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Le rapprochement progressif de l'ordre juridique de l'Union de celui du Conseil de l'Europe

Section 1. La complémentarité entre les deux ordres juridiques européens

B. Le rapprochement progressif de l'ordre juridique de l'Union de celui du Conseil de l'Europe

La difficulté initiale de protéger les droits fondamentaux dans l'Union européenne, en raison de l’absence de compétence de l’Union dans ce domaine, n'a pas empêché des avancées certaines sur ce terrain. D'une part, une impulsion positive de prise en compte des droits fondamentaux est venue de la Cour de justice par le biais des principes généraux du droit (PGD), ce qui implique que le contrôle de légalité qu'elle exerce se fasse sur le fondement de la protection des droits fondamentaux. Les PGD sont ensuite complétés par la Charte des droits fondamentaux, à compter de la reconnaissance de sa valeur contraignante avec le traité de Lisbonne. Ces deux outils permettent à la Cour de justice d’assurer une protection concrète des droits fondamentaux. D'autre part, les institutions de l'Union ne se sont pas privées de créer des organismes spécifiquement dédiés aux droits fondamentaux. Ces aspects démontrent un rapprochement entre l'ordre juridique de l’Union européenne et du Conseil de l'Europe car la protection des droits fondamentaux dans l'Union s'est faite soit en s'inspirant des normes du Conseil de l'Europe, dont l’influence principale a été la Convention EDH (1), soit en consultant cette organisation (2).

216 Rapport du Groupe de travail II du 14 octobre 2002 (document de travail 25), spéc. p. 13.

217 Voir notamment F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, PUF, 13e éd. refondue,

1. L’influence de la Convention EDH : les principes généraux du droit et la Charte des droits fondamentaux de l’Union

Le terme « compétence » est entendu ici comme le pouvoir de contrôle de la Cour de justice. En matière de droits fondamentaux, la juridiction de l’Union a fait preuve d’un activisme contraint grâce aux PGD, avant de pratiquer une auto-restriction librement consentie, sur le fondement de la Charte des droits fondamentaux de l’Union.

Le contrôle de la protection des droits fondamentaux est un pouvoir qu'elle s'est octroyée par défaut, afin d'assurer la pleine application du principe de primauté. Ce dernier a également été révélé par la Cour de justice218 et précisé par une déclaration annexée au

traité de Lisbonne. Ainsi, « les traités et le droit adopté par l'Union sur la base des traités

priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence »219.

Dans les années 1970, certaines juridictions des États membres opposent l'inexistence de protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne pour appliquer en priorité leurs normes nationales, contrairement au principe de primauté des actes de l'Union220. Cela oblige

la juridiction de l'Union à réagir en imposant un contrôle du droit de l'Union au regard des droits fondamentaux grâce aux PGD et à adopter une attitude d’activisme judiciaire contraint. Ainsi, la juridiction de l’Union a joué un rôle moteur dans l'intégration des droits fondamentaux et de la Convention EDH, par le biais des PGD221, au moment où l'Union

stagnait dans ce domaine222 . Cette dynamique a été analysée sous l'angle d'un activisme

judiciaire toutefois contraint car la Cour ne semblait pas avoir de choix, à moins d'admettre un recul dans l'intégration du droit de l'Union.

La découverte de PGD est la technique privilégiée de cet activisme. Les PGD

218 CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/ E.N.E.L., aff. 6/64, Rec. p. 1141. 219 Déclaration n° 17 au traité de Lisbonne relative à la primauté.

220 Arrêt So Lange de la Cour constitutionnelle allemande du 29 mai 1974, CDE, 1975, n° 149 s., note G.

COHEN-JONATHAN.

221 Voir notamment : B. BERTRAND, « Retour sur un classique. Quelques remarques sur la catégorie des

principes généraux du droit de l'Union européenne », RFDA, 2013, p. 1217.

222 D. TAMM, « The History of the Court of Justice of the European Union Since its Origin », in The Court of Justice and the Construction of Europe : Analyses and Perspectives on Sixty Years of Case-Law. La Cour de Justice et la Construction de l'Europe : Analyses et Perspectives de Soixante Ans de Jurisprudence, A.

