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PARTICIPANTS PAR TYPE DE FORMATION (en %)

RAPPORT DES GROUPES DE TRAVAIL

Deux types de questions sont proposées à la discussion : tout d'abord les questions relatives au projet neuchâtelois de formation continue pour la prévention du chômage (dispositifs, objectifs, etc ... ), puis celles relatives aux agents de ces dispositifs, en particulier les formateurs.

Une première interrogation est celle de l'articulation entre ce qui a été proposé par la partie suisse et la réflexion générale du groupe. La question se pose notamment à propos du public, qui n'est pas tout à fait le même puisqu'il ne rentre pas dans la catégorie des plus défavori­

sés, à propos de laquelle on a dit à plusieurs reprises qu'il convenait d'adopter un approche globale, qui ne soit pas centrée seulement sur le rapport à l'emploi. Il faut aussi s'interroger sur la pertinence des so­

lutions proposées et sur leur possible transfert dans d'autres contextes, d'autres pays. Le projet suisse présente notamment des profils et des stratégies dans lesquelles on ne retrouve pas le chômage de longue durée. Cette situation de chômage de longue durée est fréquemment rencontrée dans d'autres pays et l'on peut caractériser les personnes concernées par le fait qu'elles cumulent des handicaps : sur le plan social, professionnel et des connaissances générales. Un consensus semble se dégager pour dire que par rapport à ce type de population, une approche faisant appel à la globalité de la personne est nécessaire.

Le fait que le chômage de longue durée soit très réduit en Suisse est peut-être le résultat de la très forte décentralisation, de la petitesse des entreprises, de leur dispersion sur le territoire. Cette situation pourrait favoriser une capacité d'intégration dans l'emploi de personnes qui ne sont pas performantes par des processus de proximité sociale et cultu­

relle. Cette structure très dispersée et la présence de secteurs qui ne sont ni à très haute productivité ni soumis à la concurrence interna­

tionale permettrait de gérer souplement une partie du problème de l'emploi.

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-Par ailleurs, le groupe suisse a émis l'hypothèse que le chômage de longue durée est un sous-produit du chômage, et donc considère la prévention du chômage comme également une prévention du chô­

mage de longue durée. Ce point de vue apparaît comme devant être nuancé : le chômage de longue durée ne se laisse pas réduire au pro­

blème de la situation sur le marché du travail, qui réfère essentiellement aux compétences techniques à mobiliser sur un poste de travail. La question de l'employabilité, qui, elle, réfère davantage aux comportements et attitudes, se pose également de manière croissante.

Pour les personnes de bas niveau de qualification, il s'agit maintenant d'apprendre à gérer une diversité de statuts d'emplois au travers de leurs existences. On rappelle aussi l'existence d'une catégorie de per­

sonnes très marginalisées, fonctionnant sur des normes très diffé­

rentes, et pour lesquelles l'exclusion du travail n'est pas nécessaire­

ment le résultat du chômage mais peut provenir de problèmes pré­

sonnes. Par contre il n'est pas pensable d'avoir sur un poste coûteux, tel qu'un poste à commande numérique, une personne qui fait beau­

coup d'absentéisme, par exemple. La planification de la production ne permet plus la souplesse que l'on pouvait avoir précédemment.

Un second groupe rassemble les chômeurs par exclusion : ils ont perdu leur emploi parce que leur entreprise n'est plus compétitive et qu'elle doit fermer ses portes. Ces personnes-là, si elles ont un bas ni­

veau de qualification et qu'elles doivent rester au chômage trop long­

temps, peuvent devenir des chômeurs de longue durée par exclusion.

Le projet neuchâtelois était précisément de donner à ces personnes des compétences qui leur permettraient, en cas de licenciement, de retrouver plus facilement du travail.

On insiste aussi sur le caractère non homogène de la catégorie

"chômeurs de longue durée", et l'on propose une typologie en quatre groupes. Dans le premier groupe, les personnes ont une tout autre

conception de la vie, d'autres normes et ne veulent pas se réinsérer.

Dans le second groupe, les personnes sont devenues passives par la durée du chômage mais n'ont besoin que d'un tout petit peu de for­

mation et de stimulation pour redevenir actives et chercher des em­

plois. Pour cette catégorie, il a été constaté que les placeurs, en gar­

dant la même méthode d'intervention mais en augmentant simplement la fréquence des rencontres, pouvaient rendre ces personnes plus ac­

tives. Dans le troisième groupe, les personnes ont besoin de beaucoup de formation sur le plan technique et sur le plan des attitudes. Le qua­

trième groupe est le plus difficile et le plus complexe. Il est formé de personnes qui cumulent de nombreux aspects négatifs : manque de formation technique, problèmes personnels, toxicomanies. Il faut donc des mesures très spéciales pour ces derniers et également une straté­

gie globale qui tienne compte de ces différents groupes.

Depuis un certain temps déjà, les formateurs savent assez bien, dans un certain nombre de cas, aborder les questions de qualification pro­

fessionnelle, d'acquisition de compétences relatives au travail. Mais plus récemment, on voit apparaître de nouveaux agents et de nou­

velles techniques : on fait du "job club", de la remotivation, de la stimu­

lation cognitive; on voit apparaître - ce qui est nouveau dans ce contexte - des notions telles que le "burn out", le travail de deuil, etc ...

