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CHAPITRE SECOND RECENSION DES ÉCRITS

1. TRAVAIL DE L’ERREUR CHEZ LES ENSEIGNANTS DÉBUTANTS Notre recherche cible le repérage et l’intervention du maître novice sur les

1.1. Caractéristiques et particularités des maîtres novices

Depuis les quinze dernières années, l’intérêt croissant envers l’enseignant a entraîné le développement de recherches ciblant spécifiquement ce « pôle » du système didactique. Ceci a permis de considérer le professeur comme un facteur déterminant de l’apprentissage des élèves et a occasionné de nombreux changements sur la manière dont son rôle est conceptualisé par la communauté scientifique. Nous remarquons que, dans le domaine de la didactique des mathématiques, bon nombre de ces travaux ciblent plus particulièrement une population de futurs enseignants. Or :

L’une des principales caractéristiques des étudiants en formation initiale

des maîtres est leur peu d’expérience pratique et le fait, par conséquent, qu’ils se représentent plus ou moins les situations problématiques auxquelles ils risquent d’être confrontés. Ils ne disposent pas de répertoires de solutions leur permettant d’affronter ces situations si bien qu’ils ont tendance à les appréhender de manière intuitive sur la base de leurs propres expériences comme élèves ou à partir de modèles d’enseignants avec lesquels ils ont été en contact en tant qu’apprenants.

(Legendre et Portelance, 2001, p.18) L’enseignant débutant, également caractérisé par le manque d’expérience, constitue rarement l’objet de recherches en didactique. Celui-ci se distingue

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formellement du futur maître, puisqu’il n’appartient plus au système de formation. Les liens tissés avec l’institution universitaire se sont estompés et le sujet n’est plus soumis au contexte d’évaluation3. De ce fait, il s’opère « nécessairement un

changement de rapport au savoir enseigné » (Perrin-Glorian, 2002, p. 188).

Rappelons que le maître novice n’est ainsi plus assujetti au contrat de formation. Ses actions sont alors uniquement « médiées par sa position dans le système

d’enseignement et dans le système didactique » (Portugais, 2000a, p. 3). Par

conséquent, il endosse toutes les responsabilités que comporte le métier d’enseignant en assumant un double rôle :

− Effectuer une présentation des mathématiques d’école qui soit

conforme aux attentes du système d’enseignement;

− Agir sur le rapport que va développer l’élève avec les mathématiques

d’école de manière à ce que le système didactique « fonctionne » (c’est-à-dire qu’il réalise le projet d’enseignement et, qu’à la fin, les élèves aient effectivement appris les mathématiques d’école visées).

(loc. cit.) Dans un premier temps, le fait d’effectuer une présentation des mathématiques implique nécessairement l’exposition des mathématiques d’école « en fonction des élèves particuliers dont est composée sa classe (contraintes du

système didactique) », mais également « en fonction du projet social d’enseignement (contraintes du système d’enseignement) » (loc. cit.).

Cela va conduire le professeur à effectuer des choix et à prendre des

décisions importantes pour le « bon fonctionnement » des mathématiques d’école. Des stratégies seront choisies, des décisions ad hoc seront prises aussi. La recherche en didactique sur le sous-système enseignant devait permettre d’éclairer cela pour que l’on saisisse finement comment se font ses adaptations et comment se prennent ses décisions.

(ibid., p. 3-4) Dans un deuxième temps, l’enseignant a la responsabilité d’agir sur le rapport que va développer l’élève avec des mathématiques d’école, ce qui signifie

3 Rappelons que, contrairement à nos collègues français qui maintiennent un système dans lequel

inspecteurs et conseillers pédagogiques viennent évaluer les nouveaux maîtres lors de leur période d’induction, les enseignants débutants québécois ne sont pas soumis à un suivi « officiel » depuis l’abolition du système de probation en 1992.