ROSAS (dir.), Asser Press, La Haye, 2013, spéc. p. 30 : « It may be that the Court historically has felt a

s’inspirent de la Convention EDH et des traditions constitutionnelles communes aux États membres223 . L'arrêt Internationale Handelsgesellschaft224 marque le départ de cette

construction. Les conclusions rendues dans cette affaire viennent préciser le fondement d'une telle protection des droits fondamentaux. En effet, l'avocat général y revendique l'existence de PGD, dégagés et maîtrisés par la Cour de justice225, qui prennent en compte la Convention

EDH, « désormais incorporée et interprétée d'une manière quasi-autonome par

l'intermédiaire souvent factice des principes généraux du droit »226. L'article 6 § 2 TUE vient

reconnaître la place des PGD et codifie la position de la Cour de justice dans le domaine, codification entamée avec le traité de Maastricht227. La juridiction de l'Union devient ainsi

la « gardienne des droits fondamentaux »228 . L'article 6 § 3 TUE confirme que les PGD

permettent à la Cour de justice de s'inspirer de la Convention EDH, ainsi que des traditions constitutionnelles communes aux États membres229. En pratique, la Cour de justice se réfère

quasi systématiquement aux deux sources en même temps lorsqu’elle dégage un PGD230.

Parfois, la Cour de justice vise seulement les traditions constitutionnelles communes des États membres, souvent pour des principes qui ne sont pas présents dans la Convention EDH,

223 Voir notamment : H. LABAYLE, « Droits fondamentaux et droit européen », AJDA, 1998, p. 75.

224 CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. 11/70, Rec. p. 1125 et conclusions de

l'avocat général Alain DUTHEILLET DE LAMOTHE du 2 décembre 1970. Voir K. KAKOURIS qui explique l'évolution de la Cour de justice vis-à-vis des droits fondamentaux dans « La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes relative aux droits de l'homme », in J. ILIOPOULOS- STRANGAS (dir.), La protection des droits de l'homme dans le cadre européen, Nomos, Baden-Baden, 1993, spéc. p. 185. Voir également C. BLUMANN et L. DUBOUIS, Droit institutionnel de l'Union

européenne, LexisNexis, Paris, 6e éd., 2016, p. 129 : les auteurs rappellent que l'arrêt CJCE, 12 novembre

1969, Stauder, aff. 26/69, Rec. p. 419, est le premier à amorcer l'intégration des droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit.

225 CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. 11/70, Rec. p. 1125 et conclusions de

l'avocat général Alain DUTHEILLET DE LAMOTHE du 2 décembre 1970.

226 M. BENLOLO, « Citoyenneté européenne et droits de l'homme : entre Convention européenne et Union

européenne », in Démarche communautaire et construction européenne, F. HERVOUËT (dir.), La Documentation française, Paris, 2000, spéc. p. 244.

227 H. LABAYLE évoque « une opération de constitutionnalisation de l'existant » s'agissant de l'article F § 2

du traité de Maastricht, « Droits fondamentaux et droit européen », AJDA, 1998, p. 75.

228 F. ZAMPINI, « La Cour de justice des Communautés européennes, gardienne des droits fondamentaux

« dans le cadre du droit communautaire », RTDE, 1999, p. 659. Voir par exemple CJCE, Gde chbr., 27 juin 2006, Parlement européen c/ Conseil de l'Union européenne, aff. C-540/03, Rec. p. I-5769, point 84 : « le

contrôle de la Cour porte sur la question de savoir si la disposition attaquée, en tant que telle, respecte les droits fondamentaux et, plus particulièrement, le droit au respect de la vie familiale, l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur des enfants et le principe de non-discrimination en raison de l’âge ». 229 Article 6 § 3 TUE : « Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux ».

230 Par exemple, en matière de droit à la vie privée, toutes les sources sont citées : CJCE, 14 février 2008, Varec SA c/ État belge, aff. C-450/06, Rec. p. I-581.

comme la confiance légitime231. De façon plus discutable, la Cour de justice préfère utiliser

les traditions constitutionnelles plutôt que la Convention EDH pour certains principes de droit pénal comme la présomption d'innocence232, ou l'application rétroactive de la peine

plus légère233. L'utilisation de la Convention EDH seule est moins fréquente, le meilleur

exemple est la reconnaissance de la liberté d'expression234. Il peut même arriver que la Cour

et le Tribunal « se réfèrent aussi, depuis quelques années, directement à des dispositions de

la Convention sans le truchement d'une qualification de principe général du droit [...] et même, de plus en plus fréquemment, à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme »235.

