• Aucun résultat trouvé

160 Pierrick, depuis son entrée au lycée, s’est fondé un groupe d’amis avec lequel il passe du temps tous les jours. Ce cercle resserré d’amis ne partage pas seulement beaucoup de temps ensemble mais aussi un rapport à l’alimentation très similaire comme nous l’avons évoqué dans la partie dédiée, ainsi qu’un certain désintérêt pour la pratique physique. De surcroît, Pierrick nous confie qu’il consomment également du cannabis ensemble : « on est tous dans la même situation où on mange pas très bien, on fume du cannabis, on fait pas de sport ». Cette situation commence à les préoccuper : « on est tous en train de se dire que là c’est… ça peut pas durer éternellement parce que on fait tout ce qu’il faut pas faire », et est entrain d’aboutir à une remise en question de ce mode de vie qu’ils partagent tous : « ça nous a fait une prise de conscience collective un peu et le fait que tout le monde se dise la même chose… Je sais pas, qu’on se rende compte que les autres ils sont pareils que nous, ben ça nous fait une prise de conscience de se dire « putain on fait de la merde et… faut qu’on change, faut qu’on essaye de changer » ». Selon eux, la source centrale de leurs problèmes se trouve dans leur consommation quotidienne de cannabis : « on a beaucoup parlé entre nous justement, on s’est dit que ça pouvait plus durer justement là le cannabis en fait bah qu’est le plus gros problème vu qu’on fume bah.. Tous les jours (ouais ?). Heuu bah en fait on s’est rendus compte tous ensemble en discutant bah qu’en fait ça nous enlevait toute notre motivation ».

Ce constat collectif nous semble être le point de départ des prises de décisions de Pierrick et de ses amis en faveur d’une forme de reprise en main de leur mode de vie notamment en considération de la santé. En cela, le groupe de pairs jouent un rôle particulièrement important auprès de Pierrick en termes de déclencheur permettant le passage de la conscientisation à l’acte. En effet, Pierrick affirme que « ce qui a le plus d’influence déjà c’est mes amis. C’est de parler avec mes amis, enfin avec mes meilleurs amis avec qui on parle beaucoup et c’est ça qui me fait changer le plus (d’accord) et qui a le plus d’influence sur moi ». Il oppose ces relations et le fruit des discussions qui en émergent à celles qu’il peut avoir avec ses parents comme il nous l’a déjà rapporté au sujet de l’activité physique et qui n’avaient pas d’effet sur lui : « les discussions avec mes parents ça en a pas vraiment parce que… Je sais pas j’arrive pas vraiment à les écouter », « c’est plus mes amis avec qui ça va me faire prendre conscience parce que je me dis ouais, ils sont pareils que moi ». Partager la même condition, éprouver un sentiment de réciprocité vis-à-

161 vis d'eux surtout, fonde la prise en compte des discours partagés au sein de cette cellule d'ordre amical. En dehors de celle-ci, seuls les médias recherchés de façon autonome « internet, des reportages » et qui sont évoqués durant les conversations entre pairs sont pris en compte.

Finalement, au débouché de cette « prise de conscience collective », la nécessité d’arrêter la consommation de cannabis apparaît comme un objectif souhaitable pour tous : « on se dit faut arrêter. Et je sais pas pourquoi dans… Si on arrête ça, dans notre tête c’est « on va faire du sport » (rire) ». L’activité physique semble ici pouvoir faire office aux yeux du groupe de pair d’élément de sevrage de la pratique addictive, comme si elle venait la remplacer. L’image d’Épinal de l’individu sportif comme représentation même de la santé dans notre société moderne joue sans doute dans cette association d’idée consistant à traiter un mal par son opposé positif, mais le passé sportif de Pierrick nous semble pouvoir être une piste explicative encore plus intéressante. Alors qu’il vient de redécouvrir par une heureuse coïncidence la natation en EPS, Pierrick, après réflexion, pense que « ça a une influence oui, quelque part. De me dire « j’en ai fait, j’en faisait » sur l’orientation des débats avec ses camarades vers la pratique sportive comme solution. In fine, ce processus a commencé à déboucher sur de l'action : « on est allés plusieurs fois faire du sport on s’est dit on se motive on va pas rester un aprèm à rien faire, on va faire du sport. C’est arrivé plusieurs fois avant le confinement (d’accord, ok) pour essayer de changer nos habitudes ». Ainsi, le complexe socialisant des pairs a entraîné une renégociation des comportements de Pierrick en direction de la santé. Même si ces derniers ne se trouvent qu’aux prémices, le passage de la conscientisation à l’action fait la preuve d’une influence actée sur les comportements de Pierrick, sollicitant chez lui une portion de socialisation sportive primaire délaissée depuis plusieurs années. Malgré les différences opposant ces deux modes de socialisations, exemple frappant de conflit intergénérationnel (Singly, 2003), on notera leur consonnance en matière de valorisation de l’activité physique en direction de la santé.