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Contre le clientélisme et pour le particularisme comme ressource

II. L’antimafia sociale

2. A la croisée des regards

2.1 Contre le clientélisme et pour le particularisme comme ressource

ressource

L’inscription dans des référents particularistes typiques de la culture archaïque, serait à l’origine du manque d’esprit civique dans le Sud. Ce particularisme s’exprime par la force des liens communautaires, d’appartenance familiale, d’amitié restreinte qui, de par leur enracinement, seraient à l’origine de formes d’enfermement empêchant toute ouverture vers les autres. Selon cette approche, l’expression la plus exacerbée du particularisme est, sans aucun doute, le clientélisme détournant, au profit des intérêts privés, le bien public. Selon de nombreux spécialistes de la question méridionale, la persistance du clientélisme est due à la force du communautarisme qui re-fonctionnalise la tradition comme un instrument de résistance au changement. Comme le montrent Briquet (2006, p. 49-50) et Blando (2002) la

notion de clientélisme286 s’est imposée « en un principe déterminant d’intelligibilité du

système politique italien » et, ce, depuis l’unification de l’Italie, en 1861, et jusqu’à nos jours. Selon cette approche, les classes dirigeantes locales et nationales auraient été dans

286 « Les mécanismes sur lesquels repose le clientélisme permettent que dans le système social, en tous lieux et en tous temps, des acteurs inégaux se lient selon des modalités assez reconnaissables, dans le cours d’une même action (Voir Vidal, 1993). Le clientélisme témoigne de la confiance que les membres d’une société placent dans les valeurs qui leur sont communes et par le biais desquelles ils façonnent leur identité et entrent en relation les uns avec les autres. Quand on parle de clientélisme, on fait référence à l’attitude de déférence d’un sujet faible par rapport au plus fort. Il a un caractère d’obligation à long terme ou à court terme selon les prestations et les contre-prestations qui y sont impliquées. L’accord de dépendance est fortement personnalisé et il s’établit entre le patron/protecteur en tant que personnage dominant du rapport et ceux qui sont définis comme ses clients, ses protégés ou ses dépendants. Cet accord s’encadre dans le système des valeurs traditionnelles et des formes de solidarité qui gèrent la vie communautaire. Il est strictement connexe à l’honneur car ce dernier implique une échelle hiérarchique. Dans la plupart des cas le clientélisme méditerranéen concerne les individus et il devient une dynamique de réduction temporaire du décalage qui existe entre les sujets. Il influence la représentativité car, en utilisant l’honneur comme règle de référence, il oriente les choix à tous les degrés (politique, économique et social), du privé au public. Différemment de ce qu’on peut croire, la dépendance engendrée par le clientélisme ne va pas à sens unique : du supérieur à l’inférieur, du plus fort au plus faible, mais plutôt dans le double sens. Cela ne veut pas toujours dire soumission complète car à travers ce système les plus faibles disposent des instruments de pression sociale, morale, de consensus, d’amitié pour contrôler la prépondérance des supérieurs. Quand on parle, par exemple de l’appui électoral ou de la procuration des votes, le rapport de clientélisme qui s’engendre augmente à la fois l’importance des élus et des personnes qui contrôlent les électeurs. Cela veut dire que vient à s’instaurer une dynamique d’aller-retour de faveurs. De plus, et de la part des individus ou des minorités, il y a une volonté de renégociation à leur avantage des situations et même des dépendances. Dans le cadre des systèmes culturels et sociaux existants, ils se servent du clientélisme pour jouer sur la confiance, sur les modalités de choix du patron et, par son biais, gagner une place de relative respectabilité ou de défense vis-à-vis du pouvoir des plus forts. Encore, quand se présente « l’obligation » de dépendre ou de se mettre au service d’un autre dans les rapports patronclient, s’instaure une dépendance – confiance mutuelle que gère la relation et qui est à la base du lien social entre les deux. Les caractéristiques fondamentales de ce mode de représentativité sont donc la dépendance, la protection, mais aussi la confiance mutuelle » Bucolo (1998). Sur ce sujet voir également, pour l’approche anthropologique Davis (1997) et Pitt-Rivers (1997). Pour l’approche de la science politique voir Briquet et Sawicki (1998).

