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La politique jurisprudentielle de la Cour : de l'avis 2/94 à l'avis 2/

Section 2. La connexion établie entre les deux ordres juridiques européens : l'émergence du système

B. La politique jurisprudentielle de la Cour : de l'avis 2/94 à l'avis 2/

18 ans séparent les deux avis de la Cour de justice, mais l'état d'esprit reste inchangé, malgré des circonstances différentes. L’argument principal de la juridiction pour justifier le rejet du projet d'accord d'adhésion en 2014, ou de l'idée de l'adhésion en 1996, est le respect de l'autonomie de l'ordre juridique de l'Union. Dès l'avis 2/94 il est relevé qu' « il est

regrettable de voir la Cour de Luxembourg adopter une attitude aussi rigide »428 et que la

Cour de justice a « a renvoyé le problème au monde politique ! »429. Ce renvoi a été entendu

puisque le traité de Lisbonne inscrit l'adhésion de l'Union à la Convention EDH comme une obligation de résultat. La décision politique ayant été engagée, la Cour de justice aurait pu suivre, ou éventuellement conditionner son accord à des réserves interprétatives430, à l'image

de la prise de position de l'avocat général dans l'avis 2/13. C'est pourtant loin d'être le cas et il semble que « la posture de la Cour de justice est délibérément politique »431, il faut donc

y déceler une volonté de politique jurisprudentielle de la part de la Cour de justice, qui reste fidèle à sa précédente position. L'avis 2/13432 apparaît comme une continuation de l'avis 2/94

427 L. SCHEECK, Le dialogue des droits fondamentaux en Europe : fédérateur de loyautés, dissolvant de résistances ?, in « L'Europe des Cours, loyautés et résistances », E. BRIBOSIA, L. SCHEECK et A.

UBEDA DE TORRES (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 19 et s.

428 S. MARCUS HELMONS, « L'Union européenne et la Convention européenne des droits de l'homme », op. cit., p. 340.

429 Ibidem.

430 Voir J. P. JACQUÉ, « L'avis 2/13 CJUE. Non à l'adhésion à la Convention européenne des droits de

l'homme ? », 26 décembre 2014, disponible sur le site <www.free-group.eu>.

431 H. LABAYLE, « La guerre des juges n'aura pas lieu. Tant mieux ? Libres propos sur l'avis 2/13 de la Cour

de justice relatif à l'adhésion de l'Union à la CEDH », 22 décembre 2014, disponible sur le site du GDR : <www.gdr-elsj.eu>.

432 Voir F. BENOÎT-ROHMER, « L'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme, un travail de

Pénélope ? », RTDE, 2015, n° 3, p. 593 ; L. BESSELINK, M. CLAES et J.-H. REESTMAN, « A Constitutional moment: Acceding to the ECHR (or not) », ECLR, 2015, n° 1, p. 2 ; I. BOSSE-PLATIÈRE

(1), qui est assez bref et comprend plus de développements sur le terrain de la recevabilité433.

Cependant, des différences sont à relever, principalement en raison d’un état d’avancement des négociations plus abouti dans l’avis 2/13 (2).

1. Une politique jurisprudentielle conservatrice : les points communs entre les avis

Le premier des points communs entre ces deux avis est évidemment le retour négatif de la Cour de justice qui n'accepte pas l'adhésion de l'Union à la Convention EDH. Ensuite, la protection de l'autonomie de l'ordre juridique, la reconnaissance du rôle de protection des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'importance constitutionnelle d'une telle adhésion sont trois axes présents dans les avis 2/94 et 2/13.

La Cour de justice semble être conservatrice dans la mesure où elle ne souhaite pas se dessaisir de son rôle, évidemment primordial, d’ultime interprète des normes de l'Union européenne. Ce rôle s’accompagne de la défense de l'autonomie de l'ordre juridique de l'Union, tel que prévu par le protocole n° 8 annexé au traité de Lisbonne434, sur lequel la

