• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE TROISIÈME CADRE DE RÉFÉRENCE

3. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL

Nous retenons, dans le cadre de la présente étude, cinq hypothèses de travail générées à partir de notre cadre de référence. Elles s’appuient sur des concepts précis de la théorie des champs conceptuels et s’appliquent à des situations d’enseignement particulières.

H-1 En situation du travail de l’erreur, l’enseignant débutant organise sa conduite dans le but de traiter la procédure erronée. Il coordonne ses choix, ses décisions et ses actions afin d’amener l’élève à prendre conscience de l’erreur commise dans l’exécution de l’algorithme de division.

Nous savons que l’activité de diagnostic de l’erreur est liée à l’activité d’intervention sur celle-ci. Nous supposons ici que cette relation d’association s’explique par ce but du maître novice de traiter la procédure erronée. Dans ce contexte, il cherche seulement à amener l’élève à prendre conscience de son erreur, ce qui se différencie de certains résultats de recherche obtenus par Portugais en 1995 auprès des étudiants en formation initiale (cf. infra, p. 16).

H-2 Lorsque le nouvel enseignant est appelé, en classe ordinaire, à reconnaître et intervenir sur une erreur, il fait face à un problème à résoudre. Dans ces situations d’enseignement particulières, la procédure erronée n’est pas nécessairement la seule variable qui est prise en compte par le maître novice.

CHAPITRE TROISIÈME

132

Nous savons que l’enseignant débutant se réfère à son propre répertoire de connaissances afin de repérer l’erreur et d’intervenir subséquemment sur celle-ci. Puisque ces situations prennent place dans le contexte de la classe ordinaire, nous supposons que ce sujet est appelé à négocier la procédure de l’élève, de même que certains autres éléments pouvant marquer la réalisation du travail de l’erreur. Sachant que le nouveau maître ne fait pas qu’appliquer arbitrairement un moyen d’intervention sur une erreur, nous pensons qu’il reconnaît également toutes les informations pertinentes de la situation dans laquelle il se retrouve avant d’intervenir. À partir de son répertoire de connaissances spécifiques, mais également de la prise d’information sur la situation du travail de l’erreur, l’enseignant débutant fait des inférences (raisonnements), calcule des règles d’action et émet des intentions didactiques. Cette activité conceptuelle lui permet d’agir sur les composantes du schème-algorithme de l’élève par la mise en oeuvre d’une stratégie d’intervention qu’il juge, à ce moment-là, appropriée. Cette action peut ou non amener l’élève à prendre conscience de son erreur.

H-3 En classe ordinaire, le maître débutant régule son travail de l’erreur en fonction du déroulement de la situation dans laquelle il se retrouve. L’activité de conceptualisation, réalisée sur le plan supérieur, lui permet d’effectuer ses ajustements.

Nous savons que le contexte de la classe ordinaire détient un caractère imprévisible. Nous supposons donc que si l’enseignant veut amener l’élève à prendre conscience de la procédure erronée, il cherchera à ajuster son travail de l’erreur in situ. Nous pensons que c’est l’activité de conceptualisation qui lui permet de réguler la mise en œuvre des stratégies d’intervention. En ce sens, nous croyons que l’activité conceptuelle du novice en situation du travail de l’erreur est rythmée par les passages de la représentation cognitive à l’action et de l’action à la représentation cognitive. Selon le déroulement de la situation, il peut alors décider de maintenir un moyen d’intervention ou préférer un changement d’approche.

CHAPITRE TROISIÈME 133

H-4 Pour l’enseignant qui œuvre dans le contexte de la classe ordinaire : − La mise en place de stratégies d’intervention faisant preuve d’un

contrôle de l’activité conceptuelle de l’élève (qu’il soit numéral ou numérique), les conduites automatisées et les réajustements rapides sont des indices permettant d’identifier des éléments cognitifs déjà construits. Ces éléments de sa conduite indiquent que le novice possède les connaissances et les éléments cognitifs nécessaires au traitement des situations du travail de l’erreur. Ils témoignent du processus d’assimilation.

− Toutefois, les formes dégénérées du travail de l’erreur démontrant un manque de contrôle de l’activité conceptuelle de l’élève (qu’il soit numéral ou numérique), les incohérences du discours et les hésitations indiqueront plutôt qu’il y a tentative d’accommodation à la situation. Ces types de conduites nous permettent d’inférer des connaissances qui sont accommodées, conjuguées, décombinées, recombinées ou même amalgamées. Elles témoignent du fait que le novice ne possède pas tous les éléments cognitifs nécessaires au traitement relativement immédiat des situations du travail de

l’erreur.

