange et ne s’échange pas. La technologie (notamment le numérique), la mobilité des personnes, les libéralisations négociées dans un cadre multilatéral ou bilatéral vont faire bouger cette frontière et étendre le domaine de l’échange. D’ores et déjà, l’enseignement supérieur et la santé connaissent les prémices de ce qui devrait être un mouvement bien plus ample. Le tourisme est par ailleurs à l’aube de transformations profondes, du fait de la croissance accélérée des visites en provenance des pays émergents.

Notre industrie n’est pas assez forte pour que nous puissions nous tenir à l’écart de l’internationalisation des services et négliger ce qu’ils peuvent apporter au renforcement de notre compétitivité. Il faut donc :

Moderniser le secteur du tourisme

Le tourisme dégage de faibles revenus en comparaison du volume des flux de visiteurs. À condition de mieux structurer et de mieux professionnaliser l’offre, il peut à horizon de dix ans devenir une source sensiblement plus importante d’emplois, de développement territorial et de revenus d’exportation.

Miser sur l’élargissement de la sphère de l’échange à de nouveaux secteurs de services

La France est bien placée dans un ensemble de secteurs de services dont l’internationalisation va progresser à grands pas. Pour prendre appui sur ces atouts et faire en sorte que ces secteurs participent au redressement économique, il importe de créer sans attendre les conditions de leur compétitivité. C’est vrai, on l’a dit, de l’enseignement supérieur, qui peut devenir une source non négligeable de revenus.

C’est vrai aussi de la santé, secteur d’excellence dont l’offre peut être développée et contribuer à notre insertion internationale, en même temps qu’à l’amélioration des soins fournis aux assurés sociaux.

La France dans dix ans

LES INDICATEURS D’UNE ÉCONOMIE DU MOUVEMENT

50 % de PME innovantes. L’innovation n’est pas l’affaire des seules start-up ou des seuls grands groupes. C’est pour toutes les entreprises, même les

petites, un facteur d’amélioration du produit ou du service, de satisfaction du client, et de rentabilité. C’est aussi très souvent un facteur d’amélioration de la qualité de l’emploi. Aujourd’hui, selon les enquêtes internationales, un tiers des PME ont introduit des innovations de produit ou de procédé. Il faut qu’au moins la moitié d’entre elles soient dans ce cas en 2025.

2 % du PIB investis en R & D par les entreprises. La recherche-développement est un investissement clé pour la croissance et la compétitivité.

En France, la R & D publique est à un bon niveau mais la R & D des entreprises (1,4 % du PIB) est nettement inférieure à ce qu’elle est en Allemagne (1,9 %) ou en Suède (2,3 %). Pour augmenter l’investissement agrégé en R & D, il faut que chaque entreprise investisse davantage mais aussi que l’économie se développe dans les secteurs les plus intensifs en R & D.

1 000 entreprises de taille intermédiaire supplémentaires. La densité des entreprises de taille intermédiaire (ETI, soit plus de 250 salariés) est l’un des signes de la vitalité d’une économie, de sa capacité à se renouveler et à créer des emplois. La France en compte aujourd’hui 4 300, contre 5 800 au Royaume-Uni et 9 700 en Allemagne. L’objectif est d’en avoir 1 000 de plus dans dix ans.

30 000 entreprises exportatrices de plus. Le nombre d’exportateurs est tombé de 130 000 en 2000 à 120 000 en 2008 et il oscille depuis autour de ce niveau. Permettre à 30 000 entreprises supplémentaires d’accéder aux marchés internationaux, c’est d’abord accroître notre potentiel exportateur, c’est aussi contribuer à ce que ces entreprises gagnent en productivité, en innovation et en qualité, avec à la clé de meilleurs produits et des emplois plus nombreux et de meilleure qualité.

Un taux d’ouverture de 75 %. Depuis plus de dix ans, le taux d’ouverture de l’économie française (somme des exportations et des importations divisée par le PIB) stagne. À 57 %, il est aujourd’hui inférieur aux taux de l’Espagne, de l’Italie et du Royaume-Uni, et l’Allemagne, qui était au même niveau que nous il y a quinze ans, enregistre un taux d’ouverture voisin de 100 %. Pour un pays, exporter et importer plus, c’est se spécialiser dans les segments où il est le plus efficace, c’est donc à la fois renforcer sa compétitivité, améliorer son revenu et garantir dans la durée des emplois de qualité.