Cour de justice s’appuie dans son avis 2/13 de 2014435. L'avis 2/94 de 1996 est plus bref

et A. HERVÉ, « La CJUE juge le projet d'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'homme incompatible avec les traités : quelques réflexions concernant l'action extérieure de l'UE », RTDE, 2015, n° 5, p. 220 ; F. CHALTIEL TERRAL, « L'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne est-elle impossible ? », LPA, 2015, n° 105, p. 6 ; H. GAUDIN, « Si proches, si lointaines … L’Union européenne face à la convention européenne des droits de l’homme », AJDA, 2015, n° 19, p. 1079 ; J. P. JACQUÉ, « Pride and/or prejudice ? Les lectures possibles de l’avis 2/13 de la Cour de justice »,

CDE, 2015, n° 1, p. 19 ; H. LABAYLE et F. SUDRE, « L’avis de la Cour de Justice sur l’adhésion de

l’Union Européenne à la Convention européenne des droits de l’homme : pavane pour une adhésion défunte ? », RFDA, 2015, n° 1, p. 3 ; I. PERNICE, « L'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme est suspendue », CDE, 2015, n° 1, p. 45 ; C. PICHERAL, « Des réponses potentielles de la Cour européenne des droits de l'homme à l'avis 2/13 », RUE, 2016, p. 426 ; F. PICOD, « La Cour de justice a dit non à l'adhésion de l'Union européenne à la Convention EDH. Le mieux est l'ennemi du bien, selon les sages du plateau de Kirchberg », JCP G, n° 6, 9 février 2015, p. 230 ; J. RIDEAU, « L’incompatibilité du projet d’adhésion de l’Union européenne à la Convention EDH au regard de la PESC. « Les sages se rebiffent », RAE, 2015, n° 1, p. 29 ; D. SIMON, « Deuxième (ou second et dernier ?) coup d’arrêt à l’adhésion de l’Union à la CEDH : étrange avis 2/13 », Europe, février 2015, n° 2, p. 4 ; D.

SZYMCZAK, « L’avis 2/13 du 18 décembre 2014 : de l’art d’être contre-productif », RAE, 2015, n° 1, pp. 11-18.

433 Voir O. DE SCHUTTER et Y. LEJEUNE, « L'adhésion de la Communauté à la Convention européenne des

droits de l'homme. À propos de l'avis 2/94 de la Cour de justice des Communautés », CDE, 1996, p. 555.

434 Ce qui peut justifier la position de la Cour : J. P. JACQUÉ, « L'avis 2/13 CJUE. Non à l'adhésion à la

Convention européenne des droits de l'homme ? », 26 décembre 2014, disponible sur le site <www.free- group.eu>, « on ne saurait reprocher à la Cour de vouloir préserver les spécificités de l’ordre juridique de

l’Union, d’autant plus que le protocole n°8 relatif à l’article 6 l’invitait à suivre cette voie ».

435 CJUE, Ass. plén., 18 décembre 2014, Adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Avis 2/13, op.cit., points 170, 174, 176,

dans ses développements, car la demande vise la possibilité générale d'adhésion de l'Union à la Convention EDH sans modalités concrètes à étudier. Néanmoins, dans les questions au stade de l'appréciation de recevabilité de la demande d'avis, la Cour avance que lorsque ces modalités seront disponibles, il lui faudra les examiner à l'aune des dispositions relatives à sa compétence. L'idée d'un contrôle externe ne semble pas du goût de la juridiction de l'Union, comme l'avis 2/13 le confirme. La Cour de justice refuse qu'on lui impose « une

interprétation déterminée des règles du droit de l’Union »436 car c’est la juridiction

compétente pour assurer une interprétation uniforme des règles de l'Union européenne. Cependant, c'est bien pour cela que l'implication préalable est prévue dans le projet d’accord d’adhésion, afin que la Cour de justice donne son interprétation de la règle. De plus, lorsque la Cour EDH statuera, son interprétation ne concernera que la protection des droits fondamentaux437. Ainsi, la juridiction des droits de l'homme appréciera effectivement l'ordre

juridique de l'Union, mais strictement, afin de déterminer si celui-ci est compatible avec les droits fondamentaux. L'idée d'un contrôle externe avait d'ailleurs été admise, de façon générale, dans l'avis 1/09 relatif à une juridiction des brevets438 : « la compétence de l’Union

en matière de relations internationales et sa capacité à conclure des accords internationaux comportent nécessairement la faculté de se soumettre aux décisions d’une juridiction créée ou désignée en vertu de tels accords, pour ce qui concerne l’interprétation et l’application de leurs dispositions »439. Ce qui est déterminant pour la Cour dans l'avis 1/09, c'est que la

future juridiction serait amenée à interpréter le règlement relatif aux brevets, c'est-à-dire qu'une juridiction externe se prononcerait sur une norme de l'Union, affectant l'autonomie de l'ordre juridique. Toutefois, le projet a été revu à la suite du refus de la Cour de justice,

juridique communautaire », voir O. DE SCHUTTER et Y. LEJEUNE, « L'adhésion de la Communauté à la

