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L'émancipation de la Cour européenne des droits de l'homme grâce aux autres conventions du Conseil de l’Europe

Section 1. Les techniques prétoriennes permettant de soutenir une convergence

B. L'émancipation de la Cour européenne des droits de l'homme grâce aux autres conventions du Conseil de l’Europe

Contrairement à l’ordre juridique de l’Union européenne, la prise en compte des droits sociaux par la Cour EDH et dans la Convention EDH n'était pas nécessaire, ni attendue. En effet, ces droits ont été intentionnellement exclus du texte de la Convention EDH612. Ils

sont énumérés dans la Charte sociale européenne, sur laquelle la Cour EDH s’est appuyée pour s’émanciper (1). La centaine d’autre conventions adoptées par le Conseil de l'Europe, sert également d'inspiration à la Cour EDH afin d’élargir sa vision des droits fondamentaux (2).

1. L'émancipation de la Cour EDH par la Charte sociale européenne

La Cour EDH a puisé dans les textes du Conseil de l'Europe et spécifiquement dans la Charte sociale européenne pour faire évoluer la protection des droits fondamentaux613.

Toutefois, les droits sociaux avaient été intentionnellement laissés en dehors de la Convention EDH dans la jurisprudence de la Cour EDH. Pourtant, « la justiciabilité des

droits sociaux par la Cour est une question qui se pose désormais »614. Certains aspects du

droit du travail ont été envisagés plus facilement car relevant plus de questions procédurales

611 J.-F. FLAUSS, « Les interactions normatives entre les instruments européens relatifs à la protection des

droits sociaux », in Droits sociaux et droit européen. Bilan et prospective de la protection normative, J.-F. FLAUSS (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 100.

612 Voir C. MARZO, « Controverses doctrinales quant à la protection des droits sociaux par la Cour européenne

des droits de l'homme », CDE, 2010, n° 1-2, p. 95.

613 N. HERVIEU, « La Cour européenne des droits de l'homme, alchimiste de la liberté syndicale », RDT, 2009,

n° 5, p. 288.

que d’aspects substantiels. En revanche, ce sont les droits collectifs reconnus qui posent plus de questions.

Dans le domaine du droit du travail individuel et collectif, c'est la Charte sociale européenne, signée à Turin en 1961 et révisée à Strasbourg en 1996 avec un enrichissement des droits615, qui s'applique. Ratifié par la France en 1972, ce texte consacre de nombreux

droits individuels comme le droit au travail, le droit à la formation et à l'orientation professionnelle, le droit à l'hygiène et à la sécurité et des droits collectifs comprenant le droit syndical, le droit à la négociation collective, le droit de grève et de lock-out, droits que les États membres se sont engagés à mettre en œuvre. Un protocole additionnel de 1995616, entré

en vigueur en 1998, est venu ajouter à la Charte un système de réclamations collectives permettant à des organisations patronales, des syndicats ou encore des associations de s'adresser à un Comité européen des droits sociaux (Comité EDS). Le Comité EDS rend également des rapports nationaux sur le respect de la Charte617. De son côté, la Convention

EDH se limite à évoquer la liberté syndicale dans son article 11618. La Cour EDH a entrepris

d'utiliser cette ouverture pour la reconnaissance d'autres droits, comme le droit à la négociation collective, dans l'arrêt Demir et Baykara c/ Turquie de 2008619, qui est d'ailleurs

un revirement de jurisprudence dans le domaine. La Cour EDH s'est notamment fondée sur la Charte sociale européenne pour reconnaître ce droit, alors que la Turquie n'avait pas ratifié le texte à l'époque. C'est une utilisation intéressante des autres sources du Conseil de l'Europe.

Toujours sur le fondement de l'article 11 de la Convention EDH, la Cour s'est intéressée au droit de grève. En effet, la juridiction estime que le fait de sanctionner par un avertissement un salarié gréviste viole la liberté d'association620, car la sanction a pour effet

615 Charte sociale européenne révisée, 3 mai 1996, STE n° 63. Voir à ce sujet P. STANGOS, « Les rapports

entre la Charte sociale européenne et l’Union européenne. Le rôle singulier du Comité européen des droits sociaux et de sa jurisprudence », CDE, 2013, n° 1, p. 319.

