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Une adaptation à l’erreur et aux éléments de la situation ancrée dans le contexte de la classe ordinaire

CHAPITRE TROISIÈME CADRE DE RÉFÉRENCE

2. ÉTUDE DES SITUATIONS D’ENSEIGNEMENT SPÉCIFIQUES AU TRAVAIL DE L’ERREUR ET SCHÈME-TRAVAIL DE L’ERREUR

2.1. Situation du travail de l’erreur en classe ordinaire

2.1.4. L’organisation de la conduite en situation du travail de l’erreur et le processus d’adaptation de l’enseignant débutant

2.1.4.2. Une adaptation à l’erreur et aux éléments de la situation ancrée dans le contexte de la classe ordinaire

Tout au long du présent chapitre, nous avons insisté sur l’idée que l’erreur arithmétique représente un véritable problème à résoudre pour l’enseignant. Nous postulons que l’enseignant débutant, en classe ordinaire, adapte et organise sa conduite en fonction de cet élément clé. Si nous insistons sur le fait que la procédure erronée détient, en soi, un rôle déterminant dans le travail de l’erreur, nous reconnaissons que les situations d’enseignement demeurent plongées dans le contexte imprévisible qu’est la classe ordinaire. Nous savons que l’enseignement des mathématiques est une activité complexe due en partie aux nombreuses responsabilités que doit assumer un maître dans la classe ordinaire.

Nous considérons ainsi que le maître placé en situation du travail de

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l’élève, de même que certaines variables (internes ou externes à la situation). En ce sens, si ces particularités sont considérées à titre d’informations pertinentes, elles peuvent être prises en compte, dans les inférences et raisonnements que réalise le sujet in situ. Sachant que c’est par le biais de l’interaction avec le réel que le sujet « forme et éprouve ses représentations et conceptualisations, en même

temps que celles-ci sont responsables de la manière dont il règle son action »

(Vergnaud, 1985, p. 246), certains éléments peuvent marquer le travail de l’erreur. Ainsi, dans les pages qui suivent, nous offrons quelques exemples d’éléments, autres que l’erreur, pouvant nécessiter une adaptation dans l’organisation des conduites du maître novice.

o L’élève ciblé par le travail de l’erreur

Comme le soulignent DeBlois et Squalli, un bon nombre d’intervenants scolaires ont tendance à se centrer d’abord sur l’élève, et ensuite sur la difficulté ou l’erreur rencontrée (1997; 2002). En effectuant le travail de l’erreur, l’enseignant novice agit sur la cognition d’un élève particulier. Par conséquent, le sous-système « élève » risque de constituer une variable d’importance en ce qui concerne l’activité d’intervention sur la procédure erronée.

Cela dit, précisons que nous ne disposons pas dans la présente recherche des moyens nécessaires afin de vérifier tous les aspects liés à l’élève pouvant marquer le travail de l’erreur du maître. Lors de l’analyse des situations d’enseignement observées, nous sommes surtout attentive aux réactions de l’élève en fonction des interventions du maître (la stratégie mise en place lui permet-elle de prendre conscience de son erreur? Comment l’enseignant adapte-t-il son activité, le cas échéant?). De même, lors des entretiens, nous sommes à l’écoute des représentations que possède le nouveau maître de l’élève ciblé par l’intervention, principalement en ce qui concerne les habiletés mathématiques (ou la relation qui existe entre l’élève et le savoir mathématique). Ceci nous permet d’établir des liens entre les stratégies mises en place et les représentations cognitives des élèves. Le lecteur notera toutefois que la qualité de la relation

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existant entre le maître et l’élève ne sera pas à l’étude, car elle appartient à une sphère autre que celle de la didactique des mathématiques et nous en sommes parfaitement consciente22.

o Le projet social d’enseignement

Si l’enseignant novice se retrouve au sein du système didactique, il ne faut pas omettre que ce dernier est ancré dans un système d’enseignement, « étant

donné que le projet d’enseigner est un projet de nature sociale » (Portugais, 1995,

p. 29). L’un des rôles du maître est de présenter à ses élèves des mathématiques d’école correspondant aux attentes du système d’enseignement (cf. supra, p. 29). L’influence de ce dernier n’est pas à négliger, puisque :

Les mathématiques que le professeur va faire avec ses élèves vont être en

bonne partie médiées par des décisions prises en amont de sa classe : manuels, programmes, tendances pédagogiques, approches préconisées à son époque et dans son milieu, etc. Le professeur prend des décisions et mène ses interventions à la fois en relation avec ce que font ses élèves particuliers (qu’il connaît personnellement), mais aussi en relation avec les contraintes de l’école, du programme, du manuel, de l’examen de fin d’année, etc.

(id., 2000a, p. 2)

Nous considérons que les pratiques de l’école et particulièrement celles de l’enseignant doivent être envisagées « comme des pratiques qui s’inscrivent dans

des pratiques sociales conditionnées par une époque et un lieu déterminés » (loc.

cit.). Portugais identifie sous le nom d’Intentio « l’intention didactique du système

d’enseignement à l’endroit des objets de savoir et du sens de ces objets de savoir »

(1996, p. 10). De ce fait, nous reconnaissons que le projet social d’enseignement risque de jouer un rôle dans le traitement des erreurs que réalisent les enseignants débutants dans le contexte de la classe ordinaire.

