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Pour Zoé, la santé est compartimentée selon deux dimensions, à savoir la santé physique et la santé psychologique. Le sport et l'alimentation peuvent avoir des effets bénéfiques sur la santé physique tandis que seul le sport peut avoir un

127 effet sur la seconde : « se détendre, voir des gens, garder le moral ». Cette conception de la santé paraît cloisonnée, le tout ne formant pas plus que la somme des parties, et pour laquelle certains facteurs impacteraient spécifiquement certaines dimensions de la santé. Toutefois, Zoé considère que la pratique d’un sport qui ne serait pas suivie par des comportements orientés vers une alimentation saine et réciproquement, ne constitue pas une attitude vectrice de santé. Les dimensions sportives et alimentaires ne peuvent ainsi pas s’envisager complètement comme des pratiques compensatoires du point de vue de la santé. D’une manière générale, Zoé ne se déclare pas « obsédée par le fait d'être en bonne santé » dans la mesure où il ne va pas de soi selon elle de faire réellement attention à sa santé, toutefois elle « y pense régulièrement ». À ce titre elle estime faire attention à sa santé à travers son alimentation et sa pratique sportive. Elle ne prend pas en compte dans ce calcul son temps d’activité sédentaire quotidien qui, compris entre sept et neuf heures se situe au-dessus des recommandations de l'Observatoire national du sport-santé. En revanche son temps d'activité physique modérée dépasse les 3h30 par semaine (c’est-à-dire plus de 30 minutes par jour), allant ainsi au-delà des recommandations formulées par l’OMS.

C. Le rapport à l’alimentation de Zoé

À la maison, la mère de Zoé cuisine la très grande majorité du temps et met en avant auprès de ses enfants l’importance de faire cet effort. Il ressort que c’est en fait surtout la mère qui semble faire référence chez Zoé en terme de normativité alimentaire. Elle influence ainsi la qualité des denrées alimentaires sélectionnées pour le foyer en écartant certains produits des courses « Pour mieux manger (rire), manger moins de cochonneries d’après elle ». Il n’y a pour autant pas d’absent au registre des catégories alimentaires dans le panier de course familial mais seulement des limitation sur les produits connotés négativement par rapport à la santé : « certains aliments qui sont pas forcément sains pour la santé (ouais ?), on évite d’en acheter trop souvent quoi ». L’alimentation constitue donc un sujet de communication régulier dans la famille qui prends soin d’équilibrer ses repas. En

128 complément d’approvisionnement, un certain nombre de produits frais proviennent directement des grands parents qui possèdent un jardin, des poules et un verger.

Lorsqu’elle mange en-dehors de chez elle, Zoé déclare que son alimentation demeure « assez proche » de celle à domicile.

Lorsqu’un aliment est consommé « plusieurs fois par jours » il est codé 5, « une fois par jour » il est codé 4, « une à deux fois par semaine » il est codé 3, « une à deux fois par mois » il est codé 2 et s’il n’est jamais consommé il est codé 1.

En effet, en termes de fréquence de consommation des familles de produits alimentaires on peut remarquer une similitude quasiment parfaite entre l’alimentation de Zoé chez elle ainsi qu’à l’extérieur. Le seul changement concerne les sodas qu’elle ne consomme jamais à domicile mais qu’elle s’autorise une ou deux fois par mois lorsqu’elle est à l’extérieur de chez elle ce qui reste une variation très à la marge de l’alimentation prise dans sa globalité. Où qu’elle soit, Zoé exprime clairement l’attention particulière qu’elle porte afin d’équilibrer son alimentation. Les seules exceptions notables qui existent concernent les repas exceptionnels comme le restaurant. Zoé ne pense pas non-plus changer son alimentation selon les personnes avec qui elle est et même ses amis ne semblent pas avoir d’impact particulier sur son alimentation qui demeure hors exception en tous points comparable au modèle alimentaire familial.

Pour Zoé, bien manger se rapporte à manger équilibré et en portant son attention sur la diversification des familles d'aliments qui composent les repas, et ce

129 de manière assez fine comme lorsqu’elle déclare : « faire attention à pas prendre bah par exemple au self on peut manger un produit laitier et un dessert mais un produit laitier ça peut être un yaourt (ouais ?) donc ça peut revenir à manger deux yaourts par exemple ». Zoé semble penser et conscientiser son alimentation au quotidien. Elle prend garde à la « tentation » notamment au self, de ne pas se laisser « emporter par la gourmandise ». La notion de fraîcheur des produits est également importante et le fait de pouvoir privilégier des produits « du jardin » entre en ligne de compte. À l’inverse, mal manger se rapporte plus simplement à la consommation de produits riches en graisses ou en sucres (sucreries, préparations industrielles).