616 Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives, 9

novembre 1995, STE n° 158.

617 V. GRÉVISSE, « Le renouveau de la Charte sociale européenne », Dr. soc., 2000, p. 884. Voir également

les développements de P. RODIÈRE, Droit social de l'Union européenne, LGDJ, Issy-les-Moulineaux, 2014, pp. 169 et s. au sujet de la Charte sociale européenne.

618 La liberté syndicale est à la fois un droit civil et politique et un droit économique et social. Voir K. VASAK,

« Les différentes typologies des droits de l'homme », in Classer les droits de l'homme, E. BRIBOSIA et L. HENNEBEL (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 15.

619 Cour EDH, Gde chbr., 12 novembre 2008, Demir et Baykara, req. n° 34503/97. Voir N. HERVIEU, « La

Cour européenne des droits de l'homme, alchimiste de la liberté syndicale », RDT, 2009, p. 288.

de dissuader les salariés de participer à des grèves. En revanche, la Cour ne formalise pas explicitement l'inclusion du droit de grève dans la liberté d'association : « cette réticence à

nommer ce que l'on décrit si parfaitement est une contorsion critiquable, différant la stabilisation européenne d'une question primordiale »621. L'utilisation du droit de grève se

fait dans la même logique que pour la négociation collective, en mobilisant les sources internationales qui reconnaissent ce droit comme un corollaire indissociable du droit d'association syndical622. La Cour EDH a même lié le droit à la négociation collective au

droit de grève dans son arrêt Hrvatski Lijecnicki Sindikat c/ Croatie de 2014623. En revanche,

l'arrêt RMT c/ Royaume-Uni de 2014624 semble marquer un temps d'arrêt. Le litige concerne

la réglementation britannique interdisant les grèves de solidarité625. La Cour EDH admet que

le dispositif n'est pas disproportionné au regard de l'article 11 de la Convention EDH, au contraire des avis des organes spécialisés dans les questions sociales, à savoir le comité d'experts de l'OIT ou le Comité EDS qui ont ouvertement critiqué la position du Royaume- Uni à ce sujet626 . À l'inverse de sa démarche habituelle elle neutralise les « effets de la

synergie des sources internationales et du consensus européen »627 , donc constater une

convergence vers la protection des grèves de solidarité dans les textes internationaux mais la laisser de côté en l'espèce.

2009, Enerji Yapi Yol Sen c/ Turquie, req. n° 68959/01 et Cour EDH, 21 avril 2015, Junta Rectora c/

Espagne, req. n° 45892/09. Voir également J.-P. MARGUÉNAUD et J. MOULY, « Les incursions de la

Cour européenne des droits de l'homme en droit du travail : une œuvre encore en demi-teinte », RDT, 2008, n° 1, p. 16.

621 J.-P. MARGUÉNAUD et J. MOULY, « Les incursions de la Cour européenne des droits de l'homme en droit

du travail : une œuvre encore en demi-teinte », op. cit.

622 J.-P. MARGUÉNAUD et J. MOULY, « La Cour européenne des droits de l'homme à la conquête du droit

de grève », RDT, 2009, n° 9, p. 499.

623 Cour EDH, 27 novembre 2014, Hrvatski Lijecnicki Sindikat c/ Croatie, req. n° 36701/09.

624 Cour EDH, 8 avril 2014, National Union of Rail, Maritime and Transport Workers c/ Royaume-Uni, req. n°

31045/10.

