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L'évolution de la Cour de justice : l’interprétation téléologique et les conclusions des avocats générau

Section 1. Les techniques prétoriennes permettant de soutenir une convergence

B. L'évolution de la Cour de justice : l’interprétation téléologique et les conclusions des avocats générau

La Cour de justice est instituée par un traité, qui définit son rôle beaucoup plus précisément que la Convention EDH ne le fait pour la Cour EDH, notamment car les voies de droit pour saisir la Cour de justice sont plus nombreuses. Le rôle de la Cour de justice n'est pas limité à la sanction des États pour le non-respect de leur engagement international mais son office est plus large. D'une part, la Cour de justice peut être saisie pour dialoguer avec les juges nationaux par le biais d'un renvoi préjudiciel – également souhaité au niveau de la Convention EDH avec le protocole n° 16, sous la forme d'un avis consultatif519 – d'autre

part, l'Union produit des normes de droit dérivé qui peuvent être contrôlées et annulées par la Cour. Ces différentes voies de droit ont pour cadre initial le marché intérieur ou plus largement les compétences de l'Union, dont la responsabilité peut également être engagée devant la juridiction de l’Union. Même si la Cour de justice a rapidement admis la possibilité de vérifier que les normes de l'Union respectent bien les droits fondamentaux520 , elle a

surtout été amenée à se prononcer sur des questions économiques et des droits fondamentaux correspondants521. La Convention EDH a alors été favorisée en tant que source pour les

principes généraux du droit de l'Union démontrant que la Cour de justice choisit de se référer à un texte – et aux jugements de la Cour EDH – certes extérieur mais spécialiste de la question des droits fondamentaux. Cette vision est inscrite au passé car la reconnaissance de la valeur contraignante de la Charte a modifié cette optique. Mais c'est d’abord l'utilisation

518 D. DERO-BUGNY, Les rapports entre la Cour de justice de l'Union européenne et la Cour européenne des droits de l'homme, Bruylant, Bruxelles, 2015, p. 108.

519 Protocole n° 16, entré en vigueur le 1er août 2018, STCE n° 214. 520 CJCE, 12 novembre 1969, Stauder, aff. 26/69, Rec. p. 419.

521 Par exemple, dans les premiers arrêts reconnaissant des principes généraux du droit : CJCE, 17 décembre

1970, International Handelsgesellschaft, aff. 11/70, Rec. p. 1125 : une société exportatrice revendique le respect du principe de proportionnalité (pas de violation constatée) ; CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73,

Rec. p. 491 : il est question de droit de propriété pour un négociant (pas de violation constatée) ; CJCE, 28

octobre 1975, Rutili, aff. 36/75, Rec. 1975 p. 1219 : restriction de la liberté de circulation du travailleur opposée au principe de non-discrimination (violation constatée, sous réserve de l'appréciation du juge national : renvoi préjudiciel).

d'une méthode d'interprétation téléologique qui a permis à la Cour de justice d'élargir son champ de vision (1), approche soutenue par les avocats généraux de la juridiction (2).

1. L'élargissement des domaines d'action de la Cour de justice : dépassement du seul contexte économique

Selon l'article 19 TUE, la Cour de justice « assure le respect du droit dans

l'interprétation et l'application des traités ». Alors que la Cour EDH a pour office évident la

protection des droits fondamentaux, la Cour de justice est censée défendre en priorité l'établissement d'un marché intérieur. Ainsi, « en interprétant les droits fondamentaux de la

même manière qu'il le faisait pour la détermination des quotas laitiers ou l'organisation du marché de charbon, le juge communautaire entendait bien montrer qu'il refusait de traiter la protection des droits fondamentaux comme une matière à part et que, s'il acceptait d'assurer cette protection dans le cadre de ses compétences, cette dernière devait se faire dans le respect des objectifs communautaires » 522 . La reconnaissance des droits

fondamentaux a pour fonction de préserver l'ordre juridique de l'Union européenne, notamment à travers le principe de primauté du droit de l'Union523, dans le cadre précis de

l'établissement du marché intérieur. « La Cour de justice demeure l'institution la plus

emblématique de l'Union européenne. Qualifiée à juste titre de moteur de l'intégration par le juge Pescatore, elle a su par sa jurisprudence et plus particulièrement ses interprétations, structurer l'Union, l'orienter, intégrer les modèles et arbitrer les conflits »524. En effet, la

juridiction a permis à l'Union européenne de s'installer durablement et de dépasser une vision purement économique.

