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Les limites de la présomption de protection équivalente

Section 2. La connexion établie entre les deux ordres juridiques européens : l'émergence du système

B. Les limites de la présomption de protection équivalente

Lorsque la Cour EDH dégage la présomption de protection équivalente elle est notamment saluée pour avoir proposé une solution pacifiant les relations entre les deux juridictions européennes, permettant à chacune des juridictions de s'exprimer de façon

361 F. BENOÎT-ROHMER, « Bienvenue aux enfants de Bosphorus : la Cour européenne des droits de l'homme

et les organisations internationales », RTDH, 2010, n° 81, p. 19.

362 Cour EDH, 26 novembre 2013, Al-Dulimi et Montana Management Inc c/ Suisse, req n° 5809/08, point 116.

L’arrêt rendu en Grande chambre ne reprend ensuite pas ces débats : Cour EDH, Gde chbr., 21 juin 2016,

Al-Dulimi c/ Suisse, req. n° 5809/08.

363 V. CONSTANTINESCO, « C'est comme si c'était fait ? (Observations à propos de l'arrêt de la Cour

européenne des droits de l'homme [Grande chambre] Bosphorus Airlines, du 30 juin 2005) », CDE, 2005, p. 363, l'auteur se pose déjà la question de la pertinence d'une telle présomption.

autonome, dans l’attente d’une éventuelle adhésion de l’Union à la Convention EDH364 .

Cependant, la pertinence de cette présomption et son maintien à long terme ne vont pas de soi, y compris dans le cadre du système européen de protection des droits fondamentaux. Dans un premier temps, le critère de l’insuffisance manifeste permettant de renverser la présomption ne semble pas être utilisé (1), dans un second temps, la présomption est en pratique souvent écartée pour un retour à la responsabilité des États (2).

1. Le renversement de la présomption par la preuve d'une insuffisance manifeste

En reconnaissant une présomption de protection équivalente à l'Union européenne, et depuis à d'autres organisations internationales, la Cour EDH prévoit également une possibilité de renverser cette présomption simple, par la preuve de l'existence d'une insuffisance manifeste. Néanmoins, la jurisprudence de la Cour EDH ne fournit pas d'exemple d'un tel renversement dans le cadre de l’Union européenne.

Le modèle en matière de présomption de protection équivalente reste la décision So

Lange de la juridiction constitutionnelle allemande365, qui avait dans un premier arrêt estimé

que l'équivalence ne pourrait pas être établie aussi longtemps que l'Union ne se dotait pas d'un « catalogue codifié des droits fondamentaux, dont le contenu serait aussi éprouvé et

aussi peu ambigu pour l'avenir que celui contenu dans la Loi fondamentale »366. Avec le

développement de la jurisprudence relative aux PGD, la juridiction reconnaît l'équivalence et précise dans sa décision So Lange II367 que la protection nationale reprendra le dessus si

le requérant peut établir que le niveau global de la protection par l'Union est inférieur à celui constaté précédemment dans So Lange I. La preuve est ainsi supportée par le requérant. De son côté, la Cour constitutionnelle italienne pose une réserve, ou une possibilité de renverser la présomption « pour ce qui concerne les principes fondamentaux de notre ordre interne et

les droits inaliénables de la personne humaine »368. La Cour EDH prend également soin de

364 F. BENOÎT-ROHMER, « À propos de l’arrêt Bosphorus Air Lines du 30 juin 2005 : l’adhésion contrainte

de l’Union à la Convention », RTDH, 2005, n° 64, p. 829.

365 So Lange de la Cour constitutionnelle allemande du 29 mai 1974, CDE., 1975, n° 149 s., note G. COHEN-

JONATHAN.

366 M. DARMON, « La prise en compte des droits fondamentaux par la Cour de justice des Communautés

européennes », RCS, 1995, p. 23.

367 Bundesverfassungsgericht, 22 octobre 1986, So Lange II, BverfGe 73, 339 (1986).

368 J. P. JACQUÉ, « L'arrêt Bosphorus, une jurisprudence « Solange II » de la Cour européenne des droits de

préciser dans l'arrêt Bosphorus que la présomption de protection équivalente peut être renversée si « l'on estime que la protection des droits garantis par la Convention était

entachée d'une insuffisance manifeste »369. En cas de renversement de la présomption, c'est

l'État mis en cause par le requérant qui risque d'être condamné pour une violation de la Convention EDH. C'est une façon pour la Cour EDH de démontrer que la reconnaissance de la présomption n'équivaut pas à donner un blanc-seing à l'Union européenne et que la présomption n'est pas irréfragable370.

