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La co-analyse en autoconfrontation : l’engagement du dialogue à l’intérieur du

3. L’intervention réalisée dans le service technique de la propreté de Paris

3.4. La co-analyse en autoconfrontation : l’engagement du dialogue à l’intérieur du

dialogue à l’intérieur du collectif

Nous présentons le calendrier de la co-analyse réalisée avec le collectif dans le tableau 4.

Chefs d’équipe associés à l’intervention

Analyse de l’activité de « mise en route » en atelier Analyse de l’activité de répartition des tâches

Films d’activité

ACS ACC 1 ACC 2 Films

d’activité ACS ACC Mr G.F. 14/03/2012 03/04/2012 07/05/2012 25/05/2012 20/09/2012 13/12/2012 11/01/2013 Mr F.P. 16/04/2012 26/04/2012 07/05/2012 01/06/2012 25/10/2012 27/12/2012 05/01/2013 Mme L.C. 21/03/2012 29/03/2012 31/05/2012 24/05/2012 22/10/2012 28/12/2012 11/01/2013 Mr A.L. 05/03/2012 12/04/2012 31/05/2012 01/06/2012 Mme N.C. 20/02/2012 16/05/2012 24/05/2012 25/05/2012 20/12/2012 04/01/2013 05/01/2013 Mr B.T. 25/09/2012 06/11/2012 14/11/2012 17/12/2012 12/02/2013 19/02/2013 08/04/2013 Mr E.F. 24/10/2012 29/10/2012 14/11/2012 12/02/2013 20/02/2013 08/04/2013 Mr M.D. 19/10/2012 29/10/2012 15/11/2012 Mr C.P.N. 28/09/2012 31/10/2012 15/11/2012 03/04/2013 07/04/2013 10/04/2013 Mr J.P.G. 27/09/2012 26/10/2012 21/12/2012 19/11/2012 19/02/2013 22/02/2013 26/02/2013 Mme M.B. 31/10/2012 01/11/2012 21/12/2012 02/11/2012 Mr M.D.O. 18/10/2012 22/10/2012 17/12/2012 19/11/2012 19/02/2013 21/02/2013 26/02/20103 Mr E.J. 05/10/2012 23/10/2012 02/11/2012 04/02/2013 08/03/2013 10/04/2013 Tableau 4 : Calendrier des autoconfrontations simples et croisées

73 Nous reviendrons essentiellement dans cette partie sur les obstacles principaux qui se sont posés à nous dans le cours des autoconfrontations, ainsi que sur la manière dont nous avons organisé l’articulation entre le collectif de chef d’équipe et le comité de pilotage.

L’obstacle majeur que nous allons reprendre concerne la difficulté à engager un dialogue sur le travail à l’intérieur du collectif au moyen des autoconfrontations. La co-analyse a constitué dans l’intervention une épreuve difficile pour les professionnels, qui ont d’abord cherché à analyser de façon systématique l’adéquation entre leur manière de faire et la prescription, plutôt que de faire des analyses un moyen de l’échange entre eux. Ce phénomène souligne à nouveau l’état du dialogue initial entre les chefs d’équipe et leur hiérarchie, davantage centré sur le respect des règles que sur la résolution des obstacles concrets qui s’imposent dans l’activité.

3.4.1. La commande : une expérience affective qui pèse dans

l’autoconfrontation

Lors de la réalisation des premières autoconfrontations, un obstacle s’est souvent présenté de façon systématique. Les professionnels ne s’engageaient pas immédiatement dans l’analyse de leur activité, mais semblaient plutôt préoccupés par ce que « pourrait en dire la direction ». Autrement dit, l’expérience affective faite par le collectif lors de la présentation de la commande a eu des effets jusque dans la situation d’analyse en autoconfrontation. Chaque image filmée constituait l’occasion pour le chef d’équipe d’interroger la conformité de son activité à la prescription. Les concepteurs ont semblé constituer, dans les premiers temps de la co-analyse, les seuls destinataires des analyses. C’est pourquoi le travail clinique lors des autoconfrontations a alors consisté à déplacer l’adressage des analyses pour installer une forme de comparaison entre les professionnels du collectif. Nous cherchions à provoquer dans le cours des autoconfrontations l’étonnement des chefs d’équipes sur leurs manières de faire afin de renforcer l’intensité des échanges au sein du collectif (Simonet, Caroly, & Clot, 2011). Nous rapportons ci-dessous deux extrait de l’autoconfrontation simple réalisée avec A., qui est chef d’équipe en atelier de balayage pour illustrer cette tentative. Ici, A. réalise l’analyse de la « mise en route » qu’il a effectuée en présence de l’intervenant. Le premier extrait reprend le début de l’autoconfrontation et illustre la manière dont A. adresse les analyses aux concepteurs de l’organisation.