Comme la Cour EDH, la Cour de justice a rapidement favorisé l'interprétation téléologique mais en se référant à l'esprit du traité525, plutôt qu'à l'objet et le but du texte. La

522 R. TINIÈRE, L'office du juge communautaire des droits fondamentaux, Bruylant, Bruxelles, 2008, p. 111. 523 Principe consacré dans l'arrêt CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/ Enel, aff. 6/64, Rec. 1964 p. 1141. Voir à ce

propos : O. DE SCHUTTER, « Les droits fondamentaux dans l'Union européenne : une typologie de l'acquis », in Classer les droits de l'homme, E. BRIBOSIA et L. HENNEBEL (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 328.

524 A. BOUVERESSE, « La Cour de justice de l'Union européenne : gardienne de ses pouvoirs », in Europe(s), droit(s) européen(s). Une passion d'universitaire. Liber Amicorum en l'honneur du Professeur Vlad Constantinesco, Bruylant, Bruxelles, 2015, p. 109.

525 Voir CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62, Rec. p. 3, « attendu que pour savoir si les dispositions d'un traité international ont une telle portée il faut en envisager l'esprit, l'économie et les termes » et F. PICOD, « Le juge communautaire et l'interprétation européenne », in F. SUDRE (dir.),

Cour de justice combine même plusieurs méthodes : « téléologique - l'esprit du Traité

s'incarnant dans ses objectifs -, systématique - l'économie du Traité se rapportant à son système -, et textuelle - les termes du Traité correspondant à son texte »526 , mais

l'interprétation téléologique reste celle qui domine. Cette approche a d'ailleurs entraîné des critiques à l'encontre de la Cour de justice, l'accusant de gouvernement des juges527 ou

d'activisme judiciaire528 « réel ou supposé »529. Pourtant, les États membres ont au départ

assez facilement accepté l'imposition d'un nouvel ordre juridique530 , notamment car « la

nature programmatique de certaines dispositions des traités, l'indétermination fréquente des notions juridiques utilisées, l'objet économique des Communautés et leur nature évolutive sont autant de facteurs propices à l'intervention créatrice du juge, au demeurant souvent rendue nécessaire par la carence du législateur communautaire »531 . En revanche,

contrairement à la situation de la Convention EDH, le législateur de l'Union, voire les États

L'interprétation de la Convention européenne des droits de l'homme, Bruylant, Bruxelles, 1998, spéc. p.

323.

526 F. LE BOT, « La protection des passagers aériens dans l'Union européenne. Réflexions sur l'interprétation

du droit dérivé par la Cour de justice », RTDE, 2013, n° 4, p. 753. Voir également N. BAREÏT, « La Cour de justice de l'Union européenne artisane de la lutte contre enlèvements d'enfants. Observations sur une jurisprudence bien éclairée », RDTE, 2011, n° 3, p. 537. L'auteur distingue cinq méthodes : littérale, historique, comparative, systémique et téléologique. Il distingue ces méthodes de l'utilisation de « principes

d'interprétation plus ponctuels » que sont l'interprétation stricte des exceptions, la primauté et la recherche

de l'effet utile. Enfin, voir J. MERTENS DE WILMARS, « Réflexions sur les méthodes d'interprétation de la Cour de justice des Communautés européennes », CDE, 1986, n° 1, p. 8, qui constate que la Cour « utilise

l'éventail complet des méthodes d'interprétation » car le système juridique de l'Union, même inachevé, est

« un système complet dans lequel il n'y a pas de place pour le non liquet ».

527 H. SENDEN, Interpretation of Fundamental Rights in a Multilevel Lega System. An analysis of the European Court of Human Rights and the Court of Justice of the European Union, Insertia, Cambridge –

Antwerp – Portland, 2011, p. 57.

528 M. POIARES MADURO, « Interpreting European Law: Judicial Adjudication in a Context of

Constitutional Pluralism », EJLS, 2007, n° 2, numéro spécial « Judging Judges ». La critique d'activisme judiciaire a également pu viser la Cour EDH, voir par exemple : J.-F. FLAUSS, « Actualité de la Convention européenne des droits de l'homme », AJDA, 2008, n° 18, p. 978. Voir R. DEHOUSSE, La Cour

de justice des Communautés européennes, Monchrestien, Paris, 2e éd., 1997, p. 105 : « En dépit des flots d'encre qui ont été consacrés à l'activisme judiciaire, il n'existe aucune définition communément admise du phénomène. Cela tient en partie à ce que les limites dans lesquelles le juge doit exercer sa mission d'interprète du droit restent floues ».

