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ET DE L’EXPLICATION DES ACCIDENTS SUR LES COMPORTEMENTS DE SECURITE

Chapitre 7 : Effet des croyances sur l’explication des accidents et sur les comportements de sécurité (Etude 2)

1. Problématique et hypothèses de l’étude

2.2. Matériel et procédure

L’étude est réalisée à l’aide d’un questionnaire comportant des échelles en 4 points du type Likert mesurant les croyances fatalistes, l’optimisme comparatif, la capacité perçue à faire face aux situations de trafic dangereuses, l’adhésion aux croyances et valeurs culturelles, les croyances au contrôle divin, le risque perçu pour des situations de trafic dangereuses, l’explication des accidents et les comportements de sécurité. Les échelles en 4 points sont choisies parce qu’en matière de mesure de la perception des risques selon Sjöberg (2000), les échelles présentant un nombre limité de catégories discriminent mieux les réponses. En outre, les échelles qui présentent un nombre pair de catégories limitent la tendance qu’ont les participants indécis à privilégier la catégorie sans opinion.

Préalablement à la construction du questionnaire, nous avons réalisé des entretiens (voir Annexe 2, p.339) auprès de 8 Camerounais sur une durée moyenne de 45 minutes chacun. L’exploitation des données de ces entretiens (voir Annexe 3, p.340) a permis de construire les échelles du questionnaire (voir Annexe 4, p.356). La construction des échelles s’appuie également sur notre expérience et sur nos connaissances sur les croyances, les risques et les accidents fournies par la littérature. Les autres questions ouvertes ou fermées portent sur les variables sociodémographiques (le sexe, l’âge, le niveau d’étude, le statut en rapport avec la circulation routière, la religion, le groupe ethnique d’appartenance, l’âge du permis de conduire, l’expérience dans la conduite, l’expérience d’accidents et le mode habituel de déplacement). Nous présentons dans les paragraphes qui suivent les mesures des échelles. Afin de s’assurer de la consistance interne des items de chaque échelle, des analyses de fiabilité de Cronbach sont opérées sur les données. En vue de valider les échelles et les différentes sous-dimensions qui peuvent s’en dégager, les données sont traitées par une Analyse en Composantes Principales (ACP) avec rotation varimax.

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2.2.1. Mesure des croyances

La mesure des croyances fatalistes : L’échelle du fatalisme de Kouabenan (1998) est utilisée pour mesurer les croyances fatalistes. Les participants sont invités à exprimer leur degré d’accord ou de désaccord allant de 1 (pas du tout d’accord) à 4 ( tout à fait d’accord) sur 11 propositions qui expriment l’inéluctabilité des accidents, déterminés par le sort ou par des forces invisibles. Exemples d’items : « les accidents de la route sont dus à la malchance,

on n’y peut rien » ou «avant d’entreprendre un long voyage, il vaut mieux consulter un marabout ou un voyant, on ne sait jamais ».

La mesure des croyances de contrôle : Deux mesures sont utilisées ici pour aborder les déclinaisons des croyances de contrôle, notamment l’optimisme comparatif (OC) et la capacité perçue à faire face aux situations de trafic dangereuses (CPFSD). La première est la mesure indirecte de l’OC (Causse, 2003) : les participants sont invités dans un premier temps à estimer la probabilité pour soi de vivre des évènements malheureux et dans un second temps à estimer la probabilité pour un autrui semblable à eux, de vivre les mêmes évènements malheureux. L’OC est mesurée sur deux cibles à savoir les piétons ou passagers et les conducteurs. Pour la première cible, les participants sont invités en tant que piétons ou passagers, d’abord à estimer de 1 (très faible) à 4 (très élevée), la probabilité pour soi de se retrouver personnellement dans 10 évènements malheureux de trafic ; puis à estimer sur la même échelle la probabilité pour un piéton ou passager autre qu’eux de vivre les mêmes évènements. Ces évènements couramment rencontrés au Cameroun sont extraits du discours des participants pendant les entretiens, de la lecture des procès verbaux d’accidents réels, des articles de presse et de notre observation du trafic routier au Cameroun. Exemples d’items : «se faire renverser par une voiture en faisant son jogging dans la rue » ou «être victime

d’un accident en tant que passager d’un véhicule conduit par un chauffeur qui a bu de l’alcool ». Pour la cible conducteurs, la procédure est la même que pour les piétons : estimer

d’abord la probabilité pour soi de «renverser un piéton après avoir grillé un feu rouge » ou

«être impliqué dans un accident en prenant un virage à vive allure » ; ensuite, faire la même

estimation pour un autrui conducteur, sur la même échelle.