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A. : (regarde les images) J’ai pas bien compris ce qu’il a dit là. I. : On peut le remettre hein (revient en arrière sur le film)

A. : « ça va chef »… J’sais pas oh c’est amical c’est sympa. (le film redémarre) I. : (regarde les images) ça va… j’ai rien compris là.

A. : Qu’est-ce qu’il dit ? J’arrive pas a... Bon j’suis un peu sourd mais bon I. : Non mais c’est le son de la caméra. (revient en arrière sur le film)

A. : (…) « un p’tit cawa » ! Ouais « vous voulez un p’tit cawa ? » (regarde l’intervenant) I. : « un p’tit cawa »

A. : Voilà là c’est mieux… donc euh… rien de… (fait la moue) I. : Quand tu arrives quoi tu prends un p’tit cawa.

A. : Oui ouais.

I. : Mais c’est qui c’est lui qui te dit « vous voulez un p’tit cawa ? »

A. : Oui oui c’est Doudou ouais, « un p’tit cawa » ouais… ouais c’est Doudou. I. : Parce que c’est lui euh c’est lui qui te sert ton café en fait ?

A. : Nan nan mais parce que j’fais bon. Quand j’arrive à cette heure-là en général j’prends le café et puis comme ils sont toujours… c’est les mêmes qui sont à peu près dans le réfectoire donc euh euh des fois ça m’arrive j’dis « tiens Doudou t’as servi le café ? » comme ça bon ben… (regarde l’intervenant) ça c’ c’ c’est bien…

I. : On te propose du café quand tu arrives. A. : Moi ça me gêne pas hein ça.

I. : Non non, mais on regarde pas seulement ce qui est gênant. A. : Ouais… C’est pas gênant non plus de… de montrer ça ? I. : Ah ben… Je sais pas… Qu’est-ce que tu en penses ?

A. : Non pfff ça me dérange pas… Moi jusque-là ça me dérange pas du tout… Ouais jusque-là ça va hein !

Tableau 5 : Extrait n° 1 d’autoconfrontation simple avec A.10

Dans cet extrait (tableau 5), le fait de boire un café lors de l’arrivée en atelier constitue le premier objet d’analyse pris en charge entre l’intervenant et le chef d’équipe. Les derniers tours de paroles de l’extrait montrent que l’analyse s’oriente pour A. sur la recherche de ce qu’il est possible de montrer ou non aux concepteurs de l’organisation. C’est pourquoi, la question du café, qui peut sembler anodine, revêt une importance nouvelle dans la situation d’analyse avec l’intervenant. Plutôt que de faire l’analyse de sa manière de faire, A. s’engage ainsi dans l’analyse de la conformité de sa manière de faire à la prescription. Le début de l’autoconfrontation est marqué par cet adressage fort de l’analyse, dirigée vers les concepteurs. Chaque objet pris en charge par l’intervenant et par le chef d’équipe est une occasion pour ce dernier de vérifier que sa manière de faire ne fera pas polémique auprès de la hiérarchie. C’est là encore selon nous un indice de l’état du dialogue dans l’organisation entre les concepteurs et les professionnels de terrain. L’activité se tourne presque mécaniquement vers le rapport à la norme prescrite, sans référence aux normes instituées par le collectif.

10 Dans la transcription de ce cet extrait et des suivants, nous intégrons la transcription de la ponctuation afin

75 Mais, dans la poursuite de l’autoconfrontation, l’intervenant tente de déplacer le questionnement afin de provoquer l’étonnement de A. sur sa manière de faire. De cette façon, il entend faire de l’activité de A. une question qu’il s’adresse à lui-même, et pas uniquement aux concepteurs, afin que le chef d’équipe puisse s’engager dans une activité réflexive sur sa propre activité, et afin de préparer le dialogue à venir avec le collectif de pairs.

Le second extrait (tableau 6) présente la fin de l’autoconfrontation simple. A. revient avec l’intervenant sur l’horaire de départ des éboueurs sur leur secteur de balayage prévu à 6h10. Sur les images, A. répète à de multiples reprises aux éboueurs qu’il « faut y aller » afin de les pousser à respecter cet horaire de départ.

A. : Ils savent (les éboueurs) que je suis à cheval sur les horaires et que… euh… pffff c’est pas que je suis, c’est que tout le monde devrait être bon sang… Alors on y est plus ou moins… même mes collègues ils se répètent hein tout le monde se répète à la mise en route. Ils se répètent pas les collègues euh… ceux que tu as filmés ?

C. : Ah ben il y en a qui ne disent pas du tout « en route » « faut y aller »

A. : Ils disent rien du tout parce que… donc ils ont des des… ils ont des gens disciplinés euh… et puis qui partent bien alors ?