Néanmoins, en pratique, la jurisprudence de la Cour EDH ne contient que peu, voire pas, d'exemples de renversement de la présomption. Cette rareté rend forcément délicate la démonstration de l'insuffisance manifeste de protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne par un requérant. Dans sa décision d'irrecevabilité Gasparini c/ Italie et

Belgique de 2009371, la Cour EDH précise la portée de l'insuffisance manifeste en suggérant,

mais au sujet de l'organe de règlement des différends de l'OTAN, que la vérification est « nécessairement moins ample que le contrôle qu'elle exerce au regard de l'article 6 [de la Convention EDH] sur les procédures devant les juridictions internes des États membres de

la Convention, lesquels se sont obligés à en respecter les dispositions »372. Dans le cadre de

l'OTAN, l'insuffisance manifeste serait prouvée en cas de mauvaise foi des États parties. En effet, la Cour estime qu'il suffit que les États aient considéré de bonne foi que la Commission de recours de l'OTAN (CROTAN) respectait les conditions de l'article 6 de la Convention EDH au moment de leur adhésion pour qu'il n'y ait pas d'insuffisance manifeste, ce qui limite radicalement la possibilité d'un renversement de la présomption.

À notre connaissance, la seule affaire relative à l'Union européenne qui aurait pu s'insérer dans ce cadre aurait pu être l'arrêt Michaud c/ France de 2012373. En effet, le concept

369 Cour EDH, Gde chbr., 30 juin 2005, Bosphorus, op. cit., point 156. Voir notamment A. POTTEAU, « À

propos d'un pis-aller : la responsabilité des États membres pour l'incompatibilité du droit de l'Union avec la Convention européenne des droits de l'homme », RTDE, 2009, n° 3, p. 697.

370 J. P. JACQUÉ proposait de faire attention à cet aspect : « Without calling in question the quality of the case- law of the Court of Luxembourg, may we postulate that its rulings are infallible as far as fundamental rights are concerned, thus arriving at an irrebuttable presumption the benefit of which would not extend to domestic courts ? », voir « The Convention and the European Communities », in The European System for the Protection of Human Rights, R. St. J. MACDONALD, F. MATSCHER et H. PETZOLD (dir.),

Dordrecht-Boston-London, 1993, p. 900.

371 Cour EDH, 12 mai 2009, Gasparini c/ Italie et Belgique, req. n° 10750/03. 372 Ibidem.

373 Cour EDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, req. n° 12323/11. Pour un commentaire, voir notamment :

d'équivalence de protection est bien évoqué ainsi que le critère de renversement de la présomption. En revanche, la Cour prend soin de différencier les arrêts Bosphorus et

Michaud en relevant dans un premier temps que la norme en cause n'est pas la même. En

2005, la Cour EDH faisait face à un règlement, qui ne laisse pas de marge de manœuvre aux États, alors que l'affaire Michaud concerne une directive374. Cette approche différenciée peut

paraître paradoxale, la Cour semble « vouloir accorder moins facilement le bénéfice de la

présomption Bosphorus aux directives qu’aux règlements alors que, du point de vue du droit interne, les actes de transposition des directives sont les seuls à pouvoir bénéficier de l’immunité constitutionnelle sous conditions consacrée par les jurisprudences Économie

numérique du Conseil constitutionnel »375. « Ensuite et surtout », comme le formule la Cour

EDH, la différence de l'espèce concerne la garantie procédurale. Dans l’affaire Michaud, le juge national, en l'occurrence le Conseil d'État français, a refusé de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice, qui n'a donc pas pu statuer. La Cour EDH en conclut que la juridiction nationale « a statué sans que le mécanisme international pertinent de contrôle

du respect des droits fondamentaux, en principe équivalent à celui de la Convention, ait pu déployer l’intégralité de ses potentialités. Au regard de ce choix et de l’importance des enjeux en cause, la présomption de protection équivalente ne trouve pas à s’appliquer »376.

