I. Les approches compétences :
3. Des organisations pour faire apprendre
3.3. L’exemple des pédagogies de l’alternance
3.3.4. Résultats : régulation et pilotage des formations
Exemple de la LP management des organisations.
Un étudiant peut avoir pour mission de conduire un projet ou mettre en œuvre uniquement une partie du projet. Dans le second cas, l’analyse des activités qu’il conduit en entreprise montre qu’il n’anime pas de réunion et ne fait qu’exécuter des décisions prises par d’autres. La mise en situation professionnelle est très différente selon que l’on pilote partiellement ou complètement un projet, les compétences mobilisées également. La question est : comment permettre
à cet étudiant de conduire des réunions et de prendre des décisions ?
Exemple du DU Préparateur en pharmacie industrielle
Parfois, les entreprises d’accueil ne disposent pas de l’ensemble de la palette de services nécessaires à l’apprentissage du métier. La question est devient: comment permettre à cet étudiant d’être en situation de délivrance du médicament ou de stérilisation et pas uniquement de préparation?
Exemple de la LP
Industrie chimique et pharmaceutique.
Un étudiant dans le cadre de sa mission peut ne pas être amené à effectuer des relèves d’équipes. Or on sait combien dans ces métiers, elles sont importantes. La question est : comment permettre
à cet étudiant d’être en situation de relève d’équipe
Tableau 4 : exemples des LP Management des organisation et Industrie chimique, et du DU préparateur en pharmacie (Fernagu Oudet, 2010b)
L’alternance pose la question de la qualité des situations d’apprentissages comme celle des environnements ou contextes d’apprentissages. Tous les contextes et environnements ne sont pas également formateurs, n’ont pas tous la même valeur formative, ne contiennent pas intrinsèquement des éléments porteurs de développement. Et pourtant, l’alternance continue de se développer à tout va à partir du postulat que l’immersion en situation de travail est apprenante en soi. Pourtant, toute expérience n’est pas apprenante (Bourrassa & al., 2009) et toute expérience vécue ne contient pas un potentiel d’analyse (Mayen, 2007), condition
sine qua none pour qu’elle soit apprenante, à minima signifiante.
3.3.4. Résultats : régulation et pilotage des formations
Les outils de régulation et de pilotage des formations s’articulent aux formes de l’alternance. Quelles qu’elles soient, l’élaboration des parcours et des trajectoires prend une coloration particulière en fonction de l’ingénierie qui prévaut, des inten-‐ tions de professionnalisation des porteurs de projets et des moyens qui les accom-‐ pagnent… Nous avons pu ainsi repérer deux manières de concevoir les formations par alternance (Fernagu Oudet, 2007a, 2010a):
• soit à partir d’outils de régulation et de pilotage des formations à l’Université ou en entreprise
• soit à partir des outils permettant de valoriser les allers et retours Université-‐Entreprise (cf. figure 6)
Ils permettent notamment d’instrumenter la formation, de réguler les dispositifs, aménager les cursus et les programmes, et d’organiser les progressions pédago-‐ giques voire d’individualiser les parcours de formation. On distingue les outils centrés sur l’apprenant de ceux centrés sur le groupe ou sur la formation
(cf. tableau 5).
Figure 6 : L’instrumentation du sens de l’alternance Ta-‐ blea u 5 : Les ou-‐ tils de régu gula la-‐ tion des par-‐ cour s et dis-‐ po-‐ sitifs de for
mation (Fernagu Oudet, 2007a)
Outils centrés
sur l’apprenant Outils centrés sur le groupe Outils centrés sur la formation
Au début
de la formation Bilan de positionnement, accompagnement
du projet professionnel, visites d’entreprises, contractualisation des missions
Plan de formation,
rythme et calendrier, réunions de rentrée
Pendant
la formation Visites en entreprises, livret d’apprentissage,
projets collectifs, tutorat, contrats d’objectifs, retours d’alternance, évaluation des compétences Retours d’alternance, bilans de périodes, projets tutorés
Conseils de gestion, réunions pédagogiques, réunions de tuteurs, retours d’alternance,
A la fin
de la formation
Evaluation
de la formation, de ses effets, de son organisation
Le retour d’alternance constitue un exemple particulièrement intéressant puisque nous avons constaté qu’il pouvait s’inscrire dans les 3 perspectives selon l’usage qui en est fait (cf. tableau 5 & fig. 7) et présenter en fonction de son usage, des effets formateurs plus ou moins importants.