Ceci fait penser qu'un nouveau métier est en train d'apparaître. La question est alors de savoir si ce métier, ces approches doivent être distincts de la formation professionnelle ou au contraire s'exercer en son sein et dans une relation à l'emploi. L'éducation étant en constante évolution, une réponse peut être de chercher non par un seul type d'éducation pouvant à aider à résoudre les problèmes d'emploi et de chômage, mais de chercher comment intégrer ces nouvelles tech­

niques, en insistant sur la flexibilité et la mobilité. On propose aussi un modèle d'éducateur d'adultes "accompagnateur" de toute une carrière, auquel on pourrait faire appel pour des problèmes différents à diffé­

rents moments de la vie.

La question de la formation des formateurs et en particulier de leur po­

lyvalence ou de leur spécialisation se pose donc. La conception de formation de formateurs présentée par un groupe de l'Université de Genève ne signifie ni une prétention à supprimer toute spécialisation, qui existera toujours, ni une prétention à ce que tous les formateurs

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atteignent un niveau optimum de qualification. Il s'agit plus simplement de renforcer certains éléments de polyvalence dans le métier de for­

mateur, d'aller à contre-courant d'une pratique sociale qui tend à spé­

cialiser.

Un autre élément qui milite en faveur d'une formation aussi polyvalente que possible est que la spécialisation peut amener à enfermer le public avec lequel on travaille, parce que le poste de travail du formateur en dépend. Puisque tous les formateurs ne deviendront pas des profes­

sionnels polyvalents hautement qualifiés, une façon de résoudre le problème est de renverser, dans un processus de formation, la pyra­

mide des qualifications : les formateurs les plus qualifiés et les plus polyvalents, capables de faire de la gestion de carrière, devraient inter­

venir au début du processus, lorsque l'on rencontre la personne, afin de tracer un itinéraire de formation. Puis on pourra s'appuyer sur d'autres personnes-ressources qui, elles, peuvent être plus spéciali­

sées. L'important est alors de gérer cet itinéraire à travers toutes les composantes du système éducatif.

La fonction du formateur, on l'a vu, est généraliste et doit le rester, ce qui n'exclut pas une division du travail. Mais il faut aussi se poser la question de sa finalité si l'on reste absolument centré sur le domaine du travail. De qui la société a-t-elle besoin et de quoi les gens ont-ils besoin ? L'idée avancée par le Conseil de l'Europe était que l'éducation initiale est insuffisante pour socialiser les gens dans les nouvelles exi­

gences de la société d'aujourd'hui.

Il est rappelé que si la présentation helvétique dans le cadre de ce sé­

minaire portait l'accent sur la question de l'économie et de l'entreprise, c'est d'une part parce qu'il s'agit d'une question sur laquelle ce groupe travaille et d'autre part parce qu'il a paru utile d'apporter un contrepoint à des actions qui privilégiaient fortement l'insertion sociale et culturelle ou le placement, et qui émanaient d'autres lieux que l'entreprise elle­

même. Mais il ne s'agit pas de nier l'importance de telles actions.

La question des typologies amène quelques remarques. On constate en effet qu'elles peuvent aussi créer des problèmes parce qu'elles se révèlent inopérantes, qu'elles amènent à enfermer les personnes concernées dans une catégorie, que les formateurs cherchent des

per-sonnes correspondant aux mesures éducatives qui ont été définies sur la base d'une typologie, pour faire fonctionner ces mesures. Il ne faut donc pas confondre les catégories pour l'action et les caractéristiques individuelles des personnes. La réponse éducative doit dépasser les typologies. Ces dernières ne sont qu'une grille de lecture qui permet le développement de certaines mesures. Derrière le problème des typo­

logies se pose du reste la question des mesures : doit-on recomman­

der aux autorités d'aller jusqu'à abandonner complètement une poli­

tique de mesures éducatives, au profit de la mise à disposition de res­

sources pour un traitement très individualisé ?

L'importance du rôle de l'éducation dans la prévention du chômage doit être mise en perspective. Il peut arriver que des mesures dites pré­

ventives du chômage soient utilisées par l'entreprise, avec des salariés encore à leur poste de travail, pour repérer les personnes à fort poten­

tiel et conduire les autres plus vite au chômage, le formateur partici­

pant en toute innocence à ce processus. Par ailleurs on rappelle que l'éducation ne saurait résoudre les problèmes économiques, notam­

ment de volume d'emploi. Elle peut néanmoins offrir des stratégies in­

téressantes pour l'insertion professionnelle et contribuer à des solu­

tions. La situation de chômage est le résultat de politiques écono­

miques produites par des personnes et des groupes sociaux.

L'éducation doit pouvoir jouer un rôle dans la conscience que ces per­

sonnes ont des problèmes qui se posent. Il convient donc de ne pas démobiliser les formateurs sur la question de leur impact. Si le chô­

mage est déterminé par le système économique, il résulte aussi du système éducatif. La distance entre l'éducation formelle et informelle est trop importante, il faut créer davantage de liaisons entre éducation scolaire et éducation des adultes.

Si l'on ne peut prévenir le chômage suite à un choix de politique éco­

nomique de nos démocraties, ceci concerne l'ensemble de la société et il faut aider les personnes à vivre ces mutations. Il faut proposer tout un éventail de services et des choix ouverts. L'éducation et la formation continue devraient permettre à l'ensemble des catégories de la popu­

lation de trouver des tremplins.

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