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Comme nous l’avons précisé en introduction, Annabelle est arrivée très jeune à la pratique physique par l’intermédiaire de ses parents qui l'ont inscrite « au sport » quand elle était petite. Si elle a eu le choix de ses pratiques, ces derniers l'ont toujours incitée dans cette voie : « Ben après c’est moi qui choisissait le sport que je voulais faire et voilà mais après ils m’ont toujours dit chaque année heu, enfin ils m’ont… », « dans tous les cas j’allais en faire quoi ». L’activité physique a depuis

109 toujours représenté un plaisir et en aucun cas une contrainte : « si je fais de la danse et pas un autre sport c’est parce que je prends beaucoup de plaisir dans la danse », ainsi qu’une source de satisfaction personnelle : « je trouve c’est satisfaisant, c’est… Et puis je sais pas t’as un peu l’impression d’avoir fait quelque chose de ta journée ». Elle y trouve à la fois un exutoire et une manière de s’aérer l’esprit : « Tu te dépenses, tu peux te défouler. C’est pas que pour le physique quoi », « je trouve que mentalement ça impacte beaucoup parce que… Quand tu fais du sport après tu te sent bien ». L'activité physique est également affirmée comme un moyen d'être en bonne santé : « c’est aussi pour la santé je pense, pour être en bonne santé ». Mais pour autant Anabelle ne pratique pas en se disant « il faut que je le fasse pour ma santé ». En outre elle ne connaît pas de recommandations à ce sujet qui pourraient lui fournir des repères au quotidien. Annabelle entretien donc un rapport récréatif et hédonique à l’activité physique tout en étant consciente des retombées positives que celle-ci peut avoir sur sa santé, renforçant sa conviction de mener un mode de vie sain.

E. Le corps : effets de l’alimentation, de l’activité physique, et de la norme esthétique

Salon Annabelle, l’alimentation a des effets sur le corps et faire en sorte d’équilibrer celle-ci « permet d'être en meilleure santé ». Elle base ses conviction sur les discours ambiants qui parviennent à ses oreilles : « Bah c’est ce qu’on nous dit tout le temps donc heu… Que il faut manger équilibré quoi, justement pour notre santé ». Elle considère également que le sport produit des changements corporels, permettant une forme d’amélioration de soi bénéfique à la santé : « C’est aussi pour être musclée, pour avoir, au niveau de la respiration… Du cardio aussi ! ». Cet impact de l’activité physique sur le corps contribue également par répercussion à des retombées positives d’un point de vue mental dans la mesure où il permet de « se sentir bien dans son corps ». La combinaison d’une alimentation saine et d’une pratique sportive apparaissent ainsi comme essentiellement complémentaires du point de vue d’Annabelle dans une optique d’entretien de la santé : « pour se garder en bonne santé. Si on fait les deux bah ça va être plus, plus facile je pense ». Selon

110 elle, l’absence de l’une ne peut pas être compensée par l’autre : « pour moi il faut faire attention pour les deux ». Bien s'alimenter peut de surcroît constituer un facteur de performance dans sa pratique sportive : « Ça aide par exemple de, d’être plus fort dans le sport si on mange équilibré tout ça ». Par ailleurs, la norme esthétique n'apparaît pas comme étant un inducteur motivationnel saillant chez elle. Si elle évoque en effet le fait que le sport permette d'être plus musclée, elle le rattache cependant à la santé dans une optique préventive dans la mesure où un corps plus fort s’avère plus résistant.

F. Négociation normative entre socialisation sportive et alimentation

Annabelle nous confie que selon elle sa pratique physique n'impacte pas son alimentation. Et en effet, aucune forme de négociation ne semble transparaître dans le comportement d’Annabelle entre le poids des normes sanitaires en matière d'alimentation et celles concernant l'activité physique. Les écarts alimentaires qu’elle se permet par rapport à la ligne directrice sanitaire qui caractérise sa socialisation globale sont permis dans la mesure où elle estime qu'il est normal de pouvoir se le permettre de temps en temps : « Je le fait parce que je pense qu’on peut tous faire des écarts de temps en temps (oui), c’est pas grave (hmhm). Mais quand je le fais je me dis pas « c’est pas grave, je fais du sport » ». Finalement, Annabelle ne semble jamais être muée par un esprit transgressif qui pourrait la conduire à remettre en question certaines normes qui lui sont présentées comme devant être suivies. Sa connaissance réelle des retombées effectives d’une alimentation saine ne semble que très partielle et éloignées de sa réalité d’adolescente : « Heu bah, je sais pas, par exemple heu… Heu… (silence). Je sais pas trop. Ben par exemple en mangeant gras heu, on peut avoir du cholestérol, ce genre de choses quoi » (l192-193). Elle justifie par ailleurs à plusieurs reprises qu’alimentation et activités physiques sont bonnes pour la santé car « c’est qu’on nous a toujours dit ça » (l185), « c’est ce qu’on nous dit tout le temps » (l239-240), « à l’école on nous le dit pas mal aussi » (l248). Annabelle apparaît dès lors comme attribuant une grande confiance dans l’édiction de normes à vocation alimentaires

111 aux institutions qu’elle juge légitime comme l’école, le ministère de la santé ou encore sa famille. Elle ne semble pas soupeser le poids que ces normes peuvent exercer sur son confort de vie et les applique sans objection dans la mesure où leur consonnance avec sa socialisation primaire fait complètement sens pour elle. En revanche, le rapport à la norme apparaît comme plus critique lors d’une occurrence précise, celle des débats homolaliques (Héran, 1990) : « ça m’a amené à réfléchir et au final je l’ai fait aussi et voilà ». La socialisation secondaire vécue au sein du groupe de pairs est donc soumise à une analyse dont on peut postuler que le caractère consonant avec les pratiques déjà en place à travers la socialisation primaire d’Annabelle entraînent leur acceptation tandis qu’une dissonance pourrait entraîner leur disqualification et mener à leur rejet.

4. Aurélien

A. Contexte familial et profil général de socialisation sportive

Aurélien est un élève de terminale dont un des parents occupe un métier d’employé tandis que l’autre a cessé son activité professionnelle pour cause d’invalidité. Ces derniers sont séparés et ce contexte nous amène à placer Aurélien dans la catégorie des classes les moins favorisées. Aucun des deux parents ne pratique d'activité physique mais le père a pratiqué du judo étant jeune. Aurélien estime être très soutenu par ses parents dans son sport : « ils sont contents et fiers de moi, ils font aussi très attention à ce que je mange, à quand sont mes compétitions heu.. Ils font quand même attention, ils prennent en compte souvent dans les repas… Quand j’ai des compétitions ou quoi, ils s’adaptent. Et ils me soutiennent, ils font.. Ils font attention ». Aurélien pratique du judo en club à raison de cinq fois ou plus par semaine et ce depuis le plus jeune âge, en club ainsi qu’en pôle espoir et trouve sa motivation avant tout dans la compétition. Nous précisons

112 la nature de la pratique sportive d’aurélien dans la mesure où celle-ci revêt une importance particulière dans son rapport à l’alimentation, nous le verrons.