• Aucun résultat trouvé

4. Résultats de l’intervention et émergence de la problématique de recherche

4.4. Les résultats de l’intervention du point de vue du développement du métier

développement du métier

Le développement de la fonction psychologique et sociale du collectif de travail constitue l’indice d’un développement du métier dans l’organisation. C’est pourquoi nous pouvons reprendre les résultats de l’intervention de ce point de vue. Il nous faut pour cela définir le concept de métier. Nous le ferons à partir du travail de Osty (2010), et de Clot (2008a).

Ce dernier a cherché à conceptualiser le métier à partir notamment du travail de F. Osty (2010) pour qui « loin d’être marginal, [le] phénomène social d’affirmation des métiers pourrait bien s’amplifier, sous le coup des nouveaux enjeux de production, réhabilitant alors le métier comme une configuration sociale et organisationnelle de la modernité » (p. 238). Pour l’auteure, trois instances organisent le « désir de métier » : le collectif assure la socialisation et l’identification à une communauté de métier ; le travail et le professionnalisme définissent le métier du côté des savoirs de l’action face aux événements qui se présentent en situation professionnelle ; enfin, le processus de professionnalisation stabilise les règles. Ces trois instances « circonscrivent ici les scènes sociales où se déploient trois processus distincts : l’élaboration d’une compétence spécifique, l’accès à l’identité et l’édification des règles sociales » (Ibid., p.228). Or justement, dans les institutions et les entreprises actuelles « plus l’écart s’accroît entre l’offre identitaire véhiculée par les règles de gestion et l’expérience individuelle et collective de subjectivation au travail, et plus le sentiment de malaise vient prendre le pas sur la construction d’une identité de métier » (p.226). Ici le rôle de l’encadrement de proximité est de première importance puisque, en tant « qu’acteur hybride » sa fonction consiste pour Osty à « construire une synthèse supportable entre des logiques à priori irréconciliables » (Ibid., p.227). Selon l’auteure, dans la fonction de régulation de l’encadrement de proximité, « la reconnaissance du sujet y est tout aussi cruciale que celle des compétences » (p.230). La reconnaissance est entendue ici dans son acception intersubjective – l’individu impliqué dans le métier avec d’autres qui doivent le reconnaître – et non pas dans son rapport au métier – le métier dans l’individu et entre les individus comme un rapport à la norme, collectivement institué.

Pour Clot (2008a), « il faut aller jusqu’à s’intéresser au métier dans l’individu et pas seulement à l’individu dans le métier défini […] comme communauté d’appartenance. Il faut aller jusqu’à comprendre la fonction psychique interne du collectif de métier. » (p.254). Entendu de cette manière, le métier constitue une sorte de contenant collectif dans lequel chaque professionnel doit pouvoir se reconnaître. Une « contenance générique » qui inscrit le

95 métier « dans une histoire technique, cognitive et même corporelle. » (Ibid. p.255). Or, en l’absence de cette contenance générique que les professionnels utilisent comme instrument de leurs activités individuelles, « la psychopathologie du travail n’est jamais loin » (Ibid., p. 256). C’est pourquoi l’une des voies d’action consiste à tenter de restaurer la contenance du métier qui permet à chacun de s’y reconnaître, afin de revitaliser le « sentiment de vivre la même histoire », si important pour la santé.

Clot (Ibid.) a ainsi défini une « architecture du métier », à même de soutenir cette voie d’action consistant à le « re-contenancer », ou à le restaurer. Il distingue quatre registres différents, sur lesquels le métier peut « s’écrire » d’un point de vue développemental :

- Le registre personnel : le métier est toujours incarné par un sujet qui déploie une activité propre ;

- le registre interpersonnel : le métier est toujours constitué de rapports intersubjectifs entre différents professionnels, soit entre ceux qui réalisent la même tâche, soit dans les activités conjointes entre eux, et l’activité du sujet leur est toujours adressée ; - le registre transpersonnel : le métier est traversé par une histoire collective qui

constitue ce que Clot et Faïta (2000) ont appelé le genre professionnel, fait de « sous- entendus » collectifs qui permettent à chacun de se mettre au « diapason » dans chaque situation ;

- le registre impersonnel correspond à l’activité de prescription (définition de fonctions, de statut, de carrière, mais aussi définition et répartition des tâches au sein d’une organisation). Cette dimension est la plus décontextualisée, elle constitue « ce qui tient le métier au-delà de chaque situation particulière » (Clot, 2008b, p.181) dans l’institution ou l’organisation.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le présenter, le dispositif d’intervention repose sur une méthodologie qui est d’une part indirecte et d’autre part développementale. Autrement dit, il propose, par des méthodes telles que les autoconfrontations, de soutenir un travail réflexif des professionnels sur leur activité et, par une multiplication des contextes organisée pour penser l’activité, de développer la plasticité entre ces quatre instances du métier, dépositaires de marges de manœuvre propres, et le pouvoir d’agir.

Dans cette modélisation du métier, les quatre instances sont liées entre elles, mais ne sont pas figées. Elles sont prises dans une tension permanente qui permet leur mise en mouvement. C’est pourquoi le mouvement de l’une peut potentiellement en modifier une autre. L’instance impersonnelle, par exemple, devrait pouvoir être affectée par les mouvements de l’instance

96 transpersonnelle pour que l’organisation soit un soutien pour l’activité individuelle et collective, et non un empêchement. De nombreux travaux en clinique de l’activité ont montré que les situations de travail se dégradent lorsque les mouvements entre ces instances sont « grippés » ou rendus impossibles (Kostulski, & al., 2011 ; Litim, 2006 ; Roger, 2007).

Comme nous l’avons présenté précédemment, le développement de la fonction psychologique du collectif, devenu une ressource potentielle pour l’activité individuelle de chaque chef d’équipe, constitue la trace d’un développement du métier dans l’organisation. Le développement de la fonction psychologique correspond à une transformation des rapports entre les trois premiers registres du métier – personnel, interpersonnel, et transpersonnel – dans le cadre de la co-analyse en autoconfrontation.

C’est dans ce cadre que les chefs d’équipe ont pu faire l’expérience de la comparaison comme moyen pour repenser leur activité. L’autoconfrontation a ainsi constitué dans l’intervention un espace de développement des registres personnel, interpersonnel et transpersonnel du métier. La méthode semble avoir permis la reprise par les chefs d’équipe d’un certain nombre de présupposés génériques constitutifs du genre professionnel.

Nous avons relevé par exemple la manière dont A. avait pu modifier son tableau de répartition des tâches à la suite des échanges sur les manières possibles de l’afficher dans l’atelier, soit la veille, soit le matin même. Cette modification de la manière de faire peut être conçue comme une modification du « clavier » des actions disponibles pour agir dans l’activité de A., qui s’est emparé des variantes qui ont été discutées pour en faire quelque chose dans son activité propre.

C’est enfin dans le cadre des comités de pilotage que nous avons tenté de montrer le travail qui s’est engagé du côté du registre impersonnel du métier, en ce qui concerne la transformation de l’activité de prescription. Ici, le développement de la commande vers une élaboration des moyens pour soutenir le travail des chefs d’équipe marque le développement qui s’est engagé auprès des concepteurs et entre eux. Dans ce travail, le collectif occupe une place importante, inattendue pour ce collectif lui-même, ce qui n’était pas le cas en début d’intervention.

97

Outline

Documents relatifs