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Rôle des croyances de contrôle sur la perception du risque, l’explication des accidents et les comportements de sécurité

Chapitre 4 : Rôle des croyances dans l’analyse des comportements de sécurité

5. Rôle des croyances de contrôle sur la perception du risque, l’explication des accidents et les comportements de sécurité

Dans le cadre des travaux portant sur la motivation à la protection, Mbaye (2009) relève que les biais perceptifs ou croyances optimistes sont tout autant susceptibles de provoquer le désengagement des individus vis-à-vis des programmes de prévention qu’ils sont capables de les inciter à se protéger. Elle s’appuie sur l’étude de Scheier et al. (1989) qui montre les effets bénéfiques des biais perceptifs tels que l’optimisme comparatif sur la capacité de récupération des patients ayant subi une opération chirurgicale. Par contre, « lorsque ces attentes

conduisent les gens à sous-estimer le risque, elles entrainent des comportements inadaptés car, généralement, les gens ne trouvent aucun intérêt à se protéger contre des évènements qu’ils jugent improbables » (Mbaye, 2009, p.61).

Il se dégage de la littérature sur les croyances de contrôle, une tendance de recherches qui valorisent les illusions positives et une autre tendance qui met en exergue leur effet néfaste sur la perception des risques et sur les comportements de sécurité. Les illusions positives semblent être valorisées dans le domaine de la santé (Scheier et al., 1989) tandis qu’elles le sont moins dans d’autres domaines comme celui de la circulation routière

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(Delhomme, 2000). Ainsi, si les illusions positives peuvent être bénéfiques pour un patient qui suit une thérapie, elles ne semblent pas toujours favorables à l’adoption des comportements sûrs face aux risques. La ligne de recherches qui met en exergue les effets adaptatifs des illusions positives peut être illustrée par une étude de Taylor et al. (2012). Les auteurs montrent les effets positifs de l’optimisme dispositionnelle sur le mode éducatif des parents en difficultés économiques et sur l’adaptation scolaire de leurs enfants. L’étude longitudinale porte sur 674 parents en difficultés économiques, d’origine Mexicaine, immigrés en Californie. Les participants sont invités à compléter un questionnaire comportant des mesures d’optimisme, de symptômes dépressifs, du mode éducatif des parents et de l’adaptation scolaire de leurs enfants. Après un recueil de données en deux phases, les résultats montrent qu’un degré d’optimisme élevé prédit de faibles symptômes dépressifs (b = -.45 ; p < .01) et une forte implication dans l’éducation des enfants (b = .20, p < .01). De plus, les symptômes dépressifs médiatisent les effets positifs de l’optimisme sur l’implication dans l’éducation des enfants. Par ailleurs, une forte implication des parents dans l’éducation des enfants prédit une forte adaptation scolaire de la part de ces derniers (b = .11 ; p < .05). L’étude de Taylor et al. (2012) montre à l’instar de plusieurs autres études (Taylor & Brown, 1988) que l’optimisme est un facteur d’adaptation.

Les recherches qui militent pour des effets négatifs des croyances de contrôle sur les comportements de sécurité routière peuvent être illustrées par cette étude de Morisset, Terrade et Somat (2010). Les auteurs se proposent d’étudier l’influence de l’auto-efficacité perçue sur le jugement subjectif comparatif du risque, évalué au moyen d’une mesure indirecte, et de tester le rôle médiateur de ce facteur entre l’efficacité perçue et les comportements auto-déclarés. Ils invitent 90 participants (tous des hommes) à répondre à un questionnaire comportant deux scénarii d’accidents dans deux situations de conduite à risque : l’alcool et la vitesse. Pour chaque scénario, les participants sont invités à estimer d’abord le risque pour autrui, puis pour soi. Ensuite, ils sont invités à estimer leurs capacités à conduire dans de telles conditions (auto-efficacité perçue). Enfin, ils sont invités à dire ce qu’ils feraient à la place de l’acteur dans le scénario (comportements rapportées). Les auteurs observent de l’optimisme comparatif uniquement sur le scénario qui porte sur le comportement de « vitesse ». Mais ils ne notent pas de lien significatif entre l’auto-efficacité perçue et l’optimisme comparatif. Cependant, ils notent pour les deux scénarii, qu’une forte auto-efficacité prédit une faible estimation du risque pour soi et pour autrui. En outre, la corrélation entre l’auto-efficacité perçue et le comportement est positive dans les deux scénarii. Par contre, le jugement du risque pour soi est négativement corrélé avec l’optimisme comparatif

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et avec le comportement de sécurité. Ainsi, cette étude montre qu’une surestimation de ses capacités à faire face aux situations dangereuses peut conduire à une sous-estimation du risque pour soi et à des comportements insécuritaires. Les résultats de cette étude s’accordent avec les travaux qui montrent que les illusions positives ont des effets négatifs sur les comportements de prévention dans le domaine de la circulation routière (Delhomme & Cauzard, 2000). On peut le constater, si les croyances optimistes peuvent avoir des effets bénéfiques dans le domaine de la santé notamment, un optimisme exagéré peut affecter négativement l’évaluation subjective du risque et conduire à des comportements inappropriés dans le domaine de la circulation routière. Ainsi, c’est dans ce domaine que les effets négatifs des croyances optimistes se manifestent le plus.

Par ailleurs, les études qui abordent le rôle des croyances de contrôle sur l’explication des accidents s’appuient sur le lieu de causalité. Elles laissent supposer que les croyances de contrôle telles que les illusions positives semblent favoriser des explications causales internes. C’est ce qui ressort de l’étude de Dejoy (1989) qui montre que les conducteurs qui imputent les accidents aux facteurs humains sont également ceux qui se considèrent comme étant plus compétents que les autres. Mais, il faut noter que les illusions positives sont peu accentuées lorsqu’on est soi-même victime d’un accident ou qu’on se sent proche de la victime. La victimisation va alors atténuer les explications internes ou même favoriser des explications externes. C’est ce qu’on observe dans une étude de Parker, Brewer et Spencer (1980, citée par Kouabenan, 1999). Les auteurs font expliquer un incident dévastateur par des victimes et des non-victimes et leur demandent d’indiquer la probabilité qu’elles ont de subir un tel désastre dans le futur. Ils observent que les non-victimes expriment un sens de contrôle plus élevé que les victimes. De plus, ils expliquent le fait de n’avoir pas subi l’incident par leurs efforts tandis que les victimes expliquent leur malheur par la fatalité. Ainsi, les recherches tendent à montrer que le fait de percevoir un contrôle sur les évènements est susceptible de favoriser des explications causales défensives et conduire à des prises de risque. Les personnes exagérément optimistes semblent croire que le malheur n’arrive qu’à ceux qui ont peu de contrôle sur les situations et imputent à ces derniers les causes de leurs mésaventures.

En somme, une croyance exagérée en son pouvoir de contrôle semble favoriser d’une part une sous-estimation du risque et d’autre part des explications causales défensives. Qu’en est-il lorsque le contrôle perçu sur les évènements est exercé par autrui, pour soi ? En l’occurrence, comment la croyance au contrôle des évènements par une divinité à laquelle on a foi, peut affecter l’évaluation du risque et les comportements face aux risques ? Cette question est traitée dans le paragraphe qui suit.

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