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Research and Development (R+D/GDP, %)

LES COURS POUR CHOMEURS PEUVENT-ILS ETRE UNE ACTION DE PREVENTION DU CHOMAGE ?

Christine Wyss

Le Centre P.0.1.N.T. a mis en place des cours et des consultations qui s'adressent aux personnes en emploi souhaitant changer de profes­

sion, aux femmes qui veulent ou doivent se réinsérer dans la vie pro­

fessionnelle, aux personnes qui ont un emploi et qui sont épuisées.

Toutes les démarches entreprises avec ces adultes sont clairement du domaine de la prévention du chômage : ces gens se sentent concer­

nés. Ils savent ou ont l'intuition que s'ils attendent ils risquent de glisser dans le chômage. La différence entre ces personnes et les chômeurs réside surtout dans cette prise en main du problème de l'emploi de manière préventive. Elles entreprennent une réflexion, une action de formation personnelle afin de ne pas se trouver sans emploi.

Qu'en est-il, par contre, des cours pour chômeurs ? En quoi partici­

pent-ils à une action de prévention du chômage ? La réponse n'est certainement pas la même pour toutes les personnes ayant perdu leur emploi. Les situations sont multiples et multidimensionnelles comme le sont les situations de précarité qu'elles vivent souvent.

Nous avons animé plusieurs stages regroupant des chômeurs dans différentes situations

.. Jeunes fraîchement sortis de l'école, vivant chez leurs parents, ne fai­

sant rien et ne s'adressant ni à l'Office du travclil, ni à !'Orientation professionnelle.

·· Personnes sans formation.

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- Chômeurs âgés de plus de 60 ans venant d'être licenciés suite à la fermeture de leur entreprise, une importante fabrique de machines à tricoter (en Suisse, l'âge de la retraite pour les hommes est fixé à 65 ans).

- Personnes licenciées vivant leur dernier mois de travail dans une en­

treprise de micromécanique qui allait être fermée.

- Chômeurs de longue durée très démunis socialement et culturelle­

ment.

- Personnes profitant de leur temps de chômage pour se former. Leur besoin de techniques de recherches d'emploi s'est révélé à l'occasion de leur apprentissage du traitement de texte et de la bu­

reautique.

- Personnes obligées par le Service cantonal de l'emploi à suivre un cours intensif de réinsertion.

On peut se demander en quoi l'existence de ces cours peut être consi­

dérée comme une démarche de prévention. Des cours pour chômeurs servant de prévention du chômage ... cela peut paraître paradoxal. Ça ne l'est pourtant pas, au niveau de l'intention en tout cas, car tous ces cours ont deux objectifs de prévention (qui ne sont malheureusement pas toujours atteignables, nous le verrons plus loin)

1 ) interrompre le chômage, donc éviter le chômage de longue durée;

2) éviter le chômage à répétition, donc éviter la précarisation de l'emploi. En effet, les personnes qui ne choisissent pas vraiment leur travail, qui n'ont jamais l'occasion de faire des projets et d'envisager une formation risquent plus de se retrouver pro­

chainement sans emploi que celles qui ont pu faire des choix.

Les moyens dont nous disposons dans les cours sont de deux ordres -des éléments de développement personnel : permettre aux chô­

meurs de reprendre confiance en eux, de formuler un projet réaliste, d'entreprendre éventuellement un complément de formation.

-des connaissances utilisables immédiatement : acquérir et assimiler des techniques de recherches d'emploi, une nouvelle manière de se présenter qui soit adéquate; obtenir des informations sur le marché de l'emploi et sur les différents domaines qui concernent les partici­

pants au cours.

Nos cours - conçus pour que chacun puisse progresser sur ces diffé­

rentes pistes en fonction de ses besoins - devraient donc permettre aux personnes d'être moins vulnérables, et d'avoir acquis quelques outils pour rechercher plus rapidement et plus efficacement du travail en cas de nouvelle perte de l'emploi.

Il faut un certain nombre de circonstances pour que les objectifs de nos cours soient atteints. Cette ''prévention" a pu se réaliser :

- Lorsque nous avons eu affaire à des gens jeunes, cherchant un em­

ploi qui existe sur le marché du travail.