En décrivant les situations d’enseignement, il nous est possible de repérer des pratiques sociales préconisées par le système d’enseignement, influençant les

22 En ce sens, nous ne prétendons pas que cela n’a point d’effet, mais plutôt que cet aspect n’est pas

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choix, les décisions et les actions relatives au travail de l’erreur. Il s’agit ici d’éléments externes à la triade maître / élève / savoir mathématique qui sont pris en considération dans le raisonnement qu’effectue le sujet pour intervenir sur l’erreur. Nous savons que ces pratiques peuvent être encouragées par la direction, les intervenants scolaires (orthopédagogue, psychologue, conseiller pédagogique, etc.) ou les collègues enseignants23. Toutefois, elles peuvent provenir du contexte scolaire comme tel, de matériaux didactiques privilégiés par l’établissement ou du Programme de formation de l’école québécoise. Par exemple, certaines recommandations ministérielles, si elles sont prises en considération par l’enseignant novice, risquent de marquer le travail de l’erreur réalisé en classe ordinaire. Plus précisément, la mise en place de stratégies risque d’être influencée par des pratiques préconisées par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et encouragées dans l’environnement de travail24.

o Les savoirs didactiques travaillés en formation initiale

Nous savons que le nouveau maître occupe une position unique au sein du système didactique et qu’il est libre des contraintes du projet universitaire. Toutefois, compte tenu de son expérience limitée, il est possible que celui-ci se réfère aux savoirs didactiques travaillés en formation initiale pour organiser son

23 Il est dit qu’un individu apprend non seulement à partir de ses propres expériences, vécues en

situation, mais également à partir de l’apprentissage d’un pair, dont il partage une part d’expérience (Mercier, 1999). Vergnaud a d’ailleurs relevé ce fait, en ce qui concerne toutefois les élèves, indiquant que la « mère, le maître, les aînés ou les pairs jouent à l’évidence un rôle dans le

modelage des schèmes du sujet individuel » (1985, p. 251). De ce fait, nous considérons que

certaines pratiques sociales, parce qu’elles sont encouragées par des collègues de travail, peuvent être prises en considération par le novice en situation d’enseignement.

24 Expliquons cette idée à l’aide de deux exemples :

Exemple 1 : Dans le Programme de formation de l’école québécoise, la compétence 1 en mathématique est de Résoudre une situation-problème mathématique. De plus, la compétence transversale 2 est Résoudre des problèmes. Ceci correspond à la conception interactionniste soutenue par le domaine de la didactique des mathématiques (construction des connaissances par la confrontation à une situation problème). Ces recommandations ministérielles peuvent influencer le travail de l’erreur, si l’enseignant se sent encouragé à employer la stratégie d’intervention orientée sur le contrôle du sens Remise en contexte de l’opération, i.e. ajout d’un contexte de « problème »

à la tâche algorithmique (Gi 3, stratégie appartenant à l’approche didactique de la typologie de

Portugais).

Exemple 2 : Le matériel scolaire peut encourager fortement le recours à la manipulation comme moyen d’intervention. Par conséquent, l’enseignant sera peut-être enclin à favoriser la stratégie orientée sur le contrôle des actes Faire manipuler des objets (Fj 3, stratégie appartenant à

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enseignement de la division et orchestrer son travail de l’erreur. Rappelons que pour les enseignants de nos études de cas, la typologie des erreurs (Brun et Conne) et la typologie des 26 stratégies (Portugais) constituent deux outils présentés à titre de savoirs didactiques et étudiés en milieu universitaire (cf. supra, p. 34). Cela dit, réitérons que nous ne voulons pas évaluer le niveau de connaissance des maîtres en relation avec ces typologies. Nous demeurons seulement attentive, lors de l’analyse des conduites observables des enseignants débutants, aux traces et aux indices pouvant être rattachés à l’ancien système de formation.

Nous devons insister sur le fait que nous ne cherchons pas à dresser une liste exhaustive des éléments (internes ou externes à situation du travail de

l’erreur) qui pourraient jouer un rôle dans le travail de l’erreur réalisé. Nous

soutenons plutôt que l’erreur demeure l’élément clé négocié par le nouveau maître. Toutefois, puisque la situation d’enseignement est plongée dans le contexte de la classe ordinaire, nous envisageons la présence possible de variables pouvant être prises en considération lors des raisonnements et inférences que réalise l’enseignant novice in situ. Cette facette de l’étude des situations d’enseignement est effectuée dans le but de mieux comprendre le travail de l’erreur réalisé dans le contexte de la classe ordinaire, mais surtout de montrer les mécanismes cognitifs qui sous-tendent cette activité particulière. Elle nous permet de témoigner de la complexité du processus d’adaptation du maître, en plus d’obtenir des informations complémentaires, difficilement accessibles par la mise en place d’une ingénierie didactique où les variables environnementales sont strictement contrôlées.

2.1.5. L’organisation de la conduite en situation du travail de l’erreur