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Quelques formes d’organisation de la conduite déjà identifiées à titre de phénomènes didactiques

CHAPITRE TROISIÈME CADRE DE RÉFÉRENCE

2. ÉTUDE DES SITUATIONS D’ENSEIGNEMENT SPÉCIFIQUES AU TRAVAIL DE L’ERREUR ET SCHÈME-TRAVAIL DE L’ERREUR

2.1. Situation du travail de l’erreur en classe ordinaire

2.1.4. L’organisation de la conduite en situation du travail de l’erreur et le processus d’adaptation de l’enseignant débutant

2.1.4.1. Quelques formes d’organisation de la conduite déjà identifiées à titre de phénomènes didactiques

Trois phénomènes didactiques concernant la mise en œuvre de stratégies d’intervention, soit la multiplicité, la mobilité et la cooccurrence, ont été relevés par Portugais en 1992, puis en 1995, auprès d’une population de futurs enseignants (cf. supra, p. 66). Il s’agit de formes d’organisation de la conduite que nous cherchons à analyser dans le cadre de la présente étude puisqu’elles permettent également de témoigner des mécanismes conceptuels qui sous-tendent le travail de l’erreur. De ce fait, le lecteur notera que ces trois phénomènes sont repris au sixième chapitre et réétudiés à la lumière du présent cadre de référence (cf. infra, p. 231).

o La multiplicité des stratégies d’intervention

La multiplicité, rappelons-le, est le fait que de nombreuses stratégies sont utilisées lors d’une séquence où le maître est appelé à intervenir sur une ou plusieurs procédures erronées (Portugais, 1995). Deux aspects du travail de l’erreur peuvent être éclairés à partir de ce phénomène. D’un côté, le nouvel enseignant peut intervenir en utilisant des stratégies différentes sur des erreurs distinctes dans une même situation. (Réitérons qu’en 1991, Brun a identifié que l’erreur est fréquemment accompagnée d’une ou plusieurs autres erreurs dans un même algorithme). Ce phénomène montre le processus d’adaptation du maître aux deux éléments clés de la situation d’enseignement. D’un autre côté, le maître novice peut mettre en œuvre plus d’une stratégie en fonction d’une seule erreur. Ceci prête à deux interprétations.

D’abord, soulignons que la multiplicité témoigne, selon Portugais, « de la

recherche active de solution à ce problème didactique » (op. cit., p. 225). Puisque

l’enseignant est débutant, nous considérons que la multiplicité des stratégies indique qu’il « tente de mettre en œuvre une importante variété d’éléments de

solution à ce problème » (loc. cit.), et ainsi permettre à l’élève de prendre

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place dans cette situation d’enseignement particulière, les conduites ne relèvent pas de l’automatisation. Alors, nous pouvons inférer que le maître ne détient pas toutes les connaissances nécessaires au traitement de la situation. Ainsi, il mobilise différents éléments d’un schème qui demeure « en construction ». Ceci le mène éventuellement à la réussite ou à l’échec.

Toutefois, nous demeurons prudente dans l’interprétation de la multiplicité, car cela peut être également lié à la situation du travail de l’erreur dans laquelle se retrouve le maître. Comme nous l’avons indiqué précédemment, il est possible que la mise en place d’une première stratégie ne permette pas à l’élève de détecter son erreur et ce, peu importe la raison (cf. supra, p. 111). Dans ce cas, ce phénomène indique plutôt la capacité d’adaptation du maître à la situation d’enseignement. In

situ, l’enseignant fait des inférences et, constatant qu’une stratégie d’intervention

n’est pas efficace, il calcule de nouvelles règles d’action et émet de nouvelles intentions didactiques. Au moyen de ce raisonnement, le maître en vient à mettre en œuvre une nouvelle stratégie d’intervention.

o La mobilité des stratégies d’intervention

La mobilité est le fait que d’une séance à l’autre, les stratégies changent. Portugais remarque que certaines sont maintenues, d’autres sont remplacées. Certaines disparaissent avant de réapparaître parfois à la séance suivante (1995). Selon l’auteur, ce phénomène indique que l’enseignant se donne un terrain exploratoire. « Cette mobilité n’est donc pas un signe de démarche erratique, mais

elle désigne plutôt qu’un travail réflexif sous-jacent est en cours » (op. cit., p.