625 En France, il y a une distinction qui est opérée entre grève de solidarité externe et interne concernant la

licéité de la mobilisation. Pour la grève externe : « les salariés d'une entreprise se mettent en grève pour

exiger par exemple la réintégration d'un salarié licencié dans une autre entreprise, les deux entreprises n'ayant aucun lien de droit entre elles. Par principe, ce type de grève constitue un mouvement illicite, car le premier employeur ne peut en aucun cas faire aboutir des revendications qui ne concernent pas son entreprise ». La grève de solidarité interne peut être licite ou illicite selon le « caractère licite ou illicite des revendications. Ainsi, ne constitue pas « l'exercice du droit de grève un arrêt de travail destiné à soutenir un ouvrier licencié, dès lors que ce licenciement n'impliquait rien d'autre que la faute personnelle du salarié sanctionné et qu'aucune revendication professionnelle n'était en cause ». […] À l'inverse, il a été jugé qu'un arrêt de travail concomitant à l'annonce d'un licenciement économique, constitue l'exercice du droit de grève. » Voir A. CRISTAU, « Grève dans le secteur privé », Répertoire de droit du travail, Dalloz, mis à

jour en avril 2016.

626 F. SUDRE, « La mystification du « consensus » européen », JCP G, 7 décembre 2015, n° 50, p. 2293. 627 J.-P. MARGUÉNAUD et J. MOULY, « Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de

Mis à part cet exemple concernant les grèves de solidarité, il semble que « la Cour

européenne des droits de l'homme est décidément devenue un juge de droit du travail »628.

Cette incursion dans le droit social, qui n'était pas évidente au vu du texte de la Convention EDH, pose également la question du lien entre les jurisprudences des deux juridictions européennes. La Cour EDH peut alors se poser « en concurrente audacieuse de la Cour de

justice des Communautés européennes et laisse entrevoir la question cruciale, qui finira bien par se poser un jour, de savoir si la jurisprudence Viking et Laval ne constitue pas une « insuffisance manifeste »629 . Question intéressante, même si l'insuffisance manifeste pour

renverser la présomption de protection équivalente a pour l'instant du mal à être caractérisée, la Cour EDH semblant préférer écarter la présomption630. La Cour EDH peut également

élargir son horizon en s'appuyant sur les autres textes du Conseil de l'Europe.

2. Les conventions du Conseil de l'Europe dans la jurisprudence de la Cour EDH

La Cour EDH s'est intéressée à la Charte sociale européenne pour protéger des droits sociaux dans sa jurisprudence mais ce n'est évidemment pas la seule utilisée par la Cour EDH parmi la centaine de conventions « portant sur les objets les plus variés et d'importance

sans doute inégal »631 – et la trentaine d'accords ou d’arrangements – du Conseil de l'Europe.

Ces textes du Conseil de l'Europe sont proposés à la signature des États membres mais sans obligation et sont parfois ouverts à des États externes, voire à des organisations internationales, dont l'Union européenne632 . En effet, les conventions ne concernent pas

628 J.-P. MARGUÉNAUD et J. MOULY, « Les incursions de la Cour européenne des droits de l'homme en droit

du travail : une œuvre encore en demi-teinte », RDT, 2008, n° 1, p. 16. Ce rôle a même fait apparaître une chronique à la revue Droit social en 2014 « Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative au droit du travail ».

629 J.-P. MARGUÉNAUD et J. MOULY, « La Cour européenne des droits de l'homme à la conquête du droit

de grève », RDT, 2009, n° 9, p. 499.

630 Cour EDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, req. n° 12323/11.

631 J.-F. FLAUSS, « Le droit du Conseil de l'Europe dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de

l'homme », in Au carrefour des droits, Mélanges en l'honneur de Louis Dubouis, Dalloz, Paris, 2002, p. 51.

632 23 conventions du Conseil de l'Europe mentionnent l'ouverture à la signature de l'Union européenne sans

autre conditions. Voir par exemple : la Convention relative à l'élaboration d'une pharmacopée européenne de 1964, la Convention européenne sur la protection des animaux en transport international de 1968, la Convention d'Oviedo de 1997, la Convention civile sur la corruption de 1999, la Convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel de 2001, la Convention sur les relations personnelles concernant les enfants de 2003, la Convention pour la prévention du terrorisme de 2005, la Convention du sur la lutte contre la traite des êtres humains de 2005, la Convention sur la manipulation de compétitions sportives de 2014 et la Convention contre le trafic d’organes humains de 2015.

toujours ou très indirectement des droits fondamentaux633 et « constituent un corpus certes

hétéroclite voire bigarré, mais néanmoins substantiel »634. C'est d'ailleurs une critique qui a

pu être adressée à l'encontre de l'organisation : « le Conseil de l'Europe reste une

organisation largement décentralisée, juxtaposant des institutions politiques et des mécanismes conventionnels sans vision systémique sinon sans cohérence idéologique »635.