Zoé a la sensation de manger globalement sainement. Elle précise que selon ses critères elle n’estime pas pour autant manger totalement sainement non-plus, dans la mesure où elle ne se prive pas de « petits moments » de gourmandise. Cependant elle fait « quand-même globalement attention » et ne « pense pas que [s]on alimentation soit non-plus dangereuse pour [s]a santé ». Ici la santé intervient en médiateur de la prise alimentaire et sert de point de repère afin de savoir ce que l’on peut se permettre ou non. D’ailleurs, Zoé évoque le fait que pour elle s'alimenter puisse représenter une contrainte dans sa quête de respecter les standards qu’elle s’est fixés en termes d'alimentation saine. Elle présente une véritable démarche de gestion de son alimentation de ce point de vue. Alors qu’elle s’astreint d’une manière générale à la privation de produits considérés comme non-sains (sucreries, « cochonneries »), elle mise en parallèle sur une stratégie à plus long terme : « je me dis que si je m’autorise pas du tout et que je me contraint (ouais ?) totalement, je risque d’avoir un moment où je vais complètement craquer et du coup je vais que manger des cochonneries (rires) du coup je préfère manger des cochonneries un petit peu mais de manière étalée ». Cette gestion alimentaire témoigne ainsi d’une volonté de gérer son alimentation dans le respect des normes alimentaires que Zoé s’est fixée en références à celles que lui dictent sa socialisation primaire, tout en conciliant une part plus hédonique qui, maîtrisée, n’empiète pas sur sa santé et convient à son équilibre alimentaire tel qu’elle le définis.

Par ailleurs, alors que Zoé déclare connaître au moins une recommandation alimentaire il s'avère que celle-ci n'est pas exacte : « manger 1 fruit et légumes par jour ». Cette connaissance approximative des recommandations ne l’empêche pas, tel que nous avons pu le constater à travers le portrait alimentaire de Zoé, de

130 concevoir l'esprit général auxquelles ces recommandations incitent. Toutefois, force est de constater que cette approximation quantitative reflète particulièrement bien ses habitudes alimentaires dans la mesure où elle ne déclare consommer des fruits et légumes qu’une à deux fois par semaine que ce soit à domicile ou à l’extérieur. Et pourtant, Zoé déclare que « si j’avais pas connu les recommandations sur la nourriture j’aurai peut-être moins fait attention que je ne le fait maintenant ». Peut- être une connaissance accrue de ces recommandations l’engagerai-t-elle à augmenter encore sa fréquence de consommation de tels produits ? En tout état de cause, Zoé nous a confié qu’elle considérait ces recommandations non pas comme contraignantes mais plutôt préventives, bienveillantes, et l’incitant à la réflexion sur sa propre consommation alimentaire ce qui a déjà débouché sur un accroissement de son attention à cet égard. In fine, on observe chez Zoé un respect des règles établies et des normes en vigueur, que ce soit celles transmises à travers sa socialisation primaire ou celles véhiculées à travers les recommandations ministérielles. Ce respect n’est pour autant pas aveugle et occasionne une réflexion de sa part sur ses propres pratiques : « C’est pas parce qu’on me le recommande que c’est forcément une bonne raison (d’accord) mais c’est plutôt que on me l’a recommandé, j’ai réfléchi et ça m’a un incité à penser que c’était une bonne heu… Une bonne… Une bonne initiative ». Le profil de Zoé se structure ainsi autour d’un rapport raisonné et compréhensif aux normes en vigueur et se tient à ce qu’elle sait pour favorable à sa santé, santé agissant comme un garde-fou au quotidien.

D. Le rapport à l’activité physique de Zoé

Zoé a commencé sa pratique sportive sur une proposition de ses parents lorsqu’elle « était petite ». Son comportement vers l’activité physique n’était donc pas autodéterminé dans le sens où ce n’est pas elle qui a manifesté à la base son désir de pratiquer, mais l’invitation de ses parents l’a « entraîné dans cette dynamique de vouloir faire du sport ». L’activité physique était ainsi dès le début un plaisir pour elle et un loisir pour lequel elle a toujours manifesté de l’entrain : « le sport je suis rentrée dedans assez jeune et ça m’a plu, ça a jamais été une contrainte ». Plus récemment, la pratique physique de Zoé est devenue signifiante