191 l’impossibilité de produire un processus de « modernisation politique de la nation » aboutissant à une « démocratie achevée ».

Comme on a pu le constater, la dénonciation du clientélisme, utilisée par la droite libérale au pouvoir après l’Unification d’Italie, avait servi pour construire une rhétorique apte à disqualifier les nouveaux dirigeants issus des classes moyennes et ayant investi l’arène politique grâce à l’élargissement du droit de vote. Il s’agissait, plus particulièrement, des

dirigeants méridionaux inscrits dans les courants de gauche287, et provenant en grande partie

des rangs du mouvement associatif et coopératif. Puisant dans le répertoire intellectuel, les politiciens conservateurs trouvèrent les « arguments » pour construire un discours politique

qui vienne enrayer l’avancée des forces de gauche, notamment après les élections de 1876288.

Ainsi, de par leurs origines méridionales, ces dirigeants n’étaient pas jugés aptes à gérer l’Etat du fait « des dispositions à la violence et à l’incivilité »289 dont on les disait porteurs « par nature » en raison de leur provenance paysanne et des classes moyennes. Leur « immaturité » politique et civique, loin des principes de justice et d’ordre étatique, les obligeant, en effet, à s’appuyer sur des réseaux de médiation particulariste et de corruption, pour pérenniser leur pouvoir au niveau local voire national. Ces représentations venaient donc conforter l’idée de la nécessité d’une classe politique septentrionale, expression de la droite conservatrice, pour gouverner le pays, de manière centralisée.

287 En Italie, le développement du mouvement ouvrier commença vers la fin du XIXe siècle. Les premières organisations de travailleurs sont, comme on a pu le constater, les sociétés de secours mutuel et les coopératives de tradition « mazziniana » avec des objectifs solidaristes. En 1877, durant les élections, le parti social

-démocrate réalise un grand consensus. En 1881, Andrea Costa organise le Parti Socialiste révolutionnaire de Romagne qui soutient les luttes des travailleurs, les insurrections pour les réformes administratives et économiques. Le parti de Costa rencontre de grandes difficultés bien qu’il soit élu à la Chambre des députés comme premier député socialiste. À cette époque le mouvement ouvrier développe d’autres formes d’organisation : les chambres du travail, les fédérations de métiers, … Les chambres du Travail se transforment bientôt en organisations autonomes et regroupent les travailleurs notamment dans les villes. En 1892, sur ces bases, naît le Parti des Travailleurs Italiens. Parmi ses promoteurs de ce qui deviendra en 1893 le PSI, il y a P. Turati, C. Treves, L. Bissolati qui provenaient de l’expérience du positivisme. En octobre de 1894 le parti est dissous par un décret ministériel durant le gouvernement Crispi.

288 La force politique au pouvoir en 1876 était composée par trois courants principaux. La première « la gauche historique » était d’orientation centriste et avait une posture libérale et progressiste modérée, à sa tête il y avait Depretis. La seconde composante (Cairoli, Zanardelli), était la véritable gauche historique nationale, ayant à ses origines la tradition de Mazzini, Garibaldi, qui était favorable à un compromis avec la monarchie et à une volonté d’engagement dans le Parlement. Le troisième courant, composé par la « jeune gauche » d’origine méridionale (De Luca, De Santis) était sur des positions plus modérées. Ce groupe avait comme projet politique de représenter les aspirations de la bourgeoisie agraire du Sud, déçue par le gouvernement de la droite historique. Il s’agissait en définitive d’un ensemble assez vaste en termes d’orientations, dans lequel des positionnements conservateurs pouvaient cohabiter avec des franges plus progressistes.