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qu’il doit repérer des ressources qui « permettent d’agir sur la cognition d’autrui » (ibid., p. 4). Ainsi, l’acte de « faire comprendre des mathématiques d’école aux

élèves » n’est ni simple, ni automatique, puisque :

L’apprentissage des mathématiques consiste donc non seulement à

apprendre un contenu, mais surtout à apprendre à s’en servir pour résoudre des problèmes à l’intérieur des mathématiques, mais aussi à les utiliser pour résoudre des problèmes extérieurs aux mathématiques.

(Perrin-Glorian, op. cit., p. 168). L’enseignement des mathématiques constitue ainsi une activité complexe qui « nécessite des explications, des exercices, des problèmes, des indications, des

déclarations, des écritures, des commentaires qui viennent contrepointer ces écritures, etc. » (Portugais, op. cit., p. 4). Dans le domaine de la didactique des

mathématiques, nous considérons que :

Le médiateur « professeur » n’est pas un relai dans la tâche qui consiste

à faire apprendre et à faire comprendre des mathématiques d’école; au contraire, l’enseignant est un médiateur essentiel qui détermine pour une large part le fonctionnement de la relation didactique4.

(loc. cit.) Pour enseigner les mathématiques, les maîtres disposent des connaissances relevant de savoirs mathématiques, de savoirs didactiques, de savoirs d’expérience5 et aussi de savoirs pédagogiques6 (Perrin-Glorian, 2002). Précisons que ces derniers sont construits « par les processus d’intervention du maître sur le

rapport de l’élève au savoir mathématique » (Portugais, 1995, p.285) et doivent

être actualisés, répétés, testés, mis à l’épreuve et modifiés par le maître pour qu’ils puissent prendre du sens. Dans les écrits de la didactique, l’ensemble des savoirs que détiennent les maîtres novices est décrit comme étant « en construction ». Mentionnons que leur analyse relève rapidement des difficultés d’ordres théorique

4 C’est-à-dire la relation existant entre les pôles « élève » et « savoir » du système didactique. 5 Dans le cadre de la didactique des mathématiques, le savoir d’expérience est un savoir particulier,

défini comme un savoir construit « par les processus d’intervention du maître sur le rapport de

l’élève au savoir mathématique » (Portugais, 1995, p.285).

6 Insistons sur le fait que, si nous reconnaissons l’existence de ce type de savoir, il ne constitue pas

l’objet d’étude de la présente recherche, ancrée dans le domaine de la didactique des mathématiques.

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et méthodologique; il demeure impossible de faire un inventaire exhaustif des différentes connaissances en acte de l’enseignant. De plus, lorsque leurs connaissances mathématiques sont étudiées et évaluées, ce n’est souvent que pour constater leur insuffisance (Perrin-Glorian, 2002). De ce fait, peu est connu à propos des connaissances des enseignants novices, surtout en ce qui concerne les savoirs didactiques et d’expérience, sinon qu’ils demeurent ouverts sur l’avenir (Houdement et Kuzniak, 1996).

Dans les écrits relevant du domaine de la psychopédagogie, il est possible de retrouver une diversité d’expressions afin d’identifier la période d’insertion dans la profession enseignante. On parle de l’adaptation, l’initiation, l’introduction, l’acclimatement, l’orientation et l’intégration (Weva, 1999, p.189). Huberman l’identifie comme la phase d’entrée ou phase de tâtonnement (1989), mais il est également possible de la retrouver sous le nom de phase de transition ou phase d’induction. Cela dit, dans la littérature québécoise, cette période est surtout identifiée comme étant l’insertion professionnelle. Elle « représente

l’ajustement à faire à l’entrée dans le monde du travail » (Tardif et Lessard, 1999,

p. 388) et se définit comme :

un processus formel et planifié visant à introduire, à orienter ou à initier

les nouveaux enseignants à leur nouvelle profession afin de maximiser, aussitôt que possible, leur satisfaction, leur motivation au travail et leur rendement. [L’insertion professionnelle] est un processus par lequel les nouveaux employés deviennent conscients de diverses facettes de leur nouvel emploi et des implications qu’elles ont pour eux.