Convention européenne des droits de l'homme. À propos de l'avis 2/94 de la Cour de justice des Communautés », op. cit., spéc. p. 585.

436 CJUE, Ass. plén., 18 décembre 2014, Adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Avis 2/13, op.cit., point 184. Pourtant,

« dans l'avis 1/91 du 14 décembre 1991, la Cour avait déjà accepté que la Communauté se soumette à un

mécanisme juridictionnel institué par un accord international, à condition que cette juridiction se limite à interpréter et à appliquer cet accord et ne mette pas en cause l'autonomie de l'ordre juridique communautaire », voir S. MARCUS-HELMONS, « L'Union européenne et la Convention européenne des

droits de l'homme », op. cit., p. 340.

437 Voir notamment S. MATHIEU, « L'adhésion de la Communauté à la CEDH : un problème de compétence

ou un problème de soumission ? », RMCUE, 1998, spéc. p. 34, l'auteur se demande « Mais adhérer à la

CEDH, reviendrait-il à octroyer à la Cour de Strasbourg le pouvoir d'interpréter le droit communautaire ? Cela, nous ne le croyons pas ».

438 CJUE, Ass. plén., 8 mars 2011, Création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets,

Avis 1/09, Rec. p. I-01137.

notamment en incluant davantage de liens entre la juridiction de l'Union et la juridiction unifiée des brevets440. Le traité instituant une juridiction unifiée des brevets a été adopté à la

suite de ces modifications, mais les institutions de l'Union n'ont pas estimé nécessaire de saisir à nouveau la Cour de justice sur le projet.

Dans l’avis 2/94, la Cour de justice rappelle son rôle dans la protection des droits fondamentaux grâce aux principes généraux du droit de l'Union441. Dans l'avis 2/13, la Cour

de justice oppose son rôle de gardienne des droits fondamentaux avec l'appui de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. La juridiction de l'Union estime ainsi que l'article 53 de la Convention EDH, qui est une application du principe de subsidiarité, doit jouer en sa faveur442. En effet, cet article énonce qu’ « aucune des dispositions de la présente

Convention ne sera interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales qui pourraient être reconnus conformément aux lois de toute Partie contractante ou à̀ toute autre Convention à laquelle cette Partie contractante est partie ». La Cour de justice indique qu'il faudrait organiser précisément la coordination entre

cet article de la Convention et son pendant, l'article 53 de la Charte des droits fondamentaux qui propose la même idée. Si le niveau de protection national, qui prend notamment en compte l'application de la Convention EDH, est plus élevé, il doit être appliqué. La Convention EDH ne doit pas remplacer la protection nationale d'un niveau déjà élevé mais seulement pallier certaines carences. Dans cette logique, si l'Union garantit un niveau plus élevé de protection, ce qui reste à prouver puisque la Charte est un texte certes complet mais figé et dont les dispositions doivent de toute façon être lues en correspondance avec celles de la Convention EDH, la Cour EDH ne statuerait pas. Il semble néanmoins que l'article 53 de la Convention EDH ait rarement été appliqué directement devant la Cour EDH, puisqu'il s'agit justement d'agir de façon subsidiaire443. En revanche, la Cour de justice ne donne pas

la même interprétation de l'article 53 de la Charte puisque dans un arrêt Melloni de 2013444,

440 Voir par exemple l'article 38 de l'Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet du 11 janvier 2013,

disponible sur <www.epo.org>.

441 CJCE, 28 mars 1996, Avis sur l'adhésion de la Communauté à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Avis 2/94, préc., point 33.

442 CJUE, Ass. plén., 18 décembre 2014, Adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Avis 2/13, préc., point 189.