226). En d’autres termes, cela montre que le maître novice explore et réfléchit aux stratégies; il apprend à les mettre en œuvre. Dans le cadre de cette recherche, ce phénomène est interprété en fonction du schème-travail de l’erreur, comprenant des connaissances spécifiques liées à différentes formes d’intervention sur l’erreur.

Par contre, si une stratégie est déployée, délaissée et reprise par la suite, lors d’une même situation du travail de l’erreur, ce phénomène peut également

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témoigner d’un manque de contrôle de la part de l’enseignant lors de son action sur la cognition de l’élève. Cette difficulté, sur le plan du réglage des aspects syntaxiques et sémantiques, peut être plus ou moins importante selon la situation. L’organisation de la conduite du maître novice révèle la présence, sur le plan supérieur, de connaissances au sujet des stratégies d’intervention. Toutefois, puisque ce sujet réussit difficilement la mise en œuvre effective du travail d’intervention sur l’erreur, cette organisation de la conduite est typique de l’accommodation; il ne possède pas tous les éléments cognitifs nécessaires au traitement relativement rapide de la situation d’enseignement. En d’autres termes, nous pouvons dire qu’il apprend à traiter l’erreur arithmétique.

o La cooccurrence de stratégies centrées sur le contrôle des actes et du sens Rappelons que la cooccurrence renvoie au fait que des stratégies orientées sur le contrôle des actions surviennent dans le voisinage de stratégies ciblant le contrôle du sens, à l’intérieur d’une même séance. Selon Portugais, cela « ne

signifie pas qu’il y a incohérence dans la démarche du [sujet] mais plutôt qu’il y a absence ou incomplétude de coordination des différentes stratégies » (ibid., p.

227). Différentes interprétations sont alors posées. Entre autres, l’auteur mentionne les habitus pédagogiques qui persistent concernant la mise en place de stratégies relevant de l’approche orientée sur le contrôle des actes et le fait que l’enseignant « peut considérer que le travail sur le sens nécessite parfois de passer

également par un travail sur les actes » (loc. cit.).

Dans le cadre de la présente étude, il est possible que la mise en oeuvre d’une stratégie d’une orientation spécifique ne permette pas à l’élève de détecter son erreur; le changement de forme s’explique alors par le fait que le maître s’adapte aux particularités de cette situation du travail de l’erreur. Encore ici, l’enseignant peut constater in situ qu’une stratégie d’intervention n’est pas efficace et il s’organisera alors en déployant une autre forme d’intervention sur la procédure erronée.

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Toutefois, comme pour la mobilité, la cooccurrence de stratégies peut également démontrer une certaine défaillance chez l’enseignant, sur le plan du contrôle de l’activité mathématique de l’élève (numéral ou numérique). Cette difficulté, sur le plan du réglage des aspects syntaxiques et sémantiques, est typique de l’accommodation; le nouveau maître ne possède pas tous les éléments cognitifs nécessaires au traitement relativement immédiat de la situation d’enseignement. Ici encore, nous pouvons penser qu’il apprend à mettre en œuvre des stratégies d’intervention sur l’erreur.

Au terme de cette présentation, nous retenons que les trois différentes formes d’organisation de la conduite déjà identifiées par Portugais sont sujettes à différentes interprétations. La multiplicité, la mobilité et la cooccurrence de stratégies prennent un sens selon la situation du travail de l’erreur dans laquelle elles se retrouvent. Pour obtenir des indices sur les mécanismes cognitifs qui sous- tendent l’activité du maître, nous nous devons d’analyser ces phénomènes didactiques dans leur contexte.

2.1.4.2. Une adaptation à l’erreur et aux éléments de la situation