Figure 7 : les effets formateurs du retour d’alternance (Fernagu Oudet, 2007a)
Le retour d’alternance comme voie d’analyse
des pratiques et des savoirs professionnels
Le continuum sur lequel il est possible d’inscrire le retour d’alternance va du simple retour sur ce qui s’est fait dans l’entreprise à l’analyse plus poussée de ce qui s’y est fait. Ainsi, l’analyse des pratiques de travail pourra être « sauvage » et aléatoire, ou sera, au contraire, utilisée comme démarche de recherche appliquée, comme source de transposition didactique, comme un moyen d’identification des pratiques et de leur mutualisation, comme explicitation des traits d’une expertise fondée sur l’expérience, comme démarche de (trans)formation, etc. Les possibles sont nombreux. Ainsi, les épi-‐ sodes et les actes professionnels peuvent ou non faire l’objet d’une analyse permettant d’éclairer les pratiques et les savoirs professionnels, de faire du lien avec les enseigne-‐ ments, de leur donner du sens, etc. Les retours d’alternance, dans cette perspective, permettent à l’apprenant de devenir un praticien réflexif. Il est invité à se déprendre du travail, à se mettre à distance du travail. La dynamique de formation relève ici d’un « désenclavement » des pratiques (Fernagu Oudet, 1999, 2006) voire d’un « décloison-‐ nement » de ces dernières à l’occasion des échanges réalisés avec le groupe d’apprenants.
Le retour d’alternance comme voie de mutualisation
et de collectivisation des pratiques et des savoirs professionnels
Ces temps de mutualisation et de collectivisation des pratiques permettent aux apprenants non seulement de se déprendre des situations qui sont les leurs, mais également d’accéder à d’autres manières de faire, de travailler, de résoudre des problèmes professionnels, de « décloisonner le travail ». Certains enseignants expli-‐ quent que ces moments peuvent fonctionner comme des garde-‐fous car si le travail est formateur, il peut aussi être « déformateur »… Ils présentent également l’avantage de dé-‐standardiser les gestes professionnels et les approcher de manière contextualisée, mais aussi de développer les pratiques groupales et le travail
d’équipe lorsque les enseignants mettent en place à l’occasion des retours d’alternance, des groupes de résolution de problème ou des ateliers de cas pra-‐ tiques. On peut parler de formation croisée.
Le retour d’alternance
comme voie de régulation des parcours de formation
Dans certaines UFA, l’objectif des retours d’alternance est plutôt de faire le point sur les activités, sur les contenus de travail et de s’assurer qu’ils sont en phase avec le diplôme ou ne digressent pas quant à la définition de la mission initiale. Parfois ils sont destinés simplement à faire le point sur le programme, les plannings, etc. Ils ont alors une fonction très organisationnelle. La dynamique de formation relève ici d’un contrôle des missions, d’une mise en conformité et d’une organisation fonc-‐ tionnelle de la formation.
Le retour d’alternance,
moment et espace de formation à part entière
Pour ne pas être enveloppé de la tête aux pieds par le contexte dans lequel est réali-‐ sée sa mission, il est important d’aider l’apprenant à médier ses apprentissages professionnels. Les enseignants tentent de susciter les échanges, les confrontations de points de vue, les collaborations, les coopérations pour rendre les retours d’alternance formateurs. Le groupe devient support de formation, ressource, lieu de formation croisée, d’échanges de savoirs (au sens large) de résolution conjointe de problèmes, de partages d’expériences, etc. Ils constatent néanmoins que dans nombre de cas, seule une pratique minimaliste est déployée.
Deux autres outils apparaissent dans le discours des enseignants intéressants en tant qu’espace de médiation des apprentissages professionnels, ce sont le livret d’apprentissage et le tutorat (cf. fig. 8). Ils participent à la construction d’une alter-‐ nance dialectique, mais leur utilisation reste aléatoire.
Figure 8 : les outils itératifs de l’alternance
Ces itérations sont difficiles à mettre en œuvre, et parfois même impossibles du point de vue de certains responsables pédagogiques. Ils tentent alors de porter un regard sur les compétences en construction des étudiants et leur parcours en en-‐ treprise à partir de la mise en œuvre de projets collectifs tels que les projets tuto-‐ rés, les études de cas, les jeux d’entreprises, les jeux de rôle (Fernagu Oudet, 2007a)
Ces espaces de médiation des apprentissages professionnels renvoient à des dispo-‐ sitifs qui peuvent s’inscrire dans une logique d’organisation formatrice mais à la condition qu’ils fonctionnent comme des espaces qui facilitent les apprentissages. Ce qui n’est dans la pratique, pas toujours le cas. Il ne suffit pas de se rapprocher du travail pour apprendre, encore faut-‐il que des activités réflexives, métacogni-‐ tives et du conflit sociocognitif naissent des échanges.