Pour donner quelques exemples d'utilisation de ces conventions, dans des matières « innovantes », la Cour EDH a pu s’appuyer sur la Convention d'Oviedo pour statuer sur le don d'embryon humains à la recherche scientifique636. La juridiction a d'ailleurs conclu que

la législation italienne en cause qui interdit ce don, ne violait pas la Convention EDH en raison d'une large marge d'appréciation au profit des États sur cette problématique. Il en va de même avec la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme du 16 mai 2005, citée dans l'affaire Michaud c/ France de 2013637, pour démontrer la convergence des instruments

européens et internationaux, au sujet d'une directive de l'Union européenne mise en cause. La Convention européenne sur l’immunité des États de 1972 était également au cœur de certains arrêts638 ou encore la Convention pour la protection des personnes à l'égard du

traitement automatisé des données à caractère personnel qui a inspiré la Cour sur la prise en compte d'activités professionnelles ou commerciales dans la notion de vie privée de l'article 8 de la Convention EDH639. Plus souvent encore que la Cour EDH, c'est le juge Pinto de

Albuquerque qui mobilise les sources conventionnelles dans ses opinions séparées souvent concordantes640.

633 Ainsi, le lien avec les droits fondamentaux est moins évident dans les conventions suivantes : la Convention

sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales de 1986, la Convention européenne sur la coproduction cinématographique de 1992 ou encore la Convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel de 2001.

634 J.-F. FLAUSS, « Le droit du Conseil de l'Europe dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de

l'homme », in Au carrefour des droits, Mélanges en l'honneur de Louis Dubouis, Dalloz, Paris, 2002, p. 51.

635 E. DECAUX, « La question de la typologie des droits de l'homme au sein du Conseil de l'Europe », in Classer les droits de l'homme, E. BRIBOSIA et L. HENNEBEL (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 298. 636 Cour EDH, Gde chbr., 27 août 2015, Parillo c/ Italie, req. n° 46470/11, voir les points 181 et 182. Il faut

préciser que l'article 29 de la Convention d'Oviedo permet à la Cour EDH d'être saisie pour des avis consultatifs par les parties à cette Convention.

637 Cour EDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, req. n° 12323/11.

638 Voir par exemple Cour EDH, Gde chbr., 21 novembre 2001, McElhinney c/ Irlande, req. n° 31253/96. 639 Cour EDH, Gde chbr., 16 février 2000, Amann c/ Suisse, req. n° 27798/95.

640 Voir pour la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité les opinions concordantes sous les

arrêts suivants : Cour EDH, Gde chbr., 12 novembre 2013, Söderman c/ Suède, req. n° 5786/08 et Cour EDH, Gde chbr., 17 juillet 2014, Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c/

Roumanie, req. n° 47848/08. Pour la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre

La juridiction des droits de l’homme se tourne également vers les autres organes de suivi rattachés au Conseil de l'Europe. Un rapport de 2010 de la direction générale des droits de l'homme et des affaires juridiques du Conseil de l'Europe641 permet de recenser les

mécanismes et organes de contrôle qui sont au nombre de dix. Six organes issus de conventions ou de résolution : la Convention EDH et la Cour EDH, la Charte sociale européenne642 et le Comité EDS, la Convention européenne de prévention de la torture643 et

son Comité, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales644 et son Comité

consultatif, la résolution de 2002 et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)645 et la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains646

accompagnée d’un Groupe d’experts (GRETA). Il faut ajouter depuis le Groupe d’experts sur la lutte contre les violences faites aux femmes (GREVIO) issu de la Convention d’Istanbul647. Les autres sont des entités directement rattachées au Conseil de l'Europe : le

Commissaire aux droits de l'homme, le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) et le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL). Ainsi, la Cour EDH s'est souvent appuyée sur le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants648, sur le comité consultatif de la Convention cadre pour la protection des

minorités nationales649 ou sur le Comité EDS650.