Grâce à la théorie des champs conceptuels, nous savons que l’analyse de l’organisation de la conduite du sujet permet de mettre en relief le processus d’adaptation. C’est ainsi que l’implicite de ses connaissances d’un sujet peut être

révélé. En prenant appui sur les concepts proposés par Vergnaud, mais également

quelques résultats de recherche de Portugais (1995), nous supposons que différents types de conduites adoptées par l’enseignant débutant témoignent parfois du processus d’assimilation, parfois du processus d’accommodation. Par conséquent, c’est grâce à l’analyse de la coordination de ses choix, décisions et actions dans le cadre de situations du travail de l’erreur particulières qu’il est possible d’obtenir des indices sur les mécanismes cognitifs spécifiques qui sous-tendent le travail de l’erreur.

CHAPITRE TROISIÈME

134

H-5 L’organisation invariante de la conduite pour les situations du travail

de l’erreur est appelée le schème-travail de l’erreur. Chez l’enseignant

débutant, il est possible de caractériser ce schème-travail de l’erreur en témoignant du processus d’adaptation, de mécanismes cognitifs et de certaines connaissances spécifiques au travail de l’erreur.

L’analyse de l’organisation de la conduite du maître en situation du travail

de l’erreur doit mettre en évidence le caractère dynamique et adaptatif de cette

structure conceptuelle. Toutefois, ce sont les choix, décisions et actions témoignant du processus d’accommodation à la situation d’enseignement, comme les incohérences du discours ou les formes dégénérées du travail de l’erreur, qui permettent surtout d’en montrer les particularités. Nous pensons que ces conduites ne constituent pas des manquements; elles révèlent plutôt le caractère incomplet de ce schème chez le novice. Puisque l’enseignant en est à sa première année de carrière, nous postulons que ce schème demeure « en construction »; il n’a pas nécessairement atteint un état d’équilibre. Ainsi placé dans le contexte de la classe ordinaire, le nouveau maître s’adapte et fait ses propres expériences en matière d’intervention sur les procédures erronées31.

31 Nous ouvrons ici une courte parenthèse afin de justifier, encore une fois, le choix d’une

population de novices pour une étude ciblant l’activité conceptuelle du maître qui repère et intervient sur l’erreur de division (cf. supra, p. 33). Comme l’élève qui en est à ses premières exécutions d’une division longue, le nouvel enseignant n’est pas un expert. Les conduites qu’il adopte en travaillant l’erreur témoignent parfois du processus d’assimilation, parfois du processus d’accommodation. Rappelons que Vergnaud place la notion de schème au centre du processus d’adaptation des structures cognitives. Il stipule que c’est en témoignant des mécanismes conceptuels de l’assimilation et de l’accommodation, à partir de l’analyse de conduites observables, qu’il est possible de repérer et caractériser un schème spécifique à une activité (cf. infra, p. 86 et 110). Or, selon la logique de la théorie des champs conceptuels, nous comprenons que les conduites d’un expert, telles que celles d’un maître avec plusieurs années d’expérience, témoigneraient surtout du processus d’assimilation. Pour caractériser le schème-travail de l’erreur, nous devons donc opter pour l’analyse de la coordination des choix, décisions et actions de sujets novices. Nous croyons que ce choix nous permettra d’obtenir de plus amples indices sur les mécanismes cognitifs spécifiques qui sous-tendent le travail de l’erreur.

CHAPITRE TROISIÈME 135

3.1. À propos des cinq hypothèses de travail

À la suite de cette présentation des cinq hypothèses de travail, nous tenons à préciser leur rôle dans le cadre de la présente thèse. Spécifions que nous avons choisi de formuler des hypothèses dites « de travail » principalement pour des raisons heuristiques, c'est-à-dire pour nous aider à trouver, dans l’élaboration de nos études de cas, des repères significatifs et des événements caractéristiques du travail de l’enseignant débutant au sujet des erreurs de ses élèves. Il ne s’agit donc pas ici de valider ces cinq hypothèses, comme on le ferait dans le cadre d’une recherche statistique sur un grand échantillon. En ce sens, c’est pour effectuer un certain travail de mise en relation des gestes et décisions du maître qu’il est nécessaire de considérer ces d'hypothèses « de travail ». Il s’agit ici de structurer, au moyen des outils théoriques présentés dans notre cadre de référence, le travail d’analyse mené dans les études de cas qui seront présentées dans les chapitres suivants. Le lecteur comprendra donc que notre prétention n’est pas de tester une hypothèse classique, mais plutôt de fonctionner de manière heuristique, comme on le fait en contexte d’étude exploratoire et descriptive.

Ceci complète ce que le présent cadre de référence établit comme approche pour l’interprétation de ces phénomènes d’enseignement.

CHAPITRE QUATRIÈME