La Cour aurait pu estimer qu'il y avait là une insuffisance manifeste de protection, notamment en raison de la carence procédurale due à l'absence de renvoi préjudiciel. Or c'est cette absence de renvoi qui écarte la présomption en amont. L'opinion concordante du juge Ress à la suite de l'arrêt Bosphorus avait pourtant visé exactement ce type de situation pour renverser la présomption, à savoir un accès trop restreint à la justice. L'affaire Michaud n'est pas une application du renversement de la présomption de protection équivalente, il s'agit plutôt d'un cas où les critères qui permettent de constater l'équivalence ne sont pas présents. Ainsi, cet arrêt relève de la catégorie bien plus importante de non-application de la

le blanchiment des capitaux : quand les chemins de Luxembourg et de Strasbourg se rencontrent », RTDH, n° 96, 2013, p. 959.

374 Cour EDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, préc., point 113.

375 S. PLATON, « Le juge administratif, les directives et la CEDH : de l'art de la translation... », RDLF, 2013,

chron. n° 8, disponible sur le site : <www.revuedlf.com>.

376 Cour EDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, préc., point 115. Pour J. CALLEWAERT, il faut que la

Cour de justice ait été saisie, notamment par renvoi préjudiciel pour que la présomption de protection équivalente s'applique, voir : J. CALLEWAERT, L'adhésion de l'Union européenne à la Convention

européenne des droits de l'homme, Éditions du Conseil de l'Europe, 2013, p. 29. Voir également C.

PICHERAL, « L'application revisitée de la présomption de protection équivalente », JCP G, n° 7, 2013, p. 188 qui estime que l'existence préalable d'un renvoi préjudiciel est un nouveau critère de l'application de la présomption de protection équivalente.

présomption de protection équivalente. Le résultat est pourtant le même, la potentielle violation sera imputable à l’État, que la présomption soit renversée ou écartée. Serait-ce pour la Cour EDH une façon d’éviter de constater directement l'insuffisance manifeste ? En effet, affirmer, de façon, certes, casuistique, que l'Union européenne ne protège pas suffisamment les droits fondamentaux serait politiquement délicat.

En tout cas, la Cour EDH a plus de facilités à écarter le principe plutôt que de l'appliquer pleinement, ce qui revient à mettre en cause directement l'État partie à la Convention EDH visé initialement par la requête, et rend donc inutile la reconnaissance d'une présomption de protection équivalente.

2. L'inapplicabilité de la présomption : le retour à la responsabilité des États

Depuis l’arrêt Bosphorus, la présomption est souvent appliquée, aboutissant notamment à des décisions d’irrecevabilité pour motif de requête manifestement mal fondée377 . En revanche, la présomption n’est jamais renversée mais peut être écartée378 ,

comme dans l'arrêt Michaud, déjà évoqué. L'autre exemple frappant de mise à l'écart de la présomption est l'arrêt M.S.S c/ Belgique et Grèce de 2011379.

L’affaire M.S.S. porte sur le système européen d'asile, spécifiquement le règlement (CE) n° 343/2003380 de l'Union européenne dit « Dublin », qui concerne la détermination de

l'État en charge d'examiner une demande d'asile. En l'espèce, la Belgique transfère le demandeur en Grèce car il s'agit de l'État par lequel il est arrivé sur le territoire de l'Union. Le requérant saisit la Cour EDH pour contester le traitement réservé par les autorités grecques aux demandeurs d'asile, mais aussi pour faire constater une violation de la Convention par la Belgique, qui n'aurait pas dû transférer. S'agissant de la Grèce, la Cour

377 Voir par exemple Cour EDH, 9 décembre 2008, La société établissements Biret c/ 15 État, req. n° 13762/04

(décision d’irrecevabilité).

378 F. SUDRE, « Les ambiguïtés du contrôle du « critère de la protection équivalente » par la Cour européenne

des droits de l'homme », in L’identité du droit de l’Union européenne. Mélanges en l’honneur de Claude

Blumann, Bruylant, Bruxelles, 2015, p. 517.

379 Cour EDH, Gde chbr., 21 janvier 2011, M.S.S. c/ Belgique et Grèce, req. n° 30696/09.

380 Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de

détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, JOUE n° L 50 du 25 février 2005, remplacé par le règlement (UE) n° 604/2°13 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, JOUE n° L 180, 29 juin 2013, p. 31.