Enfin, la Cour EDH fait également appel aux normes de soft law du Conseil de

Lithuania, req. n° 33234/07.

641 Rapport intitulé « L'impact réel des mécanismes de suivi du Conseil de l'Europe, pour l'amélioration du

respect des droits de l'Homme et de la prééminence du droit dans les États membres », H/Inf (2010), Direction générale des droits de l'Homme et des affaires juridiques du Conseil de l'Europe.

642 Charte sociale européenne, 18 octobre 1961, STE n° 35 révisée le 3 mai 1996, STE n° 163.

643 Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou

dégradants du 26 novembre 1987, STE n° 126.

644 Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du 1er février 1995, STE n° 157.

645 Résolution RES(2002)8 du Comité des ministres du 13 juin 2002 relative au statut de la Commission

européenne de lutte contre le racisme et l’intolérance.

646 Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005, STE n°

197.

647 Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et

la violence domestique du 11 mai 2011, STE n° 210.

648 Notamment Cour EDH, Gde chbr., 9 juillet 2013, Vinter e. a. c/ Royaume-Uni, req. n° 66069/09, 130/10 et

3896/10, point 116 et Cour EDH, Gde chbr., 27 juin 2000, Salman c/ Turquie, req. n° 21986/93, point 113.

649 Cour EDH, Gde chbr., 16 mars 2010, Oršuš et autres c/ Croatie, req. n° 15766/03.

650 Cour EDH, Gde chbr., 11 janvier 2006, Sørensen et Rasmussen c/ Danemark, req. n° 52562/99 et 52620/99,

l'Europe à partir des années 1990651, à savoir les textes de l'Assemblée parlementaire ou du

Comité des ministres, notamment des recommandations ou des résolutions. L'utilisation de ces sources endogènes rejoint en réalité « un mouvement d'ensemble qui traverse le droit

international des droits de l'homme, à savoir la multiplication des références au/et des renvois d'un instrument ou d'un système de protection à l'autre »652 et qui s'apparente à une

méthode d'interprétation comparatiste, voire à une politique jurisprudentielle653 en raison des

choix opérés dans les textes appliqués. Cette méthode s’insère aux côtés de celles déjà évoquées, telle que l’interprétation téléologique qui reste la plus importante.

Les deux juridictions privilégient l'interprétation téléologique, permettant une certaine émancipation des juges, même si la technique n'est pas sans critique, concernant sa potentielle subjectivité654. Un véritable lien existe entre une technique d'interprétation et la

direction que prennent les juges, la politique qu'ils mènent. D'ailleurs, au niveau de la Cour EDH il y a une « invitation quasi-structurelle à la politique jurisprudentielle »655, en raison

de l'absence de législateur. Plus largement, les débats autour des techniques d'interprétation invitent à réfléchir au rôle du juge dans les sociétés démocratiques656 . L'approche

téléologique est un choix assumé des juges européens qui leur permet d'opter pour une direction précise en respectant le but et le contexte de leurs traités.

La question est ensuite de déterminer si cette direction choisie est la même pour chacun des juges, s'ils se rejoignent par ce biais. Les rapports entre les deux juridictions « reposent encore aujourd'hui sur un fondement volontaire puisqu'aucun texte n'oblige

juridiquement la Cour de justice à appliquer le droit de la Convention européenne et la Cour

651 J.-F. FLAUSS, « Le droit du Conseil de l’Europe dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de

l’homme », in Au carrefour des droits. Mélanges en l’honneur de Louis Dubouis, Dalloz, Paris, 2002, p. 57.

652 J.-F. FLAUSS, « Le droit du Conseil de l'Europe dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de

l'homme », in Au carrefour des droits, Mélanges en l'honneur de Louis Dubouis, Dalloz, Paris, 2002, p. 59.

653 Ibid., p. 63. Pour certains, l’expression de politique jurisprudentielle est un pléonasme, la jurisprudence

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