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Les rôles assumés par l’enseignant dans le travail de l’erreur En 1994, Vergnaud distingue deux grandes catégories d’actes dans

CHAPITRE TROISIÈME CADRE DE RÉFÉRENCE

1. THÉORIE DES CHAMPS CONCEPTUELS ET TRAVAIL DE L’ERREUR

1.1. Appui sur la théorie des champs conceptuels pour comprendre le travail de l’erreur

1.1.1. Les rôles assumés par l’enseignant dans le travail de l’erreur En 1994, Vergnaud distingue deux grandes catégories d’actes dans

l’activité de l’enseignant, soit le choix de la situation proposée à l’élève4 et

l’action sur les composantes du schème de l’élève. Nous nous appuyons sur ces

catégories afin de décrire le travail de l’erreur et spécifions ainsi le rôle qu’assume l’enseignant en fonction de l’activité conceptuelle de l’élève.

Le travail de l’erreur, rappelons-le, s’effectue en situation d’enseignement, auprès d’élèves effectuant une division euclidienne. Il concerne le repérage et l’intervention sur la procédure erronée. Or, le rôle du maître s’entame bien avant que l’élève commette une erreur; il débute en amont de la classe, lorsque l’enseignant choisit une situation, c’est-à-dire les calculs algorithmiques (cf. supra, p. 37). L’exécution d’une ou plusieurs divisions en colonne constitue une situation dite « de réinvestissement » pour l’élève (Vannier-Benmostapha, 2002). En ce sens, elle lui permet de s’exercer à effectuer cette procédure particulière, un « entraînement » qui est nécessaire à l’automatisation de son schème-algorithme (cf. supra, p. 11 et 40)5.

Mentionnons d’ailleurs que Zaragosa, dans sa thèse sur les schèmes de l’interaction verbale didactique chez l’enseignant (2000), a particulièrement ciblé les aspects langagiers.

4 Ici, le terme « situation » réfère à une activité de résolution de problème; « on attend toujours du sujet [élève] une production : dessiner une figure ayant certaines propriétés, calculer une certaine grandeur, faire une conjecture, formuler une question pertinente » (Vergnaud, 1994, p. 182). 5 Précisons que les enseignants qui font l’objet d’études de cas dans la présente étude œuvrent dans

des classes de 3e cycle du primaire; leurs élèves n’en sont donc pas à leur première expérience en

matière d’exécution d’algorithme de division. Comme nous l’avons précisé lors des deux premiers chapitres (cf. supra, p.11 et 40), l’algorithme de la division euclidienne, en lui-même, constitue un schème. Brun, Conne et l’équipe genevoise ont eu recours à cette notion particulière de schème-

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Choisir une situation consiste à opter pour un algorithme déjà produit

(provenant d’un manuel d’exercices par exemple) ou à construire une tâche en sélectionnant les variables numériques. Rappelons que le choix des nombres a une « incidence déterminante sur les productions écrites des élèves » (Portugais, 2002a, p. 1). Les valeurs ne peuvent être déterminées au hasard si le maître cherche à faire émerger des erreurs particulières (ibid., p. 2). Mentionnons que le choix d’une situation se rapporte aux intentions didactiques dites « préalables »6, c’est-à-dire les buts que poursuit le maître avant la mise en place de la séquence didactique, de même que ses anticipations7.

Cette première catégorie d’actes amènera l’enseignant à proposer une situation comprenant un ou plusieurs algorithmes, comme 45 211 ÷ 47. L’élève, n’étant pas encore considéré comme un expert en division, doit alors mobiliser les connaissances conceptuelles et procédurales nécessaires à l’exécution de la tâche (Brun et Conne, 1991). Dans l’exemple précédent, elles ciblent surtout le travail multiplicatif, compte tenu du choix du diviseur et du début du dividende. De cette activité mathématique résulte une procédure juste ou une procédure erronée.

Après avoir choisi cette tâche arithmétique, l’enseignant, qui est « à

l’interface entre le contenu mathématique et les apprenants, va intervenir sur les formes mêmes d’organisation de l’activité par les élèves » (Zaragosa, 2006, p. 98).

algorithme afin de préciser la part de la connaissance qui entre en jeu dans le caractère organisé des

erreurs. Plusieurs connaissances sont essentielles à l’exécution d’une division. Ainsi, les erreurs des élèves sont comprises « comme des tentatives d’adaptations actives de l’élève à la situation » (Brun, Conne, Lemoyne et Portugais, 1994, p.129). Lors de ce processus, l’élève forge lui-même ses règles; ses constructions originales peuvent ou non diverger des règles proposées par l’enseignement. De ce fait, les erreurs ne résultent pas d’une absence de contrôle conceptuel ou sémantique chez l’élève. Plutôt, « c’est le réglage de ce contrôle qui lui reste à trouver, d’où ses

erreurs; il négocie […] différentes contraintes, qui sont chez lui de véritables connaissances, sans

aboutir encore à l’équilibre que constitue le schème algorithme » (loc. cit.).

6 Les intentions didactiques préalables constituent un concept issu du modèle des intentions

didactiques de Portugais (1998b, 1999a). Elles ont lieu a priori, c’est-à-dire avant la mise en place d’une séquence didactique et demeurent relativement conscientes et sont plus ou moins explicites. Par conséquent, certaines sont écrites, mais plusieurs restent muettes. De nombreuses intentions préalables continuent à se forger dans les heures et les moments qui précèdent la leçon.