131 à de nouveaux égards, notamment en lien avec la santé : « Maintenant une heu, une manière de se dépenser, de prendre soin de son corps ». Mais celle-ci reste avant tout une pratique de plaisir, ce par quoi elle justifie le fait d’être inscrite en sport étude qui est « une grosse partie de [s]a vie » qui « demande beaucoup de choses, besoin d'organisation etc ». Zoé a le sentiment de devoir contraindre et adapter sa vie pour vivre pleinement sa pratique sportive et le plaisir qu’elle lui procure, mais elle y trouve un équilibre notamment grâce au système du sport-étude lui permettant « d’avoir un emploi du temps aménagé ». En résumé, la pratique de Zoé est donc pilotée avant tout par le plaisir, et elle y investit également depuis quelques années un sens sanitaire. Pourtant, il s’avère qu’elle déclare de prime abord ne pas connaître de recommandations en matières d'activité physique, avant de nous confier : « je connais pas très bien le sujet pour le coup […] Une chose qui me vient en tête […] on recommande de faire heu… 20 minutes ou 45 minutes de sport tous les deux jours ou quelque chose comme ça ». Si cette recommandation ne correspond pas à celles en vigueur (celle s’en rapprochant le plus émanant de l’agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) à l’égard des adultes et recommandant « 30 minutes d’activité physique […] d’intensité modérée à élevée, au moins 5 jours par semaine et en évitant de rester 2 jours consécutifs sans pratiquer »), elle traduit en revanche la connaissance de la part de Zoé de l’idée générale d’une pratique régulière d’activité physique pour contribuer à la bonne santé. Toutefois, Zoé n’attribue qu’un impact très restreint des recommandations sur ses pratiques personnelles, peut-être en raison du flou qui les entoure de son point de vue : « le fait que je me rappelle pas tellement des recommandations, je le vois pas tellement comme une contrainte. Et non je pense pas non-plus que ça ait un impact et que, parce que j’entendrai des recommandations je viendrais me contraindre, je pense pas ». En définitive, Zoé entretien un rapport hédonique à la pratique pour le bon déroulement de laquelle elle déploie une certaine organisation de vie. Toutefois les retombées sanitaires bénéfiques qu’elle évoque apparaissent comme des bienfaits collatéraux qu’elle revendique opportunément comme une plus-value mais qui ne sont pas poursuivies en tant que tel dans la pratique.

132 E. Le corps : effets de l’alimentation, de l’activité physique, et de

la norme esthétique

Zoé semble manifester une conception fonctionnelle de l’alimentation sur le corps qui se déclinerait en deux volets. D’abord, un versant sanitaire est mis en avant dans le sens où la manière de s’alimenter, à travers son impact sur le corps, met en jeu la santé : « ça apporte des… des matières nutritives (ouais ?) je sais pas comment on dit mais… Dont heu… Dont les organes du corps ont besoin ». Et au-delà des apports nutritifs essentiels au bon fonctionnement organique, la surveillance alimentaire apparaît pour Zoé comme un réel enjeu de santé notamment pour éviter la dégradation de son état : « quand on mange trop gras on peut avoir des artères qui se bouchent et donc avoir des problèmes de santé ». Ainsi, à travers le corps, la qualité de l’alimentation transparaitrait sous la forme de l’état de santé d’une personne, une alimentation saine permettant le bon fonctionnement des organes tandis qu’une alimentation malsaine (riche en graisses ou en sucres) contribuerait à la prévalence de dysfonctionnements et de maladies. En second lieu, l’alimentation « est en lien avec la pratique sportive » et occupe de ce fait un rôle fonctionnel sur le corps en termes de performance : « moi qui fait de la compétition je veux pouvoir progresser et donc si je me laisse trop aller ça va… Ma condition physique va pas me permettre d’être au maximum de ma performance ». L’alimentation est ici mise en lien avec la condition physique de l’individu, dont dépendrait sa capacité à performer. La qualité de l’alimentation se manifesterait ainsi encore une fois à travers le corps, mais cette fois-ci dans les dispositions de celui-ci à produire la performance. Ce critère est d’ailleurs suffisamment important du point de vue de Zoé pour qu’elle le prenne en compte dans sa surveillance alimentaire : « y’a ce côté-là qui fait que, je veux bien manger ». Enfin, pour Zoé l’alimentation opère un effet esthétique sur le corps qui met en jeu l'apparence physique et vient compléter les raisons de se tenir à une alimentation saine : « y’a aussi le côté qui est complètement esthétique où je veux avoir un joli corps et du coup je me laisse pas aller non-plus ».

De son côté, l’activité physique semble avoir moins de répercussion sur le corps selon Zoé, et se limiterait à une idée d’entretien de celui-ci : « ça permet de préserver le corps ». Pourtant, Zoé précise qu’avec la pratique physique elle fait

133 « plus attention à [s]a santé et à [s]on physique », rappelant ainsi les bénéfices opportuns occasionnés pour la santé mais laissant également apparaître les retombées positives pour l’apparence qu’elle entrevoit dans son activité.