192 À l’égard de l’analyse historique proposée, on sait que la nouvelle classe politique méridionale s’était en grande partie formée au sein des nouvelles expériences de la société civile : les sociétés de secours mutuel, et plus tardivement les coopératives et les caisses solidaires. L’ancrage politique local et l’ample mobilisation populaire, constituaient les bases du consensus sur lequel ces dirigeants fondaient leur pouvoir politique, structuré sur un mode opératoire et représentatif largement décalé par rapport au centralisme conservateur des grands notables libéraux. « Aux vastes réseaux du patronage notabiliaire contrôlés par ces élites, de nouveaux entrepreneurs politiques opposaient des modalités alternatives de mobilisation de la société civile, en activant les cercles de sociabilité et les multiples associations (coopératives de crédit ou de production, sociétés de secours mutuel ….) dont ils étaient les animateurs. L’administration des institutions locales et des organismes qui en dépendaient (banques, offices chargés de l’assistance ou des équipements collectifs, ...) leur permettait, en outre, de s’assurer le soutien de secteurs étendus de la population, tout autant par les ressources qu’ils étaient ainsi en mesure de leur affecter que par la légitimité qu’ils retiraient de leur participation aux politiques de modernisation des services et des infrastructures (assainissement, transports, écoles, magasins municipaux, ...) dans les métropoles régionales comme dans les bourgs ruraux » (Briquet, 2006, p. 53-54). En définitive, les ouvertures démocratiques, dont ce nouveau personnel politique issu des réseaux citoyens était porteur, constituaient un danger pour le pouvoir politique installé. De plus, il structurait son consensus local en s’appuyant sur des réseaux de proximité, particularistes, qui en faisaient sa force. Il fallait donc trouver un « discours » capable de remettre en question la légitimité de ces expériences coopératives et associatives, ainsi que de leurs leaders.

De leur côté, les forces de la gauche s’approprieront ce même paradigme pour formuler les axes porteurs de leur discours politique d’opposition : dénoncer le « malgoverno » des forces politiques au pouvoir, et notamment de la Démocratie Chrétienne, dans le Sud de l’Italie. En effet, au lendemain de la Libération, en 1945, et de manière encore plus déterminante avec l’expansion de l’Etat social et des capacités de distribution des ressources dues à l’évolution des champs de compétences des collectivités territoriales (les années 1970), le paradigme de la « partitocratie clientélaire » 290 s’est imposé. Les partis de masse, et plus particulièrement la Démocratie Chrétienne dans le Sud de l’Italie, ont instauré un système de

290 La partitocratie se définit comme « cette forme de gouvernement dans laquelle un ou plusieurs partis détiennent le monopole de l’accès au personnel, aux ressources et aux politiques de gouvernement » (Lowi cité par Lazar, 2001, p.537)

193 gestion des ressources étatiques au profit des réseaux et des groupes qui composaient leur électorat : « il devint ainsi naturel pour les gouvernements de pratiquer une politique de rentes et de subventions en faveur de populations méridionales, dans tous les secteurs de l’activité économique » (Allum, 1995, p. 29-30). Avec le décalage accru du développement économique du Sud de l’Italie et l’insuffisante « politisation » des populations méridionales, le paradigme clientéliste servira de grille de compréhension de ces dysfonctionnements. Dans le débat public, la question du particularisme s’est amalgamée avec la dénonciation de connivences avec la criminalité organisée et plus particulièrement avec la Mafia (Briquet, 2006, p. 63 et Blando, 2002, p.4). Ce « pouvoir oligarchique (affairiste et mafieux) qui refuse la dialectique démocratique, détruit les institutions représentatives, empêche le développement de nouvelles formes de participation et de contrôle politique de la part des citoyens ».291.

À la croisée de ces regards partisans, face à l’ampleur de la crise des années 1990292 qui

a entraîné la fin des deux grands partis de masse, la DC et le PSI, ainsi qu’une « profonde délegitimation du pouvoir » (Lazar, 1997, p. 70), la mobilisation de la société civile a renforcé les demandes de légalité et des formes diverses de rejet de la politique en s’appropriant le discours attribuant les raisons profondes de la crise en cours, comme résultant d’un étiolement au système politique du fait du clientélisme et de la corruption. En parallèle, le monde académique et politique, « non seulement ne questionna pas ce paradigme culturaliste et dualiste mais le positionnera comme la seule explication de la crise. Crise pour laquelle il n’y avait d’autres solutions que la division de l’Italie avec la naissance de la Seconde République » (Blando, 2002, p. 6).