443 Voir par exemple Cour EDH, 12 juillet 2005, Okyay e. a. c/ Turquie, req. n° 36220/97.

444 CJUE, Gde chbr., 26 février 2013, Stefano Melloni c/ Ministerio fiscal, aff. C-399/11, ECLI:EU:C:2013:107,

points 59 et 60. Voir à ce sujet : D. RITLENG, « De l'articulation des systèmes de protection des droits fondamentaux dans l'Union », RTDE, 2013, n° 2, p. 267 : « En permettant à un État membre de faire

la Cour de justice estime que cet article doit être considéré en rapport avec le principe de primauté du droit de l'Union. Autrement dit, avec l'interprétation donnée dans Melloni, la Cour de justice indique que les États ne peuvent pas écarter une norme de l'Union au profit de leur système national s'ils estiment que le niveau de protection des droits fondamentaux accordé par l'Union est trop faible, en raison du principe de primauté. Ces deux articles 53 n'ont donc pas la même portée dans la Convention EDH et dans la Charte, la Convention privilégiant la subsidiarité, la Charte telle qu'interprétée par la Cour de justice, donnant priorité à la primauté. Ainsi, ce rôle de protection des droits fondamentaux revendiqué par la Cour de justice n'a pas la même portée que dans le cas de la Cour EDH.

L'avis 2/94 et 2/13 se rejoignent également sur l'importance de l'adhésion car celle- ci entraînerait une « modification du régime de la protection des droits de l'homme dans la

Communauté, dont les implications institutionnelles seraient également fondamentales tant pour la Communauté que pour les États membres, revêtirait une envergure constitutionnelle »445. Cet aspect constitutionnel a régulièrement été souligné, en raison du

débat qui encadre la nature juridico-politique de l'Union. La Cour de justice l'évoque à nouveau dans l'avis 2/13, alors que le terme connaît peu d’occurrences dans la jurisprudence de l'Union depuis 1996, en évoquant notamment le « cadre constitutionnel »446 de l'Union.

Les droits fondamentaux revêtent en général une importance particulière au sein des normes constitutionnelles d'un État et un rôle majeur dans les idées qu'un État défend. Cette place primordiale de la « constitution sociale »447 explique également la réticence des États

membres de l'Union à attribuer à l'organisation trop de pouvoirs dans ce domaine. Néanmoins, l'adhésion a été autorisée par l'ensemble des États membres avec la révision des traités448, et ceux-ci ont activement participé à la détermination des modalités d'adhésion449.

respecteraient pas les droits fondamentaux garantis par la Constitution de cet État, il porterait, en effet, atteinte au principe de primauté du droit de l'Union, dont la Cour rappelle avec une fermeté dont elle n'était plus coutumière l'importance et la portée » ; ainsi que J. P. JACQUÉ, « L'avis 2/13 CJUE. Non à l'adhésion

à la Convention européenne des droits de l'homme ? », publié le 26 décembre 2014 sur le site <www.free- group.eu>.

445 CJCE, 28 mars 1996, Avis sur l'adhésion de la Communauté à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Avis 2/94, op. cit., point 35.

446 CJUE, Ass. plén., 18 décembre 2014, Adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Avis 2/13, op. cit., point 177.

447 M. HAURIOU, Précis de droit constitutionnel, Librairie du Recueil Sirey, Paris, 1929, p. 338.

448 H. LABAYLE, « La guerre des juges n'aura pas lieu. Tant mieux ? Libres propos sur l'avis 2/13 de la Cour

de justice relatif à l'adhésion de l'Union à la CEDH », op. cit., qui soulève que la position des États membres est rarement mise en relief dans l'avis 2/13.