EDH agit de façon classique sans réellement se préoccuper de l'existence d'une norme de l'Union, qui en revanche prend tout son sens lorsque la Cour envisage la responsabilité de la Belgique. Il s'agit bien ici d'un règlement, une norme directement applicable qui ne nécessite pas de mesure interne de réception ni de mesure nationale d'exécution, à moins de considérer le transfert comme une mesure d'exécution. Ainsi, en respectant le règlement de l'Union, la Belgique se rend fautive d'une violation de la Convention EDH en raison des risques de mauvais traitements encourus en Grèce, contraires à l'article 3 de la Convention EDH. La Cour EDH écarte dans cet arrêt l'application de la présomption de l'arrêt Bosphorus en estimant que le principe ne s'applique pas lorsque l'État a un pouvoir d'appréciation dans l'application de la règle381. En effet, le règlement Dublin, entre-temps modifié382, comprenait

alors un article 3 permettant aux États de reprendre leurs compétences pour traiter une demande d'asile sans avoir besoin de justifier cette décision. La Cour EDH interprète le règlement de l'Union européenne en estimant qu'il s'agit d'une « clause de souveraineté »383,

terme qui n'est pas utilisé dans le texte du règlement ni dans la jurisprudence de la Cour de justice, qui préfère le terme de clause discrétionnaire. En conséquence, « la Cour considère

que la mesure litigieuse prise par les autorités belges ne relevait pas strictement des obligations juridiques internationales qui lient la Belgique et que, dès lors, la présomption de protection équivalente ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce »384.

Ainsi, la Cour EDH ouvre une brèche assez large pour la justiciabilité de faits engendrés par des normes de l'Union alors que la situation de dérogation au droit de l’Union relève toujours du droit de l’Union, selon la Cour de justice385. Quoi qu'il en soit, il est clair

que la Cour EDH n'est plus seulement compétente pour les actes nationaux d'exécution dans lesquels l'État aurait une marge d'appréciation mais également lorsque des actes de l'Union incluent directement une marge d'appréciation pour l'État. Il est également étonnant que la Cour EDH n'utilise pas l'insuffisance manifeste de protection, puisqu'en l'occurrence, le

381 Cour EDH, Gde chbr., 21 janvier 2011, M.S.S. c/ Belgique et Grèce, préc., point 338.

382 Dans le règlement n° 604/2013 « Dublin III » du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013

établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, JOUE n° L 180, p. 31 du 29 juin 2013, l'article 17 reprend cette possibilité en l'appelant « clause discrétionnaire ».

383 Cour EDH, Gde chbr., 21 janvier 2011, M.S.S. c/ Belgique et Grèce, préc., points 74 et 339. 384 Ibidem, point 340.

385 CJUE, Gde chbr., 21 décembre 2011, N.S. c/ Secretary of State for the Home Department et M. E. e.a. c/ Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, aff. jtes C-411/10 et

système Dublin souffre d'une carence en matière de protection des droits fondamentaux des demandeurs d'asile transférés386, notamment en raison d'une charge importante vers les États

méditerranéens qui accueillent en premier les ressortissants d’États tiers.

Même si cette pratique n'est pas cohérente avec la mise en place de la présomption de protection équivalente, elle permet aux justiciables de faire valoir leurs droits fondamentaux. La Cour de justice s'est d'ailleurs alignée sur la position de la Cour EDH en matière de transfert de demandeurs d'asile, bien que le fondement ait été différent387. En

revanche, s'intéresser aux dispositions du droit de l'Union en passant par les pratiques étatiques revient à admettre une adhésion de fait, voire forcée, de l'Union à la Convention EDH388, contrairement à l'idée de l'arrêt Bosphorus. Il semble toutefois que la Cour EDH se

devait d'adopter une telle position ne serait-ce que pour satisfaire ses propres exigences de pleine applicabilité de la Convention EDH sur le territoire européen, au sens de l’article 1 de la Convention EDH.

