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Les rapports de force électorau

Le Roussillon : espace périphérique et frontalier

Section 2. Les Pyrénées-Orientales aujourd’hui : portrait géopolitique

D. Les rapports de force électorau

Il est difficile de saisir une formation politique dominante en Roussillon tant les rapports de force électoraux évoluent au rythme des suffrages. Les caciques locaux (Louis Noguères, Gaston Pams, Arthur Comte, Léon-Jean Grégory… ) de la deuxième moitié du XXe siècle se positionnaient à gauche et au centre gauche. On pouvait d’ailleurs observer après-guerre une nette domination de l’extrême gauche, de la gauche et de ses composantes dans les assemblées locales ; « à droite, c’est le néant » notait François Goguel297 : en conséquence, le Conseil départemental a été présidé par des hommes de gauche de 1945 à 1982. Un changement s’opère dans les années 1980 : l’assemblée bascule vers le centre droit sous la présidence de Guy Malé (1983-1987), puis celle René Marquès (UDF, 1987-1998). C’est aussi à cette période que Paul Alduy rejoint le centre

294 MÉDARD, Jean-François. « Le rapport de clientèle, du phénomène social à l’analyse politique ». RFSP,

02/1976, p. 106.

295 Intervention au colloque « Comprendre et agir : Penser (panser ?) Perpignan », vendredi 28 mai 2010,

Éditions Trabucaire, Perpignan.

296 Ibidem.

droit et intègre dans son équipe municipale des membres du RPR. En 1998, le socialiste Christian Bourquin298 conquiert l’exécutif départemental. À la suite de son élection aux fonctions de président de la Région Languedoc-Roussillon en novembre 2010, Hermeline Malherbe lui succède ; celle-ci est réélue à la présidence de l’assemblée en avril 2015.

Durant ces trente dernières années, les quatre circonscriptions législatives des Pyrénées-Orientales ont été soumises à de multiples renouvellements : tout se passe comme si le département suivait les tendances nationales au gré des alternances présidentielles ou du contexte politique général. La poussée de la droite aux législatives de 1993 se traduit par l’élection de deux députés RPR (André Bascou et Claude Barate) et d’un député UDF (François Calvet) ; seul le candidat socialiste Henri Sicre est réélu. En 1997, l’ensemble des circonscriptions sont conquises par la gauche : Christian Bourquin, Jean Codognès et Henri Sicre sont élus pour le Parti Socialiste ; et Jean Vila pour le Parti Communiste. Nouveau basculement suite à la réélection de Jacques Chirac en 2002 : sous l’étiquette UMP, François Calvet, Arlette Franco et Daniel Mach remportent le scrutin ; Henri Sicre conserve toutefois son siège de député. Cependant, la quatrième circonscription sera remportée par la droite avec l’élection de Jacqueline Irlès en 2007 ; et les députés UMP sortants seront réélus. L’échéance de 2012 confirme encore le lien entre les rapports de force électoraux à l’échelle nationale et les élections législatives en Roussillon : le Parti Socialiste arrive en tête dans trois circonscriptions : Pierre Aylagas, Jacques Cresta et Ségolène Neuville299 sont élus ; Fernand Siré (UMP) remporte, après le retrait de la candidate du Front National, le scrutin sur la deuxième circonscription.