En ce qui concerne la mesure de la CPFSD, on invite les participants à estimer de 1(pas

du tout capable) à 4 (tout à fait capable), leur capacité à faire face à des situations de trafic à

risque sans avoir des ennuis ou un accident, s’il leur arrivait d’en être personnellement l’auteur. Il s’agit des situations couramment rencontrées sur les routes du Cameroun tirées de

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la lecture des articles de presse sur les accidents routiers au Cameroun, de l’observation directe du trafic au Cameroun, des procès verbaux d’accidents réels et des travaux de Kouabenan (2002). Exemples d’items : « doubler plusieurs voitures en file quand on est

pressé » ou « marcher sur une route sans trottoir en discutant avec des amis ».

La mesure des croyances au contrôle divin : La mesure des croyances au contrôle divin est inspirée de l’échelle de Goggin et al. (2007) traitant du contrôle perçu de Dieu par les adolescents sur leurs comportements sexuels risqués. Elle nous semble intéressante parce qu’elle traduit la perception du contrôle de Dieu sur les évènements de la vie sans se focaliser sur une doctrine religieuse particulière. Dans notre cas, elle porte sur le contrôle perçu de Dieu sur les situations de trafic dangereuses dans lesquelles un usager de la route peut se retrouver. Les participants sont invités à se prononcer de 1 (pas du tout d’accord) à 4 (tout à

fait d’accord) sur des propositions exprimant le contrôle de Dieu sur des situations de trafic

dangereuses. Exemples d’items : «quand j'ai bu de l'alcool, il n'y a que Dieu pour me

préserver des risques et des accidents de la circulation » ou «c'est Dieu qui décide s'il doit m'arriver un accident de circulation ou pas ».

2.2.2. Mesure de l’adhésion aux croyances et valeurs culturelles

La mesure de l’adhésion aux croyances et valeurs culturelles est inspirée de l’échelle de Reynolds et al. (2006). Ces auteurs mesurent l’adhésion aux valeurs culturelles à travers l’importance accordée à celles-ci, la pratique des activités culturelles et la honte ressentie lors de cette pratique. Nous nous inspirons des deux premières dimensions à savoir l’importance et la pratique. Les croyances, valeurs et activités culturelles portent aussi bien sur l’identification au groupe culturel, la protection de la vie des membres de la communauté que sur des manifestations culturelles à l’occasion des évènements heureux.

Mesure de l’importance accordée aux croyances et valeurs culturelles. Les participants sont invités à estimer l’importance qu’ils accordent personnellement à des valeurs culturelles du Cameroun sur une échelle allant de 1 (pas du tout important) à 4 (très

important). Les croyances et valeurs culturelles dont il est question portent sur des

évènements heureux et malheureux. Nous les avons obtenues à partir d’entretiens, d’une observation directe des pratiques en vigueur dans les groupes culturels camerounais et de nos propres connaissances sur la question. Exemples d’items : «le recours à des moyens de

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protection traditionnels pour se protéger des gens qui vous veulent du mal » ou «la fierté de son appartenance ethnique ».

Mesure de la pratique des activités culturelles. Les participants sont invités à estimer la fréquence à laquelle ils pratiquent des activités qui expriment les croyances et valeurs culturelles sus-évoquées sur une échelle allant de 1 (jamais) à 4 (très souvent). Exemples d’items : «participer activement ou organiser une cérémonie traditionnelle de purification

dans sa famille (lavage d'un malheur, sacrifices sur les crânes des ancêtres) » ou «participer activement aux activités de l'association des ressortissants de son village natal ».

