• Aucun résultat trouvé

Un développement incertain

Section 1. Des politiques ambiguës

B. Les normes juridiques issues du droit international et communautaire

2. Les accords inter-étatiques

L’État va également réguler les relations entre autorités locales par l’intermédiaire d’accords bi- ou multi-latéraux avec les pays frontaliers ; ces conventions consistent à « élaborer des solutions plus détaillées et plus précises et donc par hypothèses mieux adaptées aux besoins des acteurs de terrains pour l’articulation de deux ordres juridiques »659.

En 1975, l’« accord de Bonn »660 est une première tentative de régulation juridique des coopérations transfrontalières dans une zone circonscrite : la multiplication des structures informelles de coopération dans l’espace sud du Rhin supérieur (les associations Regio Basiliensis et Regio du Haut-Rhin, la CIMAB, la Conférence tripartite de coordination régionale, etc.) conduit l’Allemagne, la France et la Suisse à mettre en place des structures de coordination : la « commission intergouvernementale franco-germano- suiss »e, essentiellement composée de fonctionnaires nationaux, traite de domaines variés tels que l’environnement, la politique économique, l’aménagement du territoire, l’emploi, l’enseignement, la santé, la culture ; une fois par an, elle « formule des recommandations à l’intention des Parties contractantes et, éventuellement, prépare des projets d’accord ». Le Comité régional tripartite franco-germano-suisse et le Comité régional bipartite franco- allemand, réunis en 1991 sous le nom de « Conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur » (ou encore Conférence du Rhin supérieur »), sont chargés de formuler des propositions d’accords ou de projets à la Commission intergouvernementale.

Plus tard, la France va entamer, conformément aux conditions qu’elle avait posées lors de la ratification de la « convention de Madrid » et à partir des « modèles d’accords interétatiques »661 proposés par celle-ci, des négociations avec les États frontaliers :

658 Le troisième protocole a été ratifié par la France après le vote de la « loi n°2012-1471 du 28 décembre

2012 autorisant l’approbation du protocole n°3 à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif aux groupements eurorégionaux de coopération (GEC) ».

659 COMTE, Henri, LEVRAT, Nicolas. « Introduction ». In COMTE, Henri, LEVRAT, Nicolas (dir.). Op.

cit., p. 20.

660 Décret n°76-1318 du 20 décembre 1976 « portant la publication de l’échange de notes du 22 octobre 1975

entre les gouvernements de la République française, de la République fédérale d’Allemagne et le Conseil fédéral suisse concernant la création d’une commission intergouvernementales pour les problèmes de voisinage dans des régions frontalières ».

- La convention franco-italienne, signée à Rome le 26 novembre 1993662, est d’une portée relativement limitée pour trois raisons : elle n’autorise pas les collectivités sub-nationales à s’associer au sein d’une organisation transfrontalière – faculté non ouverte par le droit italien663 ; les domaines d’action sont quantitativement limités ; le périmètre de la coopération est géographiquement restreint à 25 kilomètres de part et d’autre de la frontière.

- Le traité de Bayonne664, signé le 10 mars 1995 entre la République française et le Royaume d’Espagne665 et entré en vigueur le 6 octobre 1995, s’applique à l’ensemble des autorités locales frontalières situées à moins de 250 kilomètres de la chaîne pyrénéenne – hors la Principauté d’Andorre. Le texte habilite les collectivités à conclure des conventions de coopération leur permettant « dans les domaines d’intérêt commun, de créer et de gérer des équipements ou des services publics et de coordonner leurs décisions » ; à cet effet, est précisé article 5 les formes juridiques nationales auxquels doivent recourir les collectivités : celles-ci pourront se réunir sous la forme d’un GIP ou d’une SEML si l’organisme se situe sur le territoire français ou d’un « consorcio » s’il est implanté sur le territoire espagnol.

- L’accord franco-germano-luxembourgeois-suisse conclut le 26 janvier 1996 à Karlsruhe et paraphé le 3 mai 1995 à Paris, ne concerne à l’origine que la frontière franco- allemande ; il a dans un second temps été étendu au Luxembourg et à la Suisse compte tenu de la floraison d’initiatives à ces frontières. Entré en vigueur le 1er septembre 1997, il autorise les collectivités territoriales de chaque pays signataire à passer des conventions de coopération. Il reste que l’évolution principale en matière d’outil juridique se trouve dans la création d’un organisme sui generis : personne morale de droit public dotée de la capacité juridique et de l’autonomie financière, le groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) a été créé en vue de réaliser des missions et des services représentant un intérêt pour chacun des partenaires à l’exception de l’exercice des pouvoirs de police et de réglementation. Si les articles 12 à 15 détaillent le contenu des statuts, la composition des organes de direction, les règles de financement, de participation et de dissolution, est précisé article 11 que le GLCT est « soumis au droit interne applicable aux

662 Entré en vigueur le 6 octobre 1995 ; publié au JORF du 6 janvier 1996. 663 TULARD, Marie-José. Op. cit., p. 28.

664 FERNANDES DE CASADEVANTE ROMANI, Carlos, « Le traité de Bayonne du 10 mars 1995 relatif à

la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales : un cadre juridique complet ». RGDIP, 1998-2, pp. 305 et sq.

établissements publics de coopération intercommunale de la Partie où il a son siège ». Ainsi, le GLCT n’apparaît pas comme une nouvelle personnalité de droit transfrontalier : bien que reposant sur un certain nombre de règles communes, l’organisme reste dépendant du droit interne des États666.

Ces accords peuvent faire l’objet d’une double lecture : soit, ils témoignent d’une volonté de l’État d’intensifier les interactions transfrontalières ; soit, ils peuvent a contrario être interprétés comme une intention de les encadrer juridiquement : délimiter la portée géographique et le champ de compétences reviendrait alors à contenir plus qu’à promouvoir les échanges.