529Voir le discours de J.-M. SAUVÉ, « La dynamique de protection des droits fondamentaux en droit national

et en droit européen », conférence du 22 octobre 2012 : « Il est parfois arrivé, par exemple, que la Cour de

justice de l’Union européenne soit critiquée pour son activisme réel ou supposé. A ainsi été critiqué l’arrêt

Mangold, par lequel la Cour a consacré un principe de non-discrimination en fonction de l’âge, donnant

par conséquent à cette norme un effet horizontal, alors que la même norme, contenue dans la directive 2000/78 qui était au cœur du litige, n’avait qu’un effet vertical », disponible sur http://www.conseil-etat.fr. 530 Voir J. H. H. WEILER, « The transformation of Europe », The Yale Journal, n° 8, juin 1991. L'auteur estime

que les États membres ont laissé faire la Cour de justice car ils maîtrisaient de leur côté la prise de décision, par le biais du Conseil, voir pp. 2428-2429.

531 M. DARMON et C. VAHDAT, « Cour de justice », Répertoire droit européen, Dalloz, août 2007 mis à jour

membres peuvent ponctuellement contrer des jurisprudences qui ne leurs conviennent pas532.

La Cour de justice s'appuie également sur le droit comparé, spécifiquement celui des États membres, en procédant à des choix pour rendre cohérent l'ordre juridique de l'Union et sans entrer dans le détail des législations des États membres533. Dans ce cadre, la méthode

d'interprétation comparatiste rejoint en réalité l'approche téléologique534 . En effet, la

comparaison a tendance à diminuer dans la jurisprudence de la Cour de justice ou à être utilisée sans être mentionnée explicitement535. De plus, cette méthode se situe à « mi-chemin

entre les méthodes d'interprétation plus formelles (littérale ou historique) et les méthodes plus substantielles (systématique ou téléologique) »536 . Cette approche garantit aussi

l'uniformité de l'interprétation du droit de l'Union qui reconnaît de façon équivalente toutes les versions linguistiques d'un même texte537 . Le multilinguisme pouvant entraîner des

divergences de compréhension, la réflexion téléologique permet d'insérer toutes les versions dans un même objectif. La téléologie est l'approche préférée par la Cour de justice, comme le précise un juge dès 1976 : « l'interprétation systématique et téléologique, y compris

l'application du principe de l'effet utile, prédomine. L'interprétation comparative revêt une certaine importance »538 . Cependant, il estime que deux critiques peuvent être apportées

532 R. DEHOUSSE, La Cour de justice des Communautés européennes, Monchrestien, Paris, 2e éd., 1997, p.

76 : « les États membres ne peuvent l'amener à revoir sa position qu'au moyen d'une modification de la

Charte constitutionnelle qu'est le traité. La manœuvre n'est pas impossible : ainsi, le protocole n° 2 adopté à l'occasion du traité de Maastricht a limité l'effet rétroactif de l'arrêt Barber (affaire C-262/88) […]. Toutefois, ce genre d'opération n'est pas chose aisée, puisque l'unanimité des États membres est requise pour toute modification du traité. De plus, la Cour a laissé entendre récemment que certains principes fondamentaux ne pouvaient faire l'objet d'une révision (avis 1/91). C'est dire qu'en pratique, le risque d'une intervention politique pour « corriger » les arrêts de la Cour est relativement limité ».

533 K. LENAERTS, « Le droit comparé dans le travail du juge communautaire », RTDE, 2001, n° 3, p. 487.

L'arrêt Algera est l'un des seuls exemples de comparaison détaillée par la Cour. CJCE, 12 juillet 1967,

Algera, aff. 7/56, Rec. p. 81. Voir à ce propos P. PESCATORE, « Le recours, dans la jurisprudence de la

Cour de justice des Communautés européennes, à des normes déduites de la comparaison des droits des États membres », RID. comp., 1980, spéc. p. 338 et M. BARDIN, « Depuis l’arrêt Algera, retour sur une utilisation "discrète" du droit comparé par la Cour de justice de l’Union européenne », in Le recours au

droit comparé par le juge, T. DI MANNO (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2014, p. 97.