L’aspect esthétique revêt une importance particulière aux yeux de Zoé. Nous l’avons vu dans la déclinaison qu’elle livre de son rapport à l’alimentation, et cela se confirme en sachant qu’elle a tenu à aborder d’elle-même le sujet en fin d'entretien, comme quelque chose qui méritait d'être abordé au regard de l'activité physique et de l'alimentation et que nous n'avions pas évoqué. Dans ce cadre, Zoé nous confie que l'apparence physique agit comme une source de motivation très importante pour bien manger et faire du sport : « il y a beaucoup aussi de… De motivation outre la santé qui est l’apparence physique et…. Que ce soit dans le fait de bien manger (ouais) et le fait de faire du sport je pense que ça rentre énormément en jeu ». Cet enjeu esthétique cristallisé dans l’apparence physique est repéré et vécu par Zoé comme une norme particulièrement présente au sein de sa classe de sport-étude : « c'est quelque chose d'important. Pour la majorité d'entre nous ». De surcroît, selon elle, le milieu sportif contribue à développer le goût pour un certain type d'apparence physique qu’elle définit comme « pas en surpoids », « plutôt avec une belle apparence physique selon nos critères ». L’appartenance à un tel milieu sportif encouragerai ainsi, et Zoé se retrouve dans cette dynamique, à se rapprocher des critères esthétiques précités : « on va avoir envie de leur ressembler », « on a envie d'être comme ça ». Cependant, un « effet activité » (Zoé pratique pourtant une activité gymnique) est à exclure selon Zoé à qui on a demandé des précisions à ce sujet : « je ressent pas du tout cette pression-là ». Le rapport à l’esthétique apparaîtrait plutôt pour Zoé comme le corollaire de l’appartenance à un groupe qui se structure autour de la pratique sportive, qu’il s’agisse d’une même pratique (son club) ou qu’elles soient diversifiées (sa classe de sport-étude) : « Plus on essaye de faire attention, de faire du sport et de s’entretenir physiquement pour avoir une apparence physique qui nous convient plus on s’entraîne dans un cercle vicieux et on veut plus du tout en sortir quoi ». La norme esthétique émerge ici comme un ressort puissant du contrôle des pratiques alimentaires et sportives des individus et s’érige en fer de lance d’une socialisation secondaire entraînant Zoé à une astreinte latente qui impacte ses choix. Si le moteur de la pratique sportive héritée de ses parents reste sans nul doute le plaisir, si celui de son alimentation se rapporte à un

134 respect compréhensif des normes en vigueur qu’elles soient d’origine institutionnelles ou familiales, sa socialisation secondaire semble venir réunir et articuler ces deux enjeux derrière un objectif les englobant tous : non pas celui de la santé qu’elle semble évoquer opportunément comme une retombée supplémentaire satisfaisante, mais plutôt celui de correspondre aux canons d’une apparence construite collectivement et désirée à travers le regard des autres.

F. Négociation normative entre socialisation sportive et alimentation :

On peut observer chez Zoé un double jeu d'influence entre son comportement alimentaire et son rapport à l’activité physique, médié tantôt par son rapport à la norme esthétique, tantôt par son rapport à la santé. En effet, elle se permet en partie de faire des écarts alimentaires car elle sait qu'elle souscrit à une pratique physique régulière : « Je m’y autorise alors heu une réponse simple parce que je pense que je fais du sport » ; chose qu’elle ne ferait pas si sa pratique devait prendre fin : « je me permettrait pas des choses que je me permet actuellement. Je pense (d’accord, ok). J’essaierai certainement de manger heu… moins gras, moins sucré heu.. Voilà tout ce qui apparaît comme pas très bon pour la santé aujourd’hui ». Elle envisage ici l’articulation compensatoire de l’alimentation et de la pratique physique par rapport à la gestion de son capital de santé. Cela dit, elle cherche en parallèle à se tenir à une alimentation saine dans la mesure où elle souhaite rester performante d’une part, et garantir que son apparence physique reste conforme à l’esthétique qu’elle se fixe d’autre part. On peut retenir que dans ce rapport, la norme sportive héritée socialement de ses parents ne constitue pas une contrainte pour Zoé dans la mesure où elle lui procure sans conditions du plaisir (et ce quand bien même elle doive contraindre sa vie pour y accéder pleinement). La norme alimentaire quant-à-elle, également héritée de ses parents et en partie reconnue du point de vue des recommandations institutionnelles, représente une forme de contrainte. Toutefois celle-ci est globalement respectée, mais non-plus semble-t-il seulement pour les raisons de santé initialement assimilées lors de la socialisation primaire, mais aussi à la fois par souci performatif (c’est-à-dire au service de son

135 plaisir sportif) ainsi qu’esthétique. C’est sous cette forme que se manifeste le plus sa socialisation secondaire, qui vient appuyer les enjeux issus de la socialisation primaire de Zoé pour des raisons cependant différentes. Malgré tout, la norme alimentaire n'est pas respectée à la lettre et comporte certains écarts permis à