Une hausse d’un tiers du volume de recettes touristiques. La France est la première destination mondiale pour le tourisme, mais elle n’est qu’au troisième rang mondial pour les recettes correspondantes. Le potentiel de développement du tourisme international est considérable, la France doit se fixer d’y maintenir sa part tout en accroissant la recette unitaire correspondante. Cela permettrait d’augmenter nos recettes de près de 15 milliards d’euros.

CHAPITRE 12 UN MODÈLE SOCIAL LISIBLE ET INCLUSIF

Pendant longtemps, nous avons cru que l’extension continue de la dépense était la meilleure réponse aux risques sociaux. Nous devons reconnaître qu’elle n’y suffit pas. Pendant longtemps, nous nous sommes accommodés de la complexité et de l’inefficacité comme si elles étaient les contreparties nécessaires de la justice. Nous découvrons aujourd’hui qu’elles en sont les ennemies. Nous avons, en matière d’emploi ou de logement par exemple, laissé perdurer des dysfonctionnements structurels et tenté d’en pallier les effets par la dépense publique. Nous n’en avons plus les moyens. Nous avons cru garantir le consentement à la solidarité en prélevant beaucoup et en distribuant beaucoup. Nous sommes obligés de constater que cela ne fonctionne plus.

Huit Français sur dix considèrent qu’une société juste doit couvrir les besoins de base de ceux qui ne peuvent pas assumer les coûts de la santé, du logement, de l’éducation ou de la nourriture, et trois sur quatre sont favorables à ce que les dépenses sociales bénéficient davantage aux plus démunis1. La solidarité demeure donc au cœur du modèle social que nos concitoyens appellent de leurs vœux. Ce qui est en revanche remis en question, c’est la capacité d’un système, qui prélève beaucoup, à assurer effectivement cette solidarité, et à le faire dans des conditions efficaces, c’est-à-dire favorables à l’emploi et à l’égalité des chances.

Si nous ne réformons pas profondément notre modèle social dans les années qui viennent, nous ne serons pas en mesure de faire face à l’effet de ciseau qu’impliquent, d’un côté, le ralentissement de la croissance et, de l’autre, l’accentuation du vieillissement. Nous en serons réduits à laisser se dégrader ce qui est l’un des meilleurs systèmes de santé au monde, à rogner année après année les prestations sociales et à mettre en cause des interventions publiques dont la nécessité est éprouvée. Nous découragerons les acteurs des services publics et nous minerons la confiance des citoyens en la pérennité et l’équité du système construit dans l’après-guerre.

Face à ces risques, la seule approche qui réponde à la fois à la crainte de ceux qui ont l’impression de financer à perte un système dispendieux et à l’attente de ceux qui passent entre les mailles du filet des sécurités collectives consiste d’abord à remettre l’emploi au cœur des objectifs que poursuit notre modèle social. La solidarité ne doit pas se développer contre l’emploi ou à côté de lui mais en cohérence avec lui. Elle consiste ensuite à mieux cerner les besoins et à y répondre plus efficacement. Il ne s’agit pas de remettre en cause

(1) Sondage BVA pour France Stratégie, octobre 2013.

nos choix collectifs ni d’en rabattre sur nos ambitions, il s’agit de les servir avec plus de pertinence et de précision.

Nombre d’orientations ont déjà été proposées au fil des chapitres antérieurs, notamment en matière d’évolution des services publics, d’accueil de la petite enfance, d’école, de formation professionnelle et de retraite. En cohérence avec elles, il s’agit donc de :

viser le plein emploi et construire les nouvelles sécurités professionnelles en faisant évoluer les régulations du marché du travail ;

simplifier et personnaliser les politiques sociales. Le projet est ici d’accompagner les individus dans leurs parcours de vie en liant plus étroitement les droits sociaux aux personnes plutôt qu’aux statuts. Cela concerne en priorité les parcours professionnels, ainsi que la santé ;

recalibrer la politique du logement. Sur dix ans, il est possible de repenser en profondeur l’intervention publique afin de dépenser moins et de loger mieux.

Viser le plein emploi et construire les nouvelles sécurités

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