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Chez Lucile, les parents ont l’habitude de cuisiner, « pour la santé », et certains produits sont plus rares que d’autres, en particulier des aliments riches en graisses ou en sucres : « Bonbons, gâteaux tout ça [...] Ça a toujours été heu… prohibé ». Le sujet alimentaire n’était pas particulièrement courant dans la famille de Lucile, jusqu’à ce qu’elle s’intéresse à l’écologie lors de son entrée au lycée. Elle a commencé à aborder le sujet avec ses parents et en ont résulté au fil des années des changements dans l'approvisionnement de la famille en matières premières et dans la sélection des produits (moins d'emballages, plus local, plus bio). Toutefois, Lucile rappelle que « le côté alimentaire m’intéresse pas vraiment en soi, c’est plus ce qui touche à l’environnement ».

En dehors de chez elle, Lucile déclare que son alimentation est « assez proche » de celle du domicile.

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Lorsqu’un aliment est consommé « plusieurs fois par jours » il est codé 5, « une fois par jour » il est codé 4, « une à deux fois par semaine » il est codé 3, « une à deux fois par mois » il est codé 2 et s’il n’est jamais consommé il est codé 1.

Effectivement, peu de variations sont observables. Toutefois on observe que trois catégories alimentaires, connotées négativement d’un point de vue de la norme alimentaire en vigueur (snacking, produits sucrés et fast-food) enregistrent une hausse de consommation lorsque Lucile se trouve à l’extérieur de chez elle. De prime abord, elle tend à l’expliquer comme relevant d’un « espèce d’attrait de l’interdit parce qu’en fait quand je suis arrivée au collège j’ai commencé à consommer beaucoup beaucoup de bonbons parce que j’en avais pas chez moi ». L'indisponibilité de certains produits dans le répertoire alimentaire primaire (pas de sucrerie à la maison) associée au haut degré de palatabilité de ces produits (plus sucrés, plus gras, plus salés) attiseraient ainsi l’attrait de Lucile pour un plaisir alimentaire lorsque le contexte normatif est moins contraint qu’à domicile : « je pense que si je mange plus gras ou plus sucré, salé, à l’extérieur c’est qu’en fait chez moi y’a pas (marque

le « pas ») de choses grasses, sucrées ou salées (d’accord, ouais). Et à l’extérieur je

pense qu’il y a une part de gourmandise, je m’autorise des choses, je me fait plaisir entre guillemets ». Cependant, Lucile complète sa réponse en précisant que de plus en plus, et notamment avec l’arrivée au lycée, les écarts à la consommation primaire se justifient par des raisons dites « pratiques » ou « logistiques » dues à la sélection des lieux de restauration avec ses amis : « Quand on est avec des amis en ville dehors c’est plus facile d’aller prendre un fast-food que d’aller à la biocoop chercher un fruit ». Ainsi, le jeu de la socialisation horizontale se trouve propice à la consommation de fast-food, lieu de restauration particulièrement accessible au groupe adolescent de par sa flexibilité, ses tarifs bon marché et la possibilité d’accueil rapide d’un grand nombre de personnes. Sans ses amis, Lucile déclare qu’elle irait beaucoup plus souvent au self : « Généralement c’est pour suivre des gens que je vais manger dans des fast-food », mais « y’en a qui détestent ça (le self) et du coup bah on va souvent dehors ». Un certain impact des amis est donc perceptible à la marge (les occurrences ne dépassant pas la prise bi-hebdomadaire) du répertoire alimentaire secondaire de Lucile qui affirme « je m’en fiche un peu d’où je vais », et sélectionne ainsi de manière assez passive ses lieux de restauration en fonction de son entourage de pairs.

139 La conception de Lucile de ce que c’est que « bien manger » dépasse le simple aspect nutritionnel et comprend une dimension écologique forte à travers la zone d’approvisionnement (locale) et la manière de produire les denrées alimentaires (bio). Toutefois, bien manger consiste également à équilibrer sa consommation alimentaire entre les différentes familles d’aliments et inclus un savoir-faire, celui de la cuisine, comme une forme de garantie de santé alimentaire à travers la maîtrise de la composition des plats servis aux repas. À l’inverse, en reprenant les critères de définition du bien manger à contre-pied, mal manger intègre pour Lucile les constantes écologiques de localité et de style productif d’une part, ainsi que des aspects nutritionnels tels qu’une consommation déséquilibrée et le recours aux plats tout prêts d’autre part. Elle y ajoute la notion d’absence de rythme de repas qui entraîne selon elle une quantité de nourriture ingérée supérieure. En résumé, Lucile considère que mal manger, à travers la somme des dimensions évoquées, est délétère à la santé.

De son point de vue, Lucile estime manger « relativement sainement » et essaye de se tenir à une alimentation saine si c'est possible. Néanmoins l’alimentation n'est pas une préoccupation pour elle et faire des écarts n'est pas considéré comme grave : « je peux rapidement par une question d’envie ou de praticité heu faire des écarts. Par exemple ne pas manger équilibré ou sauter des repas ». Lucile ne ressent pas de contrainte particulière à travers son alimentation dans la mesure où « c’est pas une priorité » et « c’est pas quelque chose qui me préoccupe par exemple tous les jours ». In fine, Lucile ne nie pas l'intérêt de se contraindre mais n'en « ressent pas le besoin » : « J’essaie de manger plus sainement mais c’est plus une tendance qu’une contrainte. Et heu c’est pas un objectif en soi ». Par ailleurs, Lucile connaît bien les recommandations alimentaires fournies par le ministère de la santé et est capable d’en citer au moins une. Cependant, le contexte d’alimentation plus contraint à domicile où elle applique par défaut ces recommandations lui fait faire plus d'écart lorsqu’elle sort de chez elle où elle n'en « tient pas particulièrement compte ».