C. : Ben… non ! (rire) A. : Ils partent pas du tout ? C. : Si ! (rire)

A. : Mais plus tard ?

C. : Euh… ben pas sur la vidéo qu’on a… A. : Ils partent plus tard alors ?

C. : Non non ils partent à l’heure… ils partent pas sur… non non ils partent à l’heure A. : Donc je répète peut être de trop « faut y aller » ?

Tableau 6 : Extrait n° 2 d’autoconfrontation simple avec A.

Dans cet extrait, A. est poussé par l’intervenant à reprendre sa manière de faire la mise en route. Le premier énoncé montre que A. se questionne sur son attachement à faire respecter les horaires de départ et sur sa manière de « pousser » les éboueurs à partir en répétant à de nombreuses reprises « faut y aller » ou « en route ». Il questionne ensuite l’intervenant afin de vérifier que cette modalité d’action existe bien chez tous les chefs d’équipe. Mais ce dernier résiste d’abord à l’interprétation de A., en reprenant les manières de faire d’autres chefs d’équipe qu’il a pu observer, qui ne se répètent pas lors de la mise en route.

Le dialogue débouche sur le questionnement que A. s’adresse à lui-même sur sa manière de faire : « peut-être que je répète de trop "faut y aller" ? » qui marque son engagement dans une activité réflexive sur son activité propre.

Ces éléments sont représentatifs des débuts de la co-analyse en autoconfrontation que nous avons réalisée avec les professionnels. La commande d’intervention qui est perçue par les

76 chefs d’équipe comme une remise en cause de leur capacité à « motiver » les éboueurs, continue d’agir, même à leur insu, jusque dans les échanges en autoconfrontation avec l’intervenant. C’est pourquoi, la possibilité de s’étonner sur sa propre activité revêt ici une importance majeure dans l’intervention. Ces étonnements déplacent les destinataires du dialogue, qui est d’abord adressé aux concepteurs, et le dirige à l’intérieur du collectif de pairs afin que ce dernier puisse s’emparer des questions de métiers qui se révèlent par l’analyse. La possibilité pour que les chefs d’équipe installent une autorité renouvelée sur leur propre travail dans l’organisation est conditionnée par la possibilité pour eux de s’emparer collectivement des questions de métier qui les préoccupent d’abord individuellement.

3.4.2. Restitutions des analyses au collectif de travail et préparations des

comités de pilotage

A l’issue des analyses en autoconfrontation, nous avons organisé de manière systématique des réunions de restitution des analyses au collectif. Pour cela, nous présentions aux chefs d’équipe un montage filmé alternant des extraits de dialogues en autoconfrontation et des extraits d’activité filmée en situation de travail en liens avec le dialogue. Ces échanges étaient enregistrés avec l’accord des chefs d’équipe.

Ces réunions avaient deux objectifs. Elles visaient d’abord à poursuivre l’élaboration engagée lors des autoconfrontations, avec l’ensemble du collectif. A cette occasion, les étonnements produits lors des phases précédentes de la méthode pouvaient être réinvestis dans l’échange collectif et permettaient d’ouvrir le champ de la discussion entre pairs sur les critères et les priorités de l’action. Ces réunions de restitution avaient également pour objectif de mettre en discussion « ce qu’il faudrait adresser » des analyses au comité de pilotage de l’intervention. C’est la réalisation de ce deuxième objectif qui nous permettait de revenir avec les chefs d’équipe sur les questionnements engagés lors des autoconfrontations.

Lors des discussions qui menaient aux choix des séquences à présenter en comité de pilotage, nous n’avons jamais abandonné notre point de vue au profit de celui des professionnels. Il nous est arrivé, surtout au début de l’intervention, de défendre certaines séquences, qui étaient selon nous importantes à mettre en discussion auprès du comité de pilotage.

Au cours de ces séances de travail, les professionnels commençaient par prendre connaissance d’extraits vidéo de dialogues en autoconfrontation croisée. Nous commencions par laisser la place à la discussion collective sur le problème posé à partir des séquences visionnées.

77 Chacun pouvait alors reprendre, avec les autres, les points de vue rendus explicites dans la séquence. Le plus souvent, les controverses professionnelles se poursuivaient au sein du collectif à la suite du visionnage. L’intervenant organisait les échanges afin de permettre la poursuite de l’élaboration dans le collectif.

Ces échanges avaient pour fonction de préparer le choix des séquences à adresser au comité de pilotage. Ces réunions de restitutions collectives ont permis de produire, au cours de l’intervention, trois montages filmés des analyses réalisées en autoconfrontation. Chacun de ces montages a été adressé au comité de pilotage (comité n°3, n°4 et n°5). Ils permettaient d’engager les échanges dans le cadre de ces comités. C’est sur ce travail que nous allons revenir maintenant.

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