Or, s’il est vrai que, comme le montre Perna (1994, p.109), en Sicile comme ailleurs, tout au long de l’histoire, nombre de canaux de mobilité ascendante se sont créés en se substituant aux revendications collectives, produisant ainsi une grande désagrégation sociale, il reste qu’il a prévalu une interprétation unidimensionnelle du caractère exceptionnel des

291 Rapport conclusif de la minorité communiste parlementaire antimafia de 1976, cité par Briquet (2006, p. 63).

292 On se réfère ici à la crise engendrée d’une part, par l’affaire Mani pulite (en français, « Mains propres ») qui est le nom d'une opération judiciaire lancée en 1992 contre la corruption du monde politique italien qui a démantelé un système de corruption et de pots-de-vin perpétré par des personnalités politiques inscrites dans les deux partis de masse, la Démocratie chrétienne (DC) et le Parti socialiste italien (PSI). Le système ainsi découvert fut baptisé Tangentopoli (de tangente, pot-de-vin, et de poli, ville en grec). D’autre part, par la recrudescence des délits mafieux dont nous avons largement parlé dans le chapitre précédent.

194

crises traversées293. L’approche culturaliste affectant les déficits démocratiques aux « carences

culturelles » méridionales294 a prévalu. Dans cette perspective, pour citer encore Briquet

(2006, p. 65), « le clientélisme est constitué en une caractéristique « naturelle » du système politique de l’Italie, autorisant à considérer l’histoire du pays du point de vue de la résurgence de ses « tares » originelles et de l’incapacité récurrente de ses groupes dirigeants à y faire face ».

Il nous semble, en revanche, que certaines associations et coopératives se sont

positionnées dans les espaces de la revendication des droits de citoyenneté295 en prenant en

compte le paradigme du clientélisme comme constitutif de leur action mais en le mobilisant autrement. En particulier à partir des années 1990, elles se sont inscrites dans une perspective qui nous semble se référer en partie à la thèse de la « partitocratie clientélaire » tout en refusant une approche culturaliste fondée sur le paradigme de la « nature incivique des gens

du sud ». Ces associations, comme on a pu le constater au fil de l’histoire, mobilisent leurs

adhérents et initient leurs activités et actions diverses à partir d’une critique du système politique et, plus particulièrement, en se positionnant sur ce qu’elles appellent la « question

morale ». A partir de cet « écart entre éthique et politique »296, elles essaient de poser la question démocratique à l’appui d’une lecture qui ne se réduise pas à des justifications « culturalistes ». Ainsi, en refusant cette approche, ces associations se sont fait garantes de la possibilité, en Sicile, de la mise en œuvre de canaux non clientélistes en questionnant, au niveau macro, les pratiques de distribution des ressources publiques et, au niveau micro, les modalités de relations interpersonnelles dites « particularistes ».

293 Cette approche « culturaliste » du paradigme clientéliste, utilisée à des fins politiques, a été maintes fois remobilisée pour comprendre le système politique italien, notamment par les sciences politiques et sociales américaines durant les années 1950 et 1960 (Banfield, 1954 ; Almond et Verba, 1963) et plus tardivement, jusqu’aux années 1990, en raison des scandales qui ont traversé le monde politique italien. D’autres approches dont « la question méridionale », ont également animé le débat, notamment dans le souci de produire un schéma interprétatif des anomalies institutionnelles italiennes (Cersosimo et Donzelli, 2000, p.43-45).

294 Dans ce sens voir Ginsborg (1998), Putnam, Leonardi et Nanetti (1993); Catanzaro (1989).

295 La capacité de « revendication de droit de citoyenneté » est contestée par Catanzaro (1989, p. 20) qui insiste sur l’anomalie méridionale dans l’extension et l’institutionnalisation de la citoyenneté. Ceci en raison de l’absence de principes de régulation sociale fondés sur l’impersonnalité et l’anonymat provenant des mécanismes de marché. De ce fait la diffusion et l’extension des droits de citoyenneté « ont été obtenues avec très peu de

participation du bas, c'est-à-dire avec des niveaux de participation non élevés de la part de la population, et en général avec une orientation plutôt destinée à obtenir la concession de faveurs qu’à prétendre l’affirmation d’un droit ». L’industrialisation ne s’étant pas développée dans le Midi comme dans le reste de l’Italie, la demande de

citoyenneté n’a pas émergé en tant que réponse aux écueils du marché. À cause de la faiblesse des principes du marché et de leur introduction par l’Etat, « les droits de citoyenneté se sont affirmés en se structurant

essentiellement comme une concession de redistribution de la part de ce dernier ».