7 En ce qui concerne notre dispositif de recherche, nous n’offrons au maître ni formation, ni

matériel didactique. Notre visée est d’étudier l’activité du maître dans les conditions les plus naturelles possibles.

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Pour cela, il doit se référer à son « répertoire d’actes de médiation qu’il utilise

selon les élèves, la situation et son expérience » (loc. cit.). De ce fait, si une erreur

est identifiée par le maître et que celui-ci décide d’amener l’élève à en prendre conscience, la mise en place d’une stratégie d’intervention est réalisée. Différents aspects de l’activité conceptuelle de l’élève peuvent être concernés par différentes stratégies d’intervention sur l’erreur. Ce travail spécifique de l’erreur se rapporte à ce que Vergnaud appelle une action sur les composantes du schème de l’élève. Les exemples suivants illustrent cette idée :

o Premier exemple

L’enseignant peut intervenir par la mise en œuvre d’une stratégie où il intervient sur la numération de position (Stratégie Fj 2 de la typologie de Portugais,

1995). Nous pouvons illustrer cette stratégie à l’aide de cet exemple : « Combien y

a-t-il de dizaines dans le nombre 45 211? ». Cette action lui permet d’agir sur les

aspects syntaxiques de l’activité mathématique; elle fait appel au sous-schème8 du nombre ainsi qu’au sous-schème de la valeur de position, soit deux composantes du schème-algorithme de division. C’est ce que Portugais appelle le contrôle des actes de l’activité de l’élève (cf. supra, p. 56-57).

o Deuxième exemple

L’enseignant peut intervenir par la mise en œuvre d’une stratégie où il remet en contexte l’opération, en ajoutant un contexte de situation problème à l’algorithme (Stratégie Gi 3 de la typologie de Portugais, 1995). Illustrons cette

stratégie à l’aide d’un exemple: « Un carreleur pose 45 211 tuiles de céramique

dans une salle rectangulaire comprenant 47 rangées. Combien y a-t-il de tuiles par rangées? ». Cette action lui permet d’agir sur les aspects sémantiques de

l’activité mathématique; elle fait appel, entre autres, au sous-schème du partage,

8 L’expression « sous-schème » réfère à un schème élémentaire compris dans un schème plus

complexe. Par exemple, les tables de multiplication constituent un sous-schème du schème- algorithme de division. L’élève devrait détenir les concepts, règles d’action et connaissances nécessaires à l’exécution de multiplications s’il est pour réussir l’exécution d’une division. Toutefois, d’autres concepts, règles d’action et connaissances sont nécessaires pour exécuter le calcul. Ainsi, c’est dans un sens de sous-routine qu’est utilisée l’expression sous-schème.

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une composante essentielle du schème-algorithme de division. C’est ce que Portugais appelle le contrôle du sens de l’activité de division (cf. supra, p. 56-57).

L’action de l’enseignant sur les composantes du schème-algorithme de l’élève est effectuée pendant l’échange didactique. Elle se rapporte spécifiquement aux intentions didactiques dites « en-acte » du maître9. Cela dit, il est possible pour l’enseignant de planifier ou prévoir des interventions (intentions didactiques préalables), mais leur mise en place effective est réalisée en fonction des évènements.

Au terme de cette présentation du travail de l’erreur, en fonction des catégories d’actes définies par Vergnaud, nous tenons à mentionner que c’est surtout l’action sur les composantes du schème de l’élève qui est ciblée par la présente étude10. Sans négliger le choix de la situation proposée à l’élève, notre intérêt se situe dans l’activité même du repérage et de l’intervention de l’erreur, c’est-à-dire dans les intentions didactiques en-acte de l’enseignant11. Nous précisons cette idée dans les paragraphes qui suivent en exposant comment les concepts issus de la théorie de Vergnaud constituent une aide précieuse et significative pour comprendre l’activité conceptuelle de l’enseignant.

9 Les intentions didactiques « en-acte » apparaissent pendant le déroulement de l’activité. Elles

sont nombreuses et beaucoup plus précises que les intentions préalables (d’après Portugais, 1998b).

10 Nous reconnaissons que cette catégorie d’actes dans l’activité de l’enseignant entraîne le

questionnement suivant : l’enseignant peut-il véritablement agir sur la cognition de l’élève? N’ayant pas directement accès aux composantes du schème du sujet, le maître ne peut vraiment connaître les effets de son action (il n’est pas dans sa tête). On pourrait alors ici parler de tentatives

d’action sur la cognition de l’élève. Cela dit, notre cadre théorique se fonde sur la théorie des

champs conceptuels telle qu’elle fut élaborée par Vergnaud et nous ne voulons aucunement modifier ses concepts. Par conséquent, nous conservons cette formulation d’action sur les

composantes du schème de l’élève sans chercher à la nuancer.

11 Afin d’éviter toute confusion, le lecteur notera qu’à partir de ce point, nous utilisons l’expression

« Choisir une tâche arithmétique proposée aux élèves » et non « Choisir une situation proposée aux élèves. Le terme « situation » est uniquement employé en référence à la situation d’enseignement vécue par l’enseignant. Dans les pages suivantes, nous éluciderons ces propos.

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1.1.2. Le travail de l’erreur : une activité conceptuelle complexe chez