• Aucun résultat trouvé

Problématique de la thèse

B. Droits fondamentaux, droits de l’homme, libertés fondamentales et libertés publiques

V. Problématique de la thèse

Il est certain que les droits fondamentaux représentent un instrument privilégié pour le dialogue entre les ordres juridiques et que leur importance implique un certain dépassement de leur statut formel dans l’ordre juridique duquel ils émanent. Dans le cadre des deux organisations européennes, les droits fondamentaux se recoupent, en partie au moins, par différentes méthodes : comme par exemple les principes généraux du droit, le mécanisme des droits correspondants, les clauses de déconnexion, autant de possibilité qui créent des ponts entre les deux ordres juridiques européens au niveau des droits fondamentaux. « Là où l’univers juridique est traditionnellement segmenté, structuré par

quelques clivages fondamentaux, au premier rang desquels ceux qui séparent les systèmes juridiques étatiques les uns des autres et ceux qui séparent l’international de l’étatique, nous sommes entrés dans une ère d’interconnexion, d’interpénétration, verticale et horizontale, des systèmes »140. Cette interconnexion est formalisée par les instruments cités mais apparaît

de façon spontanée également, lors de contentieux.

La thèse analyse les ponts entre les deux organisations européennes en les considérant comme autant de signes de l’existence d’un système, dont il faut découvrir les règles, qui aurait dépassé les considérations initiales des États membres des deux organisations, depuis leur création. C’est ainsi le cas des relations entre les deux juridictions européennes, « ces rapports ont donc été établis sur un fondement volontaire ne reposant

sur aucune obligation juridique »141. Ces juridictions européennes ont en quelque sorte pris

139 G. DRAGO, « Les droits fondamentaux entre juge administratif et juges constitutionnels et européens », Droit administratif, 2004, n° 6, étude 11.

140 J.-B. AUBY, « Repenser le droit à l’aune de la globalisation juridique ? », Traité des rapports entre ordres juridiques, B. BONNET (dir.), LGDJ, Issy-les-Moulineaux, 2016, p. 261.

141 D. DERO-BUGNY, p. 14. Il faut également mentionner des avis divergents sur cet aspect : R. LIBCHABER, L'ordre juridique et le discours du droit. Essai sur les limites de la connaissance du droit, LGDJ, Paris,

le relai des États en matière de prise de décision en jouant un rôle central dans la réalisation du système européen de protection des droits fondamentaux. « Un ordre juridique global

s’est développé avec une rapidité exceptionnelle, qui porte tant sur le nombre et sur l’extension de ses organes que sur le développement des institutions caractéristiques des ordres juridiques internes […] dans quelle mesure les États sont-ils encore les protagonistes de l’ordre juridique global qui se superpose comme un second niveau dans une hiérarchie de pouvoirs publics ? »142. Sans prétendre répondre directement à cette question, l’idée est

de se pencher sur les règles qui permettent un fonctionnement harmonieux au sein du système européen de protection des droits fondamentaux, puisque malgré quelques tensions143, l’ensemble fonctionne suffisamment bien pour ne pas nécessiter de formalisation

des liens.

En raison de l’importance des règles matérielles comprises dans le système, l’objectif est de « tenter d'ordonner quelque peu ce matériau foisonnant et d'y apporter quelque fugace

lumière. Et si on décidait de relever ce défi, au moins aurait-on appris la modestie et se garderait-on de toute ambition démesurée »144 . Des choix ont donc été faits au vu de la

dimension de l’entreprise, notamment en termes de droits substantiels à aborder. Ainsi, sans qu’il s’agisse d’une approche strictement institutionnelle, les droits matériellement protégés ne sont pas abordés exhaustivement. « De la multiplicité des ordres juridiques dont la

compétence peut s’exercer sur une situation de fait typique découle la relativité des solutions »145, relativité tenant notamment au fait que l’ordre juridique français est privilégié

lorsque sont considérés les rapports entre le niveau européen et le niveau national.

2013, p. 254 : « À l'évidence, le droit international moderne est un droit des États, qui en sont les sujets

premiers et incontestables. Même si certaines constructions ont prôné un droit qui dépasserait les États – un droit international qui, en retour, serait au principe de leur existence –, force est de constater que l'entente entre les États demeure la donnée de base d'un ordre supranational éventuel ».

142 S. CASSESE, « La globalisation du droit », La conscience des droits, mélanges en l’honneur de Jean-Paul Costa, Dalloz, Paris, p. 111.

143 Voir, par exemple, la question de la prise en compte du domicile d’une société au titre de la protection de

vie privée entre la Cour de justice et la Cour EDH : Cour EDH, 16 décembre 1992, Niemietz c/ Allemagne,

req. n° 13710/88 et CJCE, 22 octobre 2002, Roquette frères SA, aff. C-94/00, Rec. p. I-9011 ; le débat sur

le droit des votes des prisonniers pour illustrer une divergence entre la Cour EDH et des juridictions nationales, en l’occurrence britanniques : Cour EDH, Gde chbr., 6 octobre 2005, Hirst c/ Royaume-Uni,

req. n° 74025/01 et enfin entre la Cour de justice et la juridiction constitutionnelle espagnole : CJUE, Gde

chbr., 26 février 2013, Melloni, aff. C-399/11, ECLI:EU:C:2013:107.

144 F. OST, Dire le droit, faire justice, Bruylant, Bruxelles, 2e éd., 2012, p. VIII. 145 F. RIGAUX, La loi des juges, Odile Jacob, Paris, 1997, p. 23

Les règles du système qui sont proposées, principe de subsidiarité, de proportionnalité et de sécurité juridique répondent à la problématique posée : qu’apporte la considération systémique des relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ?

« En effet, plusieurs systèmes juridiques cohabitent, souvent se chevauchent, parfois se

contredisent, sans que les doublons, les tensions ou les antinomies éventuelles puissent se résoudre de manière simple en l’absence de règle de conflit de type fédéral »146.

Afin de pleinement comprendre la dimension du système européen de protection des droits fondamentaux, l’apport de la considération systémique, il est nécessaire dans un premier temps de l’identifier précisément en prenant en compte les éventuels obstacles à sa reconnaissance (Partie 1). Dans un second temps, une fois le cadre du système européen de protection des droits fondamentaux définit, il est possible de s’intéresser à ses effets, tant sur les ordres juridiques nationaux que sur les deux ordres juridiques européens (Partie 2).

Partie 1. L’identification du système européen de

Outline

Documents relatifs