(Weva, op. cit., p.189) Certains auteurs stipulent que ce premier cycle de la vie professionnelle a une durée de trois ans, mais d’autres affirment qu’il peut s’étendre jusqu’à cinq ans. Quoi qu'il en soit, c’est surtout la première année qui captive l’intérêt des chercheurs, puisque :

The initial year is recognized as an important segment of a teacher’s

career, believed to have long-term implications for teaching effectiveness, job satisfaction and career length. As preservice teachers enter the

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workplace, they encounter new challenging responsibilities and must find a professional place within the school culture. Many begin this transition filled with uncertainty, find their jobs more challenging than anticipated, and rethink career choice.

(Feiman-Nemser, 1983 ; Lortie, 1975; Macdonald, 1980, tels que cités

par Herbert et Worthy, 2001, p. 897-898). Nous remarquons qu’un grand nombre d’écrits présentent cette première étape de la vie des enseignants de façon négative, « using terms such as

frustration, anxiety, isolation, and self-doubt » (Herbert et Worthy, 2001, p. 898).

Cette phase, dans la carrière d’un enseignant, va même jusqu’à être qualifiée de

période de survie par des chercheurs tels que Katz (1972) ou Huberman (1989).

Hétu soutient que les enseignants en insertion professionnelle peuvent même traverser une crise « reconnue sinon précisément en sa fréquence, au moins

comme malaise, profond sentiment de défaite du nouvel enseignant, angoisse du futur » (1999, p. 24).

Sans soulever tous les détails liés à l’insertion professionnelle, nous tenons à souligner le processus délicat que représente l’entrée dans le métier d’enseignant. Nous reconnaissons que la situation des maîtres novices est exceptionnelle puisque « rares sont les professions où, dès la première journée, le

débutant a les mêmes responsabilités qu’un autre ayant dix ans d’expérience »

(Boutin, 1999, p. 51). Il est dit qu’en début de carrière, l’enseignant « est entre

deux identités, il abandonne sa peau d’étudiant en instance d’examen pour se couler dans celle d’un professionnel responsable de ses décisions » (Perrenoud,

2000, p. 12). Ce dernier n’atteindra l’expertise qu’au fil des années dédiées à sa pratique (Houdement et Kuzniak, 1996). De nombreux chercheurs insistent d’ailleurs sur le rôle indéniable que joue l’expérience professionnelle dans l’adaptation du maître à son nouveau milieu. À ce sujet, nous reprenons les propos de Riopel :

Il faudra au nouvel enseignant quelques années de pratique en classe

pour intégrer, d’une manière progressive son rôle professionnel et l’image de lui-même accomplissant ce rôle. Il y a des difficultés

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inhérentes à l’entrée en fonction, mais il y en a d’autres relatives à la nécessité de se « voir lui-même » assumer ce rôle, d’apprendre à se connaître dans son exercice et de ce qu’il comporte, malgré les problèmes, le début de carrière est une étape importante dans la structuration des connaissances et des savoirs du jeune enseignant.

(2006, p.13) Au terme de cette brève présentation de la population des enseignants débutants, nous tenons à préciser que notre référence aux différents concepts mentionnés est effectuée dans le but de mieux présenter notre population cible. Sans négliger l’importance relative des autres aspects associés à l’étude de l’insertion professionnelle, nous tenons à réitérer que notre projet relève uniquement du domaine de la didactique des mathématiques. Selon cette approche, les questions qui concernent le maître portent sur les phénomènes didactiques qui mettent en jeu cet acteur. Elles se rapportent également au savoir ou au rapport qu’entretiennent les élèves au savoir. Comme le mentionne Perrin-Glorian, ce champ d’études se fonde sur l’hypothèse que « le savoir (enseigné ou à

enseigner), qui est lui-même un objet d’étude pour les chercheurs, intervient de façon incontournable dans les questions étudiées » (op. cit., p. 168).

1.2. Maîtres novices et travail de l’erreur : justifications théoriques et