Certains points restent similaires d'un avis à l'autre, malgré les modifications des traités et l'objet différents de ces avis. Dans un cas, c'est l'adhésion qui est en cause, dans l’autre, ce sont les modalités d'adhésion qui sont étudiées. Dans chacun des avis, la problématique de la compétence-habilitation de l'Union ressort450, en 1996 pour adhérer et

en 2014 en raison du mécanisme de codéfense et de son impact sur la répartition des compétences. En effet, les modalités d'adhésion prévoient la possibilité de mettre côté à côte l’Union et les États membres pour défendre une affaire. Cependant, c'est à la Cour EDH que revient la décision d'autoriser une codéfense ou de maintenir une défense unique, selon l'article 3 § 5 du projet d'accord. La Cour de justice considère dans l'avis 2/13 que ce pouvoir de la Cour EDH lui permet d'interpréter et d'intervenir dans la répartition des compétences, prévue dans les traités451. Cette position est défendable, mais l'article 3 § 5 du projet d'accord

précise que « la Cour consulte toutes les parties à la procédure », ce qui permettrait à l'Union ou aux États membres de rappeler à la Cour EDH le fonctionnement de la répartition des compétences au sein de l'Union.

Le protectionnisme de la Cour de justice, qui s’exprime par sa volonté de défendre son ordre juridique452 , est clairement un point commun entre les deux avis, qui amène

d'ailleurs la Cour à estimer en 2014 que « l’Union est dotée d’un ordre juridique d’un genre

nouveau, ayant une nature qui lui est spécifique, un cadre constitutionnel et des principes fondateurs qui lui sont propres, une structure institutionnelle particulièrement élaborée ainsi qu’un ensemble complet de règles juridiques qui en assurent le fonctionnement »453 . La

différence principale entre les deux avis, porte sur les détails encadrant l'adhésion qui n'existaient pas en 1996.

négociations d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme », op. cit., spéc. p. 339.

450 La question se pose déjà après l'avis 2/94, notamment sur la détermination de la personne responsable en

cas de violation, voir S. MATHIEU, « L'adhésion de la Communauté à la CEDH : un problème de compétence ou un problème de soumission ? », RMCUE, 1998, spéc. p. 34.

451 CJUE, Ass. plén., 18 décembre 2014, Adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Avis 2/13, op. cit., points 224 à 235. 452 R. TINIÈRE, « La Cour de justice de l’Union européenne et la globalisation des sources de protection des

droits fondamentaux », Les droits de l’homme à la croisée des droits. Mélanges en l’honneur de Frédéric

Sudre, LexisNexis, Paris, 2018, p. 786. 453 Ibid., point 158.

2. Une politique jurisprudentielle évolutive : les divergences entre les avis

En 18 années, la question de la protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne a évolué. D'une part, les États membres ont souhaité une adhésion en prévoyant une base juridique spécifique pour cette question, l'article 6 § 2 TUE, d'autre part, les juridictions européennes se sont fréquemment rencontrées afin d'établir un dialogue, ou, pour le dire de façon métaphorique, une « passerelle » entre les deux organisations européennes.

La principale évolution est qu’au moment où l'avis est rendu, le traité prévoit l'adhésion de l'Union à la Convention EDH par le biais d'une disposition spécifique insérée dans le traité de Lisbonne. L'avis 2/94 se concentre sur la possibilité d'utiliser l'article 235 TCE454 , qui offrait une possibilité d'action de l'Union, quand celle-ci apparaissait

« nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la

Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet ».

La Cour de justice a conclu que la « dimension constitutionnelle »455 d'une telle adhésion,

en raison de l'insertion d'un contrôle externe, ne permettait pas d'utiliser cette clause de flexibilité. En revanche, il semble que les droits fondamentaux puissent être garantis par le biais de cet article, comme en témoigne l'adoption de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union sur cette base juridique, ainsi que l'accord de coopération entre l'Union et le Conseil de l'Europe sur la création de cette Agence456. La création d'une base spécifique au sein de

l'article 6 § 2 TUE constitue un fondement solide, qui ne peut pas être remis en question.

Un autre changement de circonstances à relever entre les avis 2/94 et 2/13 concerne la multiplication des rencontres informelles entre les juges des deux juridictions, aboutissant

454 Devenu l’article 308 TCE avec le traité d’Amsterdam et 352 TFUE avec le traité de Lisbonne. Voir

notamment V. CONSTANTINESCO, Note sous CJCE, 28 mars 1996, Avis 2/94, JDI, 1997, p. 516.

455 Pour une critique de l'utilisation du terme constitutionnel voir O. DE SCHUTTER et Y. LEJEUNE,

« L'adhésion de la Communauté à la Convention européenne des droits de l'homme. À propos de l'avis 2/94

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