La Cour de justice, en développant sa jurisprudence en matière de droits fondamentaux, a assumé un rôle non négligeable dans la création de normes, les PGD, par peur que les principes fondateurs du droit de l'Union, comme celui de la primauté, ne se retrouvent écartés. En revanche, l'intervention de la Cour de justice est nécessairement limitée, et le réflexe de se tourner vers le juge afin de le laisser trouver une solution dans l'Union est insatisfaisant236. La présence de la Convention EDH dans l'ordre juridique de

l'Union en tant que source d'inspiration est « un progrès incontestable mais cela ne signifie

pas forcément que la Convention est devenue un élément formel de la légalité communautaire »237. La Cour de justice a conscience de cette limitation inhérente à la qualité

d'accord international dont l'Union n'est pas partie. Ainsi, les constituants ont intégré un texte de l'Union pour la protection des droits fondamentaux : la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Paradoxalement, l'insertion de la Charte des droits fondamentaux dans l'ordre

231 CJUE, Gde chbr., 27 novembre 2012, Italie c/ Commission, aff. C-566/10 P, ECLI:EU:C:2012:752. 232 CJUE, 16 février 2012, Costa et Cifone, aff. jtes C-72/10 et C-77/10, ECLI:EU:C:2012:80, alors que la

Convention EDH reconnaît directement le droit à la présomption d'innocence à l'article 6 § 2.

233 CJCE, Gde chbr., 11 mars 2008, Jäger, aff. C-420/06, Rec. p. I-315. Le principe de rétroactivité de la loi

pénale plus douce n'est pas visé en tant que tel dans la Convention EDH mais la Cour EDH l'a reconnu comme découlant de l'article 7 de la Convention qui garantit la légalité des délits et des peines, voir Cour EDH, 18 mars 2014, Öcalan c/ Turquie (n°2), req. n° 24069/03.

234 CJCE, Gde chbr., 12 septembre 2006, Laserdisken, aff. C-479/04, Rec. p. I-8089.

235 Voir J. MOLINIER, « Principes généraux », Répertoire de droit européen, mars 2011, mis à jour en avril

2018, point 17.

236 A. ILIOPOULOU, « Assurer le respect et la promotion des droits fondamentaux : un nouveau défi pour

l'Union européenne », CDE, 2007, n°3/4, p. 423.

237 G. COHEN-JONATHAN, « La Convention européenne des droits de l’homme et la Communauté

juridique de l'Union a eu pour conséquence de freiner l'audace de la Cour de justice. Le fait de lui imposer un cadre a entraîné une auto-restriction, librement choisie, dans la reconnaissance des droits fondamentaux, notamment en limitant le recours aux PGD depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne238. La Convention EDH est une source d'inspiration

mais ni le texte, ni son interprétation par la Cour EDH, ne sont, en l’absence d’adhésion, des règles liant l'Union. Par conséquent, lorsque le constituant met expressément à la disposition de la Cour de justice un texte de droits fondamentaux, la Charte, l'utilité des PGD s'inspirant de la Convention EDH est limitée. De plus, l'article 52 § 3 de la Charte invite le juge de l'Union à prendre en compte la Convention EDH et son interprétation lorsque les droits de la Charte correspondent à ceux de la Convention EDH. Ainsi, la jurisprudence de la Cour de justice fait régulièrement référence à la Convention EDH et à la jurisprudence de la Cour EDH en raison de ce mécanisme des droits correspondants239. Néanmoins, cette intégration

des droits fondamentaux dans les textes de l'Union – et c'est l'aspect paradoxal – a aussi un effet limitant la marge de manœuvre de la Cour de justice. Cette dernière est contrainte d'utiliser les sources internes, ce qui entraîne nécessairement une auto-restriction dans sa jurisprudence. La Cour reconnaît elle-même ce changement de paradigme. Au sujet de la vie privée par exemple, la juridiction indique que ce droit fait « partie intégrante des principes

généraux du droit dont la Cour assure le respect et qui sont désormais inscrits dans la Charte »240 . De la même manière, s’agissant du principe de protection juridictionnelle

effective, celui-ci, selon la Cour de justice, « constitue un principe général du droit de

l’Union qui est maintenant exprimé à l’article 47 de la Charte »241. Finalement, à compter

de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la référence aux PGD disparaît progressivement au profit de la Charte des droits fondamentaux, qui devient la seule source citée dans certaines affaires242.