534 M. POIARES MADURO, « Interpreting European Law: Judicial Adjudication in a Context of

Constitutional Pluralism », op. cit. : « Comparative law becomes, in this way, one more instrument of what

is the prevailing technique of interpretation at the Court: teleological interpretation ». Voir également l'un

des titres de l'article de K. LENAERTS, « Le droit comparé dans le travail du juge communautaire », RTDE, 2001, p. 487 : « B. La téléologie de la méthode comparative ».

535 R. TITIRIGA, La comparaison, technique essentielle du juge européen, L'Harmattan, Paris, 2011, pp. 329

et s.

536 J. MERTENS DE WILMARS, « Réflexions sur les méthodes d'interprétation de la Cour de justice des

Communautés européennes », CDE, 1986, n° 1, p. 17.

537 M. POIARES MADURO, « Interpreting European Law: Judicial Adjudication in a Context of

Constitutional Pluralism », op. cit.

contre la méthode téléologique. D'une part, elle implique une progression du droit de l'Union qui peut être trop rapide et d'autre part, elle n'est pas forcément bien reçue par les juges de

common law qui préfèrent une interprétation plus littérale. La mise en place d'un marché

intérieur économique dont les règles sont supérieures aux normes nationales, en vertu du principe de primauté, ne peut fonctionner sans le respect des droits fondamentaux. Cette constatation est venue des juridictions constitutionnelles, particulièrement allemande et italienne, qui ont poussé la Cour de justice à reconnaître la protection des droits fondamentaux.

La juridiction de l’Union rejoint ainsi la Cour EDH dans ses méthodes d'interprétation et pose plus largement la question de la potentielle subjectivité dans la téléologie : « la prise en compte de l'objet et du but du traité suscite une certaine méfiance

dans l'ordre juridique international : ne favorise-t-elle pas en effet un certain subjectivisme de l'interprète ? »539 . Cependant, la téléologie n'est pas synonyme de pleine liberté, la

juridiction reste attachée aux termes qu'elle interprète et s'appuie sur un contexte historique et comparatiste, en raisonnant par syllogisme540 . De plus, l'existence d'une méthode

d'interprétation commune aux juges européens est le signe d'un rapprochement. C'est par cette méthode que la Cour de justice peut dépasser le cadre économique « par une sorte

d'effet spill over, de débordement de l'intégration purement économique »541. De plus, le

choix entre plusieurs options d'appréciation téléologique peut être discernée dans les conclusions des avocats généraux542. En effet, la Cour de justice ne publie pas d’opinions

séparées des juges mais fait précéder ses arrêts de l'avis d'un juriste, l'avocat général, qu'elle

Raisonner la raison d'État, vers une Europe des droits de l'homme, M. DELMAS-MARTY (dir.), PUF,

Paris, 1989, spéc. p. 407. L'auteur cite le juge H. KUTSCHER dans son écrit « Méthodes d'interprétation vues par un juge à la Cour », in Rencontre judiciaire et universitaire 27-28 septembre 1976, Publications de la Cour de justice des Communautés européennes, Luxembourg, 1976.

539 F. OST, « Originalité des méthodes d'interprétation de la Cour européenne des droits de l'homme », op. cit.,

spéc. p. 422.

540 M. POIARES MADURO, « Interpreting European Law: Judicial Adjudication in a Context of

Constitutional Pluralism », op. cit.

541 F. BERROD, « Une Europe, deux Cours ou le double « je » des identités européennes », in Les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne. Complémentarité ou Concurrence ?, F. BERROD et B.

WASSENBERG (dir.), L'Harmattan, Paris, 2016, p. 30.

542 M. POIARES MADURO, « Interpreting European Law: Judicial Adjudication in a Context of

Constitutional Pluralism », op. cit. : « The lack of dissenting opinions and the constraints of collective

deliberation (which, moreover, takes place in a foreign language) no doubt helps explaining the different nature of the reasoning of the judgements of the Court, when compared with the Opinions of its Advocate Generals ».

reste libre de suivre ou non, suivant ainsi une influence française543.