298 Christian Bourquin est né le 7 octobre 1954 à Saint-Féliu-d’Amont dans les Pyrénées-Orientales. Après

un passage à l’École Nationale Supérieure des Arts et Industries de Strasbourg d’où il sort diplômé, il obtient en 1977 un poste d’ingénieur territorial à la mairie de Montpellier. Alors qu’il adhère au Parti socialiste, il va progressivement devenir l’un des plus proches collaborateurs du maire Georges Frêche. En 1988, il quitte la mairie pour prendre la tête de bureau perpignanais de l’Office HLM. Son parcours professionnel prend un virage au début des années 1990, période au cours de laquelle il s’engage dans une carrière politique. Alors qu’il prend la direction de la « Fédération départementale du PS » en 1992, il essuie l’année suivante deux échecs consécutifs, l’un aux élections législatives, l’autre aux élections municipales partielles de Perpignan. Par la suite, la période qui s’ouvre est celle de son ascension politique : il devient conseiller général en 1994, maire de Millas en 1995 et député en 1997 ; un an plus tard, chef de file de la gauche aux élections cantonales de 1998, il est élu président du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales. S’il perd son siège de député en 2002, il est élu deux ans plus tard premier vice-président du Conseil régional du Languedoc- Roussillon et réélu président du Conseil départemental. Il est à nouveau battu aux élections législatives de 2007 mais conserve son mandat de président du Conseil départemental l’année suivante. Au début des années 2010, sa carrière politique franchit un nouveau palier : il est élu sénateur de Pyrénées-Orientales en 2011 et un an plus tard président de la Région Languedoc-Roussillon à la suite du décès de Georges Frêche. Christian Bourquin décède des suites d’un cancer le 26 août 2014.

299 Nommée secrétaire d’État aux personnes handicapées le 9 mai 2014, Robert Olive lui succède à

Depuis le début de la cinquième République, les deux sièges de sénateur des Pyrénées-Orientales ont majoritairement été occupés par des élus de droite. Seuls les hommes de gauche Gaston Pams et Léon-Jean Grégory ont, pendant vingt-deux ans, siégé au Palais du Luxembourg. Depuis la fin de leur mandat (1981), la droite et ses composantes ont remporté ce suffrage sans discontinuer. Trente ans plus tard, Christian Bourquin mettra fin à cette hégémonie : le socialiste catalan, bien qu’exclu du Parti un an auparavant, est élu aux élections sénatoriales de 2011.

La fin des années 1980 est marquée par l’entrée du Front National sur la scène politique locale. Depuis, les scores élevés du parti d’extrême droite lui permettent de se positionner régulièrement en arbitre des duels électoraux300. Néanmoins, cette formation politique n’a jamais accédé à un exécutif local. Ancien commandant de l’OAS, Pierre Sergent sera député des Pyrénées-Orientales de 1986 à 1988. Aux élections municipales de Perpignan de 1989, il obtiendra 25 % et 30 % aux deux tours ; la même année, il totalise 46 % des suffrages lors des élections cantonales. En 1993, Jean-Claude Martinez fera le score de 17,08 % lors du scrutin municipal. Une nette progression du Front National est enregistrée en 1995 : la liste menée par Jean-Louis de Noëll recueille 36,38 % des voix et obtient dix sièges. En 1997, le candidat va réunir sur la première circonscription des Pyrénées-Orientales un total de 24, 26 % au second tour. Depuis les élections municipales de mars 2008, Louis Aliot entame une implantation politique en Catalogne nord. À la tête de la liste « Perpignan, ville libre », ce dernier obtiendra, pour sa première participation au scrutin, 12,28 % et 10,42 % respectivement au premier et au second tour ; et 9, 42 % lors des élections municipales partielles de 2009. Le vice-président du Front National arrivera en tête du premier tour des élections cantonales (34, 61% sur le canton Perpignan 9) ; mais sera cependant battu par la socialiste Toussainte Calabrèse. Aux élections législatives de 2012, le candidat frontiste provoque une triangulaire en se maintenant au second tour : avec 23,2 % des suffrages, il arrive en troisième position. Pour les élections présidentielles de 2012, Marine Le Pen enregistre, dans les Pyrénées-Orientales, un score plus élevé (24,2 %) que la moyenne nationale (17,9%) : ce vote se concentre essentiellement dans les villes périurbaines autour de Perpignan et sur le littoral.

300 FOURQUET, Jérôme, LEBOURG, Nicolas, MANTERNACH, Sylvain. Perpignan, une ville avant le

Front national ? Fondation Jean Jaurès, Les essais, décembre 2014. GIBAND, David, LEFÈVRE, Marie-

Anne. « Les « nouveaux maîtres du Sud » ? Déclin des systèmes géopolitiques et recompositions du paysage électoral à Béziers et Perpignan ». Hérodote, n°154/3, 2014.