Après avoir connu dans un premier temps un activisme judiciaire contraint, la Cour de justice entre dans une phase d'autolimitation sur le terrain des droits fondamentaux en

238 J. GERKRATH, « Les principes généraux du droit ont-ils encore un avenir en tant qu'instruments de

protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne ? », RAE, 2006, n° 1, p. 31.

239 Voir par exemple CJUE, 28 juillet 2016, JZ, aff. C-294/16 PPU, ECLI:EU:C:2016:610, point 50. 240 CJUE, Gde chbr., 13 mai 2014, Google Spain et Google, aff. C-131/12, ECLI:EU:C:2014:317.

241 CJUE, 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España c/ Commission, aff. C-295/12,

ECLI:EU:C:2014:2062.

242 Par exemple en matière de présomption d'innocence : CJUE, 10 juillet 2014, Nikolaou c/ Cour des comptes,

aff. C-220/13 P, ECLI:EU:C:2014:2057 ou concernant la protection des données personnelles : CJUE, 17 octobre 2013, Michael Schwarz c/ Stadt Bochum, aff. C-291/12, ECLI:EU:C:2013:670.

raison de leur reconnaissance écrite dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Inversement, la Charte permet une prise en compte en amont des droits fondamentaux. Dès la proposition législative, la Commission européenne prévoit une étude d'impact concernant ces droits, et intègre un « considérant Charte »243 dans la proposition.

L'utilité d'une approche préventive semble limitée, voire relever de la simple communication politique244, mais démontre une volonté plus globale de respect des droits fondamentaux245,

dépassant le cadre contentieux devant la Cour de justice pour observer leur présence au sein des institutions de l'Union.

2. La consultation du Conseil de l’Europe pour les organes de protection des droits fondamentaux de l’Union européenne

En pratique, peu d'actions se sont confrontées au blocage dû à l'absence d'habilitation de l'Union européenne. Au contraire, les droits fondamentaux prennent une place importante dans la structure même de l'Union européenne, en raison d'organes spécifiquement dédiés à ce domaine ou par leur prise en compte croissante au sein des institutions. Ainsi, la première étape de l'institutionnalisation des droits fondamentaux au sein de l'Union est franchie avec la création, en 1997, de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, dont l'objectif est de fournir « des informations, fiables et comparables au niveau européen

sur les phénomènes du racisme, de la xénophobie et de l'antisémitisme »246.

Le changement important intervient en 2007, avec l'Agence des droits fondamentaux

243 Communication de la Commission du 27 avril 2005, « Le respect de la Charte des droits fondamentaux dans

les propositions législatives de la Commission, Méthodologie pour un contrôle systématique et rigoureux », (COM(2005) 172 final).

244 Voir R. TINIÈRE, « Les droits fondamentaux dans les actes de droit dérivé de l'Union européenne : le

discours sans la méthode », RDLF, 2013, chron. n° 14, disponible sur le site <www.revuedlf.com>.

245 Communication de la Commission du 27 avril 2005, Le respect de la Charte des droits fondamentaux dans

les propositions législatives de la Commission, Méthodologie pour un contrôle systématique et rigoureux, préc. Voir également C. BLUMANN, « L’intégration de la protection des droits fondamentaux dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union européenne », in Protection des droits

fondamentaux dans l’Union européenne. Entre évolution et permanence, R. TINIÈRE et C. VIAL (dir.),

Bruylant, Bruxelles, 2015, p. 269.