2. L'audace et l'utilité de l'avocat général

Les méthodes de travail sont similaires d'une juridiction européenne à l'autre, hormis la présence d'un avocat général à la Cour de justice et les opinions séparées des juges de la Cour EDH, l'un agissant en amont, l'autre en aval. L'avocat général est un juge dans son statut mais n'a pas la même fonction, il ne tranche pas de litige même s'il dit le droit, « la

solution motivée de l'avocat général aide le juge à exercer son office »544. L'avocat général

est extérieur, il ne participe pas directement à la jurisprudence mais la regarde, il « présente

publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires soumises à la Cour de justice »545. Historiquement, certains États fondateurs ont

préféré créer la fonction d'avocat général, sous impulsion française, refusant la possibilité d'opinions séparées pourtant envisagée dès le traité CECA546 . La France et l'Allemagne ont

alors disposé d'un avocat général chacun, leur permettant d'assurer une sorte de leadership sur la jurisprudence547. Depuis, le nombre d'avocats généraux n'a cessé de croître548 et leurs

conclusions permettent d'avoir une position claire et unitaire sur tous les aspects d'une affaire. En effet, l'avocat général rédige dans sa langue maternelle et son avis n'est pas le fruit d'un compromis entre plusieurs juges549, même s'il est accompagné – comme les autres juges –

de trois référendaires. Il faut préciser qu’il n’y a pas d’avocat général au Tribunal de l’Union et que tous les arrêts de la Cour de justice ne sont pas précédés de conclusions. Lorsqu’il s’agit d’avis ou de procédure préjudicielle d’urgence, l’avis des avocats généraux était dénommé prise de position mais une certaine uniformisation a permis de ne retenir que le terme de conclusion.

543 H. SENDEN, Interpretation of Fundamental Rights in a Multilevel Legal System. An analysis of the European Court of Human Rights and the Court of Justice of the European Union, Insertia, Cambridge –

Antwerp – Portland, 2011, p. 36.

544 L. CLÉMENT-WILZ, La fonction de l'avocat général près de la Cour de justice, Bruylant, Bruxelles, 2011,

p. 9.

545 R. TITIRIGA, La comparaison, technique essentielle du juge européen, L'Harmattan, Paris, 2011, p. 36. 546 F. RIVIÈRE, Les opinions séparées des juges à la Cour européenne des droits de l'homme, Bruylant,

Bruxelles, 2004, p. 17.

547 Voir L. CLÉMENT-WILZ, La fonction de l'avocat général près de la Cour de justice, op. cit., p. 24 qui cite

notamment le juge Pescatore. Pour ce même juge, l'avocat général cause un allongement dans les délais de procédure et relève d'un luxe non nécessaire à l'heure où les juges sont suffisamment nombreux.

548 Depuis le 7 octobre 2015, il y a onze avocats généraux. Voir la décision du Conseil 2013/336/UE du 25 juin

2013, JOUE n° L 179, 29 juin 2013, p. 92.

Les conclusions « forment un complément de l'arrêt en permettant une meilleure

compréhension de la motivation, de la signification et des implications de l'arrêt »550. En ce

sens, les conclusions rejoignent la fonction des opinions séparées pour éclairer la décision rendue. En revanche, l'avocat général agit avant la décision et peut l’influencer, contrairement aux opinions qui interviennent après. A contrario, la Cour de justice n’est pas obligée de suivre cet avis, ce qui arrive assez fréquemment. L'utilité de cette fonction réside également dans l'approche plus comparatiste, même si celle-ci est rarement exhaustive551,

que peut avoir un avocat général : « les conclusions se présentent comme le contenant

naturel des études de droit comparé »552. Cette possibilité contrebalance avec la « quasi-

absence d'études de droit comparé dans les arrêts de la Cour »553. Les conclusions vont

servir à la Cour de justice, même si leur valeur n'est que formelle, pour justement ne pas s'engager sur la voie de la comparaison exhaustive et faire des choix quant aux orientations qu'elle retient pour maintenir la cohérence et l'autonomie de l'ordre juridique de l'Union. Ainsi, les arrêts adoptés après des conclusions contenant une étude comparatiste ne font majoritairement aucune mention de la comparaison554. Il est également intéressant de relever

que les avocats généraux ont eu tendance à utiliser la Charte des droits fondamentaux plus rapidement que la Cour de justice, à compter de sa déclaration avec l'entrée en vigueur du traité de Nice555. Cette constatation se vérifie également dans l'utilisation par les avocats

généraux de la jurisprudence de la Cour EDH556.

550 Ibid.

551 L. CLÉMENT-WILZ, La fonction de l'avocat général près de la Cour de justice, op. cit., p. 118. Voir

également P. PESCATORE, « Le recours, dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, à des normes déduites de la comparaison des droits des États membres », RID. comp., 1980, spéc. pp. 346 et s. L'auteur mentionne les conclusions de l'avocat général M. LAGRANGE sur l’affaire

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