2.2.3. Mesure des explications causales des accidents

Les explications causales des accidents sont mesurées à partir d’une liste de causes possibles d’accidents routiers au Cameroun. Ces causes sont obtenues des entretiens, de la lecture des rapports d’accidents réels et des articles de presse sur les accidents de la circulation au Cameroun, de nos observations et des travaux de Kouabenan (2002). Un classement consensuel des causes est obtenu de la part de deux juges. Ainsi on peut distinguer des causes internes aux conducteurs, exemples : «excès de vitesse» ou «dépassement

dangereux» ; des causes internes aux piétons, exemples : «imprudence des piétons» ou «non respect des feux tricolores par les piétons» ; et des causes externes aux deux, exemples : «panne mécanique subite (éclatement de roue, freins défectueux)» ou «malédiction». Les

juges regroupent également les causes externes aux conducteurs et aux piétons en causes contrôlables, exemples : «vente de permis de conduire par les responsables du Ministère des

Transports» ou «absence de trottoir ou d’accotement» ; et en causes non contrôlables «intempéries (pluie, vent, brouillard, poussière, etc.» ou «destin» (voir Annexe 5, p.369).

Toutes les causes sont distribuées aléatoirement dans l’échelle et les participants sont invités à estimer pour chacune d’entre elles la fréquence à laquelle elle intervient dans la survenue des accidents routiers au Cameroun, sur une échelle allant de 1 (rare) à 4 (très fréquente).

2.2.4. Mesure des comportements de sécurité

Les comportements de sécurité sont mesurés par une échelle de 32 items, conçue par nos soins. Chaque item est constitué d’une affirmation qui présente une situation de trafic suivi d’un comportement susceptible d’être adopté par un usager de la route s’il se retrouvait dans cette situation. Les différentes situations impliquent aussi bien les conducteurs, les passagers

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que les piétons. La moitié des items (items impairs) est constituée de situations de trafic suivies de comportements insécuritaires et l’autre moitié (items pairs) comprend des situations de trafic suivies de comportements sécuritaires. Ces situations et ces comportements sont le fruit de nos observations directes des situations et des comportements de trafic au Cameroun. Ces items sont soumis au préalable à 23 juges d’origine africaine et française qui ont validé la nature (sécuritaire ou insécuritaire) des comportements présentés face à chaque situation. Les participants sont invités à se placer personnellement dans chacune des situations et à se référer à leurs comportements habituels pour donner leur degré d’accord ou de désaccord avec chacune des affirmations sur une échelle allant de 1 (pas du tout d’accord) à 4 (tout à fait

d’accord). Exemples d’items présentant une situation de trafic suivie d’un comportement

insécuritaire : «lorsque je me sens fatigué lors d'un voyage sur un axe lourd, je prends un

excitant qui peut me maintenir éveillé jusqu'à destination » ou «lorsque je marche en groupe sur une route sans trottoir, je marche parfois sur la chaussée, les voitures n'ont qu'à klaxonner pour qu'on leur donne la voie». Exemples d’items présentant une situation suivie

d’un comportement sécuritaire : «quand j'arpente une côte et qu'un véhicule traîne devant moi

au sommet, je ralentis et le suis à bonne distance jusqu'à la fin de la côte et je demande le passage» ou «lorsque je traverse la chaussée hors du passage piéton, je regarde dans les deux sens, évalue la vitesse des voitures avant de traverser».

Nous avons réalisé l’étude à Yaoundé, la capitale politique du Cameroun en mars 2010 sur une durée de deux semaines. Nous avons été assistés par des enquêteurs ayant suivi, une formation d’une durée de 20h sur les techniques d’enquête par questionnaire, par nos soins. Les enquêteurs sont des étudiants en master de psychologie recrutés en fonction de leur appartenance aux quatre traditions culturelles du Cameroun afin de faciliter le contact avec les participants. Des retours d’expérience sont organisés tous les jours sur la durée de l’enquête pour juguler les difficultés rencontrées sur le terrain. Les participants sont recrutés aléatoirement par la méthode du tout venant et les entretiens en face à face ont lieu dans la rue, sur leur lieu de travail ou à leur domicile. Après leur accord préalable pour participer à l’étude, ils sont invités à répondre au questionnaire pendant une durée moyenne d’une heure et demie. Avant de répondre aux questions, chaque participant est informé que l’étude a pour but de comprendre son point de vue sur les risques et les accidents de la circulation au Cameroun et qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses.

Avant de procéder aux analyses nécessaires à la vérification de nos hypothèses, nous nous assurons que les échelles sont bien valides, même si certaines ont été déjà validées par

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ailleurs dans d’autres études. Il s’agit dans le paragraphe qui suit, de vérifier la validité des échelles et de statuer sur les potentielles sous-dimensions qui s’en dégagent.