246 Voir l’article 2 du règlement n° 1035/1997 du Conseil du 2 juin 1997 portant création d'un Observatoire

européen des phénomènes racistes et xénophobes, JOCE n° L 151 du 10 juin 1997. Voir A. ILIOPOULOU, « Assurer le respect et la promotion des droits fondamentaux : un nouveau défi pour l'Union européenne »,

op. cit., spéc. p. 423 et S. MANGIN, « Les agences de l'Union européenne : recherches sur les organismes

communautaires décentralisés », in Les agences de l’Union européenne, J.-F. COUZINET (dir.), Presses de l'université des sciences sociales de Toulouse, 2002.

de l'Union européenne créée par le règlement n° 168/2007247, dont le mandat est proposé en

remplacement de celui de l'Observatoire. L'importance de ce changement tient à la généralité de la mission de l'Agence248, qui s'intéresse à tous les droits fondamentaux. La Commission

européenne ne soutenait initialement pas cette idée puisqu'elle estimait inutile l'établissement d'une agence « jouant un rôle d'information et/ou un rôle consultatif » car « nul ne détient

le monopole de la sagesse quand il s'agit d'analyser les problèmes liés aux droits de l'homme et à la démocratisation ou leurs implications pour les relations de l'Union européenne avec un pays »249 . Elle ne souhaitait pas non plus une « agence d'exécution »250 seulement

présente en matière de relations internationales de l'Union. Il est de toute façon difficile d'attribuer trop de pouvoirs à l'Agence, notamment en raison de la « doctrine Meroni »251.

La Cour de justice a encadré, dans l’arrêt Meroni de 1958, les potentielles délégations de pouvoir d'une institution à une agence lorsque la délégation correspond à « une liberté

d’appréciation qui implique un large pouvoir discrétionnaire et ne peut être tenue pour compatible avec les exigences du traité »252 . Ainsi, malgré une certaine originalité

institutionnelle 253 , l’Agence des droits fondamentaux appartient à la catégorie

« observatoire » selon la typologie des agences européennes établie par la Commission254.

Concrètement, cela implique un pouvoir d'action limité et une mission qui consiste surtout en l'information et au suivi des droits fondamentaux255.

Le Conseil de l'Europe a fait connaître sa position au moment de la création des deux

247 Règlement n° 168/2007 du Conseil du 15 février 2007 portant création d'une Agence des droits

fondamentaux de l'Union européenne, JOUE n° L 53 du 22 févier 2007, p. 1.

248 Ibidem, le règlement a pour base juridique la clause de flexibilité du traité, à savoir l'article 308 TCE : « En contribuant au plein respect des droits fondamentaux dans le cadre du droit communautaire, l'Agence est susceptible d'aider à la réalisation des objectifs de la Communauté. En ce qui concerne l'adoption du présent règlement, le traité ne prévoit pas d'autres pouvoirs d'action que ceux visés à l'article 308 ». 249 Voir la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européenne du 8 mai 2001 – Le rôle

de l'Union européenne dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratisation dans les pays tiers, COM(2001) 252 final.

250 Ibidem.

251 CJCE, 13 juin 1958, Meroni c/ Haute Autorité, aff. 9/56, Rec. p. 11. 252 Ibid.

253 Voir C. BLUMANN et L. DUBOUIS, Droit institutionnel de l'Union européenne, op. cit., p. 149.

254 Voir A. ILIOPOULOU, « Assurer le respect et la promotion des droits fondamentaux : un nouveau défi pour

l'Union européenne », op. cit., spéc. p. 468. Voir également E. CHITI, « European Agencies' Rulemaking : Powers, Procedures and Assessment », European Law Journal, janvier 2013, vol. 19, n° 1, p. 93.

255 Voir : E. CHITI, Existe-t-il un modèle d'agence de l'Union européenne, in J. MOLINIER (dir.), Les agences de l'Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2011, spéc. p. 51. À titre d'exemple, l'Agence européenne des

droits fondamentaux a pour rôle principal de rendre des rapports annuels concernant les droits fondamentaux, M.-L. BASILIEN-GAINCHE, « Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (Rapport annuel 2012) : les droits fondamentaux, victimes de la crise », in Lettre « Actualités Droits-

entités par des mémorandums d'accord256 , signe d'un rapprochement entre les deux

organisations internationales. Ces textes ont pour objet de rappeler que le Conseil de l'Europe reste « la référence en matière de droits de l'homme, de primauté du droit et de démocratie

en Europe »257. D'ailleurs, il y a toujours eu une volonté d'établir des passerelles entre le

Conseil de l'Europe et l'Union européenne. L’idée est affirmée dans le traité de Lisbonne à l'article 220 TFUE : « L'Union établit toute coopération utile avec les organes des Nations

unies et de leurs institutions spécialisées, le Conseil de l'Europe, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et l'Organisation de coopération et de développement

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