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Le rôle des institutions comme vecteur de création de confiance généralisée

I. Les associations au cœur du débat sur le capital social

3. Les limites d’une approche normative

3.3 Le rôle des institutions comme vecteur de création de confiance généralisée

confiance généralisée

En suivant la même démarche déterministe, comme on l’a vu, la notion de capital social s’est avérée utile pour comprendre dans une approche « macro », les performances institutionnelles et économiques des sociétés. Plus une société est dotée de capital social, en raison de son histoire et de sa culture partagée, plus elle sera à même de générer de la confiance généralisée par le biais de ses organisations intermédiaires, les associations. Selon ce postulat, la participation associative génère une confiance généralisée de manière « quasi-automatique ». La question est donc de savoir si la corrélation entre confiance sociale généralisée et adhésion associative est aussi directe que l’indiquent Putnam et Fukuyama. Sur ce sujet des argumentations ont été émises pour nuancer ce postulat et analyser la complexité de la relation entre confiance généralisée et participation associative. Pour reprendre Vignati (2003, p. 154), on pourrait dire qu’à l’origine de l’engagement associatif il peut, en effet, y avoir un sentiment de confiance sociale mais aussi, et c’est fréquent, une défiance généralisée envers la capacité des institutions à faire face aux problèmes qui concernent les acteurs qui s’engagent. La force des liens internes entre les acteurs ne se transforme pas nécessairement en confiance envers les institutions et ceci semble être proportionnel au degré d’engagement des personnes. Dans ce sens, les vertus de la société civile pour créer de la confiance généralisée ne peuvent pas être considérées comme un « bien en soi ». Pour reprendre les propos de Evers (2001), il faut considérer la confiance sociale généralisée comme un bien public auquel certains ont plus accès que d’autres, dans des contextes spécifiques et, ceci, en relation à leur statut, leur positionnement social, et, a priori, à leur stock de capital social qui peut devenir, ainsi, un élément de l’inégalité des ressources.

La question est donc de savoir comment et à quelles conditions la production de liens sociaux pour l’individu au sein des associations est un vecteur de production de confiance généralisée et donc, plus généralement, de participation démocratique. La typologie des organisations (organisation interne, relations avec l’extérieur, projet associatif, …) est en ce sens déterminante. Si on se réfère plus particulièrement à la relation entre participation associative et engagement civique, une récente étude, menée en France lors des élections présidentielles de 2002, montre bien que cette relation n’est pas directe. Sur la base de deux

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enquêtes de très large envergure28

, il a été démontré qu’aucune relation n’existe entre engagement civique et confiance envers les concitoyens et le personnel politique, et plus largement envers les institutions étatiques. Et ce, bien que l’engagement associatif puisse augmenter les chances d’une personne de s’intéresser à la politique, notamment si l’on est membre d’une association plus directement investie dans les champs des revendications sociales (Mayer, 2004). Avec des constats similaires, La Valle (2003, p.139) montre qu’en Italie dans les années 1993-2000, à la croissance régulière de l’inscription dans des réseaux associatifs et dans des groupes de bénévolat, ne correspond pas une croissance de l’engagement politique, notamment au sein des partis politiques. Et ceci, d’autant plus qu’il constate une modification de l’appartenance associative se déclinant dans des groupes moins stables et plus flexibles qu’auparavant. Ainsi l’identification de données fiables concernant une éventuelle relation directe entre participation associative et engagement politique est très difficile à établir.

Cela dit, il faut relativiser et se poser deux types de questions, l’une concerne les effets « internes » du capital social (les « associations sont une sorte d’école pour la création de citoyens meilleurs ») et l’autre, les effets « externes » du capital social (les associations sont capables de générer des comportements coopératifs entre elles à la faveur du mieux vivre collectif) (Vignati, 2003, p.153). Dans le premier type de questionnement, il faut savoir quelles sont les relations spécifiques de coopération internes aux associations qui favorisent les processus démocratiques alors que d’autres les en empêchent (Diani, cité par Vignati, 2003). Dans le deuxième type de questionnement, il faut savoir de quelle manière les associations se confrontent et interagissent avec leur contexte spécifique. De ce fait donc, comme le montre Ritaine (2001, p.55) en citant Edwars et Foley (1999), il serait plus pertinent de considérer le capital social de manière contextualisée, en se référant ainsi aux enjeux et situations qui le déterminent en tant que composante (parmi d’autres) de la performance politique et économique. En effet, d’autres facteurs contribuent à créer cette confiance et notamment les institutions politiques.

Or, Bagnasco (1999) montre bien comment l’approche culturaliste du capital social limite fortement le rôle de l’action politique dans la « construction de la démocratie et de la performance économique ». Seules les dotations en capital social déterminent l’aptitude des

28 Enquête « Les français et la démocratie - 2000 » par la SOFRES et les enquêtes « Panel électoral français - 2002 » du CEVIPOF et CECOP.

56 personnes à travailler ensemble pour des objectifs collectifs, pour Putnam sous forme de participation associative, et pour Fukuyama, sous forme d’implication et dynamique civique activée par des cultures familiales aptes à générer la socialisation. Ainsi le rôle du politique, et plus particulièrement de l’Etat, est confiné pour laisser à la société civile une place déterminante dans les processus de création de confiance généralisée à la base de tout développement économique et/ou social. La relation entre culture civique/capital social et

fonctionnement des institutions n’est pas davantage explorée29. (Vignati, 2003, p. 153). Alors

que plusieurs études montrent que la confiance généralisée est certes le résultat de la participation associative mais que d’autres facteurs de contexte sont déterminants. En particulier, les institutions publiques participent à créer la confiance entre les citoyens (Levi, 1996, Mutti, 1998) en améliorant la « qualité » de la démocratie.

Les possibilités réelles octroyées aux citoyens par les institutions en matière de participation aux processus démocratiques sont déterminantes. L’inscription individuelle des personnes dans des réseaux civiques n’implique pas automatiquement leur participation politique si ces conditions ne sont pas garanties de manière collective et publique au niveau institutionnel. Le contexte institutionnel agit comme facteur déterminant de l’engagement politique car il participe à garantir l’existence d’opportunités de participation. De même, le rôle du politique agit comme garant de l’égalité entre les citoyens, son rôle est alors fondamental dans la valorisation des processus d’auto-organisation et de pouvoir des groupes désavantagés.

Si les réseaux associatifs fournissent véritablement aux institutions démocratiques un substrat indispensable, il reste que les institutions ont leurs spécificités propres qui ne se réduisent pas au « prolongement organisationnel des pratiques de coopération » (Perret, 2006, p. 300). Le système politique a un rôle autonome par rapport à la performance institutionnelle : les modalités de gouvernement, la composition des partis, la polarisation idéologique et le conflit social, sont autant de facteurs qui rentrent en ligne de compte et qui restent sous-estimés dans la perspective du capital social (Mutti, 1998, p.17). Le politique, en définitive, crée et garantit les conditions de l’action collective au sein de la société, à laquelle les associations contribuent directement. Comme le montre Laville (1998, p.179) « le devenir

29 Il faut remarquer que si Putnam apporte un regard moins tranché en ce sens, Fukuyama nie absolument le rôle du politique, voire de l’Etat.

57 des associations ne peut être appréhendé à travers une réflexion sur l’essence associative qui ignorerait les conditions institutionnelles d’exercice des activités associatives ».

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