Il est enfin intéressant de se demander quelles solutions seraient possibles en l’absence de la présomption. Certains auteurs ont proposé la mise en place d'une responsabilité systématiquement collective des États membres de l'Union européenne389 ,

idée déjà évoquée pour la responsabilité générale des organisations internationales. Ainsi, au lieu de ne pas statuer sur la violation alléguée lorsque la présomption d'équivalence est appliquée, ou dans les cas similaires à la solution M.S.S., tous les États membres d'une organisation internationale seraient tenus pour responsables. La difficulté se placerait ensuite sur le terrain du suivi de l'exécution de l'arrêt par le Comité des ministres du Conseil de

386 Cour EDH, Gde chbr., 4 novembre 2014, Tarakhel c/ Suisse, req. n° 29217/12, voir le point 90

spécifiquement : « En conséquence, elle estime que la décision de renvoyer les requérants vers l’Italie ne

relève pas strictement des obligations juridiques internationales qui lient la Suisse dans le cadre du système mis en place par le règlement Dublin et que, dès lors, la présomption de protection équivalente ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce ».

387 CJUE, Gde chbr., 21 décembre 2011, N.S., préc.

388 Pour certains auteurs, l'arrêt Bosphorus est une adhésion dans les faits. Une « adhésion sans adhésion ? » se

demande V. CONSTANTINESCO, « C'est comme si c'était fait ? (Observations à propos de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [Grande chambre] Bosphorus Airlines, du 30 juin 2005) », CDE, 2005, p. 363 ; spéc. p. 375 ; une adhésion contrainte pour F. BENOÎT-ROHMER, « À propos de l'arrêt

Bosphorus Air Lines du 30 juin 2005 : l'adhésion contrainte de l'Union à la Convention », RTDH, n° 64,

2005, p. 828.

389 Voir notamment A. BULTRINI, « La responsabilité des États membres de l'Union européenne pour les

violations de la Convention européenne des droits de l'homme imputables au système communautaire »,

l'Europe. La solution ne serait donc pas entièrement viable mais éviterait de laisser des situations sans contrôle concret du respect des droits fondamentaux, spécifiquement lorsqu'il s'agit du territoire européen.

Par extension, il faut se demander si la reconnaissance d'une présomption de protection équivalente en faveur de l'Union européenne a d'ailleurs réellement modifié l'approche de la Cour EDH par rapport aux actes de l'Union européenne. Formellement c'est indéniable, mais matériellement beaucoup moins puisque certains cas auraient été déclarés irrecevables pour diverses raisons avant la reconnaissance de la présomption d'équivalence de protection et d'autres seront tout de même examinés, quand la présomption est écartée. Ainsi, l'existence de la présomption n'affecte pas les difficultés inhérentes à l'expansion normative de l'Union européenne. De plus, l'extension de la reconnaissance du principe à une série d'autres organisations internationales390 , qui ne protègent pas autant les droits

fondamentaux que l'Union européenne, remet en cause la valeur et la pertinence de la présomption.

Il est certain qu'une adhésion formelle simplifierait les rapports entre les juridictions et couperait court aux montages juridiques imaginés par la Cour EDH. Pourtant, cette solution nécessite une « démarche volontariste »391 et politique de la part des États membres

mais aussi de la Cour de justice de l'Union qui bloque régulièrement la possibilité pour l'Union, admise politiquement, d'adhérer à la Convention EDH.

390 Par exemple : CEDH, 26 novembre 2013, Al-Dulimi et Montana Management Inc c/ Suisse, préc. ; Cour

EDH, 11 juin 2013, Stichting mothers of Srebrenica e. a. c/ Pays-Bas, req. n° 65542/12 ou encore Cour EDH, Gde chbr., 12 septembre 2012, Nada c/ Suisse, req. n° 10593/08. Voir également : F. BENOÎT- ROHMER, « Bienvenue aux enfants de Bosphorus : la Cour européenne des droits de l'homme et les organisations internationales », op. cit.

391 V. CONSTANTINESCO, « C'est comme si c'était fait ? (Observations à propos de l'arrêt de la Cour

européenne des droits de l'homme [Grande chambre] Bosphorus Airlines, du 30 juin 2005) », CDE, 2005, p. 363 ; spéc. p. 376. Voir également G. COHEN-JONATHAN, « La problématique de l'adhésion des Communautés européennes à la Convention européenne des droits de l'homme », in Mélanges offerts à

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