·· Pour des personnes en train de perdre leur emploi ou en début de chômage. Le fait de vivre un moment de groupe a pu permettre alors de faire le deuil de ce qu'elles perdaient et de retrouver l'énergie né­

cessaire pour aller de l'avant.

- La plupart du temps, lorsque la personne a décidé elle-même de se prendre en main et qu'elle a été en mesure d'utiliser les moyens mis à sa disposition.

Dans ces circonstances, l'adulte s'engage alors, à travers ce cours, dans une démarche de formation qui peut déboucher sur un souhait explicite d'apprendre autre choso, ne serait--ce que de se donner les moyens de mieux dominer le français. Plusieurs participants se sont

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-inscrits à des cours de français oral ou écrit après la fin du cours de réinsertion professionnelle.

Comme une bonne partie des chômeurs que nous avons rencontrés n'ont pas ou peu de formation, cette prise de conscience représente parfois un changement important de leur attitude face à la formation continue. Nous avons remarqué aussi, et parallèlement, combien l'autocensure est forte chez les personnes qui se mettent à percevoir l'utilité d'une formation. Elles mesurent la longueur du parcours et les obstacles, surtout financiers, devant lesquels elles se trouvent : les bourses pour adultes sont rares et souvent sans rapports avec les be­

soins de chefs de famille.

Dans d'autres circonstances, les cours n'atteignent par leur objectif de prévention

Les personnes qui participent à nos cours pour chômeurs n'ont pas l'impression de s'engager dans une démarche de formation continue.

Elles s'inscrivent à un tel cours car elles recherchent du travail et qu'elles aimeraient être aidées. La plupart des chômeurs que nous rencontrons veulent un emploi et il arrive accidentellement qu'ils dé­

bouchent sur une envie de formation. Au début des cours qui ont été imposés aux chômeurs, plusieurs personnes demandaient en quoi ces cours allaient leur servir, et si au moins les animatrices leur garantis­

saient un emploi à la fin !

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més, donc de modifier un peu sa manière d'appréhender la réalité, le souhait de se former plus, s'insinuent dans quelques esprits, d'autres personnes dans le même groupe (et surtout celles qui ont subi et mal supporté l'obligation de participer) répètent qu'elles n'apprennent rien de nouveau et que ce qu'on fait n'a pas d'utilité pour elles.

A fin 1 990, nous avons donc animé des cours qui ont été imposés aux chômeurs. Nous avons été frappées par les résistances que les per­

sonnes (en particulier les plus âgées) ont opposé à tout apprentissage, même aussi minime que celui qui consiste à corriger un curriculum vi­

tae. Nous avons été amenées à faire quelques réflexions :

Pour être en mesure d'apprendre (même simplement à faire un télé ..

phone pour obtenir un entretien), il est indispensable d'avoir un peu de disponibilité d'esprit : les personnes que nous avons rencontrées (qui vivaient des problèmes relationnels, d'alcoolisme, de dépression) et qui n'étaient là que par obligation, n'avaient aucune disponibilité pour ap­

prendre. L'effet du groupe, la solidarité, l'amitié, la régularité des séances ont eu un impact sur elles, mais nous sommes loin d'une dé­

marche de prévention du chômage par la formation continue.

Ces personnes auraient besoin d'un soutien, certes, mais adapté à leur état, qui parte de leur réalité, qui leur permette, à leur rythme, de se re­

trouver un équilibre avant de vouloir leur enseigner quelque chose. Ce n'est pas en quelques semaines qu'on peut les aider à trier et résoudre leurs nombreux problèmes. Il s'agit de leur permettre de retrouver une vie qui leur convienne et de réaliser progressivement une meilleure in­

sertion professionnelle et sociale. Mais ne serait-ce pas aussi cela de la formation continue ... apprendre à vivre mieux dans la société, ap­

prendre à s'adapter, mais aussi à oser dire son avis, à exister avec ce qu'on est ?

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-L�TELIER DE FORMATION CONTINUE :