195 Au niveau macro, depuis la Réforme agraire et jusqu’à la stabilisation de l’Etat social, les associations et coopératives se sont mobilisées à l’encontre de la distribution arbitraire des ressources publiques par les partis, qui s’érigeaient en médiateurs indispensables entre l’Etat central et le niveau local. « L’expansion naturelle de la bureaucratie publique et du dispositif des services ont mis une quantité croissante de ressources à la disposition du parti-clientèle, pour renforcer sa fonction d’élément central d’une typologie nouvelle de structuration sociale » (Mingione, 1989, p.74). Cependant, les associations se sont attachées à

re-questionner ce mode de distribution des ressources297 qui filtre et détourne les destinataires des

flux selon des critères stratégiques et d’intérêt. Leur principal projet de réforme a été constant dans le temps et tout au long de leur histoire : il a été « lié à la question de la redistribution des ressources » (Schneider, 1996, p. 49) comme fondement démocratique indispensable. Dans ce sens, l’appel à la justice sociale se retrouve ancré dans le discours du mouvement associatif et coopératif : du mouvement paysan jusqu’à l’antimafia sociale. Comme le montre Schneider, (1996, p.46), bien que le mouvement anti-mafia se caractérise par son inscription hors des schémas de la lutte de classe, se différenciant ainsi du mouvement paysan, sa préoccupation reste principalement socio-économique : « en se référant au concept de justice sociale, nous rentrons dans un champ que les théoriciens des nouveaux mouvements attribuent aux anciens conflits, propres au passé. Nous montrerons que, même si les militants anti-mafia d’un point de vue subjectif veulent se détacher d’un langage de la lutte de classe, leur principal objectif réformiste – la structure clientéliste de l’Etat italien - est profondément lié à la question de la redistribution des ressources ».

Au niveau micro, les associations mobilisent le paradigme du clientélisme lorsqu’elles se heurtent aux situations d’inégalité qu’entraînent des relations interpersonnelles génératrices d’exploitation et de dépendance (Medard, 1976, p. 111). Les associations, et notamment celles implantées dans les quartiers les plus défavorisés, s’attachent à déstabiliser la dynamique verticale et asymétrique de certaines relations interpersonnelles, notamment celles de nature criminelle. Pour ce faire, elles développent des modalités de fonctionnement qui s’appuient sur la force des relations particularistes se référant à des formes de réciprocité égalitaire298. Ainsi, elles refusent de faire le lien entre pratiques clientélistes et « culture » inscrite dans la

297 Voir à ce propos l’exemple de l’expérience du COCIPA, relatée dans le précédent chapitre.

298 La question de mobilisation du principe de réciprocité au sein des initiatives associatives et coopératives est très largement abordée dans l’ouvrage de Gardin L., Les initiatives solidaires. La réciprocité face au marché et à

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nature particulariste des relations entre Siciliens. La « clientèle »299 relève en effet, d’un

ensemble de considérations et de pratiques tout à fait opposées aux principes démocratiques dont sont porteuses les associations : ces pratiques ont produit un long processus

d’« exorcisation des liens horizontaux » par un système vertical de domination sociale300

qui puise sa force dans une structuration des interactions sociales produisant de l’inégalité. De ce fait, les associations et coopératives, depuis les premières initiatives de secours mutuel et de caisses rurales, jusqu’aux coopératives sociales de récente constitution, en passant par les associations de l’antimafia sociale, se sont largement appuyées sur les réseaux de proximité, dits particularistes, pour renforcer leur action et en valoriser l’apport vertueux. À titre d’exemple, comme le montre Siebert (1993, p.287) en se référant à l’action des associations

de femmes qui se sont créées durant les années 1990301, « le particularisme de la sphère

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